Nous abordons, avec la dernière partie du titre II, un sujet majeur, celui des produits phytosanitaires. Je veux donc vous exposer en quelques mots quel est notre état d'esprit, au seuil de la discussion des articles concernés.
En premier lieu, tout au long du texte – puisque nous en sommes presque à la fin, même s'il nous reste un certain nombre d'amendements à examiner – , nous avons essayé d'articuler les mesures législatives, pour envoyer des signes, les mesures réglementaires et les incitations permettant de fixer un cap aux consommateurs, aux agriculteurs et aux industriels de l'agroalimentaire. Nous avons indiqué aux acteurs la direction dans laquelle nous souhaitons aller, et, sur chaque sujet, les choses doivent être bien distinguées.
Deuxièmement, les avancées obtenues en commission, au regard du texte initial du Gouvernement, me semblent très significatives pour notre agriculture et pour la santé publique.
Troisième point : en prenant ces décisions, nous ne devons pas perdre de vue que nous ne vivons pas sur une île déserte. Je partage, à cet égard, ce qui vient d'être dit par M. Jumel. Le débat est légitime mais il doit être porté au niveau européen, puisque nous avons à convaincre nos partenaires de la justesse de notre position. Pour utile que soit ce débat, donc, il ne doit pas nous faire oublier qu'une surtransposition serait la pire des solutions dans un certain nombre de cas, car elle conduirait à diminuer la productivité de notre agriculture tout en continuant à autoriser l'importation de productions traitées avec les produits que nous entendons interdire en France. C'est donc cet équilibre qu'il nous faut tenir.
D'autre part, et de façon plus générale, rien ne sera possible si nous ne faisons pas confiance aux agriculteurs et si nous ne les accompagnons pas. D'une certaine façon, j'ai envie de dire – car nous sommes nombreux à les connaître – qu'il faut les prendre au mot. J'entends ce qu'ils ont dit à l'occasion des États généraux de l'alimentation, et ce qu'ils disent aujourd'hui en suivant nos débats : « Laissez-nous faire, nous avançons, nous y sommes prêts. Nous avons compris le message des EGA que relaie la représentation nationale. » Ce message, c'est qu'il faut aller plus vite, peut-être, qu'ils ne l'avaient imaginé : plus vite pour les consommateurs, pour l'environnement et pour eux-mêmes.
Ce qu'a dit M. Jumel était très juste : nous devons prendre nos décisions en pensant aux agriculteurs. Des solutions alternatives existent, il l'a rappelé à juste raison, mais il y a aussi des impasses. Dans ces conditions, la recherche et l'accompagnement – y compris public – sont des questions centrales si nous voulons éviter de mettre les agriculteurs au seuil de chemins dont nous savons fort bien qu'ils ne peuvent pas les prendre. Je n'en prendrai qu'un exemple, pour montrer que l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions. Il y a une dizaine ou une quinzaine d'années, on avait beaucoup vanté l'agriculture dite « de conservation », qui prétendait simplifier les techniques de travail du sol. Or c'est cette agriculture qui a largement eu recours à la molécule dont nous parlons aujourd'hui. Les exploitants concernés s'étaient donc équipés en conséquence, transformant entièrement leur modèle. Le cap de trois ans, voulu par le Président de la République, les oblige, ne l'oublions pas, à revoir une fois encore leur modèle de fond en comble. Les solutions que nous estimions bonnes il y a dix ans ne le sont plus aujourd'hui : nous ne devons pas non plus perdre de vue cet aspect.
Dans les départements de montagne – donc pas dans le mien – , l'herbicide est aussi, parfois, la seule solution, à tout le moins la plus simple. Il est donc impératif d'encourager la recherche et d'accompagner les agriculteurs. Et puisque, avec l'horizon de trois ans annoncé par le Président de la République, nous avons fait le choix, singulier en Europe, d'aller plus loin que les décisions européennes, nous devons essayer d'en faire, in fine, un atout. Autrement dit, nous devons soutenir les entreprises et les chercheurs, dans le privé comme dans le public, le plus loin possible. Que nous soyons les pionniers de ce qui s'imposera en Europe et sans doute, ultérieurement, en dehors d'elle, est une chance formidable que nous devons saisir.
Tel est donc l'équilibre que nous devons essayer de trouver entre les dispositions législatives, réglementaires et incitatives. Le message que j'ai envie d'adresser aux agriculteurs, en effet, est que nous partageons, je crois, le même objectif, qu'ils ont envie de l'atteindre et qu'ils ont, pour ce faire, à accomplir leur part du chemin sans que nous ayons à leur imposer immédiatement les choses par la contrainte.