Ces efforts, les agriculteurs les ont financés eux-mêmes, par les fonds de développement – dont le financement, rappelons-le, dépend d'eux – , grâce à l'analyse des sols, à la baisse des doses – en traitant en bas volume – , en étant plus attentifs aux rémanences des produits, en prenant garde à la température et à la pluviométrie, tous éléments que l'on maîtrise au fil du temps. C'est cette bonne utilisation des produits qui a permis de réduire le recours à l'ensemble des intrants, engrais comme produits phytopharmaceutiques.
Il faut continuer sur cette voie. Ce n'est pas par la loi, en interdisant du jour au lendemain telle ou telle utilisation, que l'on obtiendra des résultats, mais par un accompagnement. Or, pour accompagner les agriculteurs, il faut financer davantage la recherche et développement. Je songe en particulier à la recherche variétale, un domaine dans lequel, après avoir été en avance pendant des années, la France a malheureusement pris du retard, notamment du fait des débats sur l'utilisation des organismes génétiquement modifiés. Nous avons pourtant besoin du génie génétique, car l'obtention de variétés résistantes permet de réduire le recours aux produits phytosanitaires.
De même qu'en matière de santé humaine personne ne prend de médicaments pour le plaisir, si l'on utilise ces produits, c'est parce qu'ils ont permis d'éviter des maladies et, dans certains cas, la généralisation d'autres produits comme le charbon, qui étaient très dangereux pour l'alimentation humaine.
Tout cela s'est fait de manière progressive. Restons donc dans ce cadre, tout en continuant de permettre à notre agriculture de développer la recherche et d'être concurrentielle face à ses voisines, notamment au sein de l'Union européenne. N'allons pas surtransposer des normes : chaque surtransposition pénalise nos agriculteurs.
Si, alors que le glyphosate est autorisé pour cinq ans dans le reste de l'Union, nous limitons à deux ou trois ans la durée de cette autorisation, nous allons pénaliser les agriculteurs sans rien changer pour le consommateur. On l'a vu pour certains produits insecticides servant à traiter les cerises et les fraises. En interdisant en France des produits employés chez nos voisins et concurrents au sein de l'Union, on n'améliore en rien la santé humaine, mais on nuit à la compétitivité de nos agriculteurs et, par là, au financement de la recherche.
Nous devons donc adopter une position équilibrée. Cela a été rappelé, j'ai eu l'honneur d'être rapporteur pour notre Assemblée du premier Grenelle de l'environnement. Nous avions alors fixé plusieurs objectifs, toujours dans un esprit d'accompagnement. Chaque fois que nous avons voulu transposer, imposer des règles strictes, nous avons pénalisé notre agriculture. Ce n'est pas ainsi que nous accompagnerons le développement agricole comme nous voulons tous le faire.
Prenons l'exemple du labour : lorsqu'on laboure, on déstocke environ 1,2 tonne de carbone à l'hectare ! Les techniques sans labour permettent de stocker du gaz carbonique, mais aussi de limiter l'érosion des sols. Des expériences ont ainsi été menées sur des terrains près de cours d'eau, le sol étant labouré en aval seulement : en période de pluie, le cours d'eau qui passait près du sol labouré devenait jaune et complètement opaque ! Au contraire, sur la parcelle qui n'avait pas été labourée, l'eau restait claire. Le phénomène d'érosion est donc très important.
Bref, il y beaucoup d'éléments à prendre en compte. L'agriculture n'a jamais avancé à coups de règles strictes et d'interdictions. Notre rôle, c'est d'abord d'accompagner les agriculteurs, de faire en sorte qu'ils soient les plus performants possible, mais aussi de les protéger du mieux que nous puissions, pour notre santé et pour la leur.
C'est pourquoi j'en reviens toujours à l'importance du trépied dont nous parlions il y a deux jours : il y a le volet de la rentabilité économique, sans laquelle une démarche ne tient pas dans la durée ; mais, comme la rentabilité pour la rentabilité n'a aucun intérêt et qu'elle doit bénéficier à ceux qui travaillent, il y a le volet de l'amélioration des conditions sociales ; et le troisième est le respect de l'environnement : selon la formule que beaucoup connaissent ici, la terre, on l'emprunte à ses enfants. Chaque agriculteur veut transmettre son outil de travail dans les meilleures conditions possibles et donc s'assurer de la protection de l'environnement et de la biodiversité.
N'allons pas édicter des règles qui risquent d'avoir des conséquences extrêmement lourdes sur le milieu agricole. À chaque fois qu'il y a eu des efforts, ce sont les agriculteurs qui les ont faits, parce que les gouvernements, quels qu'ils soient, avaient défini des conditions leur permettant d'aller plus loin, et non pas des interdictions ou de dogmes, comme cela pourrait être le cas sur ce sujet.