La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (nos 627, 902, 838).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures cinquante-huit minutes pour le groupe La République en marche, dont 100 amendements sont en discussion ; trois heures trente-six minutes pour le groupe Les Républicains, dont 238 amendements sont en discussion ; deux heures deux minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 14 amendements sont en discussion ; deux heures trente-sept minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 44 amendements sont en discussion ; deux heures onze minutes pour le groupe Nouvelle Gauche, dont 28 amendements sont en discussion ; deux heures deux minutes pour le groupe La France insoumise, dont 25 amendements sont en discussion ; deux heures trente-deux minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 6 amendements sont en discussion, et deux minutes cinquante-deux pour les députés non inscrits, dont 50 amendements sont en discussion.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 14.
La parole est à M. Dino Cinieri, premier orateur inscrit sur l'article.
Madame la présidente, monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, l'article 14 prévoit d'interdire toute remise, rabais et ristournes, différenciation des conditions de vente ou remise d'unités à titre gratuit, lors de la vente de produits phytosanitaires autres que les produits de biocontrôle ou les substances de base. Il prévoit également des amendes administratives élevées en cas de manquement aux interdictions.
Une telle mesure méconnaît la réalité du terrain. Si les producteurs ont recours à ces produits, ce n'est jamais avec plaisir, mais pour protéger leurs cultures, car des solutions préventives de type vaccins n'existent pas, et les solutions alternatives ne sont pas encore suffisantes et impliquent des changements profonds, comme le souligne le récent rapport de l'Institut national de la recherche agronomique – INRA – sur les usages du glyphosate et les alternatives à ce produit dans l'agriculture française.
En outre, aucune étude d'impact de la proposition n'a été faite ni sur le plan économique ni sur le plan de la déstructuration d'une partie de la recherche appliquée.
L'article 14 et le suivant traduisent dans la loi des attentes partagées par le plus grand nombre, comme nous avons pu le constater au cours des États généraux de l'alimentation, et lors de nos échanges réguliers avec nos concitoyens et la grande majorité des agriculteurs de nos circonscriptions. Depuis quelques années, on a pris conscience de la nécessité de réduire l'utilisation des produits phytosanitaires en agriculture. Si la France reste le premier pays consommateur d'Europe en volume, compte tenu de sa taille, elle se classe au septième rang si l'on rapporte la quantité de produits phytosanitaires utilisés au nombre d'hectares cultivés.
Soulignons que cette consommation diminue, mais nous sommes nombreux à souhaiter qu'elle continue à diminuer. Les dispositions législatives contenues dans les articles 14 et 15 permettront, entre autres, de renforcer le plan d'action pour réduire la dépendance de l'agriculture aux produits phytopharmaceutiques présenté le 25 avril dernier par quatre de nos ministres, dont le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Chers collègues, en tant que scientifique, en l'occurrence chimiste, qui a grandi dans une ferme d'élevage, je tiens à souligner que ces dispositions permettront de placer l'agriculture française sur une trajectoire positive, qui, j'en suis sûr, favorisera clairement la transition vers une alimentation plus saine et un impact environnemental moindre.
Toutefois, je tiens à appeler votre attention sur la nécessité d'aborder le débat sur ces articles avec rigueur, pragmatisme et le sens de l'intérêt de tous : celui des agriculteurs, de leurs voisins, de tous les consommateurs, et de tout ce qui fait notre environnement – l'eau, l'air, le sol, la faune et la flore. Pour illustrer mon propos, je prends volontairement l'exemple des expérimentations d'épandage par drone proposées à l'article 14 sexies. Ce type de propositions implique de préciser clairement le périmètre d'application.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je tiens à donner le sens de tous les amendements que je vais défendre sur le sujet des pesticides, et à rappeler ce qui doit guider la décision du législateur. Premièrement, les menaces sur la santé humaine et la destruction d'une violence inouïe de la biodiversité nous mettent face à un compte à rebours. Deuxièmement, le degré de certitude scientifique d'ores et déjà acquis sur le lien entre ces dégâts irréversibles et les pesticides engagent désormais non seulement la responsabilité morale et politique des pouvoirs publics, mais aussi leur responsabilité juridique, voire pénale.
Cela signifie que tout produit notoirement dangereux doit être interdit. Le glyphosate est cancérogène probable : il doit être interdit. À elle seule, l'affaire des Monsanto papers, qui est la plus grande falsification scientifique de l'histoire, doit justifier notre décision. Quand des pesticides sont classés cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques, perturbateurs endocriniens, ils doivent être interdits. Quand des scientifiques alertent sur les fongicides SDHi – inhibiteurs de la succinate déshydrogénase – , qui modifient la structure de l'ADN humain, il faut les suspendre.
Troisièmement, je ne supporte plus l'hypocrisie des pouvoirs publics, qui autorisent ces produits dangereux en toute connaissance de cause en se défaussant sur le monde agricole, et en demandant aux agriculteurs de réduire les quantités et de faire des efforts. Aujourd'hui, la santé des agriculteurs est en cause. C'est pourquoi nous nous battons pour la création d'un fonds d'indemnisation des victimes permettant de reconnaître le préjudice intégral qu'ils ont subi.
Quatrièmement, la sortie des pesticides permettra non seulement la reconquête des abeilles, des vers de terre, des oiseaux des champs, et la protection de la santé humaine, mais il est également prouvé qu'elle améliorera le revenu des agriculteurs : la réduction des intrants grâce à l'agro-écologie est un facteur fondamental d'amélioration du revenu agricole.
Enfin, quand nous avons pris nos responsabilités et interdit les néonicotinoïdes, à compter du 1er septembre prochain, la France a prouvé qu'elle pouvait entraîner toute l'Europe. Ce que nous avons fait pour les néonicotinoïdes, nous devons le faire pour le glyphosate et tous les pesticides dangereux.
Après six jours et six nuits de débats dans cet hémicycle, nous entamons un nouveau chapitre, relatif aux produits phytosanitaires. Il faut saluer la volonté du Gouvernement et de la majorité de réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, tout en aidant les agriculteurs à trouver des solutions alternatives. L'Assemblée nationale s'est investie sur le sujet depuis plus de six mois, au travers d'une mission d'information commune sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Je salue le travail des deux co-rapporteurs et de la présidente. Leur rapport met en exergue deux points : le renforcement des mesures de protection contre les effets sanitaires et environnementaux des produits phytopharmaceutiques, et la promotion d'un nouveau modèle agricole conciliant enjeux économiques et écologiques.
Leurs propositions s'inscrivent dans la logique développée par les plans Écophyto 1 et 2, les certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques – CEPP – , l'instauration des fermes Dephy, et les articles 14 et 15 de ce projet de loi. Il faut encourager les pratiques vertueuses permettant de réduire drastiquement l'usage des produits phytosanitaires, comme l'agriculture biologique, mais également l'agriculture de conversion. La proposition, formulée dans le rapport, de consacrer 15 % de surface agricole utile à l'agriculture biologique d'ici à 2022 a été introduite dans le projet de loi en commission. Les députés du groupe La République en marche s'en félicitent.
S'agissant du glyphosate, il faut saluer la volonté du Président de la République et son engagement d'en finir avec ce produit d'ici à trois ans, tout en accompagnant les agriculteurs dans cette transition. Je salue l'engagement des acteurs, mobilisés sur cette question depuis le Salon de l'agriculture.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Après des années d'utilisation massive des engrais, antibiotiques, pesticides et autres insecticides chimiques, le Gouvernement et la profession agricole, prenant conscience de la nocivité de ces produits non seulement pour les consommateurs, mais également pour les agriculteurs eux-mêmes, se sont donné pour objectif, à la suite du Grenelle de l'environnement, de réduire l'usage de ces produits. C'est l'objet du plan Ecophyto 2018, lancé en 2008, qui visait à réduire de moitié, d'ici à 2018, l'usage des produits phytosanitaires dans l'agriculture française. Malheureusement, ce plan n'a pas rencontré le succès escompté, et l'objectif affiché n'a pas été atteint. Pis, l'utilisation de ces produits a augmenté dans notre pays depuis 2008.
Ce constat de la stabilité – au mieux – de l'utilisation des produits phytosanitaires n'est guère encourageant et nous interpelle tous, en tant que parlementaires, citoyens, parents, et personnes soucieuses du pays dans lequel nous vivons. En effet, il est incompréhensible que l'usage des produits phytosanitaires ne diminue pas, alors que leur nocivité a été prouvée, à la fois pour la santé humaine et pour l'environnement. Il est assez facile, pour s'exonérer de ses propres responsabilités, de se contenter d'accuser le lobbying de l'industrie chimique, même si celle-ci a joué un rôle colossal.
Contrairement à l'opinion commune, selon laquelle l'agriculture biologique est bien moins productive que l'agriculture conventionnelle, une « méta-étude » américaine, synthétisant les résultats de 115 études de trente-huit pays, portant sur cinquante-deux espèces végétales et couvrant trente-cinq années, a récemment démontré que l'écart n'était, en réalité, que de 19 %, mais surtout qu'il pouvait être réduit à respectivement 9 % et 8 % en cas de recours aux cultures associées – plusieurs plantes cultivées sur la même parcelle – ou à la rotation des cultures.
Bien plus, une étude de l'Institut Rodale de Pennsylvanie comparant sur trente ans les exploitations biologiques et conventionnelles d'une province canadienne montre que, après une période de transition de trois ans, les rendements biologiques ont égalé les rendements conventionnels. Qui plus est, ces études ont également démontré que les cultures biologiques ont été plus résilientes que les cultures conventionnelles. Ainsi, les rendements de maïs biologique étaient de 31 % plus élevés dans les années de sécheresse, et même supérieurs à ceux des maïs génétiquement modifiés dits « tolérants à la sécheresse ».
Je veux qu'on aborde ce sujet d'une manière pragmatique. L'examen des amendements nous en donnera l'occasion. D'abord, il faut arrêter de culpabiliser et de stigmatiser les agriculteurs. Nous savons combien les agriculteurs ont progressé sur cette question. Ils ont été volontaristes, et cherchent eux aussi des alternatives préservant leur santé et permettant d'améliorer la qualité des produits pour les consommateurs.
Nous nous heurtons à plusieurs difficultés. D'abord, il n'y a pas de position commune à l'échelle européenne. Les amendements que nous adopterons ont vocation à donner un cap permettant au Gouvernement de défendre, à l'échelle européenne, des mesures acceptables et responsables. Ensuite, il semble nécessaire de développer les alternatives au glyphosate – je m'appuie pour dire cela sur un rapport cosigné par André Chassaigne. Selon l'INRA, ces alternatives existent, même s'il demeure des impasses. Ce ne sont pas les ONG environnementales qui le disent, mais l'Institut national de la recherche agronomique qui, saisi le 2 novembre, a remis un rapport scientifique aux ministres compétents.
Cette contribution pèsera lourd dans le débat sur l'herbicide controversé, que l'Europe vient d'autoriser de nouveau pour une durée qui me paraît trop longue. L'INRA souligne l'ampleur du défi en rappelant que plus de 9 100 tonnes de cette substance active ont été consommées en 2016 en France métropolitaine. Le glyphosate entre en effet dans la composition de plusieurs centaines de désherbants.
L'INRA met ainsi en avant « la destruction du couvert végétal par le désherbage mécanique et le travail superficiel du sol », « le labour pour assurer la destruction par enfouissement de l'ensemble de la végétation », des « stratégies d'évitement partiel dont le recours au gel hivernal des couverts intermédiaires, ou l'utilisation d'agroéquipements spécifiques permettant le hachage de la végétation », ou encore « la culture sous mulchs vivants [paillage ou plantes de couverture] qui induit une limitation des adventices ». C'est donc un panel de méthodes qui est proposé. Le président-directeur général de l'INRA prévient, et nous devons aussi en tenir compte, qu'il n'y a pas de solution miracle et que l'on ne trouvera pas, du jour au lendemain, une molécule miracle pour remplacer les produits qui vont nous occuper quelques minutes, voire quelques heures.
Pour me résumer, la position des parlementaires communistes se veut, je crois, équilibrée. Oui, il faut sortir du glyphosate, dans un délai compatible avec les annonces présidentielles. Le délai de trois ans nous paraît une limite : il nous faut, parfois, fixer des obligations calendaires. Oui à tout cela, donc, à condition de prévoir des mesures d'accompagnement pour les agriculteurs et de soutenir l'INRA, avec les moyens nécessaires, dans sa recherche d'alternatives. Telle est la manière dont nous entendons aborder ce débat important.
Depuis le début de nos débats, mardi dernier, nous avons beaucoup parlé d'agriculture, en commençant par prôner une inversion du mode de construction des prix, afin de les rendre rémunérateurs pour les agriculteurs. De ce point de vue, nous sommes à mes yeux loin du compte. Puis nous avons beaucoup échangé sur la nécessité de sanctions adaptées, à la juste hauteur, pour ceux qui ne jouent pas le jeu. Sur ce point, les modifications apportées me semblent positives. Samedi et dimanche, enfin, nous avons beaucoup parlé des problématiques environnementales et du bien-être animal. Le père de famille que je suis sait à quel point les jeunes générations sont légitimement sensibles à ces questions. Au cours du week-end, nous avons atteint, me semble-t-il, des positions assez raisonnables.
Mais, je veux le dire à la veille de la fin de nos débats, pensons au bien-être des agriculteurs. N'oublions pas que, si l'on veut une agriculture à dimension humaine, respectueuse de l'environnement et soucieuse de laisser une planète en bon état à nos enfants et petits-enfants, il nous faut préserver le bien-être des agriculteurs. Ce sera aussi la feuille de route des parlementaires communistes.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Nous abordons, avec la dernière partie du titre II, un sujet majeur, celui des produits phytosanitaires. Je veux donc vous exposer en quelques mots quel est notre état d'esprit, au seuil de la discussion des articles concernés.
En premier lieu, tout au long du texte – puisque nous en sommes presque à la fin, même s'il nous reste un certain nombre d'amendements à examiner – , nous avons essayé d'articuler les mesures législatives, pour envoyer des signes, les mesures réglementaires et les incitations permettant de fixer un cap aux consommateurs, aux agriculteurs et aux industriels de l'agroalimentaire. Nous avons indiqué aux acteurs la direction dans laquelle nous souhaitons aller, et, sur chaque sujet, les choses doivent être bien distinguées.
Deuxièmement, les avancées obtenues en commission, au regard du texte initial du Gouvernement, me semblent très significatives pour notre agriculture et pour la santé publique.
Troisième point : en prenant ces décisions, nous ne devons pas perdre de vue que nous ne vivons pas sur une île déserte. Je partage, à cet égard, ce qui vient d'être dit par M. Jumel. Le débat est légitime mais il doit être porté au niveau européen, puisque nous avons à convaincre nos partenaires de la justesse de notre position. Pour utile que soit ce débat, donc, il ne doit pas nous faire oublier qu'une surtransposition serait la pire des solutions dans un certain nombre de cas, car elle conduirait à diminuer la productivité de notre agriculture tout en continuant à autoriser l'importation de productions traitées avec les produits que nous entendons interdire en France. C'est donc cet équilibre qu'il nous faut tenir.
D'autre part, et de façon plus générale, rien ne sera possible si nous ne faisons pas confiance aux agriculteurs et si nous ne les accompagnons pas. D'une certaine façon, j'ai envie de dire – car nous sommes nombreux à les connaître – qu'il faut les prendre au mot. J'entends ce qu'ils ont dit à l'occasion des États généraux de l'alimentation, et ce qu'ils disent aujourd'hui en suivant nos débats : « Laissez-nous faire, nous avançons, nous y sommes prêts. Nous avons compris le message des EGA que relaie la représentation nationale. » Ce message, c'est qu'il faut aller plus vite, peut-être, qu'ils ne l'avaient imaginé : plus vite pour les consommateurs, pour l'environnement et pour eux-mêmes.
Ce qu'a dit M. Jumel était très juste : nous devons prendre nos décisions en pensant aux agriculteurs. Des solutions alternatives existent, il l'a rappelé à juste raison, mais il y a aussi des impasses. Dans ces conditions, la recherche et l'accompagnement – y compris public – sont des questions centrales si nous voulons éviter de mettre les agriculteurs au seuil de chemins dont nous savons fort bien qu'ils ne peuvent pas les prendre. Je n'en prendrai qu'un exemple, pour montrer que l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions. Il y a une dizaine ou une quinzaine d'années, on avait beaucoup vanté l'agriculture dite « de conservation », qui prétendait simplifier les techniques de travail du sol. Or c'est cette agriculture qui a largement eu recours à la molécule dont nous parlons aujourd'hui. Les exploitants concernés s'étaient donc équipés en conséquence, transformant entièrement leur modèle. Le cap de trois ans, voulu par le Président de la République, les oblige, ne l'oublions pas, à revoir une fois encore leur modèle de fond en comble. Les solutions que nous estimions bonnes il y a dix ans ne le sont plus aujourd'hui : nous ne devons pas non plus perdre de vue cet aspect.
Dans les départements de montagne – donc pas dans le mien – , l'herbicide est aussi, parfois, la seule solution, à tout le moins la plus simple. Il est donc impératif d'encourager la recherche et d'accompagner les agriculteurs. Et puisque, avec l'horizon de trois ans annoncé par le Président de la République, nous avons fait le choix, singulier en Europe, d'aller plus loin que les décisions européennes, nous devons essayer d'en faire, in fine, un atout. Autrement dit, nous devons soutenir les entreprises et les chercheurs, dans le privé comme dans le public, le plus loin possible. Que nous soyons les pionniers de ce qui s'imposera en Europe et sans doute, ultérieurement, en dehors d'elle, est une chance formidable que nous devons saisir.
Tel est donc l'équilibre que nous devons essayer de trouver entre les dispositions législatives, réglementaires et incitatives. Le message que j'ai envie d'adresser aux agriculteurs, en effet, est que nous partageons, je crois, le même objectif, qu'ils ont envie de l'atteindre et qu'ils ont, pour ce faire, à accomplir leur part du chemin sans que nous ayons à leur imposer immédiatement les choses par la contrainte.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Cela fait trois ans que le rapport Écophyto 2, prenant acte de la révolution culturelle que fut le Grenelle de l'environnement et du plan Écophyto 1 – y compris de ses limites, voire de son échec partiel – , a été remis au Gouvernement. Il a fait l'unanimité parmi l'ensemble des parties prenantes, puis s'est enlisé avec trois événements de nature très différente : le dépôt d'un recours devant le Conseil d'État et une crise de l'élevage ; l'élection présidentielle ; les États généraux de l'alimentation. Cela fait donc trois ans, disais-je, que le paquet de solutions et l'action publique, remusclée, sont prêts, dans les tuyaux, sans être mis en oeuvre.
Nous devons donc nous interroger. J'ai passé trente heures – et soixante en coulisses – dans l'animation d'un atelier qui, par sa vocation naturelle, opposait des acteurs tels que Générations futures et l'industrie phytopharmaceutique, et plus généralement tous les intermédiaires et parties prenantes possibles.
Nous avons réussi, non seulement à faire la paix, mais aussi à sortir de la guerre de tranchées, nous mettant en mouvement pour nous inscrire dans une trajectoire mondiale, historique, celle de la génération de la transition. Or, ces guerres de tranchées, nous sommes en train de les rallumer dans nos débats parlementaires.
La ligne du groupe Nouvelle Gauche, dans ces conditions, sera simple : les solutions, récemment validées encore, reprennent pour l'essentiel, monsieur le ministre, celles que défendaient vos prédécesseurs. Elles suggèrent qu'il est temps d'agir et d'obtenir des résultats. Pour ce faire, il nous faut éviter de stresser en permanence nos concitoyens, les consommateurs et les producteurs avec une série d'injonctions et de polémiques qui ne profitent ni aux uns, ni aux autres. Nous devons nous fixer une trajectoire de transition claire, et obtenir des résultats pour redonner le moral à chacun.
La société est plus en avance que nous. Parmi les conférences et les réunions auxquelles j'ai pu participer au cours des dernières années, il n'en est pas une qui se soit déroulée sans que, dans la salle, un producteur ne prenne la parole pour dire que l'objectif dont je parlais, il l'avait déjà « pulvérisé », allant bien plus loin en innovant. Nous devons donc seulement accompagner l'ensemble des agriculteurs ; et pour ce faire, deux outils majeurs sont déjà à notre disposition, qui ont été renforcés par le projet de loi : sur ce point, je salue l'action du Gouvernement.
Le premier instrument, c'est le certificat d'économie de produits phytosanitaires, sur le modèle du certificat d'économie d'énergie. Il traduit une confiance dans la dynamique privée : il incombe à ceux qui commercialisent la phytopharmacie d'inventer, avec leurs clients et leurs fournisseurs – qu'ils soient coopératifs ou privés – , avec les chambres consulaires et les agriculteurs, les solutions du futur. Si nous avions le temps – et peut-être le prendrai-je ultérieurement – , je pourrais évoquer une dizaine d'exemples de réussite extraordinaire, où se conjuguent recherche agronomique, intérêt économique et performance des produits. Chacun, avec de telles innovations, gagne de l'argent et gagne en image de lui-même. Le certificat d'économie de produits phytosanitaires est donc la solution que nous devons généraliser et démultiplier : je me réjouis que le projet de loi y tende.
J'allumerai seulement un petit clignotant : dans le même temps, pour des raisons qui lui appartiennent et que les élections ont tranchées, le Président de la République a proposé de séparer le conseil et la vente. Or tous ceux qui connaissent un peu le sujet – et je pense être l'un de ceux-là – savent qu'il y a une injonction contradictoire à confier à ceux qui commercialisent les produits phytopharmaceutiques le soin d'inventer les solutions permettant de s'en affranchir tout en les écartant des activités de conseil immédiat. Une telle équation est difficile à trouver ; aussi notre chemin de crête réside-t-il dans le respect de l'engagement présidentiel, que nul n'osera remettre en cause ici, et la réussite des certificats d'économie de produits phytosanitaires. Voilà, sur le plan des travaux pratiques, le défi que nous avons à relever.
Je mettrai bien sûr en évidence le biocontrôle, qui représente aujourd'hui 5 % des solutions : il y a là un potentiel, via la recherche privée et publique, de l'ordre de 15 à 20 %. Nous devons donc lever tous les obstacles qui empêcheraient le développement de ces alternatives, à côté de celles que représentent les biotechnologies végétales, la mécanique et l'agriculture de précision, auxquelles les exploitants ont déjà recours. Nous défendrons donc ces solutions aussi.
À travers plusieurs amendements, nous serons conduits à débattre des délais – trois ans, trois ans et demi ou deux ans et demi. Sur ce point, je répète ce que j'ai déjà dit dans cet hémicycle, et qui résulte des États généraux de l'alimentation : dans une démocratie moderne, toutes les parties prenantes doivent prendre part au vote. Imaginez le tour de table que cela représente : trente personnes, accoutumées à se faire la guerre sur des sujets précis, ont admis que, dans cette démocratie-là, c'est à la puissance publique qu'il revient, en s'appuyant sur la science et sur des institutions démocratiques, de décider ce qui est bien et ce qui est mal, et non au marché ou à l'opinion publique ; faute de quoi nous fabriquerions un enfer culturel, pour les producteurs, les consommateurs et la société tout entière.
Nous militons donc pour une « réinstitution » de l'ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – et de l'AFSSA – Agence française de sécurité sanitaire des aliments – , solution préférable à la faculté donnée au Parlement de se prononcer sur chaque décision environnementale et sur chaque molécule. Nous n'en sortirions pas, et nous embourberions dans de tels débats. Il faut donc redonner des objectifs à ces institutions, dans la confiance et de façon claire. Je le dis sans malice : lorsqu'une décision est prise, l'ensemble du Gouvernement doit la soutenir. À cette fin, nous proposerons que Matignon, donc le Premier ministre, soit le seul habilité à se prononcer sur les décisions de l'AFSSA ou de l'ANSES. Cela permettra d'éviter toute cacophonie et d'envoyer des messages clairs à la société.
Enfin, la transition vers l'agro-écologie nous permet de nous affranchir des seules solutions phytopharmaceutiques. Certains, d'ailleurs – y compris parmi ceux qui étaient productivistes il y a trente ans – , affirment que la chimie n'aura peut-être été qu'une période de l'histoire de l'agriculture. Au-delà de ces pionniers, engagés dans la transition, nous ne devrons pas oublier ceux qui en ont été victimes au cours des dernières décennies.
Avec le groupe Nouvelle Gauche et tous ceux que nous avons réunis, tous bords politiques confondus, il y a quelques semaines, je plaide avec force pour que nous reprenions l'initiative du Sénat, s'agissant de la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de la phytopharmacie. Nous devons en effet rendre justice à ces victimes. Sans opposer les sujets, mes chers collègues, nous avons passé tellement d'heures sur le bien-être animal ! Je voudrais aussi que nous rendions hommage à ces producteurs, à ces éleveurs, à ces céréaliers qui, à un moment donné de leur vie, par manque d'information ou à cause des défaillances partagées du privé et du public, ont subi les évolutions dont je parlais. Nous devons, disais-je, leur rendre justice et leur permettre de continuer à vivre avec le maximum de dignité et de reconnaissance. Ce sera là, pour nous, un combat majeur dans le débat que nous entamons.
Je remercie tout d'abord les orateurs des trois groupes qui viennent de s'exprimer car le débat s'instaure là de la bonne façon. Au-delà des clivages, nous réfléchissons à la manière d'accompagner ce mouvement inexorable, et qui doit être rapide, de sortie des produits phytosanitaires. Les différents groupes travaillent en convergence sur ce sujet, vers un objectif commun. Ce que nous voulons à présent, c'est réussir. Le débat portera donc sur les moyens à mettre en oeuvre.
La question peut se poser de façon dépassionnée, avec des interrogations sur le rôle non seulement des acteurs, des agriculteurs notamment, qui sont en première ligne pour atteindre cet objectif, mais aussi de la puissance publique, et sur l'opportunité d'une loi. Ce débat est la bonne façon de poser toutes ces questions.
Les agriculteurs sont favorables à une moindre utilisation de produits phytosanitaires, mais ils ne veulent pas que les solutions alternatives leur coûtent plus cher et soient plus compliquées. Nous devons travailler sur ces solutions car sur ce point, nous pouvons faire davantage.
Nous avons déposé un amendement afin d'accompagner plus rapidement 30 000 exploitations, un objectif qui figurait déjà dans le plan Écophyto 2. Le rythme, nous le savons, n'est pas le bon : il faut accélérer. La majeure partie des acteurs sait que des solutions alternatives existent dans la plupart des cas. Quand il y a des impasses, il faut les traiter à part. De même lorsque les solutions proposées ne sont pas rentables sur le plan économique. mais en tout état de cause, accélérons cette réussite !
Les agriculteurs sont favorables à certaines mesures des articles 14 et 15, mais ils veulent qu'au final, cela ne leur coûte pas plus cher. C'est le cas de la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques ou de l'encadrement des promotions sur ces produits. Là aussi, nous avons déposé un amendement, afin d'évaluer la mise en oeuvre de ces mesures tous les trimestres, avec l'ensemble des acteurs, pour montrer aux agriculteurs que celles-ci n'entraînent pas une augmentation des coûts.
Les agriculteurs, la puissance publique, sont prêts, la société également. Deux pétitions, lancées la semaine dernière, rassemblant à elles seules plus de 400 000 Français, nous demandent d'agir ensemble. Les Français nous attendent, parce qu'ils veulent que cela change. Travaillons tous ensemble pour relever ce grand défi !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, je tenais particulièrement à participer au débat sur cet article. Bien que n'étant pas mandaté pour représenter les territoires d'outre-mer, je me permettrai de parler en leur nom puisque, vous le savez, ces territoires ont beaucoup souffert ces dernières années et ont été secoués par de nombreux scandales, relayés dans la presse locale et nationale.
Je veux notamment parler des essais nucléaires en Polynésie, pour lesquels l'ancêtre de l'ANSES avait déclaré que les risques sur la santé étaient minimes ; du chlordécone, dont nos amis de la Martinique et de la Guadeloupe ont beaucoup fait état ces derniers temps car il a été démontré que les sols de ces deux territoires d'outre-mer sont pollués, au moins pour les cent années à venir ; du mercure en Guyane, dont on sait qu'il finit par empoisonner les habitants de ce territoire, pourtant troisième réservoir en eau potable disponible par habitant. Enfin, j'espère que les fonctionnaires de l'ANSES auront un jour l'occasion d'évoquer l'empoisonnement potentiel par les gaz et fumées d'échappement de la fusée Ariane, qui sont présentés à ce jour comme totalement inoffensifs, ce que j'ai beaucoup de mal à croire.
Il s'agit aujourd'hui pour nous d'aborder la question de la composition et de l'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques, et autres biocides, utilisés sur les surfaces agricoles dans les territoires ultramarins. Nous constatons des problèmes et désagréments récurrents, qui doivent nous conduire à pousser plus loin nos analyses, d'autant que les expériences prouvent régulièrement l'inefficacité, quand ce n'est pas la dangerosité, de certains de ces produits. Ceux-ci se décomposent en effet en molécules, qui, homologuées sous climat tempéré, se révèlent inadaptées aux climats équatorial et tropical sous lesquels ces expérimentations sont réalisées. Je vous laisse donc en imaginer les conséquences sur l'état de santé de nos populations.
Enfin, je voudrais rappeler des statistiques qui font froid dans le dos. Seuls 29 % des usages phytosanitaires sur culture tropicale dans les départements d'outre-mer sont couverts, contre 80 % en moyenne dans la France hexagonale. Cet écart, qui nous place dans l'obligation d'interroger l'ANSES, devrait interpeller le Gouvernement, comme la représentation nationale.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement, qui ne mange pas de pain mais qui appelle l'attention sur la nécessité pour l'ANSES d'adopter de nouvelles procédures s'agissant des produits phytosanitaires destinés à être utilisés outre-mer. J'espère que cette demande sera entendue lorsque nous examinerons l' amendement en question.
J'aborde ce débat sur les produits phytosanitaires avec la volonté que le Gouvernement fasse preuve de pragmatisme.
Mes chers collègues, vous avez tous rencontré des agriculteurs sur vos territoires, qui disent utiliser de tels produits, dont ils avouent ne pas pouvoir se passer pour certaines cultures et bien qu'ils expérimentent de nouvelles pratiques agricoles. Je pense en particulier à un voisin, Antoine, paysan agronome, avec lequel j'ai très souvent discuté de ces sujets. Il pratique une agriculture raisonnée, réalise des semis sous couvert et tente d'adopter de nouvelles pratiques agricoles. Pourtant, il n'hésite pas à dire que, sans glyphosate, il ne saurait pas faire.
Tout à l'heure, Delphine Batho a qualifié cette molécule de probablement dangereuse.
Mais si l'on nous disait demain que les ondes sont probablement dangereuses, arrêterions-nous d'utiliser notre téléphone ? Je ne le pense pas.
Je partage donc les interventions de certains de mes collègues, pour qui il faut traiter les situations, filière par filière, de façon extrêmement technique, afin de déterminer si certains produits peuvent se substituer au glyphosate, et accompagner les agriculteurs, de telle sorte qu'ils puissent continuer de produire ce qui est nécessaire à l'alimentation humaine. Car tel est bien l'objet de l'agriculture : pouvoir produire des fruits, des légumes, de la viande, du vin, des céréales. Or tous les céréaliers vous disent que, sans glyphosate, ils ne savent pas faire.
J'aimerais donc, chers collègues, que ce débat nous donne l'occasion de discuter, filière par filière, de la sortie du glyphosate et de regarder comment mettre en oeuvre ces dispositifs avec pragmatisme. Sur ce sujet, je m'étonne de voir le groupe La République en marche faire preuve d'un certain dogmatisme, auquel ses membres ne nous avaient pas habitués car tel n'est pas l'esprit du macronisme. Or j'ai l'impression, chers collègues de la majorité, que, sur ce sujet, vous faites preuve de dogmatisme.
Rappel au règlement
Madame Batho, vous me demandez la parole. Pour un rappel au règlement ? Autrement, vous ne pouvez pas intervenir puisque vous êtes déjà intervenue sur l'article.
Oui, madame la présidente, rappel au règlement sur le fondement de l'article 58, alinéa 1, pour fait personnel – ma collègue me le pardonnera.
Cancérogène probable », c'est ainsi que l'OMS classe le glyphosate. Et le glyphosate est le seul cancérogène probable encore autorisé en France et en Europe.
Article 14
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, je vous retrouve avec bonheur pour l'examen de cet article, qui est important. Laissez-moi vous interpeller directement, pour vous demander de faire preuve de la même vigilance que celle dont vous avez témoigné pendant le débat sur le bien-être animal. Sur ce dernier point, je dirai que les choses sont plutôt, je pèse mes mots, acceptables.
Sur la question des produits phytosanitaires, nous sommes bien sûr tous d'accord sur l'enjeu environnemental et de santé publique. Mais il en est un autre, que nul ne conteste d'ailleurs, à savoir la place de l'agriculture dans notre pays par les produits qu'elle met à disposition des consommateurs français, et au-delà la place de l'agriculture française en Europe et dans le monde.
J'ai senti, monsieur le ministre, dans le texte que vous avez présenté, comme dans les débats en commission, que vous souhaitiez vraiment resserrer la vis s'agissant des produits phytosanitaires.
Deux grandes difficultés ont été soulignées en commission. D'une part, qui paiera le conseil stratégique, ce conseil payant pour les agriculteurs, qui sera introduit dans chaque exploitation ? D'autre part, comment séparer la vente et le conseil des produits phytosanitaires, à l'image de ce qui se passe pour les médicaments vétérinaires ? D'ailleurs, dans la pratique, un vétérinaire, qui apporte son conseil, dispose des médicaments : tout se fait automatiquement.
Sur ce sujet d'importance, monsieur le ministre, nous avons besoin de vous pour que l'agriculture française continue d'être viable.
La question des produits phytosanitaires, comme celle du bien-être animal, me fait réfléchir à la situation que nous vivons depuis un an, date à laquelle vous avez lancé les États généraux de l'alimentation. À présent, nous pédalons à fond sur un texte qui doit être voté mercredi. Nous sommes dans une telle urgence que nous devons discuter la nuit, le samedi, le dimanche, voire les jours fériés, s'il s'en trouvait. Tout le problème de l'action publique aujourd'hui est de préparer l'après.
Je souhaite, monsieur le ministre, qu'à l'instar de votre prédécesseur, Stéphane Le Foll, vous privilégiiez l'anticipation et adoptiez une démarche visionnaire, que vous expliquiez à la fois aux agriculteurs, à la filière des produits phytosanitaires et aux consommateurs, où vous conduisez le pays.
J'espère que vous atteindrez cet objectif lors du débat sur l'article 14, mais en desserrant la vis, car je considère que ce texte va trop loin, qu'il est compliqué, notamment à appliquer, et qu'il n'atteindra pas forcément les buts que vous avez fixés. La grande partie des agriculteurs a compris qu'il faut se passer des produits phytosanitaires, qu'il faut moins d'intrants, pour produire les cultures et élever les animaux. Pour cela, il faut un peu plus de temps.
Notre rôle est d'anticiper, de préparer ce temps, de penser à l'après, non d'être dans l'urgence.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vous lance un nouvel appel : dans les heures où nous discuterons de ce sujet, nous aurons besoin de votre plus grande vigilance.
Je voulais d'abord souligner la très grande qualité du débat d'aujourd'hui, qui n'aurait pu se tenir il y a quelques années. Ce n'est pas parce que les parlementaires ne sont pas les mêmes, mais parce que l'époque est différente. La nôtre se caractérise par une prise de conscience, de plus en plus consensuelle, de la destruction méthodique et massive de la biodiversité. Ce qui est en train de se passer, en France et en Europe, est effroyable. Je tiens ces propos devant toutes les assemblées d'agriculteurs de mon département, y compris celles traditionnellement classées très à droite. Je suis frappé de ce que tout le monde me dit être conscient de cette destruction massive de la biodiversité ainsi que des risques avérés pour la santé, et qu'il convient vraiment changer de modèle.
Les premiers à le reconnaître sont les agriculteurs eux-mêmes, tous les agriculteurs, pas seulement ceux qui, à une certaine époque, défendaient un changement radical de modèle. Tous aujourd'hui ont ces préoccupations et ces priorités. Nous sommes de moins en moins dans une guerre de tranchées. C'est une chance pour nous tous car nous ne pourrons pas changer de modèle si nous n'entraînons pas massivement les uns et les autres.
Deux exemples me viennent à l'esprit.
D'abord, la première entreprise de biocontrôle et biotechnologie, Éléphant vert, propriété du groupe Vivescia – ex-Champagne Céréales – , la plus grande coopérative française : 7 millions d'euros de chiffre d'affaires il y a deux ans, 20 millions cette année. Quand nous discutons avec eux, ses dirigeants eux-mêmes nous disent : « Ne vous inquiétez pas : dans les cinq ou six ans à venir, tout le monde va y passer », par la volonté du consommateur, et par l'évolution – légère – de la réglementation. Simplement, il faut laisser du temps aux uns et aux autres ; mais cela se fera.
Second exemple : il y a un mois, j'étais à l'assemblée générale de l'Union laitière de la Meuse, mon département ; tous les producteurs passent au bio, en raison de la demande, notamment celle de l'Allemagne à qui nous livrons beaucoup de lait.
Il y a donc un changement de modèle pour nous tous.
S'il n'y avait pas eu des précurseurs, si certains n'avaient pas, un jour, mis les pieds dans le plat, notamment de grandes organisations que je veux saluer, tout cela aurait été instauré bien tardivement. Je salue aussi les efforts des majorités successives, à commencer par le Grenelle de l'environnement – je parle en présence de mon ami Christian Jacob, qui fut, à l'époque, un grand président de la commission du développement durable.
Nous nous sommes fixé dès cette époque des objectifs exigeants en matière de diminution du recours aux intrants et aux produits phytosanitaires. Nous avons certes besoin d'un peu de temps, mais nous ne devons pas lâcher prise.
Je salue le large consensus que ce sujet semble susciter dans notre Assemblée, et je vous remercie de votre écoute et de votre engagement.
C'est l'agriculteur qui vous parle. Sur le sujet dont nous discutons, les agriculteurs ont entendu le message. Mais, pour qu'ils contribuent à le concrétiser, il ne faut surtout pas se lancer dans une guerre de tranchées – pour reprendre une expression qui vient d'être employée et que je n'apprécie pas. Il faut faire avec eux et les convaincre.
Les produits phytosanitaires présentent des inconvénients, mais n'oublions pas que, si on les utilise, c'est parce qu'ils ont apporté, à un moment donné, des solutions. Le jour où mon grand-père – il ne s'agissait pas de glyphosate à l'époque – a pu récolter un blé qui n'était pas envahi de mauvaises herbes, lesquelles n'étaient pas mûres en même temps que le blé, ce qui compliquait vraiment la récolte ; le jour où il est passé de quinze à vingt-cinq quintaux, où, cette année-là, il a pu gagner sa vie et celle de sa famille ; ce jour-là a été pour lui une révolution.
Avec tous les inconvénients qu'il peut comporter, le recours à ces produits a une histoire que l'on ne peut pas nier. Une forme de mémoire inconsciente se souvient à quoi ils ont servi. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas revenir sur leur usage ; mais il convient d'avoir ces éléments à l'esprit.
Ensuite, méfions-nous des fausses bonnes idées. Dans l'agriculture, rien n'est ou noir ou blanc.
Pourquoi l'agriculture de conservation, dont nous avons parlé hier, a-t-elle été instaurée ? En raison d'un phénomène de destruction massive de la matière organique dans les sols par l'action du labour. Or, dans l'agriculture biologique, cette action est très utile pour enfouir les mauvaises herbes et les graines afin que ces dernières ne germent pas. Le labour apporte donc des solutions aux problèmes posés par les mauvaises herbes, mais il présente des inconvénients eu égard à la matière organique. L'un ne s'oppose pas à l'autre. Quand on pratique l'agriculture de conservation, on utilise du glyphosate. Là encore, il faut peser les avantages et les inconvénients. Pour cela, appuyons-nous sur la formation et sur la recherche.
Parler ainsi, ce n'est pas remettre en question les problèmes posés par le glyphosate. Mais il y a d'autres produits classés cancérigènes probables, madame Batho.
Je vous donnerai l'index phytosanitaire : vous verrez qu'il y en a des dizaines.
On y reviendra.
Certaines méthodes sont à utiliser avec parcimonie. Par exemple, on va interdire les remises, rabais et ristournes. Or l'une des pratiques commerciales actuellement en vigueur dans l'agriculture consiste à prévoir en période hivernale les produits dont on aura vraisemblablement besoin au printemps. Il s'agit de conseil stratégique, de réflexion, de programmation. Cela permet à la coopérative ou au négociant de prévoir les quantités qui seront nécessaires : ce n'est pas du tout la même chose qu'acheter au dernier moment, quand l'agriculteur, débordé par un problème, est moins objectif lorsqu'il décide d'ajouter tel ou tel produit.
La séparation du conseil et de la vente pose un autre problème. Je comprends la philosophie de la mesure : de même, il faut distinguer le médecin du pharmacien. Mais, aujourd'hui, nos coopératives, nos négociants travaillent avec des conseillers de terrain : l'adaptation va être difficile, elle va demander du temps et de l'organisation ; il va falloir y réfléchir.
Comme l'a dit Thierry Benoit, gardons-nous donc de décisions trop radicales ; accompagnons plutôt le mouvement.
S'agissant du glyphosate, qui va servir de symbole dans le débat, la meilleure stratégie est d'agir sur le prix. Aujourd'hui, ce produit est très peu onéreux, donc très facile d'utilisation. Je suis persuadé qu'il existe des marges de progression par la formation à l'emploi d'autres méthodes. Si l'on joue sur le prix du glyphosate par l'intermédiaire de la redevance pour pollutions diffuses, taxe sur les phytosanitaires, les agriculteurs trouveront des solutions de manière bien plus efficace et radicale que ce que promet la recherche à ce jour.
Je plaide donc pour la progressivité des mesures et pour l'accompagnement et la formation aux méthodes futures.
Je ne reviendrai pas sur les aspects déjà développés par Sébastien Jumel. Il y a eu l'avant glyphosate, puisque nous nous sommes longtemps passés de ce produit ; nous sommes dans la période glyphosate ; il y aura un après glyphosate – et, en ce qui me concerne, le plus tôt sera le mieux. Mais on ne peut pas passer d'une phase à l'autre brutalement et sans accompagnement.
On a parlé d'harmonisation européenne. Bien entendu, les questions en discussion doivent être largement partagées au niveau européen. Mais je voudrais introduire dans le débat un autre enjeu : celui des traités de libre-échange comme le CETA ou le MERCOSUR. Comment vont être prises en considération, le cas échéant, nos décisions à venir, qui pourraient – on le dit souvent – induire des distorsions si des produits non européens, encore traités dans d'autres pays avec les substances que nous aurions, nous, interdites, sont importés dans le cadre de tels accords ?
On ne peut pas ne pas tenir compte de ce problème. Au-delà d'une simple incursion, il doit avoir toute sa place dans les suites données à la loi. Or il n'a manifestement pas été pris en considération, monsieur le ministre, puisque nous nous apprêtons à décider sans l'avoir anticipé. Qu'envisagez-vous donc pour qu'il soit abordé dans le cadre des traités de libre-échange auxquels nous sommes partie ou allons l'être ?
Sur ce sujet, comme l'ont dit quelques-uns de nos collègues, il faut vraiment faire preuve de mesure.
Tout d'abord, pas un agriculteur aujourd'hui ne souhaite utiliser davantage de produits phytopharmaceutiques, pour des raisons de coût, de santé et de respect de l'environnement.
Ensuite, voyons les efforts qui ont été faits par le monde agricole depuis une trentaine d'années.
Ces efforts, les agriculteurs les ont financés eux-mêmes, par les fonds de développement – dont le financement, rappelons-le, dépend d'eux – , grâce à l'analyse des sols, à la baisse des doses – en traitant en bas volume – , en étant plus attentifs aux rémanences des produits, en prenant garde à la température et à la pluviométrie, tous éléments que l'on maîtrise au fil du temps. C'est cette bonne utilisation des produits qui a permis de réduire le recours à l'ensemble des intrants, engrais comme produits phytopharmaceutiques.
Il faut continuer sur cette voie. Ce n'est pas par la loi, en interdisant du jour au lendemain telle ou telle utilisation, que l'on obtiendra des résultats, mais par un accompagnement. Or, pour accompagner les agriculteurs, il faut financer davantage la recherche et développement. Je songe en particulier à la recherche variétale, un domaine dans lequel, après avoir été en avance pendant des années, la France a malheureusement pris du retard, notamment du fait des débats sur l'utilisation des organismes génétiquement modifiés. Nous avons pourtant besoin du génie génétique, car l'obtention de variétés résistantes permet de réduire le recours aux produits phytosanitaires.
De même qu'en matière de santé humaine personne ne prend de médicaments pour le plaisir, si l'on utilise ces produits, c'est parce qu'ils ont permis d'éviter des maladies et, dans certains cas, la généralisation d'autres produits comme le charbon, qui étaient très dangereux pour l'alimentation humaine.
Tout cela s'est fait de manière progressive. Restons donc dans ce cadre, tout en continuant de permettre à notre agriculture de développer la recherche et d'être concurrentielle face à ses voisines, notamment au sein de l'Union européenne. N'allons pas surtransposer des normes : chaque surtransposition pénalise nos agriculteurs.
Si, alors que le glyphosate est autorisé pour cinq ans dans le reste de l'Union, nous limitons à deux ou trois ans la durée de cette autorisation, nous allons pénaliser les agriculteurs sans rien changer pour le consommateur. On l'a vu pour certains produits insecticides servant à traiter les cerises et les fraises. En interdisant en France des produits employés chez nos voisins et concurrents au sein de l'Union, on n'améliore en rien la santé humaine, mais on nuit à la compétitivité de nos agriculteurs et, par là, au financement de la recherche.
Nous devons donc adopter une position équilibrée. Cela a été rappelé, j'ai eu l'honneur d'être rapporteur pour notre Assemblée du premier Grenelle de l'environnement. Nous avions alors fixé plusieurs objectifs, toujours dans un esprit d'accompagnement. Chaque fois que nous avons voulu transposer, imposer des règles strictes, nous avons pénalisé notre agriculture. Ce n'est pas ainsi que nous accompagnerons le développement agricole comme nous voulons tous le faire.
Prenons l'exemple du labour : lorsqu'on laboure, on déstocke environ 1,2 tonne de carbone à l'hectare ! Les techniques sans labour permettent de stocker du gaz carbonique, mais aussi de limiter l'érosion des sols. Des expériences ont ainsi été menées sur des terrains près de cours d'eau, le sol étant labouré en aval seulement : en période de pluie, le cours d'eau qui passait près du sol labouré devenait jaune et complètement opaque ! Au contraire, sur la parcelle qui n'avait pas été labourée, l'eau restait claire. Le phénomène d'érosion est donc très important.
Bref, il y beaucoup d'éléments à prendre en compte. L'agriculture n'a jamais avancé à coups de règles strictes et d'interdictions. Notre rôle, c'est d'abord d'accompagner les agriculteurs, de faire en sorte qu'ils soient les plus performants possible, mais aussi de les protéger du mieux que nous puissions, pour notre santé et pour la leur.
C'est pourquoi j'en reviens toujours à l'importance du trépied dont nous parlions il y a deux jours : il y a le volet de la rentabilité économique, sans laquelle une démarche ne tient pas dans la durée ; mais, comme la rentabilité pour la rentabilité n'a aucun intérêt et qu'elle doit bénéficier à ceux qui travaillent, il y a le volet de l'amélioration des conditions sociales ; et le troisième est le respect de l'environnement : selon la formule que beaucoup connaissent ici, la terre, on l'emprunte à ses enfants. Chaque agriculteur veut transmettre son outil de travail dans les meilleures conditions possibles et donc s'assurer de la protection de l'environnement et de la biodiversité.
N'allons pas édicter des règles qui risquent d'avoir des conséquences extrêmement lourdes sur le milieu agricole. À chaque fois qu'il y a eu des efforts, ce sont les agriculteurs qui les ont faits, parce que les gouvernements, quels qu'ils soient, avaient défini des conditions leur permettant d'aller plus loin, et non pas des interdictions ou de dogmes, comme cela pourrait être le cas sur ce sujet.
S'agissant de l'utilisation des produits phytosanitaires, trois points me semblent importants. Tout d'abord, au cours de l'examen de ce texte, en particulier du titre Ier, dans la partie consacrée à la formation du prix, nous avons dû nous résigner et admettre que le rayon d'action du Parlement était essentiellement national et que les niveaux européen et mondial allaient échapper aux dispositifs que nous votions visant à améliorer la compétitivité de l'agriculture française et la situation économique de nos agriculteurs. Force a été de constater que nous n'avions pas la main sur ces niveaux.
Nous ne pouvons pas admettre cette réalité d'un côté et vouloir, de l'autre, nous montrer extrêmement précurseurs en matière d'environnement. Il n'y a pas de raison de contraindre l'agriculteur français davantage que l'agriculteur européen, sans quoi nous risquons de faire du titre II le pendant négatif de ce que nous avons essayé de créer dans le titre Ier. N'ajoutons pas des contraintes à des agriculteurs qui recherchent, au contraire, à améliorer leur situation économique. Les deux titres ne seront pas compatibles, si nous n'y adoptons pas la même logique.
Deuxièmement, s'agissant de l'environnement, des questions se posent effectivement aujourd'hui sur l'utilisation d'un certain nombre de produits, mais également sur des méthodes culturales. Partout en France les agriculteurs mènent cette réflexion. Christian Jacob vient de dire que le labour n'est pas la panacée. Moi-même fils d'agriculteurs, je vis dans une zone très pentue où le labourage intensif, en supprimant au passage quelques haies et clôtures, a érodé la terre de façon dramatique pendant des décennies. On a appauvri les sols, pollué les cours d'eau et provoqué tout un tas de difficultés, qui ont été corrigées justement par la pratique de semis différents, grâce à l'utilisation de certains produits phytosanitaires. Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Réfléchissons à la façon dont l'acclimatation s'est faite, malgré plusieurs contraintes.
Enfin, dans ce difficile débat, il ne faut pas avoir la prétention, à mon sens, d'éduquer les agriculteurs. Ils sont parfaitement éduqués, parfaitement conscients des risques qui planent sur le recours à certains produits, parfaitement lucides sur leurs pratiques. Ils font un appel à la justice.
Partout où on les rencontre, eux, leurs fédérations, leurs syndicats ou leurs regroupements, ils nous demandent comment nous pouvons accepter que, aujourd'hui, en 2018, la France interdise des produits alors que ses voisins ne les interdisent pas ; comment, dans une loi qui a vocation à améliorer la protection du consommateur français, nous pouvons tolérer de lui laisser croire qu'il n'aura plus certaines substances dans son assiette alors qu'on sait très bien que ce n'est pas vrai. L'exemple des néonicotinoïdes l'a bien montré : ils ont été interdits aux agriculteurs français, dont les coûts de production ont du coup augmenté ; donc le marché a importé des produits espagnols ou italiens, qui sont traités, moyennant quoi le consommateur français a subi les mêmes nuisances. Nous devons rendre justice aux agriculteurs et répondre à leurs questions dans notre débat.
Dans l'article 14, nous allons parler de pesticides. Je dis bien « pesticides », parce que j'ai entendu plusieurs collègues parler de « phytopharmacie ». Mais ce n'est pas de la phytopharmacie. Ou si c'en est, je propose que les méthodes d'évaluation de ces molécules s'alignent sur celles de la pharmacie, qui sont bien plus exigeantes.
Ce sont donc bien 60 000 tonnes de pesticides qui sont épandues chaque année dans notre pays. Pour quel impact ? Des problèmes avérés sur la biodiversité, que plus personne ne peut nier, tant les exemples s'accumulent et sont confirmés chaque jour par les scientifiques. Mais aussi, cela n'a pas encore été dit, la stérilisation des sols agricoles, par l'accumulation pendant plus d'un demi-siècle de pesticides et de métaux lourds, l'érosion causée par l'agriculture chimique et au final les pertes de rendement que nous commençons à mesurer d'une manière tangible et assez significative.
L'utilisation massive de pesticides est également un scandale sanitaire majeur. Glyphosate et autres pesticides se retrouvent aujourd'hui dans les aliments que nous consommons quotidiennement. Une étude a récemment montré que les céréales que nos enfants consomment sont contaminées à plus de 50 % par le glyphosate… Aujourd'hui, les fongicides SDHI – inhibiteurs de la succinate déshydrogénase – dont Delphine Batho parlait tout à l'heure sont aussi très massivement présents dans tous nos aliments, puisqu'ils sont utilisés contre les moisissures non seulement pour traiter les céréales dans les champs, mais aussi directement sur les fruits et les légumes.
Rappelons également que la grande majorité des molécules de ces pesticides sont classées cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques ou perturbateurs endocriniens. Ce ne sont pas des informations anodines que l'on peut barrer d'un trait de plume en regardant ailleurs.
Rappelons également que ce sont bel et bien les agriculteurs et les agricultrices qui sont les premières victimes de ces 60 000 tonnes de pesticides.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Ce système est le fruit d'un modèle de plus de soixante ans qu'il faut complètement remettre en question aujourd'hui. À l'époque où ce modèle d'agriculture mécanisée et chimique a été conçu, il y avait besoin de libérer de la main-d'oeuvre dans les campagnes pour aller reconstruire le pays et travailler dans l'industrie. Aujourd'hui, le schéma s'est inversé, puisque les grandes métropoles et les villes souffrent d'une pénurie d'emplois. Cela devrait nous faire réfléchir. Les alternatives que nous proposons permettront de recréer de l'emploi dans les campagnes pour inventer l'agriculture du XXIe siècle, en sortant de ce modèle parfaitement obsolète.
Des alternatives, il y en a. Il faut continuer d'y travailler. Il y a, par exemple, des pratiques agricoles différentes : les rotations et les associations de cultures, mais aussi, monsieur le ministre, les préparations naturelles peu préoccupantes – PNPP – , sur lesquelles vous êtes en train de reculer, comme nous en discuterons tout à l'heure. Vous ne faites en effet rien pour faciliter et élargir leur utilisation !
Je tenais aussi à répondre au président Jacob, qui n'est malheureusement plus dans l'hémicycle. Il nous a parlé de la nécessité d'avoir des semences OGM, mais il oublie que les semences qui s'adaptent le mieux à nos régions, à nos changements climatiques et aux problèmes sanitaires éventuels ont souvent été obtenues par sélection de populations. Il faut permettre aux agriculteurs de réutiliser facilement et librement les semences qu'ils auront produites, en gardant les plus beaux spécimens de leurs récoltes ! On sait que cela marche ! J'ai rencontré des agriculteurs qui le font depuis plusieurs années et qui arrivent même à sélectionner des semences résistantes à la sécheresse à laquelle ils sont confrontés dans ma région. Voilà des alternatives ! On ne peut pas dire qu'il n'y en a pas.
L'agriculture bio le prouve largement, au quotidien, depuis des années. Ses agriculteurs vivent bien et ont des revenus décents, en appliquant ces solutions différentes. L'INRA le montre également dans ses dernières études. Non seulement c'est possible, mais cela permet à nos agriculteurs de vivre correctement.
Assurément, il faut une trajectoire de sortie. Personne ici n'a prétendu que nous nous réveillerions demain matin en étant sortis du modèle de l'agriculture chimique. Il faut une trajectoire de sortie, mais pas celle qui est dessinée dans l'article 14. Elle doit être exigeante, et demande un soutien financier du Gouvernement, afin d'aller vers d'autres pratiques, de permettre aux agriculteurs de réorienter leurs productions, voire d'en changer s'il le faut. Il faut aussi soutenir la formation : cette agriculture est consommatrice de formation et de savoir-faire, et il me semble que le soutien à l'enseignement agricole public n'est pas à la hauteur, comme je l'ai dit hier.
Quelques mots sur la recherche publique. Nous avons parlé de l'INRA à plusieurs reprises, mais je voudrais aussi citer l'INSERM – Institut national de la santé et de la recherche médicale – ou le CNRS. Leur travail peut nous permettre de revenir à un modèle plus vertueux et d'aller vers une agriculture du XXIe siècle. Mais à quoi les scientifiques des équipes de recherche passent-ils leur temps aujourd'hui ? Ils passent 90 % de leur temps à déposer des projets auprès de l'Agence nationale de la recherche – ANR – , dont seulement 10 % trouveront des financements ! Ainsi, 90 % du temps de nos chercheurs n'est pas utilisé à faire de la recherche mais à trouver des financements. Il faut que la recherche publique retrouve des financements à la hauteur des enjeux de la période. Nous ne pouvons pas nous contenter de lui payer les fluides et laisser financer tout le reste par des fonds privés ou très aléatoires, puisqu'ils dépendent des arbitrages de l'ARN.
Oui, un changement radical est nécessaire. La France insoumise n'est pas tombée de l'armoire ce matin en se disant qu'il fallait changer de modèle : c'est toute la société qui, massivement, demande un changement d'agriculture, parce qu'elle veut un changement d'alimentation. Nous jugerons ce soir de la direction qu'aura prise la trajectoire de sortie, et verrons si elle est à la hauteur des attentes de la société tout entière. La décision qui aura été prise sur la sortie rapide du glyphosate sera un bon indice.
Comme je vous l'ai dit, d'autres solutions existent, et Delphine Batho en a parlé. C'est l'une des molécules les plus dangereuses encore utilisées. Nous devons donner l'exemple de la transition vers une agriculture du XXIe siècle, qui respecte nos agriculteurs, nos sols, notre environnement, mais également tous nos concitoyens.
Beaucoup de choses ont été dites, par un grand nombre d'intervenants, que j'ai écoutés avec attention. Cela témoigne de l'importance de la question, et aussi du fait que nous avons tous pris conscience que la santé est une priorité pour nos concitoyens et pour notre société.
Je me félicite que cette question de la santé fasse le lien entre les agriculteurs, les consommateurs et les citoyens. Il importe en effet, pour trouver de vraies réponses, de traiter la question de la santé d'une manière globale, c'est-à-dire envisageant ensemble la santé de la planète, celle du vivant et celle des humains. C'est le seul moyen de préserver notre système de santé français, fondé à la fois sur le préventif et le curatif. C'est le seul moyen d'assurer la cohérence au travail qu'accomplissent ensemble, de manière responsable, l'exécutif et le Parlement.
J'interviens ici en tant que député de la nation. J'ai d'ailleurs apprécié que notre rapporteur rappelle que les agriculteurs qui siègent dans cet hémicycle, et ils sont assez nombreux, sont avant tout des députés de la nation. Je ne voudrais pas, en effet, que vous considériez que les agriculteurs qui s'expriment ici font preuve de corporatisme et qu'ils ne défendent que leurs intérêts. Ils ont juste leur mot à dire et je voudrais vous faire part, très simplement, de quelques réalités.
M. Jumel a dit tout à l'heure que les agriculteurs étaient prêts à s'engager – c'est un fait, et cela ne date pas d'hier : cela fait des décennies que nous nous engageons ! – mais il a ajouté qu'ils ne voulaient pas que cela leur coûte plus cher. Mais ce n'est pas le problème ! Cela nous est bien égal, que cela nous coûte plus cher ! Ce que nous voulons, c'est que le prix de nos produits soit rémunérateur et que le revenu des paysans soit assuré.
J'espère que, grâce à cette loi, les prix seront enfin définis en fonction de la réalité des coûts des production, en prenant en compte le travail des paysans.
Par ailleurs, si nous voulons atteindre les deux objectifs de cette loi – assurer un revenu aux paysans en partageant équitablement la valeur ajoutée, et assurer une alimentation saine – nous devons nous intéresser aux alternatives possibles et au temps qui sera nécessaire pour les mettre en oeuvre.
Pour ma part, j'ai connu l'« avant-phyto » dans ma jeunesse, avec l'exploitation de mes parents, puis j'ai vu l'utilisation des produits phytosanitaires, et depuis vingt ans, je connais l'agriculture biologique, c'est-à-dire l'« après-phyto ». La leçon que j'en tire, c'est qu'aucune des deux pratiques ne donne une assurance tous risques.
Nous devons assurer le revenu des paysans face aux aléas du climat et du vivant, qui varient d'une année à l'autre. Il importe donc de trouver des alternatives variées et, pour ce faire, de développer la recherche. Il faut certes indemniser les victimes, mais aussi, parallèlement, assurer le revenu des paysans grâce aux outils de régulation prévus pour faire face à ces aléas.
Enfin, et même si j'ai été un peu long, j'espère que cette loi nous fera passer de la politique de la parole à celle de l'action.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Rappel au règlement
Il est d'usage, lorsque l'un d'entre nous est interpellé nominativement dans cet hémicycle, qu'il puisse répondre.
Il me semble, cher collègue, que vous n'avez pas écouté, ou que vous avez mal compris ce que j'ai dit. Il ne m'a pas échappé que les agriculteurs, sur ce sujet comme sur d'autres, ne veulent pas vivre de subsides ou de subventions, mais bien d'un prix rémunérateur pour le travail accompli.
Et pour y parvenir, cher collègue, j'espère que vous avez voté l'ensemble des amendements que nous avons déposés sur le titre Ier du texte, au sujet des indicateurs de prix. J'espère aussi que vous serez à nos côtés pour demander une loi qui régule, une loi qui protège, et une loi qui force les grands distributeurs à prendre en compte le pouvoir d'achat des agriculteurs. Mais vous étiez hors sujet s'agissant du glyphosate.
Article 14
Pour ne nommer personne, je vais répondre à nos collègues des groupes UDI-Agir et Les Républicains qui nous ont dit que le groupe La République en marche et le Gouvernement manquaient de pragmatisme et de cohésion sur la question du glyphosate. Je tiens juste à vous dire que ce texte ne parle à aucun moment de la suppression du glyphosate !
Nos agriculteurs, aujourd'hui, font énormément d'efforts pour réduire l'usage du glyphosate, et c'est pour cela que nous n'avons pas inscrit sa suppression dans notre texte. Dans l'agriculture de conservation, les quantités de glyphosate utilisées sont comprises entre 0,7 et 1 litre par hectare, alors que l'Europe nous autorise à aller jusqu'à 7 litres !
Nous devons valoriser les pratiques de l'agriculture de conservation et concevoir, dans les années à venir, des solutions alternatives. Ce n'est pas une question de temps, mais une question de solutions techniques et de méthodes culturales. Ce que dit le Gouvernement, c'est que nous devons tendre vers l'arrêt du glyphosate d'ici trois ans, si nous trouvons une technique ou une méthode culturale alternative, qui assure le même prix et le même rendement.
Si nous ne trouvons pas de solution et que nous devons prendre des décisions, elles seront prises au cas par cas.
Je souhaite faire part de mon expérience. J'ai à mon compteur quarante-cinq années d'agriculture, dont quarante-cinq années de produits phytosanitaires. Jusqu'à preuve du contraire, mes bilans de santé ne sont pas complètement mauvais. Mon médecin m'a seulement dit hier que je souffrais d'hypertension : je lui ai répondu qu'après six jours dans cet hémicycle, il y avait de quoi, et que le ministre souffrait sans doute de la même chose.
Sourires.
La question qui se pose, de mon point de vue, c'est celle de la réduction de l'usage des pesticides. Elle est plus large que celle du simple glyphosate. Lorsque je me suis installé il y a quarante-cinq ans, on utilisait le Roundup ; lorsque j'ai pris ma retraite, on était passé au glyphosate. J'en ai utilisé des quantités importantes mais, au fil du temps, les doses utilisées ont considérablement évolué.
Je veux rappeler, monsieur le ministre, et vous vous en souvenez sûrement, que ce sont les agriculteurs qui, les premiers, dès le milieu des années 1980, ont trouvé des solutions, à travers les SUAD – services d'utilité agricole et de développement – et les CETA – centre d'études techniques agricoles. En effet, Christian Jacob l'a rappelé, nous avions nous-mêmes embauché des ingénieurs pour travailler sur ces sujets, parce que nous avions bien remarqué que notre intérêt était déjà de réduire les charges. À l'époque, ces produits étaient d'ailleurs proportionnellement plus chers, mais pour un prix des denrées alimentaires plus élevé aussi.
C'est ainsi que, dans les années 1990, est née la technique du « sans labour », avec le travail minimum du sol, et la réduction des premiers herbicides de betterave, dans l'Aisne, à laquelle j'ai moi-même assisté. Tout cela pour vous dire que ça fait belle lurette que les agriculteurs ne sont plus des acharnés du produit phytosanitaire, parce qu'ils savent très bien que ce n'est bon ni pour le sol, ni pour leur porte-monnaie.
Tout le monde semble vouloir, monsieur le ministre, faire preuve d'un peu de sagesse sur ces questions. De toute façon, les agriculteurs sauront s'adapter, comme ils l'ont toujours fait, à condition que la recherche avance sur un certain nombre de sujets, ce que j'espère de tout mon coeur.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Je ne suis pas agricultrice. L'un de mes grands-pères l'était, mais je n'ai pas eu l'occasion d'en parler avec lui, car il est parti bien trop tôt. Bien que députée du Val-de-Marne, j'ai grandi en Martinique. Or la Martinique, comme la Guadeloupe, est confrontée aux conséquences de l'utilisation, pendant une vingtaine d'années, du chlordécone, un pesticide qui avait été interdit aux États-Unis comme sur le sol de la métropole.
On sait aujourd'hui que le chlordécone a détérioré les sols et la nappe phréatique pour des siècles. Je ne suis ni agricultrice, ni technicienne, je le répète. Je fais simplement partie de ceux qui appellent à une grande prudence et à une grande vigilance, s'agissant de l'utilisation des pesticides. Pensons à nos enfants, pensons à notre alimentation, avançons intelligemment.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs des groupes LaREM et LR.
Les objectifs de ce projet de loi sont de pérenniser et sauvegarder notre agriculture et nos agriculteurs, d'une part, et d'assurer une alimentation de qualité d'autre part. Nous devons toujours garder ces deux objectifs en tête. Parce qu'ils sont les deux piliers sur lesquels repose le projet de loi, il faut veiller à préserver l'équilibre entre les deux.
Pour assurer l'équilibre des relations commerciales, nous avons favorisé les regroupements et les accords : c'était la première jambe. La deuxième jambe, c'est tout ce qui relève de la qualité de l'alimentation. Nous avons longuement discuté de la restauration collective et de la part que devait prendre le bio, et nous en arrivons maintenant à la question des produits phytosanitaires.
Je ne pense pas que le débat se résume à : pour ou contre les produits phytosanitaires ? Je ne me prononcerai pas sur la dangerosité de ces produits, car c'est le rôle des experts. Pour moi, la vraie question, c'est : a-t-on, ou non, la liberté d'entreprendre en France ? A-t-on, ou non, la liberté de travailler la terre selon les moyens dont on dispose ?
J'ai déjà dit hier que dans ce débat, certains se comportent comme des ayatollahs. Il faut éviter le jusqu'au-boutisme, c'est-à-dire vouloir interdire à tout prix ces produits alors qu'on n'a pas de moyen de substitution. Pour avancer, nous devons proposer des solutions durables aux gens qui travaillent la terre pour nous fournir une alimentation de qualité.
Ne nous amusons pas à faire le compte de qui est agriculteur ou non dans cet hémicycle. Pour ma part, je ne connais, dans le Vaucluse et les Alpes-de-Haute-Provence, aucun agriculteur qui soit né avec la ferme intention d'empoisonner les gens. Ils sont là pour nous fournir une alimentation et des produits de qualité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je viens d'arriver dans l'hémicycle, après avoir suivi les débats depuis mon bureau. Jusqu'ici, ils avaient une certaine tenue, car tous les orateurs cherchaient à dépasser les oppositions stériles et les caricatures. Mais certains retombent dans ces travers – je viens d'entendre le mot « ayatollah » par exemple. C'est très dommage : encore une fois, on va retomber dans ces postures politiciennes qui nous empêchent d'avancer dans un débat qui le mérite.
Nous n'avons pas à compter les points, à juger qui fait quoi : nous sommes tous des députés de la nation, garants de l'intérêt général. Nous devons donc essayer de concilier des intérêts qui ne sont pas toujours convergents, afin d'arriver à la meilleure solution.
Aujourd'hui, comme l'a bien dit Jean-Claude Leclabart, aucun agriculteur n'a envie de répandre des produits phytosanitaires partout sur ses terres. Aucun. Les agriculteurs ont déjà réduit les quantités de produits phytosanitaires qu'ils emploient. Ils veulent bien continuer d'avancer dans ce sens, mais ils n'y arriveront pas seuls : ils ont besoin que la société les aide.
Si nous sommes d'accord sur cette base, essayons d'avancer en bonne intelligence. Nous sommes confrontés à un grave problème de perte de biodiversité. Nous savons, malheureusement, que les produits phytosanitaires sont pour une grande partie responsables de ce problème qui nous affecte tous, agriculteurs ou non. La perte de biodiversité aura des effets sur notre vie, notre santé ; elle menace l'existence même de l'espèce humaine. Il faut donc réagir, et vite.
Le Président de la République a eu une parole très courageuse : « le glyphosate, dans trois ans, c'est fini ». Certains demanderont toujours un petit délai supplémentaire. Nous, ce que nous voulons, c'est nous donner les moyens d'y arriver. C'est pourquoi nous nous tenons aux côtés de nos agriculteurs pour les aider, pour les former, pour les financer, et aussi pour faire en sorte qu'on arrête de leur vendre n'importe quoi.
J'ai entendu certains se dire d'accord avec la démarche, à condition de garantir aux agriculteurs qu'ils pourront produire exactement les mêmes quantités, qu'ils auront exactement les mêmes rendements. Mais ce n'est pas possible ! Nous savons bien que les rendements ont beaucoup augmenté avec l'utilisation des produits phytosanitaires !
J'en ai parlé avec un certain nombre d'agriculteurs : est-ce qu'ils tiennent vraiment à conserver absolument les mêmes rendements ? Bien sûr que non. Ce qui leur importe, c'est d'avoir des débouchés pour leurs produits, et d'en tirer un revenu suffisant pour vivre dignement. C'est de pouvoir être fiers du beau travail qu'ils font, qui est de nourrir leurs concitoyens.
Voilà comment nous devons réfléchir. Nous débattrons tout à l'heure du meilleur moyen d'y arriver. Il y a plusieurs opinions à ce sujet. Je suis pour ma part convaincue que nous devons d'abord nous fixer des objectifs clairs, et ensuite nous donner les moyens d'y arriver. Nous allons en discuter. Mais je tenais à faire cette mise au point dès maintenant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Avant d'en venir aux amendements, je voudrais vous exposer comment le Gouvernement envisage cette partie du projet de loi sur les produits phytosanitaires.
Je tiens d'abord à vous saluer pour la qualité des échanges qui ont eu lieu sur cet article, comme depuis le début de l'examen de ce projet de loi. Il ne s'est pas agi de montrer du doigt qui ce soit. Les désaccords peuvent être surmontés : nous devons trouver ensemble la meilleure trajectoire et les meilleurs compromis afin d'avancer ensemble, pour nos agriculteurs. Nous devons aussi prendre le temps d'expliquer notre action, et de tracer ensemble des perspectives positives.
Conformément à la volonté du Président de la République, nous travaillons avec les professionnels et la société civile à rendre l'agriculture française moins dépendante des pesticides. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation ne travaille pas seul sur ce sujet, mais en lien avec Nicolas Hulot et le ministère de la transition écologique et solidaire, avec Agnès Buzyn et le ministère de la santé et des solidarités, ainsi qu'avec Frédérique Vidal et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons en effet besoin, dans ce domaine, de croiser les regards, de combiner l'approche économique, l'approche environnementale et l'approche sanitaire – sans oublier la recherche et l'innovation, qui sont absolument nécessaires. C'est ainsi que nous devons développer l'agronomie, en assurant la continuité de nos actions.
Comme vous le savez, nous avons présenté le 25 avril dernier la feuille de route du Gouvernement sur les produits phytosanitaires. Je la tiens à la disposition des parlementaires qui n'en auraient pas pris connaissance. Cette feuille de route avait été annoncée par le Premier ministre dans son discours de clôture des États généraux de l'alimentation le 21 décembre dernier.
Elle présente quatre engagements précis, quatre priorités claires. D'abord, diminuer rapidement l'utilisation des substances les plus préoccupantes pour la santé et l'environnement. Ensuite, mieux connaître les impacts pour mieux informer et protéger la population et les professionnels – ce qui aboutit bien sûr à préserver l'environnement. La troisième priorité est d'amplifier la recherche-développement d'alternatives et la mise en oeuvre de ces solutions par les agriculteurs, qui sont les premiers concernés. Enfin, la quatrième consiste à renforcer le plan Écophyto 2, améliorer sa gouvernance et son fonctionnement.
Pour faire tout cela, nous avons besoin de mobiliser les filières et les agriculteurs : c'est une condition sine qua non pour avancer en bon ordre, pour que les choses changent. Nous devons avancer sur ce sujet avec confiance et avec détermination. C'est pour cela que le Président de la République a fixé des objectifs ambitieux, comme la sortie du glyphosate en trois ans alors même que l'Europe a autorisé à nouveau l'utilisation de ce produit pour cinq ans. Sur ce point, la France est devant : elle montre le chemin. C'est ce qui lui permet d'être écoutée au niveau européen. Fixer une date au-delà de laquelle il ne sera plus possible d'utiliser ce produit, cela permet de mobiliser dès maintenant la recherche, l'innovation, pour trouver des solutions durables. C'est ainsi que nous respecterons cette feuille de route.
S'il a décidé que nous devrons sortir du glyphosate en trois ans, le Président de la République a aussi précisé qu'il n'y aurait pas d'interdiction sans solution. J'y reviendrai tout à l'heure, quand nous aurons ce débat, car c'est un élément de réflexion important.
Pour faire évoluer les pratiques, nous avons besoin d'outils. Certains sont de niveau législatif : c'est d'eux qu'il sera question dans les articles à venir. Je salue à ce propos la commission pour ses travaux qui ont permis d'enrichir le texte sur plusieurs points. L'un d'eux est l'encadrement des pratiques commerciales, pour éviter les incitations aux achats de précaution. Un autre est la séparation de la vente et du conseil, pour que les agriculteurs aient un vrai conseil, sans intérêt sur la vente de produits phytosanitaires – je sais qu'il y a sur ce point un débat : nous le mènerons de manière sereine. Il y a également la formation continue, grâce au certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques et au certificat de formation des utilisateurs professionnels dit « certiphyto », mais aussi le rôle de l'APCA – assemblée permanente des chambres d'agriculture – et de l'enseignement agricole dans la réduction des produits phytosanitaires.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce sur quoi vous avez travaillé en commission. Voilà les avancées que vous avez permises en ce qui concerne l'article 14 – sans parler, bien évidemment, du développement du biocontrôle, évoqué à l'article 14 quinquies.
Nous avons besoin aussi d'instruments pour renforcer la protection de nos populations, de nos concitoyens, de nous-mêmes – mais aussi de l'environnement. C'est pourquoi je présenterai un amendement visant à permettre à l'autorité administrative de prendre des mesures pour la protection des riverains.
D'autres mesures prévues par la feuille de route ne relèvent pas nécessairement du domaine de la loi : je pense, par exemple, à la révision des arrêtés visant à protéger les abeilles et les points d'eau.
Nous en avons débattu à plusieurs reprises. Certains d'entre vous veulent inscrire des mesures dans la loi, mais comme je vous l'ai déjà dit, la loi doit être efficace, claire et lisible. Quand elle est trop bavarde, cela ne marche pas. Or nous avons besoin d'efficacité, nous avons besoin d'agir maintenant. Ce qui ne relève pas du domaine de la loi, nous le ferons : tel est en quelque sorte le contrat de confiance que le Gouvernement propose à la représentation nationale.
Nous avons enfin besoin d'expertise, de recherche et d'innovation, pour trouver des solutions de substitution, les hiérarchiser et les diffuser.
Voilà les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, à propos des sujets que vous avez évoqués dans vos interventions : nous aurons l'occasion d'y revenir.
Et pour finir, monsieur Leclabart, permettez-moi de vous dire très amicalement que la HTA, la haute tension artérielle, ça se soigne bien !
Sourires.
Même après sept jours de débats intenses, l'art de la respiration peut éviter de nombreux médicaments. Et vous savez que la HTA aime à s'attaquer aux individus… fluets, comme vous et moi. Nous savons donc ce qu'il nous reste à faire !
Sourires et applaudissements.
Cet article, qui a pour objet d'interdire toute remise ou différenciation des conditions de vente, n'est pas assorti d'une étude d'impact économique.
Je souscris à la nécessité de s'orienter vers une réduction de l'usage des produits phytosanitaires, mais il faut évaluer l'impact de cette disposition sur l'économie des exploitations. Plusieurs intervenants ont souligné la nécessité d'accompagner les exploitants qui, je le rappelle, sont volontaires pour réduire l'usage des produits phytosanitaires quand c'est possible. Toutes les mesures de réduction devraient donc s'accompagner de mesures encourageant l'emploi de solutions de substitution dès lors qu'elles existent.
Pour finir, faisons confiance aux agriculteurs : il est très réducteur de penser que le recours aux produits phytosanitaires est corrélé aux remises de prix éventuellement consenties par les revendeurs.
M. Jean-Yves Bony applaudit.
Je pense qu'il faut supprimer cet article, pour les raisons que j'ai déjà exposées tout à l'heure.
Je voudrais répondre à certaines remarques faites par plusieurs orateurs. Non, les agriculteurs ne sont pas des pollueurs. Nous sommes tous d'accord pour diminuer les pesticides, mais il faut savoir où, quand, comment, et par quoi les remplacer. Ces produits causent des problèmes de santé, certes, mais il y a aussi des exploitations en difficulté : il est donc nécessaire de remplacer les pesticides par d'autres produits. À nous de trouver lesquels, puisque Mme Pompili nous a dit que nous allions trouver des solutions en réfléchissant ensemble.
J'approuve ce que vient de dire M. Cinieri : nous considérons qu'en l'absence d'une réflexion approfondie sur des produits et des méthodes de substitution, le dispositif que vous proposez par cet article ne fera qu'alourdir les contraintes qui pèsent sur l'agriculture française, au détriment de nos paysans.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 636 .
La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier, pour soutenir l'amendement no 779 .
Alors que le but de ce projet de loi est tout de même de fournir de meilleurs prix à nos agriculteurs, cette disposition risquerait a contrario d'augmenter leurs coûts de production. Il faut absolument avoir en tête l'impact économique, puisqu'on a pu chiffrer le surcoût pour la Ferme France à près de 300 millions d'euros. Il est impossible de rester insensible devant le risque d'une telle augmentation pour nos agriculteurs.
Nous avons tous évoqué la nécessité de trouver un équilibre entre le besoin auquel aspirent toutes les Françaises et tous les Français de rester en bonne santé et le besoin pour les agriculteurs de continuer à produire dans de bonnes conditions. C'est pourquoi l'amendement propose de supprimer cet article tant qu'aucune solution alternative n'a été trouvée pour supprimer complètement l'usage de produits phytosanitaires en matière de production végétale.
La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour soutenir l'amendement no 1041 .
J'ai déposé cet amendement de suppression car je ne comprends pas la logique liant la recherche d'une moindre utilisation d'un produit dangereux à des remises, ristournes et rabais sur ledit produit. Bien sûr, les produits phyto sont dangereux, tout le monde le sait. Il faut aller vers une moindre dépendance. Mais ne prenons pas les agriculteurs pour des ignorants : ils n'achètent pas les produits phyto en fonction des remises, rabais ou ristournes qu'ils obtiennent, ce serait indécent que de le croire, mais seulement en fonction de leurs besoins.
Je vais aller plus loin : l'interdiction des remises, rabais et ristournes pourrait inciter les agriculteurs à ne pas traiter, et ils obtiendraient une récolte moins importante ou de moindre qualité, ce qui entraînerait au final une augmentation des coûts – je raisonne par l'absurde, mais pourquoi pas ?
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Il n'est évidemment pas dans l'intention du Gouvernement ni dans la nôtre d'opposer ceux qui utilisent les produits phytosanitaires, qui seraient les méchants, aux vertueux qui ne les utiliseraient pas. Évidemment que ce n'est pas le sens de ces amendements et que personne n'en utilise par caprice !
Je continuerai à parler de « produits phytosanitaires » car je déteste le mot « pesticides ». Ce sont des insecticides, herbicides et fongicides, entre autres, qui gèrent la santé des plantes, qu'on le veuille ou non.
Je suis bien sûr défavorable à ces amendements de suppression. Nicolas Turquois nous a fourni une très bonne justification en évoquant la morte-saison : même s'il y a des rabais, les vendeurs de produits phytosanitaires ne perdent pas d'argent ! Ce n'est pas parce qu'on interdira les ristournes et les rabais que le prix des phytosanitaires augmentera, et de ce fait les coûts de production. Par contre, ce sera un signe fort pour aller vers une agriculture plus vertueuse.
Les agriculteurs en ont évidemment compris la nécessité. L'ensemble des syndicats agricoles aussi : la Confédération paysanne plaide depuis très longtemps pour une réduction des produits phytosanitaires, et le syndicat majoritaire a présenté lors du Salon de l'agriculture son plan de solutions sur le sujet. Il s'agit de les accompagner, tout en prenant évidemment le temps de bien analyser les choses. Il s'agit d'être à leurs côtés pour sortir de l'utilisation des produits phytosanitaires – en commençant le plus rapidement possible par les plus nocifs.
À cette heure, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour un ami, viticulteur en Charente-Maritime, aujourd'hui atteint par la maladie de Charcot. Il a à peu près mon âge, il a été responsable des jeunes agriculteurs. On ne peut plus jouer avec cela. On n'a plus le temps. Il faut vraiment prendre des mesures fortes et radicales.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM, MODEM, LR et GDR. Mme Delphine Batho applaudit aussi.
Ces mesures ne doivent bien sûr pas être prises contre la profession. C'est tout la logique des États généraux de l'alimentation : cheminer avec les agriculteurs, échanger avec eux. Mais la suppression des remises, rabais et ristournes envoie un signe fort aux agriculteurs : le signe que nous les accompagnons vers une autre solution. L'avis est défavorable à ces amendements de suppression.
Avant de demander l'avis du Gouvernement, j'indique que, sur les amendements identiques nos 85 , 175 , 589 , 636 , 779 , 932 , 960 , 1041 et 1681 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre.
Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à la suppression l'article 14, qui est un article très important. Nous devons continuer à le travailler, l'enrichir pour qu'il réponde mieux encore à l'objectif consistant à éviter toute incitation commerciale à utiliser des produits phytopharmaceutiques de manière inappropriée, de telles incitations pouvant de surcroît être aussi de nature à favoriser leur vente. Nous le faisons pour des raisons de santé publique et pour protéger notre environnement. Diminuer leurs usage est essentiel.
Je prendrai un exemple : le plan Écoantibio. Voilà un plan qui avait permis, il y a quelques années, de réduire de 37 % en cinq ans la consommation d'antibiotiques à destination animale alors que l'objectif initial était de 25 %. C'est toute la profession qui en avait nettement diminué l'usage. La baisse avait même atteint 80 % en trois ans pour les antibiotiques d'importance critique. Et on avait constaté que les animaux n'étaient pas plus malades et que les techniques d'élevage s'étaient considérablement améliorées.
C'est grâce au travail des vétérinaires et des éleveurs que le plan Écoantibio a été une réussite et qu'il fait l'honneur de la France au sein de l'Union européenne. C'est un exemple à suivre.
J'ai parfois l'esprit un peu tortueux, madame la présidente. Je me disais que nous avons tous beaucoup échangé ces derniers jours sur la manière dont nous pourrions parvenir à transformer – à un rythme parfois différent selon les groupes, mais au bout du compte avec les mêmes objectifs – notre modèle agricole pour qu'il soit plus vertueux en matière de santé et en matière de protection des agriculteurs eux-mêmes, et plus précautionneux pour la planète. C'est le sens de notre débat actuel sur les produits phytosanitaires. Et je me suis aperçu que j'avais oublié de parler du camembert normand ! Je veux rattraper cette injustice – en plus, c'est la semaine de la Normandie à l'Assemblée, on va nous en parler dans tous nos restos, et il fallait évidemment trouver une fenêtre pour parler du camembert.
Car il y a une actualité sur le camembert, en ce moment même où nous débattons de cette transformation importante du secteur agricole que souhaite le Gouvernement. À l'instar d'un grand nombre de nos citoyens et d'élus, je veux alerter l'Assemblée sur la récente décision de l'Institut national de l'origine et de la qualité – INAO.
L'appellation « Fabriqué en Normandie », c'est-à-dire chez nous, monsieur le ministre, ne certifie aucune origine locale ni même française des laits utilisés, et ne protège pas véritablement le fromage normand. Aujourd'hui, nous le savons, seule l'AOP « Camembert de Normandie » atteste de la provenance du lait. Hélas, cette protection, cette garantie du savoir-faire dont nous sommes fiers en Normandie, vient de tomber avec la décision de l'INAO de mettre en oeuvre, à compter de 2021, une AOP « Camembert de Normandie » ouvrant droit à l'appellation pour des fromages fabriqués à partir de lait pasteurisé et sans critère d'origine.
Cette décision fait tomber tout ce qu'on recherche ici ! D'ici deux ans, à grand renfort de marketing et de publicités aguichantes, des industriels du lait pourront à loisir utiliser une appellation qui, jusqu'alors, reposait sur un cahier des charges qui faisait la fierté des Normands. Cette décision pourrait, si on laisse faire, monsieur le ministre, condamner à terme la filière artisanale française, en particulier normande. On ne peut que constater, au moment où la représentation nationale débat de la répartition de la valeur dans le domaine agricole et alimentaire que cette OPA sur l'AOP est une véritable confiscation de la valeur par les gros au détriment des petits.
Tel est le sens de mon interpellation. Je reconnais que j'ai l'esprit de l'escalier, et qu'elle n'est pas totalement connectée à notre débat.
Mais elle est connectée aux objectifs de la loi. Et je voulais, monsieur le ministre, vous qui êtes normand comme moi, vous interpeller pour savoir comment vous allez aider le camembert à rester la fierté de la France, en particulier de la Normandie.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 84 |
Nombre de suffrages exprimés | 84 |
Majorité absolue | 43 |
Pour l'adoption | 20 |
contre | 64 |
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1875 , 1972 , 431 , 524 , 1064 , 1379 , 1973 et 1646 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1875 et 1972 , d'une part, et nos 1064, 1379 et 1973, d'autre part, sont identiques.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l'amendement no 1875 .
Mon amendement vise à réécrire une partie de l'article, notamment pour faire référence à la terminologie en vigueur concernant les remises, rabais et ristournes en substituant à ces trois mots l'expression « réductions de prix » qui figure à l'article L. 441-6 du code de commerce auquel renvoie l'article 14 du projet de loi.
Il vise aussi à limiter le champ d'application des réductions de prix prohibées au regard de l'objectif affiché d'éviter les incitations commerciales.
Enfin, il exclut l'application immédiate de la nouvelle prohibition car ce serait constitutif d'une insécurité juridique pour les relations contractuelles en cours, surtout dans un contexte dans lequel cette disposition pourrait s'appliquer dans des relations entre des opérateurs français et des opérateurs étrangers auxquels la loi française ne serait pas opposable.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 1972 .
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l'amendement no 431 .
Cet article introduit trois nouveaux articles dans le code rural et de la pêche maritime, prévoyant la prohibition des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques autres que les produits de biocontrôle notamment, étendant cette prohibition à la vente ou à l'achat de toute autre gamme de produits qui seraient liés à l'achat de produits phytopharmaceutiques et fixant les sanctions encourues, tant pour les personnes physiques responsables que pour les personnes morales.
L'amendement proposé vise notamment à faire référence à la terminologie en vigueur concernant les remises, rabais et ristournes, en retenant la formule « réductions de prix » telle qu'elle figure à l'article L. 441-6 du code de commerce, auquel renvoie d'ailleurs l'article 14 du projet de loi, à limiter le champ d'application des réductions de prix prohibées au regard de l'objectif affiché d'éviter les incitations commerciales, et, enfin, à exclure l'application immédiate de la nouvelle prohibition, qui créerait à notre sens une insécurité juridique pour les relations contractuelles en cours, surtout dans le cadre des relations entre opérateurs français et opérateurs étrangers auxquels la loi française ne serait pas opposable. Tel est le sens de cet amendement.
Vous gardez la parole, cher collègue, pour soutenir l'amendement no 524 .
Il a été déposé par M'jid El Guerrab, qui a été privé de voix puisque, étant non inscrit, il n'a plus de temps de parole.
Il vise à préciser le champ de la disposition pour interdire explicitement toute réduction de prix fondée sur les quantités achetées. Il en exclut également tout accord commercial en vigueur à la date d'application du dispositif, comme le suggère l'étude d'impact du projet de loi.
M. El Guerrab applaudit.
L'amendement no 1064 est retiré.
Cet amendement de Julien Dive propose de modifier les deux premières phrases de l'alinéa 4. Son but est précisément de cerner les cas dans lesquels la prohibition des rabais, remises et ristournes s'applique. Il vise également à mieux faire faire cadrer ces interdictions avec la différenciation des conditions générales et particulières de vente sur les produits phytopharmaceutiques et les autres produits de biocontrôle.
L'amendement précise en fait le champ d'application de ces interdictions au regard de l'objectif affiché d'éviter des incitations commerciales pouvant conduire à l'utilisation inappropriée de produits phytopharmaceutiques.
Afin de mettre en adéquation la rédaction du projet de loi avec cet objectif politique, il paraît nécessaire de préciser que l'interdiction ne vise les réductions de prix, d'une part, et la différenciation des conditions générales et particulières de vente d'autre part que pour autant qu'elles sont fondées sur les volumes, les montants d'achat et les parts de marché des produits phytopharmaceutiques.
La formulation de l'article 14 ne peut en effet conduire à prohiber toute forme de réduction de prix ou tout traitement différenciant de la part des vendeurs sans distinction, sans égard pour les efforts d'amélioration continus des acheteurs.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 1973 .
Cet amendement précise le champ d'application de la prohibition au regard de l'objectif affiché d'éviter les incitations commerciales pouvant conduire à l'utilisation inappropriée de produits phytopharmaceutiques.
Afin de mettre en adéquation la rédaction du projet de loi avec cet objectif politique, il est ainsi nécessaire de préciser que la prohibition ne vise les réductions de prix, remises, rabais ou ristournes, d'une part, et la différenciation des conditions générales et particulières de vente d'autre part, que pour autant qu'elles sont fondées sur les volumes, les montants d'achat ou les parts de marché des produits phytopharmaceutiques.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements en discussion commune ?
L'article 14 interdit les remises, rabais ou ristournes, c'est-à-dire les « 3 R », ainsi que la différenciation des conditions générales de vente : or la façon dont les différents amendements sont rédigés conduit à préciser le second point, mais en supprimant dans les faits les dispositions sur les 3 R, qui resteraient donc autorisés. Cela vide l'article 14 de tout son intérêt. Avis défavorable.
S'agissant des amendements visant à restreindre le champ d'application de l'article 14, je rappelle que ce dernier est identique à celui qui a été adopté dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt s'agissant des médicaments vétérinaires.
J'en ai parlé tout à l'heure : cette disposition a concouru au succès du plan Écoantibio. Les interdictions prévues à cet article sont absolument essentielles afin de ne pas inciter à la vente de produits phytopharmaceutiques. Ces amendements excluraient de fait ces interdictions des marges arrières qui ne concernent pas le prix initial. Or ces pratiques peuvent indirectement avoir des impacts similaires aux réductions de prix.
Les autres amendements, qui reformulent l'article, apportent des précisions sur ce qui est effectivement visé, à savoir des pratiques commerciales conduisant à inciter à des achats en volume plus importants. Le Gouvernement a, à ce sujet, demandé une expertise à une mission interministérielle qui rendra ses conclusions dans les prochains jours. Le cas échéant, le Gouvernement proposera un amendement ultérieurement sur ce sujet. Dans ce contexte, je propose à leurs auteurs de retirer leurs amendements. À défaut, avis défavorable.
Sourires.
Tout d'abord, je suis un peu surpris par l'usage du mot « prohibition », qui me paraît franchement décalé par rapport au dessein que nous poursuivons.
Il ne s'agit pas de prohibition : le plan Écoantibio 2012-2017, que personne ne remet en cause dans le monde de l'élevage et qui a été mis en place dans le dialogue avec le monde vétérinaire, est un succès français qui fait aujourd'hui école. Pendant ces cinq années, personne n'a osé parler de prohibition ! Il faut garder raison.
Par ailleurs, je connais très bien, pour l'avoir fréquenté pendant plusieurs années – en toute liberté, avec du respect pour ce que sont ses acteurs mais à bonne distance – le monde de la phytopharmacie, qui a pu inspirer ces amendements. Or, ces dernières années, tout leur argumentaire était fondé sur le fait que leurs produits sont des médicaments, pas des produits chimiques. Imaginez-vous des promotions sur des médicaments ? Ce n'est pas possible !
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
Monsieur le ministre, si j'ai bien compris votre avis sur les amendements visant à reformuler l'article, vous en comprenez le besoin et le bien-fondé, mais vous souhaitez différer l'adoption d'une modification ? Pourquoi ne pas le faire tout de suite ?
Comme je vous le disais, une mission qui traite de cette question est en cours. Elle nous communiquera ses conclusions vers la fin du mois de juin, c'est-à-dire au cours de la navette. Le Gouvernement proposera alors un amendement approprié. Voilà pourquoi j'ai demandé le retrait des amendements portant sur cet aspect particulier.
Monsieur le ministre, je vais retirer mon amendement, ce qui me permettra aussi de suivre l'excellent argument de Dominique Potier, qui est non seulement un bon agriculteur mais qui exploite également des terres dans ma circonscription. Il y a beaucoup d'abeilles chez nous, donc tout va bien !
Je retire également l'amendement no 524 .
Monsieur le ministre, je comprends votre réponse, mais dans la mesure où ces amendements minorent la portée de l'article 14 et que vous avez une incertitude sur les conclusions du rapport qui vous sera remis dans quelques jours, pourquoi ne pas adopter aujourd'hui la formulation a minima, quitte, dans la navette, à renchérir ensuite, plutôt que de faire le contraire ?
Justement, je ne veux pas minorer la portée de l'article 14 ! J'attends les résultats de la mission pour être en mesure de proposer l'amendement approprié.
Monsieur le député Dominique Potier, nos débats sont écoutés en direct. Contrairement à ce que vous venez d'indiquer, je vous assure que dans certains cas, les pharmaciens font des promotions sur certains médicaments.
Je pourrais même donner le nom des médicaments concernés ! Mais je vais me taire.
L'amendement no 1646 n'est pas adopté.
Il a pour objet d'exclure du champ d'application de l'interdiction les ventes horizontales conclues entre les industriels au sens des lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux accords de coopération horizontale édictées par la Commission européenne.
Comme le montrent ces lignes directrices, ces accords horizontaux sont des moyens pour les industriels de mettre en commun un savoir-faire, d'améliorer la qualité et la diversité des produits, d'accroître les investissements, notamment dans la recherche et le développement des produits de biocontrôle et de lancer plus rapidement des innovations sur le marché, dans l'intérêt de l'agriculture durable.
Enfin, ces ventes horizontales entre industriels ne concernent pas les ventes de produits phytopharmaceutiques à l'utilisateur final de ces produits réalisées par les distributeurs. En conséquence, cette dérogation n'a pas d'incidence sur l'objectif poursuivi par l'article 14 de réduire l'utilisation de produits phytopharmaceutiques.
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir l'amendement identique no 2530 .
Il faut peut-être expliquer la problématique des ventes horizontales. Notre pays compte un certain nombre de groupes chimistes qui produisent notamment des produits phytopharmaceutiques et qui s'échangent entre eux un certain nombre de constituants.
Il s'agit là d'une forme de dynamique du commerce : pour vendre des produits en France, ceux-là même sur laquelle porte l'interdiction des remises, des rabais et des ristournes que nous venons de voter, ainsi qu'à l'étranger, il me semble ces entreprises devraient pouvoir continuer à pratiquer ces 3 R sur les produits qu'elles s'échangent en vue de constituer ensuite des produits finaux. Il n'y aurait toujours aucune remise sur les produits finaux. Je suis donc favorable à cette activité commerciale horizontale.
Comme vous venez de l'indiquer, cher collègue, les accords horizontaux entre industriels permettent de mettre en commun des savoir-faire, d'accroître les investissements en matière de recherche-développement et de lancer plus rapidement des innovations sur le marché, dans l'intérêt de l'agriculture durable.
Je ne vois pas bien en quoi l'interdiction des 3 R les concernerait au titre des accords horizontaux. Ces amendements risquent plutôt d'être interprétés comme une forte limitation des interdictions portant sur les 3 R. Avis donc défavorable.
Le Gouvernement ne souhaite pas empêcher les accords de coopération horizontale au sens de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Pour autant, le terme de vente horizontale recouvre une diversité de pratiques commerciales. Ce n'est pas exactement le terme qui est employé au niveau européen.
Comme je l'ai indiqué précédemment, sur la base du rapport que nous attendons de la mission interministérielle, nous proposerons au cours de la navette les ajustements qui s'avéreraient nécessaires. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
S'il doit encore y avoir des avancées dans la réflexion, je retire mon amendement.
L'amendement no 2530 est retiré.
L'amendement no 1974 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, pour soutenir l'amendement no 1230 .
C'est compliqué.
Nous sommes tous d'accord, de toute façon, pour supprimer effectivement les 3 R sur ces produits. La majorité des agriculteurs sont conscients de cette nécessité. Beaucoup d'entre eux ont fait du chemin sur cette question. C'est une minorité qu'il faut accompagner aujourd'hui.
Je suis intimement persuadée qu'il est mieux d'encadrer plutôt que d'interdire totalement. Lorsque nous tous faisons des achats, nous tenons compte des soldes. Dans la morte-saison, il y a des possibilités d'acheter des produits moins cher. Ce n'est pas pour ça qu'on en achète davantage. J'achète uniquement ce dont j'ai besoin, en quantité suffisante.
Comme cela a été dit par M. le ministre lui-même, personne n'achète aujourd'hui plus que ce dont il a besoin.
On veut redonner du pouvoir d'achat aux agriculteurs ; tel était l'objet de l'article 1er et de la rénovation de la contractualisation en vue de leur permettre de fixer eux-mêmes leurs prix. Aujourd'hui, permettons-leur aussi d'acheter à des prix inférieurs des produits phytopharmaceutiques en période de morte-saison – mais seulement ceux dont ils ont besoin. Responsabilisons-les, faisons-leur confiance et arrêtons de les montrer du doigt comme s'ils étaient des pollueurs : cela ne concerne qu'une minorité.
Mon amendement vise donc à maintenir, en période de morte-saison, des rabais sur les produits phytopharmaceutiques, à la manière des soldes.
Cet amendement vise à organiser deux mois de soldes, en décembre et janvier, sur les produits phytopharmaceutiques.
J'ai bien entendu vos arguments, madame Verdier-Jouclas, mais, notamment pour ce qui concerne les fongicides, il faut adapter les quantités en fonction du climat et acheter en morte-saison n'est pas la stratégie nécessairement la plus adaptée pour ce faire. On sait très bien quel intérêt ont les marchands de produits phytosanitaires à placer certains de leurs produits.
Avis défavorable : une telle mesure serait contraire à l'esprit de l'article 14.
Défavorable.
Ceux qui font des bénéfices avec les ventes de tels produits, ce sont les firmes ! Pour les agriculteurs, c'est toujours plus cher. Quand il y a des rabais en période de morte-saison, les firmes se rattrapent sur le reste.
Moi, je pense qu'il faut conserver la rédaction actuelle de l'article. Rappelons-nous qu'à chaque fois qu'un agriculteur va être amené à utiliser moins de produits phytosanitaires – et c'est l'objet même de ce texte – cela va, dans la quasi-totalité des cas, améliorer la rentabilité de son exploitation et sa productivité. On l'a vu sur des centaines de fermes « Dephy », qui ont obtenu des résultats remarquables : après une réduction de 30 % de l'utilisation des produits phytosanitaires, les exploitations ont conservé la même rentabilité dans 95 % des cas ; cela a été confirmé lors des auditions de la mission sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Il faut accélérer le mouvement. Les rabais en période de morte-saison ne profitent qu'à un seul type d'acteurs : les firmes qui vendent ces produits.
Je voudrais m'inscrire en faux contre ce qui vient d'être dit. Une ferme Dephy est un lieu où l'on apprend à mieux utiliser les produits, à mieux les appliquer et à être plus performant. Il faut investir dans la formation des agriculteurs ; sur ce point, nous sommes d'accord. Il faut faire en sorte que les conditions dans lesquelles ils traitent les cultures s'améliorent – car, et je voudrais appeler l'attention de nombre de collègues sur ce point, elles sont actuellement déplorables – et qu'ils sachent identifier le ravageur ou l'adventice pour pouvoir employer le bon produit et utiliser la bonne dose. Tout cela relève de la formation.
En revanche, arrêtons de caricaturer en disant que les firmes veulent faire des profits.
Toute firme veut faire des profits, c'est dans l'ordre des choses ! Nous avons eu jusqu'à présent des débats équilibrés : ne cédons pas aux oppositions en noir et blanc. Il faut former nos agriculteurs, il faut les sensibiliser à l'usage de ces produits, il faut réduire les doses utilisées. En la matière, il existe de réelles marges de progrès, c'est vrai – mais ça, ça s'appelle la formation.
Pour revenir sur ce que disait Matthieu Orphelin, s'il y a un échantillon qui ne peut pas être suspect, c'est celui qui a été constitué par InVivo, la filiale développement de Coop de France et qui regroupe plusieurs centaines des 2 000 fermes Dephy. Pour cet échantillon, les résultats sont sans appel : non seulement on a maintenu la rentabilité des fermes et réduit très nettement la dépendance aux produits phytopharmaceutiques, conformément à l'objectif des 20 % visé dans la période, mais aussi on a maintenu la productivité. Et ça, c'est important : nous ne sommes pas en train de parler d'agriculture de paysage, d'entretien et de romantisme !
On sait qu'au-delà de 25 % de réduction, il y a un enjeu d'équilibrage entre le défi alimentaire, le défi énergétique et le défi environnemental et que cela conduit à des arbitrages compliqués. Mais en dessous, il s'agit d'une lutte contre le gaspillage – c'est d'ailleurs presque la même chose pour le gaspillage alimentaire. C'est juste un changement de paradigme : tout le monde y gagnera.
Les fermes Dephy, c'est le living lab de la ferme France, le laboratoire vivant de l'innovation, si bien que l'on a décidé de passer de 2 000 à 3 000 entités et que, grâce à l'appui du réseau des chambres d'agricultures, chacune d'entre elles se déploiera sur dix fermes. Je suis ravi que cette expérience se poursuive. Si 30 000 fermes s'engagent dans la transition agroécologique, nous aurons transformé l'agriculture : un pour sept, c'est le même rapport que celui qui, dans les années soixante et soixante-dix, avait permis de transformer la vieille Ferme France en la ferme moderne d'aujourd'hui. Eh bien, nous atteindrons à la nouvelle modernité lorsqu'un paysan sur sept utilisant des produits phytopharmaceutiques aura engagé cette triple mutation économique, sociale et environnementale.
Des fermes Dephy, nous en avons nous aussi dans notre département. Si cela fonctionne, c'est parce que nos agriculteurs sont motivés et qu'ils ont envie d'y aller.
Je le répète : le but de l'amendement est de responsabiliser les agriculteurs. Il n'est pas vrai que les agriculteurs utilisent ces produits à tort et à travers. Ce n'est le fait que d'une minorité.
La majorité d'entre eux sont conscients, les utilisent de moins et moins, participent aux fermes Dephy et font tout ce qu'il faut pour engager la transition. Il conviendrait de ne pas diminuer leur pouvoir d'achat, alors que d'un autre côté, on dit vouloir l'augmenter.
L'amendement no 1230 est retiré.
Cet amendement important vise à donner aux services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes les compétences nécessaires pour contrôler le respect des dispositions que nous allons introduire par l'intermédiaire de l'article 14.
L'amendement no 2246 , accepté par la commission, est adopté.
L'article 14, amendé, est adopté.
Au travers de cet amendement, nous proposons d'évaluer l'impact des mesures figurant aux articles 1 à 14 du présent texte et de confier la réalisation de cette évaluation à l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Celui-ci la présenterait au Parlement à l'occasion de la remise de son rapport annuel.
Cet amendement est identique à celui qui vient d'être excellemment défendu par mon collègue Descoeur.
Autant l'intervention de l'Observatoire se justifie pour certains articles, autant je vois mal quelle serait la pertinence de lui demander d'évaluer des mesures relatives au bien-être animal ou à l'utilisation des produits phytosanitaires. C'est au Parlement d'évaluer les lois qu'il adopte. Avis défavorable – mais je suis en revanche favorable à ce que le Parlement les évalue !
Défavorable.
Monsieur le rapporteur, si nous demandons un tel rapport, c'est que nous souhaitons que l'Observatoire évalue l'impact économique des mesures relatives au bien-être animal et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. C'est un autre angle que celui que vous envisagez. Il serait dommage de ne pas le faire, car, pour ce qui est de la compétitivité de l'agriculture, il s'agit d'un indicateur essentiel si l'on veut mesurer le poids des contraintes que l'on inflige à nos agriculteurs.
L'article 14 bis prévoit l'interdiction de la vente en libre-service des catégories de produits biocides les plus préoccupantes, dont la liste précise sera dressée par le ministère. Il prévoit aussi l'interdiction de la publicité pour ces mêmes catégories de produits, ainsi que certaines pratiques commerciales, telles que la remise d'unités gratuites, pour tous les produits biocides. Sous cette appellation sont regroupés de nombreux produits de la vie courante comme les insecticides, les désinfectants pour les mains ou les peintures antisalissures, aujourd'hui en vente libre en France. Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelles gammes de produits ne seront plus en accès libre ? Cela concernera-t-il, par exemple, les produits antipoux ?
Les mesures prévues par cet article permettront de mieux encadrer la mise à disposition des produits biocides, conformément aux objectifs communautaires, rappelés régulièrement par les autorités françaises, de limitation au juste nécessaire de l'utilisation des produits destinés à lutter contre les nuisibles.
Le Gouvernement propose de fixer par décret la liste des catégories de produits dont la vente ne pourra plus être autorisée en libre-service ou avec publicité à destination du grand public, de façon à ce que cela ne prête pas à ambiguïté.
L'amendement no 2400 , accepté par la commission, est adopté.
L'amendement no 313 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, pour soutenir l'amendement no 1231 .
C'est la même proposition que celle que j'ai faite sur les produits phytosanitaires, appliquée aux biocides. Je retire l'amendement.
L'amendement no 1231 est retiré.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques et soutenir le sous-amendement no 2717 .
Il s'agit d'amendements de coordination, tendant à aligner l'entrée en vigueur de l'article 14 bis avec celle de l'article 14. Le sous-amendement vise à préciser que le délai court à partir de la publication, et non de la promulgation de la loi.
Favorable au sous-amendement et aux amendements ainsi modifiés.
Le sous-amendement no 2717 est adopté.
L'article 14 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2301 portant article additionnel après l'article 14 bis.
L'amendement no 2301 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet article prévoit la reconnaissance des préparations naturelles peu préoccupantes et l'autorisation d'usage de toute substance naturelle à usage de biostimulant élaborée à partir des parties consommables des plantes utilisées en alimentation animale et humaine.
Dans la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, j'étais déjà intervenu sur ce sujet. Techniquement et dans la pratique, ces préparations relèvent d'astuces de jardinier qui ne font pas intervenir la chimie.
Les préparations naturelles peu préoccupantes ont longtemps été utilisées hors de tout cadre juridique. L'article 36 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 a mis fin à l'instabilité juridique en consacrant les PNPP et en prévoyant une procédure dérogatoire de mise sur le marché.
Or, aux termes du décret d'application publié en 2009, les PNPP sont considérés comme des produits phytopharmaceutiques, et, par conséquent, doivent faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché simplifiée tandis que leurs substances doivent figurer sur la liste des substances autorisées.
Ce carcan juridique constitue un véritable frein à leur utilisation qui, pourtant, ne peut être que vertueuse et contribuer à la réalisation des objectifs de limitation des produits phytosanitaires.
L'article 14 ter peut être une innovation intéressante, mais il appelle deux questions, monsieur le ministre. D'abord, à travers cet article, on cherche à résoudre la difficulté à classer les substances naturelles dans la typologie de la réglementation européenne. Tant mieux si une solution est trouvée. En revanche, l'article dispose que les plantes sont autorisées. Elles sont donc dispensées de contrôle ou de vérifications par l'ANSES, si je comprends bien. Il n'y a plus de regard des pouvoirs publics ni d'expertise scientifique sur la question.
Ensuite, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que l'article 14 ter est compatible avec la réglementation européenne sur les produits phytopharmaceutiques ?
Pour répondre à M. Herth, le Gouvernement avait déposé un amendement de suppression de l'article, amendement qu'il a retiré.
Actuellement, ces substances sont autorisées après une évaluation simplifiée des risques réalisée par l'ANSES, afin de vérifier l'innocuité pour la santé humaine et pour l'environnement.
L'article 14 ter visait à supprimer l'évaluation sanitaire et environnementale préalable à l'autorisation d'utilisation des parties consommables des plantes utilisées comme substances à usage biostimulant. Le recours à forte dose ou sous des formes concentrées, à des parties consommables des plantes, même utilisées en alimentation, peut ne pas être sans danger pour la santé humaine et animale, ainsi que pour l'environnement. Plusieurs dossiers de demande d'autorisation ont été rejetés parce que l'évaluation avait révélé des risques en cas d'utilisation des plantes sous certaines formes. Par exemple, la rhubarbe est consommée couramment mais ses feuilles sont toxiques à haute dose. Il n'est donc pas possible de mettre les feuilles dans un composteur pour les détruire.
Le Gouvernement veut développer des méthodes alternatives – les biostimulants, les substances de base et le biocontrôle – en facilitant leur autorisation. Cela figure expressément dans la feuille de route. Des groupes de travail réfléchissent sur ces sujets. Mais nous devons nous assurer de l'innocuité de certaines substances.
Nous avons retiré notre amendement afin de prendre le temps de le retravailler et de distinguer les parties de plantes qui peuvent poser problème et celles dont il convient de promouvoir l'utilisation. Je tenais à vous répondre de manière précise et factuelle, monsieur Herth.
Je voudrais aussi répondre, bien que cela n'ait qu'un lointain rapport avec notre discussion, à Sébastien Jumel. Le Normand que je suis ne saurait lui faire une réponse normande sur ce sujet, d'autant que celle-ci intéressera également celles et ceux dans cet hémicycle qui apprécient le camembert ainsi que mes collègues normands, Jérôme Nury et Bertrand Bouyx – nous représentons chacun un département de la Normandie. Et j'oubliais Christophe Bouillon !
Une bataille oppose depuis des années le « camembert de Normandie » et le camembert « fabriqué en Normandie ». L'INAO a trouvé une solution pour mettre fin à la guerre que se livraient les fabricants de camembert dits industriels, pasteurisés, et ceux qui produisent un camembert avec du lait venant des pâturages et des prés normands, en AOP – appellation d'origine protégée – ou en AOC – appellation d'origine contrôlée – , bref des fromages au lait cru moulés à la louche. Ces tensions étaient une source de tromperie pour le consommateur depuis des années.
Je pense qu'il était nécessaire de mettre un terme à cette dualité. J'ai proposé, je l'ai dit dans une émission télévisée il y a quelques jours, que puisse être apposée une mention particulière sur les véritables camemberts, c'est-à-dire ceux qui sont au lait cru et moulés à la louche, de telle sorte que le consommateur puisse acheter en toute connaissance de cause.
Quoi qu'il en soit, je voulais saluer le travail mené par l'INAO car le problème dure depuis de trop nombreuses années.
Je vous ai interpellé à l'article 14, monsieur le ministre, sur les préparations naturelles peu préoccupantes en vous alertant sur le recul que constituait votre amendement de suppression. Vous n'aidez pas à l'émergence des alternatives que sont les PNPP. L'évaluation a déjà été faite...
C'est une très bonne chose, et je vous remercie. C'est une avancée – je les reconnais quand il y en a, monsieur le ministre, je ne fais pas de langue de bois !
Je le sais !
J'espère que cela permettra aux PNPP de prendre la place qu'elles méritent dans les solutions alternatives.
Les PNPP ont été une passion parlementaire de la dernière législature. Il y avait l'école qui considérait que puisque ces produits étaient naturels, toutes les règles pouvaient être transgressées, et celle qui voulait dresser un mur normatif infranchissable.
Il faut penser à ce qui a déjà été fait. Le biocontrôle bénéficie d'un coupe-file pour les instructions par l'ANSES. Donc dès qu'une solution alternative, non chimique, traditionnelle émerge, elle est évaluée par l'ANSES à laquelle des moyens budgétaires et humains ont été octroyés pour faire face à l'innovation technologique en la matière.
Les PNPP sont parfois exploitées avec peu de bénéfices par des petits opérateurs qui ne sont pas de grandes multinationales de la chimie. La solution qui avait été trouvée, monsieur le ministre, consistait à rassembler les demandes en souffrance et à débloquer un budget d'innovation – sur fonds français ou européens, peu importe – permettant de traiter ce paquet de dossiers et de ne pas les laisser traîner éternellement.
Si nous réussissions à débloquer, dans le débat budgétaire à venir, une somme destinée à régler les dossiers de PNPP en souffrance aujourd'hui, qui ne sont pas pris en charge financièrement par les porteurs de projets faute de solidité économique, nous mettrions un terme à une bonne part des polémiques.
Dans un amendement qui sera examiné plus tard, je propose une troisième voie : la séparation de l'homologation commerciale et de l'homologation de toxicité. On dit que la rhubarbe peut être dangereuse si on ne mange que cela pendant tout un week-end. Faites attention, d'autant c'est la saison !
On peut appliquer le principe de précaution sur les substances naturelles. Mais leur effectivité commerciale, telle qu'elle figure sur l'étiquette, me semble présenter moins d'enjeux. Pour accélérer l'émergence de solutions nouvelles dans la technologie végétale, je proposerai donc – et je connais les fortes résistances de vos services, monsieur le ministre – d'autoriser la mise sur le marché de produits dont la non-toxicité aura été vérifiée mais dont l'effectivité commerciale n'aura pas été complètement calibrée. C'est une voie d'accélération que je propose.
Je suis surpris. Peut-être par méconnaissance ? Pour moi, dans la rhubarbe, on ne mange que les tiges, pas les feuilles !
Passons ce détail culinaire. À la différence de M. Prud'homme, qui semble avoir compris ce qui s'est passé, je n'arrive pas à suivre. Que propose le Gouvernement pour cet article ?
Bien. Reste que je dois confesser mon ignorance sur les produits peu préoccupants : pouvez-vous m'éclairer sur les techniques de biocontrôle ? Il y a quelques années, l'utilisation de coccinelles contre les pucerons a été autorisée. Sauf que c'étaient des coccinelles chinoises et qu'aujourd'hui elles nous envahissent – on les repère facilement car elles passent l'hiver. Existe-t-il des procédures spécifiques pour ces méthodes qui paraissent de bon sens mais qui amènent sur notre territoire des ravageurs nouveaux, des insectes qui supplantent nos espèces traditionnelles ? Je milite pour la défense de la coccinelle traditionnelle. Je vais peut-être lancer une association sur le sujet…
L'article 14 ter est adopté.
C'est la deuxième fois que vous me confondez avec M. Chassaigne, madame la présidente. Je vais finir par me laisser pousser la moustache !
Sourires.
La directive européenne 66402CEE du 14 juin 1966 concernant la commercialisation des semences de céréales autorise la commercialisation des céréales sous forme de différentes variétés. La France campe néanmoins sur le principe de l'interdiction de la commercialisation de mélanges de semences, bien que le recours à de tels mélanges puisse être intéressant en termes d'utilisation d'intrants ou de rendement. Afin de favoriser la culture des mélanges, nous entendons, par le présent amendement, lever le frein qui oblige aujourd'hui les agriculteurs qui souhaitent la pratiquer à effectuer leurs mélanges eux-mêmes. Nous proposons par conséquent d'inscrire explicitement dans la loi la possibilité de commercialiser des semences sous forme de mélanges de variétés.
J'avais déjà proposé cet amendement en commission. Je constate que j'ai un peu progressé, puisque j'ai réussi à convaincre M. Chassaigne et ses collègues de déposer un amendement analogue ; c'est une première étape ! M. le rapporteur m'avait répondu que l'on pouvait d'ores et déjà commercialiser des semences sous forme de mélanges de variétés. Or j'ai vérifié, et tel n'est pas le cas. C'est pourquoi je présente à nouveau cet amendement.
Il faut qu'il soit possible de proposer des semences prémélangées, notamment pour la grande culture céréalière. Pour quelle raison ? Tout simplement parce que, dans l'agriculture conventionnelle, la plupart des céréales sont traitées avec des produits, notamment des insecticides ou des répulsifs.
À ce propos, j'ouvre une parenthèse : le principal répulsif utilisé, notamment pour éviter que les corbeaux ne mangent les graines, est l'anthraquinone. Or cette substance se trouve, à l'état naturel, dans la rhubarbe – c'est précisément le problème que vous avez signalé tout à l'heure, monsieur le ministre. Il se trouve, et je vais prochainement vous soumettre un dossier à ce propos, que lorsque les producteurs réalisent des mélanges de thés bio avec des baies, des fruits ou d'autres végétaux et notamment de la rhubarbe, leurs thés ne peuvent plus être reconnus comme biologiques car les analyses mentionnent des traces d'anthraquinone – celle-ci étant présente naturellement dans les plantes. Cette difficulté n'est pas traitée dans la réglementation française, alors qu'elle l'est dans la réglementation allemande, d'où le fait que les Allemands sont aujourd'hui en train de s'imposer sur le marché du thé, en particulier pour ces produits et pour le thé fumé. Plus un seul gramme de thé fumé ne peut être importé en France pour cette raison : tout passe par le port de Hambourg !
J'en reviens aux céréales. Le problème, c'est que lorsque les agriculteurs veulent mélanger des céréales, ils le font au fond de la cour dans une bétonnière et en prennent plein la figure. Et pourquoi mélangent-ils des céréales ? Parce que cela permet de réduire l'utilisation de fongicides. Je propose que l'on donne un signal en indiquant clairement, dans la réglementation, que la commercialisation des mélanges est possible, quitte à ce que vous ajustiez ensuite le tir par décret, monsieur le ministre.
En tout cas, c'est un exercice complexe : si vous produisez du blé meunier, par exemple, il faut que les variétés que vous mélangez présentent des caractéristiques meunières adaptées aux débouchés. Il faut donc raisonner à l'échelle de l'ensemble de la filière. Selon moi, un encadrement réglementaire serait tout à fait souhaitable en la matière.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Je mélange moi-même du blé et du triticale dans une bétonnière, et je confirme que ce n'est effectivement pas très agréable.
Pour tenir compte de l'intérêt agronomique de certains mélanges, le droit prévoit déjà des dérogations, notamment dans certaines prairies. En d'autres termes, les mélanges de semences ne sont pas interdits à la commercialisation dès lors que cela s'inscrit dans le cadre défini au niveau européen. Par exemple, la directive du 30 août 2010 introduisant certaines dérogations pour la commercialisation des mélanges de semences de plantes fourragères destinés à la préservation de l'environnement naturel autorise les États membres à prévoir des procédures d'autorisation spécifiques pour les mélanges de semences à des fins de préservation. La commercialisation de ces mélanges est donc déjà possible. Elle est encadrée par des décrets, celui du 14 décembre 2011 en ce qui concerne les mélanges de semences fourragères.
Les amendements que nous examinons vont beaucoup plus loin : ils visent à autoriser la commercialisation de tous les mélanges de semences, ce qui nous placerait en dehors du droit de l'Union européenne en matière de dérogations, dans lequel notre réglementation s'inscrit. J'y suis donc défavorable.
Défavorable également. Outre ce que vient d'indiquer le rapporteur, des questions sanitaires ou de droit de propriété peuvent se poser.
Je soutiens l'initiative d'Antoine Herth, relayée par le groupe GDR. Sans entrer dans un débat trop technique, les mélanges de semences offrent des solutions, par exemple pour le colza, dont nous défendons la place dans la production d'énergie et comme source de protéines pour l'alimentation animale. Les producteurs de colza ont réalisé des progrès énormes dans la maîtrise de la phytopharmacie, notamment grâce à l'utilisation de mélanges de variétés précoces – les méligèthes s'attaquant aux quelques plants précocement fleuris, on fait ainsi l'économie d'un insecticide.
La présente proposition relative aux mélanges – qui posent certes un problème pratique assez complexe : incorporer un petit sachet dans un grand sac… – figurait dans le rapport de la mission sur le plan Écophyto 2.
Plus largement, les mélanges variétaux, notamment les méteils, nous promettent de grands progrès en agronomie, au moins aussi importants que les progrès en matière de mécanique. L'INRA et l'Institut du végétal le démontrent en permanence. Nous disposerons, demain, de mélanges performants. À défaut de voter cet amendement, peut-être faut-il, monsieur le ministre, que la France plaide pour des dérogations plus nombreuses, car l'agroécologie passe en partie par l'octroi de facilités de cette nature aux paysans qui souhaitent travailler dans le bon sens. Il s'agit de leur simplifier la vie.
L'amendement no 2210 n'est pas adopté.
C'était tout juste ! Cela aurait mérité d'être recompté, madame la présidente !
C'était tout juste ! Cela aurait mérité d'être recompté, madame la présidente !
L'amendement no 218 n'est pas adopté.
Vous n'avez pas osé mélanger les votes, madame la présidente, et pourtant c'était tout juste ! Je plaisante… J'ai confiance en votre discernement.
Avec le présent amendement, nous reprenons un débat entamé sous la précédente législature avec le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Le Parlement s'était alors attaché à lever les obstacles à l'échange de semences de variétés paysannes anciennes appartenant au domaine public. Il avait souhaité que ces variétés, dès lors qu'elles étaient destinées à des utilisateurs non professionnels, puissent être librement échangées sans que l'on exige leur inscription préalable au catalogue qui a vocation à répertorier l'ensemble des semences.
Dans le prolongement de ces dispositions, le présent amendement vise à rétablir, conformément au souhait du législateur, la possibilité de cession à titre onéreux des variétés de semences relevant du domaine public et destinées aux jardiniers amateurs. L'enjeu est, vous l'avez compris, de faciliter la conservation et la diffusion de variétés anciennes afin de préserver la biodiversité agricole, qui est liée, d'une certaine manière, à notre identité.
La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour soutenir l'amendement no 965 .
Le présent amendement a été adopté par la commission du développement durable, mais repoussé par la commission des affaires économiques.
L'article 11 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages avait modifié l'article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime afin d'exempter la cession, la fourniture ou le transfert de semences et de matériels de reproduction des végétaux d'espèces cultivées de variétés appartenant au domaine public du respect des règles fixées en la matière par un décret en Conseil d'État, dans le cas où la cession se ferait à titre gratuit ou à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété. Ledit article 11 prévoyait aussi que cette dérogation s'appliquait à la cession à titre onéreux lorsqu'elle était réalisée par une association relevant de la loi de 1901.
Dans sa décision du 4 août 2016, le Conseil constitutionnel a validé la première disposition, mais déclaré la seconde inconstitutionnelle au motif qu'elle portait atteinte au principe d'égalité devant la loi, dans la mesure où il n'y avait pas lieu d'avantager les associations loi 1901 par rapport à d'autres organismes.
Nous proposons dès lors, par le présent amendement, de réintroduire l'exemption pour les cessions à titre onéreux sans aucune restriction. Cette mesure vise à favoriser la commercialisation des semences destinées aux jardiniers amateurs. Cela permettrait d'améliorer considérablement la conservation, la diffusion et l'enrichissement de la biodiversité agricole réalisés par les artisans, semenciers et jardiniers amateurs.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR.
Sur l'amendement no 2211 , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Non, tous les autres amendements sont en discussion commune, mais pas identiques, monsieur Jumel.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 1447 .
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2028 .
Nous reprenons ici un amendement qui a été voté par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, mais rejeté par la commission des affaires économiques. Il tend à rétablir les possibilités de cession à titre onéreux des variétés de semences relevant du domaine public et destinées aux jardiniers amateurs. Les jardiniers jouent un rôle crucial dans la conservation, la diffusion et l'enrichissement de la biodiversité agricole, enjeu majeur, je l'ai rappelé tout à l'heure, pour l'agriculture et l'alimentation du XXIe siècle. En effet, 90 % des variétés traditionnellement utilisées par les paysans ont cessé d'être cultivées en l'espace d'un siècle, et 75 % d'entre elles sont irréversiblement perdues.
Le présent amendement s'inscrit dans un combat plus large pour la libre utilisation des semences et pour la préservation de la biodiversité. Soulignons d'ailleurs qu'une victoire vient d'être remportée à cet égard : le Parlement européen a voté l'autorisation de la commercialisation des semences paysannes par les agriculteurs bio dès janvier 2021.
Il s'agit de réinstaurer la possibilité de pratiquer les échanges à titre onéreux, sans les réserver à une catégorie particulière d'opérateurs. Nous souhaitons que les jardiniers aient ainsi accès à une plus grande diversité de semences, surtout aux variétés qui ont été interdites à la commercialisation par le système du catalogue officiel du GNIS – Groupement national interprofessionnel des semences et plants. Cette interdiction a conduit la justice française à condamner des associations de jardiniers qui faisaient commerce de variétés oubliées. Il s'agit de sauvegarder un patrimoine génétique dont nous serons bien heureux de pouvoir profiter dans les prochaines années.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l'amendement no 2101 .
Cet amendement me tient particulièrement à coeur, car il avait été voté dans le cadre du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité lorsque j'étais secrétaire d'État chargée de la biodiversité. Il vise à nous doter enfin de vrais outils pour que nous ne perdions pas toute notre biodiversité agricole, notamment en matière de fruits et légumes.
Les chiffres ont été rappelés, notamment par la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture : nous avons perdu 75 à 80 % des variétés traditionnellement utilisées par les paysans. Certaines ne sont pas encore définitivement perdues, mais, si nous continuons à nous en tenir uniquement au nombre très réduit de variétés actuellement inscrites au catalogue officiel – cela est dû à des raisons liées à la standardisation, à la taille, au goût et autres – nous allons perdre tout ce qui fait notre richesse depuis de années.
Aujourd'hui, il existe une directive européenne sur les variétés de conservation. On pourrait donc penser que tout va bien et que le travail est fait. Reste que, comme tout le droit européen – ce qui justifie mes fortes divergences avec le ministère sur l'appréciation de ce droit – , la directive est limitée aux semences cultivées en vue d'une exploitation commerciale.
C'est sur les semences cultivées en vue d'une exploitation non commerciale que porte l'amendement. La directive ne permet de conserver qu'un très petit nombre de variétés anciennes et locales. Seules onze variétés sont inscrites en France dans cette catégorie : neuf variétés de pommes de terre, une de navets et une de maïs. C'est dérisoire ! Au niveau européen, on n'en trouve que soixante et onze, soit une moyenne de deux variétés et demie par État membre.
Nous ne pouvons pas continuer à perdre notre biodiversité. Aujourd'hui, des jardiniers amateurs accomplissent un travail extraordinaire, parce qu'il échappe aux contraintes de l'exploitation commerciale et à l'obligation de la rentabilité. Ils ont recueilli des collections plus ou moins vastes qui sont notre mémoire, mais une mémoire entretenue dans le vivant, qui ne ressemble en rien à une banque.
La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages leur a donné la possibilité de pratiquer des échanges à titre non onéreux. Il est essentiel que nous leur accordions la possibilité de le faire également à titre onéreux. Cela signifie simplement qu'ils pourront échanger des petits sachets de graines – jamais à des agriculteurs, car c'est interdit – afin qu'ils puissent rentrer dans leurs frais.
Une telle mesure concerne principalement des associations, dont on connaît la difficulté qu'elles ont à se financer. Aidons-les à le faire et à poursuivre un travail d'intérêt public crucial au moment où, dans notre pays comme ailleurs, nous sommes en train de perdre la biodiversité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur les bancs des groupes GDR et NG.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures dix.
J'émets un avis défavorable, pour des raisons que je laisse à M. le ministre le soin d'expliquer.
Avis défavorable. La mesure serait incompatible avec les obligations prévues par la réglementation européenne, …
… laquelle interdit de commercialiser, donc de certifier des semences qui ne figurent pas au catalogue de certains États membres.
Nous devons tenir compte des risques que courraient des variétés non inscrites et non évoluées, ce qui peut poser problème pour une commercialisation.
En revanche, les variétés anciennes bénéficient déjà de dispositions adaptées, ce qui permet leur inscription au catalogue officiel des espèces et variétés. Nous souhaitons que l'on s'empare des variétés qui existent, ce qui donnerait satisfaction aux auteurs des amendements.
On s'aperçoit aujourd'hui que celles qui sont inscrites au catalogue ne sont pas suffisamment prises en compte par les utilisateurs. Il faut donc accomplir un travail de communication pour les faire connaître.
Je regrette que le rapporteur de la commission des affaires économiques n'ait pas expliqué la nature de sa divergence avec la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, qui a soutenu l'amendement no 965 . Il est assez rare que deux commissions de même majorité statuent différemment. Cela montre qu'il existe en l'espèce un débat de fond.
Je m'interroge sur l'impact de la mesure proposée. Les jardiniers dont nous parlons cultivent-ils des volumes importants ? L'adoption des amendements modifierait-elle les conditions économiques du secteur ?
D'ailleurs, faut-il réellement parler de « commercialisation » – terme qui suggère l'idée de mise en vente dans un système de distribution commerciale – quand on échange des semences même à titre onéreux ?
Pour toutes ces raisons, je pense qu'au niveau juridique, l'argument développé par le ministre…
… appelle peut-être une analyse plus poussée. En somme, la solution proposée semble être une de bon sens, mais nous manquons d'éléments d'analyse économique pour comprendre ce qu'il y a derrière.
Si vous aviez assisté à l'ensemble des débats, vous auriez constaté que, la plupart du temps, la commission des affaires économiques et la commission du développement durable convergent. Il arrive toutefois que nous ne soyons pas du même avis.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
S'il vous plaît, mes chers collègues !
La parole est à M. Nicolas Turquois.
Permettez-moi de porter à votre connaissance quelques éléments pour éclairer le débat et expliquer pourquoi nous nous trouvons dans cette situation, étant précisé que je n'ai pas d'avis absolu sur le sujet. Je précise que mon exploitation agricole est entièrement tournée vers la production de semences de céréales, de maïs et de légumes. Il existe un règlement spécifique parce qu'à une variété donnée, un nom commercial donné doit correspondre une définition précise. Une semence de tomate coeur-de-boeuf donnera des variétés, des plants différents selon que vous l'aurez achetée du côté de la Touraine ou des Bouches-du-Rhône. Ce seront dans les deux cas de grosses tomates, mais les plants seront dissemblables. En France, en Europe, à un nom de variété doit correspondre une plante aux définitions à peu près stables. Tel est le biais. Les noms vernaculaires utilisés dans les différentes régions ne correspondent pas aux mêmes réalités, ce qui explique la réglementation.
Cela étant, j'entends la demande de mes voisins, qui souhaitent pouvoir échanger – ce qui est déjà possible – et acheter des variétés dites anciennes. C'est l'enjeu de la réglementation. Si l'on en reste à des échanges et des achats entre particuliers, entre amateurs de jardinage, je ne vois pas vraiment le problème. Mais certaines démarches sont commercialement beaucoup plus agressives. Sur un marché auquel je suis allé il y a une quinzaine de jours étaient vendues des semences anciennes de quinoa, qu'on sait difficiles à trouver, compte tenu du caractère récent de l'implantation de cette plante en France.
Je voulais vous rappeler l'origine de l'existence de cette réglementation sur le sujet. Soit le ministère est en mesure de proposer une solution pour les petites quantités, les faibles échanges, soit je voterai contre cet amendement.
J'entends les remarques qui sont faites. Je m'inscris en faux contre l'argument selon lequel ces amendements contreviendraient à la réglementation européenne. Je veux bien qu'une directive comporte une ambiguïté, mais la volonté du législateur européen a toujours été d'exclure de la législation les pratiques non commerciales. Or, tel est bien le champ d'application de ces amendements, qui concernent ce type de pratiques et s'appliquent à de petites quantités. Encore une fois, nous ne souhaitons pas conférer aux agriculteurs le droit de vendre ces semences dans le cadre d'une exploitation commerciale. J'entends les inquiétudes de certains, mais je rappelle que les pratiques que nous souhaitons promouvoir existent au Danemark depuis 2015. Ce pays a présenté ce dispositif devant la Commission européenne en 2016, et cela n'a donné lieu à aucune difficulté. Il faut arrêter d'avoir peur de tout, d'identifier des problèmes a priori ; la perte de la biodiversité, elle, ce n'est pas une peur mais bel et bien une réalité. Arrêtons de nous voiler la face ! Nous disposons là d'un outil excellent pour préserver notre biodiversité cultivée. Utilisons-le et contrôlons ensuite son utilisation, comme nous le faisons pour tout produit issu de l'agroalimentaire et de l'agriculture. Il est évident que des contrôles devront être opérés sur l'application de cette loi. Des mesures sont d'ores et déjà prévues dans la loi sur la biodiversité.
Effectivement, c'est aller dans le sens de l'histoire que d'accepter ces amendements. Une décision historique a été prise au niveau européen il y a quelques jours. Cela étant, j'ai entendu les questionnements formulés, notamment, par le rapporteur et le ministre. Ces amendements visent l'échange entre jardiniers amateurs. Je préconise qu'on adopte l'un d'eux aujourd'hui et qu'on le retravaille pendant la navette, pour que la distinction avec un certain nombre de petits producteurs soit mieux établie. Ce serait envoyer un signal fort que de voter en ce sens. La crise de la biodiversité est si grave qu'il faut se lancer. Les risques me paraissent vraiment très limités. Allons-y et retravaillons la disposition une fois qu'elle sera votée, au cours de la navette, pour rassurer tout le monde. Il faut agir à un tel niveau face à la crise de la biodiversité qu'il me paraît préférable de l'adopter, même si sa rédaction actuelle n'est pas parfaite.
J'espère aussi que l'un de ces amendements va prospérer, car ce serait une contribution concrète, utile, lisible, un acte exprimant la volonté partagée de contribuer à la préservation de la biodiversité. Ces amendements mettent en jeu des quantités négligeables, qui ne vont pas rompre les grands équilibres commerciaux. Barbara Pompili, forte de son expertise, vient de nous expliquer que cette disposition n'était pas contraire à la réglementation européenne, comme l'atteste l'exemple du Danemark. Monsieur le ministre, si nous ne sommes pas en mesure de préserver la part de souveraineté de l'État sur un sujet tel que celui-ci, à savoir la sauvegarde de la biodiversité et des semences anciennes, dans quel domaine la préserverons-nous ? Si nous renonçons à tout élément de notre identité et de notre souveraineté, nous émettons un signal politique très négatif, nous montrons l'affaissement, l'affaiblissement de l'État français. Vous avez mis du temps à échanger entre vous, ce qui me semble plutôt sain dans une démocratie, mais cela ne devrait pas vous ôter votre sens de l'humour, monsieur le président Lescure – je me suis contenté de vous demander si la fumée blanche était sortie. J'espérais que ce soit le cas et que l'on parvienne à un consensus nous permettant de faire avancer l'intérêt général, ce qui est l'objectif recherché.
Les jardiniers amateurs s'échangent en permanence des semences. Il faut être vraiment tordu ou faire partie d'une administration très verticale pour songer à autoriser l'échange de semences entre amateurs, ce qui vient pourtant d'avoir lieu. Si certains veulent se vendre des semences, nous n'allons pas bâtir une organisation nationale, mondiale des jardiniers amateurs. Ça me paraît dépasser l'entendement. C'est la raison pour laquelle je voterai évidemment ces amendements. S'ils ne sont pas votés, on trafiquera ensemble, on se vendra nos semences entre amateurs, voilà tout.
Les jardiniers, de plus en plus, échangent leurs semences, leurs pratiques.
Dans la ruralité, cela crée du lien social supplémentaire. Cela dépasse le simple acte de jardiner ou de manger, c'est une culture, un savoir, que nous devons préserver. Le président Fesneau connaît bien ces questions, car le Loir-et-Cher abrite la ferme de Sainte-Marthe. Que s'est-il passé ? On a acheté des variétés de tomates, prétendument anciennes. On en a gardé quelques-unes pour replanter les pépins, et hélas, on a dû constater que les grands coquins nous avaient vendu des hybrides ! On ne pouvait plus reproduire ces cultures nous-mêmes ! Mais ce que la terre a donné, elle doit pouvoir le reproduire librement.
Ce qui est important, c'est qu'on laisse aux jardiniers amateurs ce plaisir fondamental. Lors des États généraux de l'alimentation, il a été dit que c'était par l'éducation, les cours de cuisine que nous allions bien faire manger les gens. La cuisine commence avec le produit. Laissons cuisiner les gens et laissons-les librement échanger ce qui donnera de bons produits.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM, et REM, ainsi que sur les bancs des groupes GDR, FI et NG. – M. Olivier Falorni et Mme Sylvia Pinel applaudissent également.
C'est toujours un bonheur de s'exprimer après Richard Ramos !
Rires.
Sourires.
C'est un peu comme dans les tours de chant, il arrive en vedette américaine et il emmène les artistes à sa suite. Je voulais dire à M. Aubert – qui sait de quoi il parle, puisqu'il est magistrat à la Cour des comptes – que la mise en vente dans un circuit commercial, c'est, juridiquement, une mise sur le marché. Certains d'entre vous proposent de voter l'amendement puis de le retravailler, mais il est délicat de voter une disposition qu'on ne maîtrise pas complètement ; l'amendement pourrait rester figé dans le texte, sans que l'on parvienne à le retravailler conformément à nos objectifs. Je suis ouvert à ce que nous retravaillions cette disposition, mais je préfère éviter de l'inscrire dans le marbre, car cela pourrait nous poser problème. Il existe une interdiction de commercialiser et de certifier des semences qui ne sont admises au catalogue d'aucun État membre. Pour être admise au catalogue officiel, une variété doit être « distincte, stable et suffisamment homogène » pour garantir à l'acheteur une valeur culturale et d'utilisation à des fins de productivité de l'agriculture. Lorsque des jardiniers s'échangent des semences, il s'agit de cessions à titre gratuit, qui se pratiquent depuis des années…
… sans difficulté. Mais, dès lors qu'on veut organiser un circuit commercial, les choses se compliquent, car on doit se conformer à la réglementation.
D'après plusieurs députés, la disposition proposée serait conforme à la réglementation européenne, qui réserve l'application officielle aux seuls transferts réalisés dans le cadre d'une exploitation commerciale, autrement dit, lorsque les semences sont destinées à des agriculteurs professionnels.
Quant au Danemark, oui, il a autorisé ces pratiques, mais sans l'autorisation de la Commission européenne.
Cela ne correspond pas à ma façon d'agir.
Comme membre du Gouvernement, je souhaite que l'on se conforme à la réglementation européenne, ce qui n'empêche pas de dire les choses quand nous sommes en désaccord avec celle-ci. Malgré la qualité des débats, je maintiens mon avis défavorable sur ces amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 84 |
Nombre de suffrages exprimés | 71 |
Majorité absolue | 36 |
Pour l'adoption | 17 |
contre | 54 |
L'amendement no 2211 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 85 |
Nombre de suffrages exprimés | 77 |
Majorité absolue | 39 |
Pour l'adoption | 47 |
contre | 30 |
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Cet amendement vise à éviter la suppression de précisions sur le contenu des insertions publicitaires visées par l'article, notamment les principes de lutte intégrée, les bonnes pratiques d'application des produits phytosanitaires, ainsi que leurs dangers potentiels, qui figurent aujourd'hui dans la loi.
L'amendement no 2145 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 14 quater, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Élisabeth Toutut-Picard, pour soutenir l'amendement no 2159 , portant article additionnel après l'article 14 quater.
L'article 7 de la Charte de l'environnement prévoit que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques (…) ». Une décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 23 novembre 2016 précise que la notion d'émissions dans l'environnement inclut notamment le rejet de produits phytopharmaceutiques. La directive du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, qui établit que les États membres ne peuvent prévoir qu'une demande soit rejetée lorsqu'elle concerne des informations relatives à des émissions dans l'environnement, s'applique bien aux informations relatives à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques.
Les données de ventes de pesticides par département sont actuellement les seules disponibles. De ce fait, les scientifiques et les citoyens n'ont pas accès aux données relatives à l'utilisation effective de ces produits, auxquelles l'administration a accès par le biais de ses contrôles.
Le présent amendement demande de mettre à la disposition du public les données recueillies par les agents chargés des contrôles liés à la surveillance biologique du territoire, et d'appliquer à ces données la même transparence que celle prévue pour de très nombreuses données publiques par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique.
La loi prévoit déjà que les résultats de cette surveillance font l'objet d'un rapport annuel du Gouvernement à l'Assemblée nationale et au Sénat. Cela me semble constituer un effort de publicité suffisant pour satisfaire votre amendement. J'émets donc un avis défavorable à son adoption.
L'amendement no 2159 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 1128 .
L'amendement no 1128 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à permettre à l'autorité administrative de prendre des mesures encadrant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des résidences régulièrement habitées et des espaces contigus d'agrément, à savoir les cours et les jardins.
À l'instar de ce qui est fait par arrêté préfectoral pour les écoles, il s'agit ici de permettre à l'autorité administrative de mieux protéger les riverains des zones où sont utilisés des produits phytopharmaceutiques. Cette démarche est complémentaire de celles, volontaires, engagées dans certains territoires, notamment dans le Limousin pour les vergers de pommes.
Cette disposition fait partie de la feuille de route pour réduire la dépendance aux produits phytosanitaires. Il y aura un cadrage national pour aider les préfets dans leur prise de décision.
Sur les sous-amendements nos 2733 et 2732 , qui vont venir en discussion, je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les deux sous-amendements nos 2733 et 2732 peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour les soutenir.
Monsieur le ministre, j'espère que l'amendement no 2256 n'est pas une malice pour faire tomber mon amendement no 2006 , qui sera examiné juste après celui-ci.
Je vais défendre ces deux sous-amendements avec une gravité particulière, parce que le sujet l'exige. Je vous invite, mes chers collègues, à considérer mes propositions avec beaucoup d'attention.
Des enquêtes récemment médiatisées ont mis en lumière le scandale que représentent les pesticides pour la santé. Personne ne peut ignorer ce fait aujourd'hui : perturbateurs endocriniens et substances cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques ou neurotoxiques, bon nombre de pesticides contiennent ces molécules à l'impact extrêmement négatif pour les humains et pour l'environnement. Ce n'est pas moi qui le dis ou qui l'invente, c'est l'INSERM qui a publié dès 2013 un document. Celui-ci, qui fait date, montre l'existence d'un lien fort entre l'exposition à ces molécules et le risque de développer des troubles autistiques ou des maladies mortelles, comme celle de Parkinson ou des leucémies, pour ne citer que celles-là, la liste étant très longue.
Ces risques touchent tout le monde, mais il faut être particulièrement vigilant en cas d'exposition des foetus et des enfants. Des prélèvements réalisés en zone agricole ont montré que ces molécules toxiques étaient malheureusement retrouvées dans les mèches de cheveux d'enfants, dans la poussière de leur chambre ou dans les écoles. Il apparaît ainsi évident que les dispositifs de protection prévus dans la législation actuelle sont insuffisants pour préserver les riverains de ces expositions.
Il est donc urgent d'agir pour préserver la santé des riverains des zones agricoles, en créant une zone tampon, dans laquelle tout traitement phytosanitaire contenant des substances actives classées cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques – CMR – ou des perturbateurs endocriniens ou neurotoxiques, est prohibé. Cette zone couvrira un rayon de 200 mètres autour des lieux de vie et de ceux pouvant accueillir du public.
Il s'agit purement et simplement d'une mise en application de la directive-cadre européenne « Pour une utilisation durable des pesticides », qui dispose que l'utilisation des produits phytosanitaires doit être restreinte ou interdite dans certaines zones spécifiques et dans celles fréquentées par le grand public et les groupes vulnérables. Dans ces zones, des mesures appropriées de gestion des risques sont prises, et l'utilisation de produits phytosanitaires à faible risque et des mesures de lutte biologique doivent être envisagées en premier lieu.
Je vous demande d'adopter ces deux sous-amendements, qui permettront de protéger autour des lieux que fréquentent nos enfants, des lieux d'habitation et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – , lorsqu'ils sont environnés par des zones agricoles. Je ne demande pas d'exclusion totale des traitements, mais il faut bannir les CMR et les perturbateurs endocriniens de ces zones. Cela me paraît essentiel pour protéger la santé de nos enfants, notamment. L'enjeu est tellement important que vous ne pouvez pas détourner le regard et dire que l'on peut continuer à utiliser ces produits d'une manière irrationnelle au regard des enjeux de santé.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir le sous-amendement no 2723 .
Monsieur le rapporteur, quel est l'avis de la commission sur cet amendement et sur ces sous-amendements ?
Je suis favorable à l'adoption de l'amendement du Gouvernement et défavorable à celle des trois sous-amendements.
L'autorité administrative peut, dans l'intérêt de la santé publique ou de l'environnement, prendre toute mesure d'interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la détention des produits phytosanitaires. Elle peut interdire ou encadrer leur utilisation dans les zones sensibles où vivent des populations vulnérables. Le fait que la loi n'oblige pas à encadrer ou à interdire ne signifie pas que les préfets ne le font pas. La loi reconnaît, dans le bon ordre juridique des choses, la nécessaire marge de manoeuvre qu'il faut leur laisser pour apprécier chaque situation et n'être pas simplement des agents qui se bornent à appliquer la loi sans réfléchir.
L'amendement du Gouvernement ouvre le champ d'appréciation du préfet, ce dernier étant libre d'apprécier la situation. Et cela est bien ainsi.
Mon avis est défavorable, parce que leur objet relève du domaine réglementaire et parce qu'il faut examiner chaque situation au cas par cas. Convenons qu'avec l'amendement no 2256 , nous avançons et faisons un pas important.
Sur l'amendement no 2256 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Christian Jacob.
Je suis surpris que le Gouvernement rouvre ce débat. Nous l'avons déjà eu plusieurs fois dans cet hémicycle et nous connaissons les excès qu'il peut engendrer. Si l'on retient l'exemple, qui a déjà été donné, d'une bande de 300 mètres, il n'y aura plus aucune agriculture périurbaine. Or nous avons intérêt à ce qu'existe une agriculture périurbaine, qu'elle soit en grande culture, en élevage ou en maraîchage, et une telle mesure la supprimerait totalement.
Je ne vois pas comment les préfets résisteraient à telle ou telle manifestation, et nous devons appréhender les choses avec bon sens. Celui-ci commande de ne pas rouvrir ce débat, car, autrement, il n'y aura plus d'agriculture périurbaine, mais des friches. En effet, il est impossible qu'un agriculteur travaillant en système conventionnel laisse une bande sans aucun désherbage.
Je vous invite à faire un stage dans une exploitation agricole, monsieur Prud'homme, cela vous formera, vous fera du bien et vous permettra de savoir de quoi vous parlez. Dans un système traditionnel, la parcelle n'est pas divisée entre une partie bio et une autre traditionnelle.
Nous avions abouti à un arbitrage permettant à une réglementation de s'appliquer dans certains cas, mais étendre son champ à tout le périmètre construit n'est pas opportun, car cela toucherait de très nombreuses surfaces agricoles utiles – SAU. Nous avons besoin, au-delà des grandes cultures, d'activités de maraîchage, qui se retrouveraient interdites dans le périurbain. Je suis bien entendu opposé à cet amendement, ainsi bien sûr qu'à tous les sous-amendements.
Il n'y a pas lieu d'ouvrir ce débat à l'occasion de l'examen de ce texte, pour au moins trois raisons.
La première tient au fait que l'on ferait accroire aux Français que les agriculteurs mettent en danger ceux qui vivent à la campagne. J'interroge l'Assemblée nationale sur l'utilisation par les Français de produits phytosanitaires surdosés dans leurs jardins.
Non, ce n'est pas interdit, allez dans les supermarchés, vous verrez si ces produits sont interdits.
Je n'ai pas besoin d'y aller pour savoir que ces produits sont interdits.
Mais non, ils ne le sont pas ; allez dans les supermarchés et regardez si les rayons sont vides. Allez dans les jardineries, si vous n'allez pas dans les supermarchés.
Arrêtez de me couper la parole, ma chère collègue.
Il y a une utilisation individuelle de produits surdosés, qui est peut-être plus dangereuse que l'activité encadrée de l'agriculteur – et qui deviendra surencadrée dans quelques instants après l'adoption d'un certain nombre de dispositions – à proximité des habitations.
Lorsque nous allons sur le littoral l'été, nous sommes heureux de ne voir aucun moustique ni aucune mouche, et nous ne nous demandons pas comment cela est possible. Il y a des traitements à grande échelle dans des zones où les gens passent du bon temps, mais sont certainement intoxiqués. On suscite un débat à charge contre les agriculteurs, alors qu'il n'a pas lieu d'être dans ce texte.
Deuxièmement, en suggérant qu'il vaut mieux vivre entassés en ville – où la pollution est nulle, comme chacun sait – qu'au milieu des champs – ce qui exposerait la santé à de graves dangers – , nous allons susciter une tension entre l'urbain et le rural.
Troisièmement, tel qu'il est rédigé, l'amendement du Gouvernement ne mentionne aucune distance et ne prévoit aucun encadrement. Nous ouvririons donc la voie, en l'adoptant, à des conflits d'usage dont je n'ose imaginer l'ampleur.
J'en appelle donc à la responsabilité des députés présents dans cet hémicycle, que j'exhorte à ne surtout pas voter cet amendement tendant à l'adoption d'une mesure si vague, si mal définie et à charge contre l'agriculture française.
Je souhaite revenir sur plusieurs points déjà évoqués. Ce débat, nous l'avons eu dans cette enceinte il n'y a pas si longtemps. En effet, l'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime a été modifié au mois de mars 2017, soit il y a environ quinze mois. Il est regrettable de rouvrir un débat qui a été très animé.
Deuxièmement, il s'agit d'un amendement. Comme tel, il n'est assorti d'aucune étude d'impact, ce qui est également regrettable, car plusieurs précisions manquent. Lorsqu'il avait été envisagé d'imposer des zones non traitées larges de cinq à vingt mètres entre les cultures et les habitations, l'évaluation alors effectuée avait montré l'ampleur du potentiel de production concerné. En effet, ces mesures auraient rogné au moins 4 millions d'hectares de surface agricole utile. Je ne sais pas si vous mesurez ce que cela représente, chers collègues !
Par ailleurs, en matière de production agricole, cela représente 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an. On ne peut pas rogner ainsi, au détour d'un amendement, sans étude d'impact, 4 millions d'hectares de nos terres agricoles, ce qui serait un coup dur pour nos exploitants agricoles.
Troisièmement, vous avez évoqué un cadrage national, monsieur le ministre, sans entrer plus avant dans le détail, s'agissant notamment de la distance et des délais d'application envisagés.
En fin de compte, vous mettez les agriculteurs en difficulté. Leur soustraire 4 millions d'hectares du jour au lendemain, sans la moindre concertation, par le biais d'un amendement que l'on nous impose tel quel, ce n'est pas admissible !
Nous ne sommes pas favorables à l'amendement gouvernemental. Je tâcherai d'expliquer pourquoi.
Je commencerai par rappeler à M. Prud'homme qu'il existe déjà des dispositions portant sur ce sujet. L'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime prévoit en effet, dans « les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables », de laisser une latitude au préfet – à l'autorité administrative, comme on dit – pour suspendre tout ou partie des traitements.
« Les zones utilisées par le grand public » incluent les établissements scolaires, madame Batho. Il faut tout de même partir de la réalité ! Il est inutile de faire peur aux gens sur des sujets déjà encadrés par la loi ou le règlement – ce dont nous avons débattu précédemment.
Nous ouvrons ici une boîte de Pandore, ou un puits sans fond, de débats, de problèmes et de conflits permanents. Tel qu'il est rédigé, l'amendement ouvre la possibilité au préfet – il importe d'en être conscient – , sur tout le parcellaire français, de déclencher, en fonction de la proximité de celui-ci avec des habitations, soit un dialogue, soit une confrontation entre riverains et agriculteurs.
Quelle est la réalité de la situation ? Je rappellerai d'abord que ce n'est pas l'agriculture qui est allée à l'urbanisation, mais bien l'urbanisation qui est allée à l'agriculture. Nous sommes collectivement responsables d'une urbanisation galopante dans le cadre de laquelle nous avons laissé s'installer des habitations dans des zones à dominante agricole. Certaines y sont donc enclavées.
Voilà la réalité, ce qui devrait d'ailleurs nous inciter, lors de l'examen des textes inscrits à notre ordre du jour, à considérer l'urbanisation sous cet angle. Il s'agit d'un véritable problème, qui mérite d'être posé.
Deuxièmement, il faut regarder en face la réalité de notre agriculture. Nous nous y essayons tous et je ne fais grief à personne du contraire, chers collègues, je tâche simplement de réfléchir avec vous. En zone de viticulture, de maraîchage ou d'arboriculture – nous connaissons tous ces situations – , le parcellaire est souvent situé au milieu des habitations.
Par conséquent, si nous prohibons l'usage de produits phytosanitaires sur une distance de vingt, cinquante ou cent mètres de part et d'autre de ces parcelles – car tel peut être le cas – , nous créons des situations rendant impossible leur simple exploitation. Il y a là, me semble-t-il, une voie dangereuse.
M. le rapporteur dit que la décision sera à la main des préfets et M. le ministre évoque un cadrage national. Mais si un préfet se trouve dans la situation d'un maire dont certains administrés, riverains de parcelles agricoles, contestent le traitement dont celles-ci font l'objet, comment arbitrera-t-il ? En fonction de quels critères ?
Il ouvrira le parapluie et interdira qu'on les traite, par précaution. Ainsi, par effet de contagion, tout le parcellaire du territoire national sera in fine frappé par une telle interdiction.
Enfin, nous devons veiller à ne pas émettre d'injonctions contradictoires. À moins que M. le ministre ne me contredise, il me semble que l'amendement gouvernemental, tel qu'il est rédigé, concerne aussi les produits utilisés par les agriculteurs pratiquant une agriculture biologique. On ne peut pas à la fois prétendre que l'on veut développer celle-ci et présenter un amendement de cette nature.
On ne peut pas à la fois – comme l'a rappelé Christian Jacob, avec lequel pour une fois je suis d'accord – encourager l'agriculture périurbaine – laquelle est par nature à proximité des habitations – , en rappelant qu'elle est nécessaire au maraîchage, et présenter un amendement de cette nature.
On ne peut pas déplorer que l'équivalent d'un département soit avalé par le développement foncier tous les dix ans et amoindrir la capacité à exploiter des dizaines de milliers d'hectares de terres agricoles – ce qui nous en fera perdre mécaniquement bien davantage que l'équivalent d'un département tous les dix ans.
Monsieur le ministre, il faut débattre avec les représentants de la profession agricole. Il me semble d'ailleurs que telle est la feuille de route que vous avez adoptée.
Quant à l'amendement, il est trop lourd de risques de contentieux et de tensions entre les agriculteurs, les élus locaux – qui seront sollicités en permanence sur ces sujets – et le préfet – donc l'État – pour que nous puissions le voter. Nous ne le voterons donc pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je ne voterai pas l'amendement, notamment en raison de ses conséquences. Cessons de montrer du doigt les agriculteurs ! S'il existe un problème de santé publique – ce que je ne nie pas – , adoptons une grande loi sur ce sujet, mais pas ici et maintenant ! Cette grande loi pourrait par exemple interdire les voitures en ville, où l'on constate tous les jours qu'il existe bien un problème de santé publique. Nos collègues ont évoqué le cancer : ils sont fréquemment causés par la pollution due aux voitures. Interdisons la circulation des voitures à proximité des écoles, les livraisons effectuées par les poids lourds effectuant dans les villages, l'usage des antennes de téléphonie à proximité des écoles – plus personne n'en parle d'ailleurs ! Cessons de mêler tout cela au présent texte et réservons-le pour une grande loi idoine !
Il est vrai que l'exposition aux produits phytosanitaires est dangereuse. Nous l'avons rappelé tout au long de cet après-midi, consacré à la limitation de leur usage et aux produits de remplacement. Cependant, interdire leur utilisation par zones relève de la théorie.
Je suis élu du Vaucluse. Chez moi, les paysans ne cultivent pas des parcelles de plusieurs centaines d'hectares éloignées de toute habitation. Chez moi, les paysans vivent dans des villages entourés de parcelles. D'ailleurs, plusieurs d'entre vous viennent chez nous pour la beauté des paysages du Luberon, à Gordes, Ménerbes ou L'Isle-sur-la-Sorgue, où ils sont en effet magnifiques.
Mais demain, si l'amendement est adopté, nos paysans ne pourront plus traiter leurs parcelles, qui seront donc en friche, et lorsque vous viendrez visiter cette Provence que vous aimez bien, chers collègues, vous y verrez des friches, et nos villages finiront par être désertifiés. Si c'est cela que veulent les auteurs des sous-amendements, qu'ils le disent ! J'irai même plus loin, car à un moment donné, ça suffit !
Il faut défendre la ruralité. Beaucoup de gens viennent chez nous, en Provence, et certains, séduits par sa beauté, décident d'y acheter une maison. Ils découvrent alors qu'à côté vit un paysan et qu'il fait du bruit, car le tracteur démarre à 5 heures du matin.
Nous vivons dans des réserves indiennes ! C'est du moins ce que voudraient beaucoup de gens, et ce contre quoi nous, dans la ruralité, nous nous battons ! C'est aussi ce à quoi tendent les dispositions de l'amendement. Je voterai donc contre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
Monsieur le ministre, avec votre amendement, vous mettez le feu ! C'est une bombe pour les agriculteurs. J'ignore d'ailleurs si nos collègues mesurent le volume des débats que nous avons eus sur ce sujet.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, a pour objet de renforcer l'agriculture française et de défendre les agriculteurs ainsi que le maintien des terres agricoles. Or votre amendement rouvre un débat récent qui a été très vif dans le monde agricole !
Dans ma circonscription, nous avions réalisé des simulations. Dans de nombreuses communes du Perche, territoire rural qui comporte nombreux hameaux, on arrivait à une réduction de 50 % de la surface agricole utile du fait des mesures envisagées !
On y trouve en effet des maisons et des hameaux partout, comme en Normandie, en particulier dans le bocage normand que vous connaissez bien, monsieur le ministre. Par-delà le débat sur la distance d'interdiction – vingt ou cinquante mètres – , vous rendez-vous compte des conséquences des mesures que vous proposez ?
En outre, l'amendement pose un problème de démocratie, qui n'échappe à personne, sur aucun banc. En effet, il est présenté en séance alors qu'il est lourd de conséquences et dépourvu d'étude d'impact. De surcroît, nous ignorons vos intentions exactes, monsieur le ministre.
Enfin, l'amendement confère un pouvoir étendu au préfet, tant sur les produits concernés que sur la distance d'interdiction, qu'il fixera. Nous ignorons si celle-ci sera de cinq, dix ou vingt mètres, voire deux cents, comme le proposent certains de nos collègues ! C'est hallucinant !
En outre, vous ne prenez pas la parole pour exposer vos intentions. Il y a là un vrai problème démocratique ! Nous sommes ici pour faire la loi et pour contrôler l'action du Gouvernement. En l'espèce, ça part complètement…
Nous avons un objectif très important, en France, dont procèdent toutes nos lois sur l'urbanisme – comme nous le verrons la semaine prochaine dans le cadre de l'examen du projet de loi ELAN – , consistant à maintenir autant que possible le foncier agricole. Si on enquiquine les Français au point de leur interdire de construire une cabane à outils au fond d'un jardin si celui-ci est situé en zone non constructible, c'est pour maintenir autant que possible les surfaces agricoles. Nous connaissons tous de tels témoignages. Et voilà qu'on envisage de détruire des surfaces agricoles !
Vous savez bien, monsieur le ministre, qu'un agriculteur ne peut pas pratiquer simultanément l'agriculture conventionnelle et l'agriculture biologique. Il doit faire un choix. S'il pratique une agriculture conventionnelle, il continuera ainsi et les surfaces concernées ne seront plus exploitées – elles seront gelées.
Pour ma part, je suis très choquée de la façon dont l'amendement nous est proposé par le Gouvernement. Au nom du groupe UDI, Agir et indépendants, j'indique que nous voterons contre.
Je soutiens l'amendement présenté par le Gouvernement, car il constitue un encouragement aux pratiques alternatives et à la transition écologique.
Protestations sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe UDI, Agir et indépendants.
Je m'explique. Dans le domaine de la viticulture que je connais bien, il existe des solutions consistant à recourir aux cépages résistants. On peut donc très bien obtenir des avancées et trouver des solutions alternatives pour les cultures situées autour des écoles et des habitations.
La semaine dernière, j'ai rencontré un viticulteur, président d'une fédération locale, ayant décidé de planter des cépages résistants autour des habitations. Voilà un exemple concret dans le domaine du possible !
Certes, cela nécessite certainement un accompagnement budgétaire et une phase d'expérimentation, mais cette évolution s'inscrit dans le domaine du possible et permet de surcroît l'élaboration d'une stratégie, dans le cadre de la transition écologique, visant à trouver des solutions alternatives aux pesticides.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
S'agissant des préfets, je commence par rappeler que l'article 72 de la Constitution dispose que « le représentant de l'État [… ] a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Il est donc bien normal les préfets appliquent la loi que nous décidons de voter.
Madame de La Raudière, avec mon sous-amendement, les choses sont claires : la distance est fixée à 200 mètres.
Monsieur le président Jacob, vous êtes trop intelligent pour ne pas avoir compris mon propos. Vous n'avez pas entendu mes propositions, ou vous ne les avez pas écoutées – ou bien vous n'avez pas voulu comprendre.
En tout cas, il est inutile de me donner des leçons d'agronomie : je peux soutenir une conversation avec vous.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je propose que, dans un rayon de 200 mètres, les traitements ne contiennent ni produits CMR, ni perturbateurs endocriniens. Cela ne concerne absolument pas tous les traitements ! Ne nous dites donc pas que ces terrains deviendraient des friches. Ne caricaturez pas, et ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.
Pour revenir à la réalité et à la grande connaissance que vous avez du milieu agricole, sachez, monsieur le président Jacob, que des plans de traitement sans CMR et sans perturbateurs endocriniens sont déjà en place dans ma région. Ils permettent de traiter tout au long du cycle, et donc de mener la culture à terme dans de bonnes conditions. Or, dans ma région, il y a beaucoup de vignes – la vigne étant l'une des cultures où l'indicateur de fréquence de traitement, l'IFT, figure parmi les plus élevés. Ce qui est possible pour la vigne le sera aussi pour un grand nombre de cultures ! Je ne vous parle pas de supprimer tout traitement ou de passer en bio.
Refuser de voir la réalité de l'exposition de la population aux produits CMR, c'est criminel.
Je voudrais rétablir quelques vérités, car j'ai entendu des choses fausses. Je suis agricultrice, je fais du bio, et ce n'est pas parce que je ne traite pas mes parcelles qu'elles sont en friche. J'invite ceux qui le souhaitent à venir vérifier sur place.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
J'ai un voisin qui a des parcelles contiguës aux miennes ; il fait des efforts et ne les traite pas. Il est donc tout à fait possible d'être en conventionnel et d'avoir quelques parcelles en bio – et d'ailleurs, depuis qu'il fait cela, il se demande s'il ne devrait pas passer toute son exploitation en bio…
La majorité et le Gouvernement soutiennent le développement de l'agriculture biologique, notamment grâce au programme Ambition bio. La mesure qui nous est proposée par le Gouvernement ne peut être que bénéfique, et je voterai cet amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je relis l'article du code rural visé par l'amendement et les sous-amendements, et je ne suis pas sûr que la disposition soit limitée aux produits évoqués par Loïc Prud'homme : à mon sens, l'ensemble des produits phytosanitaires sont concernés.
L'objectif du Gouvernement, et celui des auteurs des sous-amendements, est légitime : préserver la santé de nos concitoyens. Mais la discussion qui s'est engagée a aussi montré qu'il n'y a pas d'étude d'impact sérieuse sur le nombre de terres qui seraient mises en friche, ni sur les conséquences d'une telle mesure sur les exploitations bio.
De plus, il faut prendre en considération une réalité socio-économique : la modification de la vie dans nos campagnes. Une nouvelle population arrive dans le monde rural, en Normandie comme ailleurs. À Dieppe, il y a parfois des Parisiens qui s'installent parce qu'ils trouvent la ville belle – et ils ont bien raison – puis qui trouvent qu'il y a tout de même beaucoup de goélands, que la drague du port est bruyante, que les chalutiers partent à la pêche très tôt le matin et que cela les empêche de dormir… L'activité économique engendre des inconvénients.
Les changements dans nos campagnes sont globalement plutôt positifs : cela fait vivre les écoles, les commerces… Mais les conflits d'usage et les conflits de voisinage sont de plus en plus fréquents.
Je ne suis pas sûr que le législateur doive aggraver ces tendances déjà présentes, et en particulier risquer de mettre les préfets en porte-à-faux, de les opposer à la population et aux maires. Les difficultés seront, je crois, grandes.
Enfin, à ma connaissance, les agences régionales de santé et les préfets disposent déjà, lorsque la santé publique est en jeu, de prérogatives qui leur permettent de protéger la population. Une ARS peut, à tout moment, considérer que l'usage d'un produit dangereux nécessite l'établissement d'un périmètre de protection ou des examens.
Il ne me semble pas utile d'en rajouter avec cet amendement, dont l'efficacité et les conséquences me semble douteuses, d'autant que nous n'avons pas d'étude d'impact.
Afin d'éviter que des mesures destinées à atteindre des objectifs légitimes n'entrent en contradiction avec la vie réelle, je propose que l'amendement du Gouvernement soit retiré pour être retravaillé et expertisé, afin que nous puissions en débattre sereinement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.
Depuis mardi, nous tenons bon sur l'économie générale du texte et parvenons à trouver des équilibres malgré les approches un peu différentes des uns et des autres – différences qui viennent de nos histoires, de l'endroit où nous habitons… Avec cet amendement, j'ai peur que nous ne déséquilibrions le projet de loi, en sus des manques qu'il présente, à mon sens, dans son titre Ier.
Rappel au règlement
Sur le fondement de l'article 58, alinéa 1, du règlement, relatif au déroulement de la séance.
Je voulais simplement demander à notre collègue que j'ai interrompu tout à l'heure de bien vouloir m'excuser. Cette interruption est la conséquence de ma situation : je ne peux par exemple pas rappeler dans ce débat qu'il existe un rapport, que j'ai là avec moi, qui dit que si aucune mesure n'est prise, la responsabilité pénale du Gouvernement pourrait être engagée.
Je vous prie donc de m'excuser ; je n'ai néanmoins pas besoin qu'on me rappelle ma fréquentation des supermarchés.
Rires sur les bancs du groupe LR.
Après l'article 14 quater(suite)
Cet amendement arrive sur la table sans concertation, sans discussion préalable en commission, sans étude d'impact – mais avec une portée très grande. Ce que nous voyons là, ce sont des arrangements entre petits marquis de la majorité.
Christian Jacob a parlé tout à l'heure du gel de l'agriculture périurbaine ; mais, dans nos zones rurales de densité moyenne, comme le bocage de l'Orne, il y a des villages, des hameaux, des maisons disséminées un peu partout… Ce sont des milliers de parcelles qui seraient concernées.
Par ailleurs, selon la sensibilité des préfets, les approches seront différentes. Non seulement nos agriculteurs seront encore une fois stigmatisés, mais en outre ils seront traités de manière différente selon les départements.
Monsieur le ministre, cet amendement constitue une faute grave ; il est mortifère pour tous nos agriculteurs. Je vous en prie, revenez sur votre proposition.
Monsieur le ministre, vous ferez comme vous voudrez et les députés feront comme ils voudront. Mais je considère ce qui est en train de se produire comme extrêmement grave.
Vous étiez, il y a quelques mois, collègue de M. Stéphane Le Foll. Mme Louwagie l'a rappelé tout à l'heure : il y a eu alors un projet sur ce sujet, travaillé sur le fond, minutieusement, qui prévoyait d'exclure un petit périmètre autour des maisons d'habitation. Mais, dans notre pays, les zones d'habitat sont souvent diffuses – comme dans le Perche, évoqué par Mme de La Raudière tout à l'heure. Avec cet amendement, ce sont des millions d'hectares qui seraient affectés !
Je ne sais pas qui vous a conseillé cette démarche, monsieur le ministre, mais je pense comme M. Jumel qu'il ne faut pas mettre cet amendement aux voix. Il serait dommage que le Gouvernement soit battu sur un sujet aussi grave. Une concertation approfondie avec les professionnels est nécessaire ; il faudra voir ensuite si, dans les mois à venir, vous pouvez nous faire une proposition ciselée – car nous avons vraiment besoin ici de la plus haute précision. C'est de l'horlogerie !
Hier, nous évoquions d'autres sujets tout aussi sensibles. Mais il ne faut jamais perdre de vue la viabilité de l'agriculture. J'entends ceux qui militent pour l'agriculture biologique, c'est vertueux et c'est très bien ainsi. Mais là n'est pas le sujet ! Votre amendement, monsieur le ministre, affectera une grande partie de l'agriculture française, et vous ne savez pas en estimer les conséquences. En outre, une pression inimaginable, incommensurable, s'exercera sur les préfets – sans parler des élus locaux !
Monsieur le ministre, il faut trouver ce soir une porte de sortie. Nous ne pouvons pas voter un tel amendement. Je conjure mes collègues d'être attentifs.
Je demande une suspension de séance pour évoquer ce sujet. Il est vingt heures passées, nous allons donc bientôt lever la séance. Mais nous ne pouvons pas voter cet amendement avant le dîner.
Profitons de la pause entre les deux séances pour trouver une solution. Continuez, monsieur le ministre, à maintenir la sérénité des débats qui nous permettra d'aboutir à un projet de loi acceptable !
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur les bancs des groupes LR et GDR.
Comme vous, comme notre rapporteur, comme notre rapporteure pour avis, comme le président de la commission des affaires économiques, comme un certain nombre de députés présents ce soir, je siège depuis sept jours. Les retours que j'ai de ma circonscription – que je me permets modestement de citer, c'est la sixième circonscription d'Ille-et-Vilaine, c'est-à-dire le quart nord-est de ce département – sont plus que mitigés. Étant d'une nature plutôt optimiste, j'ai répondu ce soir à un agriculteur qui m'interrogeait que le texte était pour le moment « moyen plus ».
Mais cette proposition, monsieur le ministre, est catastrophique ! C'est pourquoi je demande une suspension de séance et une discussion avec vous.
La parole est d'abord à M. le ministre ; ensuite, éventuellement, je suspendrai la séance.
Sur ce sujet, nous devons avancer. Le Limousin a mis en place une expérimentation sur les vergers de pommes. Il y a eu des accidents, avec des parcelles traitées alors qu'il y avait des enfants à proximité : nous devons protéger les personnes vulnérables ; autour des écoles, des bâtiments publics, il faut prévoir des périmètres de protection.
Par ailleurs, si l'on ne traite pas une bande, cela ne veut pas dire que rien n'y pousse, qu'elle ne peut pas être cultivée, qu'elle ne peut pas être exploitée.
J'entends aussi les arguments qui concernent la vigne.
Notre objectif est de dessiner un cadre national. Mais quelles constructions doit-il inclure ? Doit-il englober essentiellement l'habitat ? Devons-nous nous limiter aux constructions habitées en permanence, ou devons-nous intégrer par exemple les résidences secondaires ? Intégrons-nous les constructions qui servent d'atelier ou de cabane à outils ? On pourrait poursuivre la liste ; reste que ce sont des questions que nous devons nous poser et auxquelles nous devons répondre.
Cela dit, j'entends les arguments des uns, qui souhaitent avancer sur le sujet, et il faudra le faire.
J'entends aussi les arguments des autres, sur tous les bancs. Chacun, dans votre hémicycle, est dépositaire d'une parcelle de cette République que nous aimons tant, les choses sont parfois compliquées dans les territoires et il ne faut pas mettre les préfets en difficulté. Je me souviens des débats qui ont eu lieu au cours du quinquennat précédent. Ils avaient été plutôt houleux.
« Oui ! » sur quelques bancs du groupe LR.
À ce sujet, j'ai lu dans la presse que nous avions eu, ici, des débats houleux ; or je n'ai eu ce sentiment à aucun moment.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je m'en félicite, d'ailleurs. Il est plus facile, il est vrai, de décrire des débats auxquels on n'assiste pas, quand on est en week-end ! C'est autre chose d'être au travail.
Pour revenir à notre sujet, nous devons avancer car il y a une demande forte de la société. Et cette demande, nous ne pouvons la passer sous silence : nous devons y répondre. Mais, au vu des réactions, et ayant conscience que l'amendement ne pourrait nous rassembler, en tout cas ce soir, je vous propose de le retirer pour en rediscuter.
Applaudissements sur de très nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur les bancs des groupes LR, UDI-Agir et GDR. – De très nombreux députés des groupes La REM, MODEM et UDI-Agir se lèvent et continuent d'applaudir.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quinze.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly