Intervention de Sylvie Charrière

Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvie Charrière, rapporteure pour avis :

Madame Piron, vous évoquez l'illettrisme. Le premier des combats, c'est que les jeunes sortent du collège en ayant acquis le socle commun, notamment la maîtrise de la langue française. Plusieurs mesures phares ont été mises en place, qui, de l'avis unanime, portent leurs fruits : ainsi le dédoublement des cours préparatoires (CP), qui constitue la première pierre de l'édifice. De même, le dispositif de la classe de préparation à l'apprentissage – dite « prépa apprentissage » – prévue par le projet de loi permettra l'acquisition et le renforcement des compétences transversales indispensables de ces élèves : les boulangers vous expliqueront, par exemple, qu'ils ne peuvent pas prendre en apprentissage des élèves incapables de calculer des proportions ou de faire des additions… Ces prépas pourront durer jusqu'à une année en CFA ou en lycée professionnel, afin que les jeunes concernés maîtrisent les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter et savoir se comporter. Sur ce dernier point, beaucoup d'acteurs entendus en audition ont pointé les difficultés comportementales de certains élèves, sources de décrochage et de rupture de contrat.

Je vous proposerai par ailleurs de faire évoluer le dispositif d'initiation aux métiers en alternance (DIMA) vers une nouvelle « prépa-métiers ». Au collège, grâce à des pédagogies de projet innovantes, il s'agira d'aider les jeunes décrocheurs à se remotiver, à retrouver du sens et à retrouver un certain niveau pour ensuite pouvoir s'orienter vers la voie professionnelle. Les compétences transversales qui y seraient acquises recouvrent évidemment la maîtrise de la langue française.

Madame Meunier, vous vous interrogez sur la réactivité des branches par rapport à l'évolution des compétences et des diplômes. C'est l'intérêt de réévaluer les formations et les diplômes tous les cinq ans. Par ailleurs, la publication des statistiques et des taux d'insertion pousseront les lycées professionnels et le ministère de l'éducation nationale à se poser des questions sur « l'insérabilité » des diplômes proposés – le fameux baccalauréat professionnel « gestion-administration » en est un bon exemple.

Dans un souci d'évolution constante des métiers, il convient de conserver l'apprentissage de compétences transversales, quelle que soit la voie de formation. Cela donnera à nos jeunes la capacité de rebondir. Cela étant, je suis persuadée que les branches sont les mieux placées pour toiletter et actualiser les diplômes.

Concernant les ruptures de contrat, monsieur Attal, il est important de mettre en avant les passerelles entre les lycées professionnels et les CFA. La bonne articulation entre voie générale et voie professionnelle – par apprentissage ou à temps plein – sera au coeur du succès de ce projet de loi. J'irai plus même plus loin : je pense que nous aurions dû profiter de la réforme du baccalauréat pour créer des majeures et des mineures intégrant la découverte du monde professionnel.

Pour ce qui est de l'accompagnement, je proposerai un amendement qui obligera les CFA à organiser cette mission. Si un jeune n'est pas mûr pour le monde de l'entreprise, s'il s'est trompé de voie, le CFA devra l'accompagner à la mission locale ou au rectorat pour lui trouver une place en lycée professionnel.

Madame Anthoine, dans cette logique, les régions doivent se recentrer sur leur mission de dynamisation du tissu économique et déployer leur savoir-faire en matière d'aménagement du territoire, afin d'améliorer leur attractivité et d'encourager les entreprises à venir sur leur territoire, ce qui attirera ensuite les CFA.

Par ailleurs, il est possible de créer des CFA « hors les murs ». J'ai visité à Lyon un CFA spécialisé dans les métiers d'art qui propose un hébergement aux jeunes, et les accueille pour leur formation théorique – notamment en histoire de l'art. Ces jeunes réalisent ensuite toute leur formation professionnelle en entreprise. Le CFA a déployé un système d'accompagnement des maîtres d'apprentissage afin de s'assurer de la qualité de la formation. Ce modèle est intéressant pour les CFA ruraux.

Monsieur Le Bohec, la formation initiale des enseignants devrait évidemment intégrer tout un module d'accompagnement des jeunes à la découverte du monde de l'entreprise, voire un peu de coaching, et même, pourquoi pas, des stages ouvriers. Je suis une ancienne enseignante mais je n'ai découvert le monde de l'entreprise que très tardivement, à l'occasion d'un stage de trois semaines en entreprise, obligatoire dans le cadre de ma formation de chef d'établissement. Jusqu'alors, je n'avais jamais mis les pieds dans une entreprise.

L'étanchéité entre les deux systèmes crée une suspicion dommageable. En effet, madame Rubin, dans la plupart des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), le salarié n'est pas maltraité et on peut s'épanouir dans le travail. C'est toute la mission de l'orientation : construire des voies choisies et porteuses pour que nos jeunes s'épanouissent dans le travail – nous y passons tout de même un tiers de notre temps !

Madame Bazin-Malgras, nous avons auditionné les OPCA. Ils s'organisent pour accompagner les branches. Effectivement, seules certaines branches sont déjà structurées. Les OPCA mettent donc en place différents dispositifs d'ingénierie pédagogique pour les aider à identifier les compétences dont les entreprises ont besoin et réalisent des études prospectives sur les métiers. Ces opérateurs ne sont pas hostiles au projet de loi et travaillent déjà dans cette logique, l'actuelle tuyauterie financière ne leur étant pas particulièrement favorable.

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