Intervention de Sébastien Jumel

Séance en hémicycle du lundi 28 mai 2018 à 16h00
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Article 14

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

Après des années d'utilisation massive des engrais, antibiotiques, pesticides et autres insecticides chimiques, le Gouvernement et la profession agricole, prenant conscience de la nocivité de ces produits non seulement pour les consommateurs, mais également pour les agriculteurs eux-mêmes, se sont donné pour objectif, à la suite du Grenelle de l'environnement, de réduire l'usage de ces produits. C'est l'objet du plan Ecophyto 2018, lancé en 2008, qui visait à réduire de moitié, d'ici à 2018, l'usage des produits phytosanitaires dans l'agriculture française. Malheureusement, ce plan n'a pas rencontré le succès escompté, et l'objectif affiché n'a pas été atteint. Pis, l'utilisation de ces produits a augmenté dans notre pays depuis 2008.

Ce constat de la stabilité – au mieux – de l'utilisation des produits phytosanitaires n'est guère encourageant et nous interpelle tous, en tant que parlementaires, citoyens, parents, et personnes soucieuses du pays dans lequel nous vivons. En effet, il est incompréhensible que l'usage des produits phytosanitaires ne diminue pas, alors que leur nocivité a été prouvée, à la fois pour la santé humaine et pour l'environnement. Il est assez facile, pour s'exonérer de ses propres responsabilités, de se contenter d'accuser le lobbying de l'industrie chimique, même si celle-ci a joué un rôle colossal.

Contrairement à l'opinion commune, selon laquelle l'agriculture biologique est bien moins productive que l'agriculture conventionnelle, une « méta-étude » américaine, synthétisant les résultats de 115 études de trente-huit pays, portant sur cinquante-deux espèces végétales et couvrant trente-cinq années, a récemment démontré que l'écart n'était, en réalité, que de 19 %, mais surtout qu'il pouvait être réduit à respectivement 9 % et 8 % en cas de recours aux cultures associées – plusieurs plantes cultivées sur la même parcelle – ou à la rotation des cultures.

Bien plus, une étude de l'Institut Rodale de Pennsylvanie comparant sur trente ans les exploitations biologiques et conventionnelles d'une province canadienne montre que, après une période de transition de trois ans, les rendements biologiques ont égalé les rendements conventionnels. Qui plus est, ces études ont également démontré que les cultures biologiques ont été plus résilientes que les cultures conventionnelles. Ainsi, les rendements de maïs biologique étaient de 31 % plus élevés dans les années de sécheresse, et même supérieurs à ceux des maïs génétiquement modifiés dits « tolérants à la sécheresse ».

Je veux qu'on aborde ce sujet d'une manière pragmatique. L'examen des amendements nous en donnera l'occasion. D'abord, il faut arrêter de culpabiliser et de stigmatiser les agriculteurs. Nous savons combien les agriculteurs ont progressé sur cette question. Ils ont été volontaristes, et cherchent eux aussi des alternatives préservant leur santé et permettant d'améliorer la qualité des produits pour les consommateurs.

Nous nous heurtons à plusieurs difficultés. D'abord, il n'y a pas de position commune à l'échelle européenne. Les amendements que nous adopterons ont vocation à donner un cap permettant au Gouvernement de défendre, à l'échelle européenne, des mesures acceptables et responsables. Ensuite, il semble nécessaire de développer les alternatives au glyphosate – je m'appuie pour dire cela sur un rapport cosigné par André Chassaigne. Selon l'INRA, ces alternatives existent, même s'il demeure des impasses. Ce ne sont pas les ONG environnementales qui le disent, mais l'Institut national de la recherche agronomique qui, saisi le 2 novembre, a remis un rapport scientifique aux ministres compétents.

Cette contribution pèsera lourd dans le débat sur l'herbicide controversé, que l'Europe vient d'autoriser de nouveau pour une durée qui me paraît trop longue. L'INRA souligne l'ampleur du défi en rappelant que plus de 9 100 tonnes de cette substance active ont été consommées en 2016 en France métropolitaine. Le glyphosate entre en effet dans la composition de plusieurs centaines de désherbants.

L'INRA met ainsi en avant « la destruction du couvert végétal par le désherbage mécanique et le travail superficiel du sol », « le labour pour assurer la destruction par enfouissement de l'ensemble de la végétation », des « stratégies d'évitement partiel dont le recours au gel hivernal des couverts intermédiaires, ou l'utilisation d'agroéquipements spécifiques permettant le hachage de la végétation », ou encore « la culture sous mulchs vivants [paillage ou plantes de couverture] qui induit une limitation des adventices ». C'est donc un panel de méthodes qui est proposé. Le président-directeur général de l'INRA prévient, et nous devons aussi en tenir compte, qu'il n'y a pas de solution miracle et que l'on ne trouvera pas, du jour au lendemain, une molécule miracle pour remplacer les produits qui vont nous occuper quelques minutes, voire quelques heures.

Pour me résumer, la position des parlementaires communistes se veut, je crois, équilibrée. Oui, il faut sortir du glyphosate, dans un délai compatible avec les annonces présidentielles. Le délai de trois ans nous paraît une limite : il nous faut, parfois, fixer des obligations calendaires. Oui à tout cela, donc, à condition de prévoir des mesures d'accompagnement pour les agriculteurs et de soutenir l'INRA, avec les moyens nécessaires, dans sa recherche d'alternatives. Telle est la manière dont nous entendons aborder ce débat important.

Depuis le début de nos débats, mardi dernier, nous avons beaucoup parlé d'agriculture, en commençant par prôner une inversion du mode de construction des prix, afin de les rendre rémunérateurs pour les agriculteurs. De ce point de vue, nous sommes à mes yeux loin du compte. Puis nous avons beaucoup échangé sur la nécessité de sanctions adaptées, à la juste hauteur, pour ceux qui ne jouent pas le jeu. Sur ce point, les modifications apportées me semblent positives. Samedi et dimanche, enfin, nous avons beaucoup parlé des problématiques environnementales et du bien-être animal. Le père de famille que je suis sait à quel point les jeunes générations sont légitimement sensibles à ces questions. Au cours du week-end, nous avons atteint, me semble-t-il, des positions assez raisonnables.

Mais, je veux le dire à la veille de la fin de nos débats, pensons au bien-être des agriculteurs. N'oublions pas que, si l'on veut une agriculture à dimension humaine, respectueuse de l'environnement et soucieuse de laisser une planète en bon état à nos enfants et petits-enfants, il nous faut préserver le bien-être des agriculteurs. Ce sera aussi la feuille de route des parlementaires communistes.

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