Intervention de Arnaud Viala

Séance en hémicycle du lundi 28 mai 2018 à 16h00
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Article 14

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

S'agissant de l'utilisation des produits phytosanitaires, trois points me semblent importants. Tout d'abord, au cours de l'examen de ce texte, en particulier du titre Ier, dans la partie consacrée à la formation du prix, nous avons dû nous résigner et admettre que le rayon d'action du Parlement était essentiellement national et que les niveaux européen et mondial allaient échapper aux dispositifs que nous votions visant à améliorer la compétitivité de l'agriculture française et la situation économique de nos agriculteurs. Force a été de constater que nous n'avions pas la main sur ces niveaux.

Nous ne pouvons pas admettre cette réalité d'un côté et vouloir, de l'autre, nous montrer extrêmement précurseurs en matière d'environnement. Il n'y a pas de raison de contraindre l'agriculteur français davantage que l'agriculteur européen, sans quoi nous risquons de faire du titre II le pendant négatif de ce que nous avons essayé de créer dans le titre Ier. N'ajoutons pas des contraintes à des agriculteurs qui recherchent, au contraire, à améliorer leur situation économique. Les deux titres ne seront pas compatibles, si nous n'y adoptons pas la même logique.

Deuxièmement, s'agissant de l'environnement, des questions se posent effectivement aujourd'hui sur l'utilisation d'un certain nombre de produits, mais également sur des méthodes culturales. Partout en France les agriculteurs mènent cette réflexion. Christian Jacob vient de dire que le labour n'est pas la panacée. Moi-même fils d'agriculteurs, je vis dans une zone très pentue où le labourage intensif, en supprimant au passage quelques haies et clôtures, a érodé la terre de façon dramatique pendant des décennies. On a appauvri les sols, pollué les cours d'eau et provoqué tout un tas de difficultés, qui ont été corrigées justement par la pratique de semis différents, grâce à l'utilisation de certains produits phytosanitaires. Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Réfléchissons à la façon dont l'acclimatation s'est faite, malgré plusieurs contraintes.

Enfin, dans ce difficile débat, il ne faut pas avoir la prétention, à mon sens, d'éduquer les agriculteurs. Ils sont parfaitement éduqués, parfaitement conscients des risques qui planent sur le recours à certains produits, parfaitement lucides sur leurs pratiques. Ils font un appel à la justice.

Partout où on les rencontre, eux, leurs fédérations, leurs syndicats ou leurs regroupements, ils nous demandent comment nous pouvons accepter que, aujourd'hui, en 2018, la France interdise des produits alors que ses voisins ne les interdisent pas ; comment, dans une loi qui a vocation à améliorer la protection du consommateur français, nous pouvons tolérer de lui laisser croire qu'il n'aura plus certaines substances dans son assiette alors qu'on sait très bien que ce n'est pas vrai. L'exemple des néonicotinoïdes l'a bien montré : ils ont été interdits aux agriculteurs français, dont les coûts de production ont du coup augmenté ; donc le marché a importé des produits espagnols ou italiens, qui sont traités, moyennant quoi le consommateur français a subi les mêmes nuisances. Nous devons rendre justice aux agriculteurs et répondre à leurs questions dans notre débat.

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