Mercredi 23 mai 2018
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Présidence de M. Bruno Studer, président de la Commission
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La commission des Affaires culturelles et de l'Éducation examine pour avis le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904) (Mme Sylvie Charrière, rapporteure).
Mes chers collègues, avant d'en venir à l'ordre du jour de cette matinée, je souhaite appeler votre attention sur l'organisation du premier « Printemps de l'évaluation ». Celui-ci se déroulera en deux temps, d'abord en commission des finances, du 30 mai au 7 juin, à travers l'organisation de réunions d'évaluation des politiques publiques en présence des ministres concernés, puis du 18 au 20 juin en séance publique, autour de l'examen de la loi de règlement de l'année 2017. Les réunions d'évaluation de la commission des finances sont ouvertes à tous ceux qui le souhaitent, et tout particulièrement aux rapporteurs budgétaires pour avis ; je vous incite à y participer. Le secrétariat de la commission va vous transmettre l'ensemble des informations concernant ces réunions, et notamment leur calendrier et les thèmes d'évaluation choisis par les rapporteurs spéciaux, ainsi que les notes d'exécution budgétaires 2017 rédigées par la Cour des comptes.
Nous en venons maintenant à l'ordre du jour de cette matinée, qui prévoit l'examen des articles 4 (alinéa 29 à 40), 9, 10, 11, 14, 15 et 16 du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904), dont notre commission s'est saisie pour avis. Ces dispositions concernent la réforme de l'apprentissage ainsi que l'organisation du système national d'orientation, de formation et de certification professionnelle ; elles relèvent en conséquence de la compétence de notre commission.
Désignée le 18 avril dernier, notre rapporteure Sylvie Charrière a réalisé de nombreuses auditions afin d'établir sa position sur les articles dont nous nous sommes saisis ; elle nous proposera tout à l'heure plusieurs amendements destinés à préciser ou améliorer le texte sur ces sujets essentiels pour l'avenir d'un grand nombre de nos jeunes concitoyens.
Je rappelle que ce projet de loi sera examiné au fond la semaine prochaine par la commission des affaires sociales et est inscrit en séance publique la semaine du 11 juin.
Le boom technologique, les révolutions numérique et robotique ainsi que le développement d'une économie verte provoquent une évolution rapide des métiers ; 60 % de ceux qui seront exercés en 2030 n'existent pas encore. Il est donc nécessaire que les formations initiales soient très régulièrement actualisées, dispensent un socle solide de compétences transversales réinvestissables, et que chacun puisse se former tout au long de la vie afin d'être davantage flexible.
Le taux de chômage des jeunes en France, comparé à celui de l'Allemagne, est alarmant : 24,8 % en France, contre 7,8 % en Allemagne. On compte à l'heure actuelle plus de 1,3 million de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en formation, que l'on appelle les NEET (Not in Education, Employment or Training) ou les invisibles, et qu'il est très difficile d'aller chercher. Ce taux de chômage grimpe jusqu'à 40 % dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. De plus, le nombre de ces NEET ne cesse d'augmenter par le fait que, chaque année, 100 000 jeunes sortent du système scolaire ou universitaire sans diplôme. Parallèlement, le taux de jeunes Allemands formés par la voie de l'apprentissage est trois fois supérieur au nôtre.
C'est à ces défis que répond le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, par le biais d'une rénovation de notre système de formation professionnelle et d'apprentissage, une révision de notre système d'assurance chômage et une nouvelle gouvernance de la politique de l'emploi.
Ces réformes de l'apprentissage et de la formation professionnelle doivent permettre d'apporter une qualification et une protection supplémentaires à tous les actifs.
La formation professionnelle initiale en alternance, qu'elle passe par le lycée professionnel, par un centre de formation d'apprentis (CFA) ou par l'université, doit être mieux valorisée, mieux articulée, et bénéficier de l'engagement de chacun si nous voulons en faire une voie de réussite.
L'alternance est une voie qu'il faut promouvoir car la meilleure garantie contre le chômage reste le diplôme. En effet, 48,4 % des jeunes sortis sans diplôme ou avec uniquement le brevet des collèges sont au chômage. Autre indicateur à prendre en considération : un tiers des contrats d'apprentissage sont rompus. Or l'apprentissage est une voie qui insère : au 31 décembre 2017, on comptait 412 437 apprentis dans des centres de formation publics ou privés, dont 152 489 dans l'enseignement supérieur, du brevet de technicien supérieur (BTS) au diplôme d'ingénieur ; dans les sept mois qui suivent la fin du contrat d'apprentissage, sept apprentis sur dix trouvent un emploi, dont 60 % en CDI ; enfin, 80 % des employeurs se déclarent satisfaits des apprentis qu'ils recrutent, et les réembauchent à la fin du contrat.
Pour que la voie de l'apprentissage soit davantage choisie par nos jeunes, le premier grand défi à relever est de faire évoluer les mentalités des familles, des enseignants et des chefs d'entreprise, et de redonner confiance à l'ensemble des acteurs. Pour cela, nous disposons de plusieurs leviers.
Tout d'abord, sécuriser le statut de l'apprenti : celui-ci doit être assuré de trouver une entreprise et avoir un droit à l'erreur. Il faut lui laisser la possibilité de passer d'un CFA à un lycée professionnel et inversement, de changer de voie et, en cas de rupture de contrat, de finir l'année au CFA en poursuivant sa formation théorique.
Ensuite, faire en sorte que l'école se rapproche de l'entreprise, afin que toute la communauté ait une meilleure connaissance des formations, des métiers et des compétences nécessaires à l'insertion immédiate, mais aussi à l'insertion future. Bon nombre des personnes que nous avons rencontrées ont pointé l'orientation comme le problème essentiel. Cela suppose d'agir selon plusieurs axes.
Premier axe : mieux former les enseignants à l'accompagnement des jeunes, notamment à travers des stages en entreprise lors de leur formation initiale. Les élèves pourront ainsi découvrir ce monde que la plupart de leurs aînés n'ont jamais découvert, et dont ils se font une représentation parfois erronée.
Deuxième axe : dans un souci d'équité, mieux outiller les établissements dans l'élaboration des « parcours Avenir », en renforçant la présence des psychologues de l'éducation nationale, en donnant aux régions les moyens de construire, grâce aux compétences des délégations régionales de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (DRONISEP), une information solide et actualisée à travers de nombreux supports et actions dans les établissements – visites de professionnels, forums des métiers, vidéos.
Troisième axe : montrer que cette voie est « insérante », en rendant publiques les statistiques concernant les taux d'insertion, de réussite au diplôme, de poursuite de parcours pour les CFA mais aussi pour les lycées professionnels. Ainsi, toute la communauté éducative pourra se rassurer sur le fait que l'on peut réussir en empruntant cette voie, et qu'une poursuite d'études est possible. Je vous proposerai d'ajouter à ces indicateurs les taux de rupture de contrats et la valeur ajoutée des établissements, afin de mettre en avant ce que chaque CFA peut mettre en place pour accompagner les jeunes.
Mieux valorisée, cette voie doit aussi être mieux articulée.
Les transformations du monde économique appellent, en amont de l'insertion professionnelle, une évolution des formations plus réactive aux besoins de l'économie, et une plus grande adaptabilité des personnes sortant du système éducatif.
Du côté de la simplification administrative, il a paru nécessaire d'alléger les procédures de rupture de contrat pour les apprentis : c'est le sens de la fin du passage aux prud'hommes, qui donnera à ces jeunes plus de flexibilité dans leurs choix.
Ensuite, dans un souci de simplification et d'efficacité, il a semblé plus pratique de confier la gouvernance à un opérateur unique, quadripartite, qui rassemblera tous les acteurs : État, région, organisations syndicales et patronales, personnalités qualifiées. Cette gouvernance concernera entre autres le financement, mais il nous a semblé également important que France compétences puisse davantage cadrer ce qui se passera en matière d'orientation.
En simplifiant les conditions d'ouverture et de fermeture des CFA, il devrait être plus facile de s'adapter, et ce de manière bien plus réactive, aux besoins des compétences au niveau local.
Le même souci d'opérationnalité doit prévaloir pour ce qui est du « sourcing » et du « matching », en s'appuyant sur les outils numériques afin de permettre aux trois protagonistes, jeunes, CFA et entreprises, de se rencontrer. On pourrait même, dans un souci d'amélioration du système, imaginer que le jeune puisse porter un avis sur son CFA, voire sur l'entreprise qui l'a accueilli.
Les branches se verront accorder plus de poids dans la définition des diplômes : elles représenteront plus de 50 % de l'effectif total des commissions professionnelles consultatives. En instaurant une révision des diplômes tous les cinq ans et en demandant un avis conforme aux commissions professionnelles consultatives au sein de France compétences sur les projets de création et de suppression de diplômes, l'État veut s'assurer de l'effectivité de l'insertion professionnelle permise par ces diplômes. Néanmoins, il faudra prendre garde à ce que les compétences transversales qui découlent des situations de travail et des activités exercées, des métiers ou emplois visés, intègrent bien des compétences d'adaptabilité.
Cette voie nécessitera aussi l'engagement et la mobilisation de chacun, dans le monde professionnel, les régions et le monde éducatif.
Au sein du monde professionnel, les branches auront une grande responsabilité car elles devront être en mesure, notamment grâce à leur observatoire, de mener une analyse prospective sur la situation de l'emploi à venir et sur la définition des besoins en compétences des entreprises et, par conséquent, sur l'élaboration des titres et diplômes et sur leur articulation en blocs de compétences. Les futurs opérateurs de compétences devront accompagner les branches les plus fragiles.
De leur côté, les entreprises devront se mobiliser et s'engager en embauchant des apprentis et en acceptant aussi que les maîtres d'apprentissage se forment.
Les régions, elles aussi, devront s'engager à travers le contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP), qui ne sera pas seulement une formalité administrative, mais un plan d'action au service de la formation et de l'insertion des jeunes. Il mettra en relation tous les acteurs : les points jeunesse, les missions locales, Pôle Emploi, les écoles de la deuxième chance, les associations comme « Nos quartiers ont du talent », etc. C'est ainsi que l'on récupérera et qu'on ira chercher nos NEET. Les régions doivent également se donner le moyen de vérifier l'effectivité de la mise en oeuvre de ces CPRDFOP, et leur efficacité.
L'idée que la compétence, le capital humain, l'enrichissement de chacun est la clé de la réussite de notre société doit trouver sa concrétisation dans un lieu emblématique : les campus des métiers et de la qualification.
De nombreuses régions ont déjà créé de tels pôles de compétence dans un bassin économique identifié, mais elles devront aller encore plus loin, en rassemblant sur un lieu proche toutes les voies et niveaux de formation, du CFA au lycée professionnel ou général, jusqu'aux écoles d'ingénieurs et aux universités. Cela permettra de créer des passerelles et de donner à chacun des perspectives pour poursuivre ses études, en formation initiale ou continue. Pour être attractifs, ces campus devront proposer aux jeunes des activités sportives et culturelles, mais aussi et surtout des modes d'hébergement : les problèmes de mobilité constituent des freins majeurs au développement de l'apprentissage.
L'engagement vaut aussi pour le monde éducatif : en concluant des conventions entre eux, les lycées professionnels et les CFA permettront aux jeunes de construire des parcours de formation qui correspondront mieux à leur niveau de maturité : maturité à choisir sa voie, à entrer dans le monde du travail, tout en leur donnant la possibilité de se réorienter. Nous devons leur offrir un véritable droit à l'erreur.
Le parcours régional de préparation à l'apprentissage (PREPA) qui est proposé dans ce texte de loi donne au jeune arrivant en CFA ou en lycée professionnel la possibilité d'acquérir les compétences comportementales et les compétences de base qui lui manquent, pour trouver un patron, démarrer son apprentissage et affiner son projet. Il est important de proposer aux jeunes qui décrochent en collège une structure mettant en avant, grâce à des pédagogies innovantes, des compétences telles que la collaboration, la créativité, l'esprit d'initiative, et qui s'appuient sur le concret, sur le « faire pour apprendre ». Cette classe devra également les aider à découvrir le monde de l'entreprise et ainsi à mieux définir leur projet personnel et professionnel.
Par ailleurs, il est important que lors des phases d'orientation en troisième, les enseignants n'aient pas un sentiment d'échec si le jeune part vers la voie professionnelle, et que le chef d'établissement ne soit pas évalué en fonction de ses taux de passage en seconde générale mais bien sur la poursuite de formation des élèves, quelle que soit la voie choisie. L'important est que leur accompagnement ait permis à chacun de bien définir son projet.
Madame la rapporteure, merci de votre travail sur ce projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui montre clairement les enjeux de cette réforme. Pour avoir eu le plaisir de vous accompagner à quelques auditions, je connais votre maîtrise du sujet et votre implication.
Notre pays connaît plusieurs mutations et transformations. Nos entreprises, notre jeunesse, notre système éducatif, tous attendent de nous une transformation profonde, qui nous oblige à bousculer nos habitudes, à réformer, à innover en ayant toujours à l'esprit l'inclusion sociale et l'insertion professionnelle. Cette inclusion sociale et cette insertion professionnelle ne se feront que si l'on prépare un meilleur avenir professionnel à nos jeunes. Il s'agit de développer et de faciliter l'accès à la formation, dans un souci d'équité et de liberté professionnelle et dans un cadre organisé collectivement et soutenable financièrement.
Oui, ce projet de loi entend poursuivre la dynamique de transformation du marché du travail en organisant une rénovation en profondeur du système de formation professionnelle et de l'apprentissage. Notre commission s'est saisie pour avis de certains articles au titre de sa compétence en matière d'éducation et votre rapport pour avis vient naturellement enrichir les objectifs ambitieux de ce projet de loi. Le groupe La République en marche amendera également ce texte afin de l'améliorer encore.
Vous l'avez rappelé à juste titre, le chômage qui affecte nos jeunes dépasse les 20 %. Il est donc deux fois plus élevé que pour l'ensemble des actifs, alors même que bien des entreprises peinent à recruter sur certains secteurs. Près de 100 000 jeunes seraient sortis du système de formation initiale sans diplôme en 2016 ; ils seraient 80 000 en 2017. Cet important décrochage scolaire s'explique, entre autres, par une mauvaise adéquation des formations aux besoins de l'économie, et notamment par notre manque de réactivité à faire évoluer certains diplômes en fonction des besoins des entreprises.
Par ailleurs, les transformations majeures que connaissent aujourd'hui des secteurs entiers de notre économie, en raison des révolutions numérique et robotique et de l'émergence d'une économie plus sobre en ressources, ont des effets considérables sur les organisations du travail. Les métiers, et donc les compétences attendues, sont en évolution constante. Nos formations initiales, et plus particulièrement les formations professionnelles, doivent désormais tenir compte de ces mutations.
Ce texte doit être accompagné d'un message politique fort, afin de corriger l'image dégradée qu'a aujourd'hui l'apprentissage, qui est pourtant une voie d'excellence. L'apprentissage, comme la formation professionnelle, ont des atouts tant au niveau des compétences qu'elles développent, que des possibilités d'insertion professionnelle, voire d'évolution sociale, qu'elles proposent.
Les différentes inspections générales – éducation nationale, affaires sociales, enseignement supérieur, administration – soulignent dans leur rapport sur les freins non financiers au développement de l'apprentissage l'hostilité dont l'apprentissage fait l'objet de la part d'une partie des enseignants, méfiants vis-à-vis du monde de l'entreprise, ainsi que leur méconnaissance des formations en alternance. Nous devons donc faire oeuvre de pédagogie afin de contrer cette mauvaise image.
Ce texte met ainsi en avant l'importance de l'acquisition des compétences professionnelles en créant la possibilité d'acquérir des blocs de compétences qui pourront être valorisés sur le marché du travail, même sans l'obtention du diplôme. Cela peut paraître un détail, mais cela a une grande importance notamment pour nos jeunes en situation de handicap ou en reconversion professionnelle.
Je terminerai mon propos en mettant en avant l'inscription, dans la loi, de la complémentarité des apprentissages théoriques et pratiques des formations professionnelles, qui contribuent à développer l'aptitude à poursuivre ses études. Les notions de parcours d'excellence et de voie de la réussite sont clairement affirmées ; c'est donc naturellement que le groupe La République en Marche, qui partage les conclusions de votre rapport, soutiendra ce texte.
Je voudrais tout d'abord remercier notre rapporteure pour le travail qu'elle a accompli. Développer l'apprentissage et la formation par alternance est une rengaine que l'on entend depuis plus de vingt ans. Ce projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel sera-t-il la bonne réponse à la revalorisation des filières professionnelles ? Nous sommes en tout cas persuadés, au groupe Les Républicains, que l'apprentissage est effectivement une voie d'excellence.
Le CFA sont désormais assimilés à des organismes de formation. Leur création sera libre, et le coût unique du contrat fixé par les branches devra permettre de financer l'ensemble des contrats d'apprentissage.
Les modèles allemand et danois ont confié depuis longtemps, et avec un certain succès, l'apprentissage aux branches professionnelles. Mais en France, les branches sont en phase de réorganisation, ce qui suscite quelque inquiétude. Seules quelques-unes d'entre elles sont prêtes à remplir leurs nouvelles missions : fixer le coût du contrat et axer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences sur le développement de l'apprentissage. De futurs opérateurs de compétences se substitueront aux actuels organismes paritaires, les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), ce qui pourrait aussi porter préjudice à l'apprentissage.
Les régions, il faut bien l'avouer, sont reléguées au second plan. Certes, elles auront une compétence de régulation et d'aménagement du territoire, notamment pour financer les métiers rares ou certains CFA ruraux. Mais le risque majeur est de voir émerger des CFA urbains dans lesquels vont se concentrer les métiers rentables, au détriment de la ruralité ou de métiers pour lesquels les coûts de formation sont plus élevés.
Qu'en sera-t-il des relations entre les lycées professionnels et les CFA ? À titre personnel, j'ai toujours été favorable au renforcement des articulations entre la voie scolaire générale et l'apprentissage. Le texte prévoit au moins une section d'apprentissage dans chaque lycée professionnel. Sans doute cela favorisera-t-il les passerelles ou la mutualisation de plateaux techniques ; mais les lycées professionnels n'ont pas besoin d'être certifiés et n'ont pas à supporter le coût de leurs professeurs. Comment ce double avantage va-t-il se traduire à l'avenir ?
Nous avons le sentiment que l'on navigue à vue : alors que les régions devaient financer directement la péréquation, la ressource va finalement transiter par France compétences, un établissement public créé à l'article 16. Cela nous inquiète.
Les régions ne seront plus responsables d'un schéma régional des formations en alternance, ce qui était tout à fait intéressant. Elles ne récupèrent aucune compétence en matière de conseil en évolution professionnelle. Certes, elles reçoivent quelques miettes avec l'information sur les métiers, mais en aucun cas une compétence générale en matière d'orientation.
Ce projet de loi suscite encore beaucoup d'interrogations, notamment sur la gouvernance de France compétences, qui est renvoyée à un décret. La situation alarmante de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) n'est pas un précédent de bon augure, et l'étatisation assumée de la formation professionnelle par le biais de France compétences ne nous rassure pas.
Mes chers collègues, dans son programme, le Président de la République promettait de réformer en profondeur l'apprentissage pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes et transformer enfin notre économie. Nous y voici ! L'enjeu est central car l'apprentissage, s'il souffre de son image, n'en est pas moins une voie de formation inégalable, qui compte 80 % de réussite. C'est aussi un facteur d'intégration sociale remarquable, puisque la quasi-totalité des apprentis finissent par intégrer leur entreprise. C'est enfin une grande opportunité professionnelle, dans la mesure où 42 % des chefs d'entreprises artisanales sont issus de l'apprentissage.
L'orientation est une autre promesse, un autre défi majeur de ce quinquennat. Nous nous y sommes attelés dès l'automne dernier, avec la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, qui a mis en place les conditions d'une orientation efficace et personnalisée dans l'enseignement supérieur. Jean-Michel Blanquer en a fait une priorité dans l'enseignement secondaire.
Par le texte que nous examinons aujourd'hui, nous réaffirmons encore une fois le souhait de la majorité de permettre aux jeunes de faire des choix éclairés par une information et une orientation renouvelées.
Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés soutient pleinement ces deux objectifs stratégiques, poursuivis par les articles du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel dont notre commission s'est saisie. Il se félicite ainsi des avancées concrètes contenues dans ce texte : l'ouverture de l'apprentissage aux personnes de seize à trente ans, la facilitation de l'exécution des contrats d'apprentissage, le rôle renforcé des régions dans l'orientation, les nouvelles modalités de financement ou encore la création de France compétences.
Afin que ce texte atteigne pleinement ses cibles, nous proposerons quatre amendements qui nous semblent essentiels pour que cette réforme porte ses fruits.
Le premier visera à éviter des situations de blocage qui peuvent naître de l'obligation de cosignature lors d'une rupture de contrat à l'initiative de l'apprenti mineur. Afin de ne pas pénaliser l'apprenti dont la situation familiale ne permettrait pas cette cosignature, par lui et par son représentant légal, nous proposerons que l'autorité parentale s'exerce par un droit d'opposition à la conclusion d'un acte de rupture.
Notre deuxième amendement a pour objectif d'assurer la cohérence et la pertinence de l'information et de l'orientation délivrées au jeune. Pour ce faire, nous proposerons de renforcer les liens entre les régions et les entreprises, qui offrent une vision indispensable sur les débouchés existant sur les territoires, ainsi que les liens entre les régions et les enseignants en charge de l'orientation, qui accompagnent les élèves au quotidien.
Nous proposerons également de généraliser l'expérimentation prévue à l'article 10, afin que les régions disposent des ressources humaines nécessaires pour mener à bien leur mission d'orientation.
Enfin, parce que les dispositifs les plus simples et les plus lisibles sont souvent les meilleurs, nous proposerons de conserver et d'améliorer l'inventaire des compétences plutôt que de lui substituer un répertoire spécifique. Ce changement de dénomination nous paraît être un facteur de confusion, peu utile, pour des acteurs en quête de simplification.
Vous l'aurez compris, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés relève dans les dispositifs proposés des axes d'amélioration, et défendra ses positions pour enrichir le texte. Il n'en soutiendra pas moins cette grande réforme qui porte avec justesse une ambition fondamentale pour notre société : permettre à notre jeunesse de s'épanouir professionnellement dans l'ensemble de nos territoires.
Madame la rapporteure, je vous remercie tout d'abord de la qualité de votre travail.
Notre commission s'est saisie pour avis sur plusieurs articles du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Malgré des financements considérables depuis de nombreuses années – environ 32 milliards d'euros en 2015 – nos résultats en matière de formation professionnelle sont très médiocres : de fait, les dépenses publiques de formation professionnelle et d'apprentissage représentent 0,22 % du PIB en France, contre 0,20 % en Allemagne, et 0,14 % en Suède, sans que ces dépenses aient fait la preuve de leur efficacité, loin s'en faut.
Aujourd'hui, le taux des formations certifiantes parmi les formations financées par les entreprises, n'est que de 20 % ; c'est le plus bas d'Europe. Il en est de même du taux de formations certifiantes pour les personnes en recherche d'emploi, qui culmine péniblement à 38 %.
En même temps, même si le taux d'insertion professionnelle au terme d'un contrat d'apprentissage est élevé, puisqu'il est en moyenne de 70 % sept mois après la fin du contrat, le taux de rupture des contrats d'apprentissage reste significatif : il concernait près d'un tiers des contrats en 2016.
Le nombre d'embauches d'apprentis diminue, malgré l'objectif de 500 000 entrées en apprentissage fixé sous le quinquennat précédent. De moins en moins de jeunes entrent dans un dispositif de pré-apprentissage. Je pense notamment au dispositif d'initiation aux métiers en alternance choisi par 5 500 jeunes en 2015, soit une réduction de 50 % au cours des dix dernières années.
Les réformes successives de la formation professionnelle continue n'atteignent pas le but recherché, et elles ont même des conséquences paradoxales : ce sont les individus les mieux formés et les plus à même de s'orienter dans le maquis des formations disponibles qui en profitent. En revanche, ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi, et qui auraient le plus besoin d'accompagnement pour remettre le pied à l'étrier, n'en bénéficient pas.
Aujourd'hui, notre système de formation professionnelle fonctionne quasiment en vase clos. On a oublié les salariés, les chômeurs, alors qu'ils devraient être au centre de toutes les politiques menées en ce sens. La formation professionnelle doit retrouver sa finalité première : être un levier économique.
Ce projet de loi répond à l'objectif ambitieux d'adapter notre système aux transformations majeures que connaît notre économie, à l'heure des révolutions numérique et robotique. En l'état actuel, nous ne sommes pas convaincus qu'il règle les problèmes que je viens de soulever. Cela étant, il comprend des mesures de simplification bienvenues qui apporteront davantage de clarté et de visibilité à l'ensemble des acteurs. Je pense notamment à la réforme du contrat d'apprentissage, qui est rapproché du droit commun des contrats de travail.
Nous sommes cependant plus réservés sur la suppression de la compétence régionale en matière d'apprentissage. Puisque la région connaît ses bassins d'emploi et les spécificités de l'aménagement du territoire, et qu'elle est compétente en matière de développement économique, le maintien de sa compétence en matière d'apprentissage est parfaitement cohérent avec ses compétences en matière de formation professionnelle des demandeurs d'emploi et de développement économique. Éloigner les régions des prises de décisions s'avérera infructueux.
Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames et Messieurs, un an après avoir flexibilisé le marché du travail par des ordonnances, ce projet de loi devait constituer le volet de la réforme apportant de la sécurité pour les salariés. À notre avis, il n'en est rien.
Dans ce mastodonte législatif de près de soixante-dix articles, notre commission n'examinera que les dispositions relatives à l'alternance.
Disons-le clairement : cette réforme induit de nouveaux risques et des craintes chez les acteurs du secteur. On peut d'ailleurs souligner la position inédite du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), alors que le Gouvernement nous propose de tout déréguler en pensant que le marché viendra répondre aux besoins.
Nous sommes inquiets car vous nous faites passer d'un service public non marchand à une activité marchande. Cela aura pour résultat de déstabiliser les CFA, tout particulièrement ceux de petite taille. C'est parce que la gestion de l'apprentissage serait trop administrée que vous décidez de la bouleverser. N'oubliez pas que l'apprentissage sert à former des citoyens. Il faut le protéger, et la régulation publique est indispensable pour répondre aux besoins sociétaux.
Différentes instances nous ont clairement alertés sur les inquiétudes qu'ils avaient à propos de ce texte. Les écouter aurait permis d'éviter deux écueils.
Nous rappelons que les formations ont des coûts et des besoins qui sont fonction des spécificités des territoires. En finançant l'apprentissage au contrat plutôt qu'au forfait, on sera dans une méthodologie particulièrement floue. La mécanique risque d'avoir des effets pervers : les CFA les mieux équipés pourraient être privilégiés, alors que les CFA les moins dotés ou positionnés sur les métiers rares ou émergents seraient délaissés, aggravant la fracture territoriale.
La carte des formations est supprimée, ce qui risque de créer des effets de concurrence territoriale. Selon Régions de France, les CFA seraient plus de 700 à disparaître, sachant que nous n'avons pas d'estimations exactes pour les outre-mer, notamment pour mon territoire, la Martinique. Pourtant, le Président de la République veut développer les CFA dans les banlieues. Je ne vois pas comment cela pourrait fonctionner avec une telle logique.
Mes chers collègues, alors que tous les acteurs disent que cette réforme est inappropriée aux besoins, nous devons repenser l'espace de dialogue entre les CFA et les régions, et recréer la carte des formations professionnelles.
Aujourd'hui, alors que les contrats de professionnalisation sont gérés par les branches professionnelles, les résultats ne sont pas forcément les meilleurs. Comment peut-on imaginer que le privé ferait forcément mieux que le public ? La question de la capacité et de l'existence des branches professionnelles dans tous les territoires a-t-elle seulement été posée ?
Dans les outre-mers, où le tissu économique est composé à plus de 80 % de très petites entreprises, il n'y a que très peu de branches. Comment seront-elles en mesure de prendre en charge leurs nouvelles missions ?
Sur l'engagement de redistribuer 5 % de la cotisation alternance vers les régions, la question reste en suspens. Comment seront redistribués les 250 millions d'euros promis ? Nous avons une idée des territoires qui seront à nouveau délaissés ; je pense particulièrement aux outre-mer.
De même, c'est la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques qui appuierait la création de nouveaux CFA. Sachant qu'elle ne s'appliquera pas dans les départements d'outre-mer, devrons-nous attendre un changement dans la gestion de la taxe spéciale de consommation sur les carburants, dont le taux et les exonérations seront fixés par le conseil régional ?
Cette réforme témoigne malheureusement une nouvelle fois de la méthode de notre gouvernement, qui consiste à passer en force. La sagesse commanderait, sur ce sujet comme sur d'autres, de ne brusquer ni les professionnels ni les salariés, ni les demandeurs d'emploi ni les entreprises, ni même les collectivités.
Si je devais trancher par une formule, ce serait celle-ci : asservir l'apprentissage, mais également l'orientation, aux besoins de l'entreprise, voilà toute votre réforme. Cela ne nous convient évidemment pas !
S'agissant de l'apprentissage, ce texte est vicié dans son principe même : l'apprenti n'acquerra plus des savoirs théoriques et pratiques dans la perspective d'un diplôme national, mais seulement de l'employabilité, qui plus est bon marché pour les entreprises. J'en veux pour preuve le contrôle du contenu pédagogique : il pourra être assuré par des représentants de chambres consulaires et des branches. En outre, par voie d'expérimentation, le contenu pédagogique du contrat d'apprentissage pourra être librement défini par l'employeur. Qu'adviendra-t-il du diplôme national permettant à tous de disposer d'un savoir et de garanties sociales identiques ?
Vous le soulignez, il est impossible de prévoir les emplois de demain ; pourtant, cette réforme enferme les apprentis dans des blocs de compétences spécifiques à une entreprise, alors qu'il leur faudrait posséder les connaissances et les pratiques d'un métier.
Mes chers collègues, dans votre français libéral, être employable, ce n'est pas pouvoir postuler à un emploi partout sur le territoire, mais plutôt faciliter les ruptures de contrat pour l'employeur. Votre employabilité, c'est la libéralisation de la formation des apprentis et CFA, qui seront de plus en plus subordonnés aux desiderata des entreprises et des branches professionnelles.
Par ailleurs, alors que vous ne cessez de faire valoir la nécessité de mobilité ou d' « agilité » des travailleurs, cette réforme régionalise l'orientation, assignant les apprentis à des territoires en fonction des besoins de main-d'oeuvre des entreprises locales.
Parallèlement, vous cassez le service public national de l'information et de l'orientation : les missions de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) et des centres d'information et d'orientation (CIO) vont bien au-delà de la simple valorisation des opportunités d'emplois locaux !
Cela dit, votre projet de loi est parfaitement en phase avec votre politique de casse des statuts et de fragilisation des conditions de travail. Vous ne considérez l'homme que comme une machine à produire – et si possible à moindre coût. Il sera désormais permis de déroger à la durée maximale de travail quotidien, deux heures de travail supplémentaires étant autorisées pour les apprentis. Tant pis si cela rompt entre-temps le fragile équilibre entre travail, repos, loisirs et études… Je vous rappelle que nous parlons d'apprentis : ce ne sont pas des salariés comme les autres. Ils sont dans un temps d'éveil, de construction de soi et de formation qui suppose la plus grande attention et des conditions de travail décentes.
En outre, vous légiférez alors qu'aucun bilan n'a été tiré des expérimentations. Les différents acteurs de l'apprentissage rencontrent des difficultés, notamment du fait de son manque d'attractivité. Je ne suis pas sûre que les mesures dont je viens de parler l'améliorent ! En revanche, proposer comme nous le faisons un véritable statut de tuteur en entreprise pourrait constituer une avancée.
Enfin, ce projet de loi nous fait craindre l'avènement du tout-apparentissage au détriment des filières des lycées professionnels.
Chère collègue, je vous remercie de ce rapport. La voie professionnelle est souvent vécue par les jeunes comme une orientation de relégation. C'est malheureusement souvent le cas. Chacun connaît les lycées de sa ville et chacun sait où vont massivement les jeunes, selon leurs origines sociales. C'est cette réalité qu'il faut transformer pour tous les enfants, quelle que soit leur origine sociale.
On parle de l'image dégradée de l'apprentissage et de certains lycées professionnels. Je n'ai pas l'impression que ce projet de loi va améliorer les choses puisque vous affaiblissez la réglementation qui protège les apprentis. Or ce ne sont pas des salariés comme les autres, du fait de leur âge et parce qu'ils sont en formation. Leur contrat pourra désormais être de six mois, leur durée de travail hebdomadaire de quarante heures, le travail de nuit sera autorisé et il ne sera plus possible d'aller aux prud'hommes pour vérifier que l'employeur a respecté ses obligations en cas de rupture de contrat ! Je ne me vois pas conseiller cette voie à mes petits-enfants.
Par ailleurs, la compétence en matière d'apprentissage est transférée aux branches professionnelles et l'ouverture des CFA libéralisée – une simple déclaration d'activité sera désormais suffisante. Une véritable déréglementation de la construction des diplômes se met en place avec ce transfert de la certification aux branches ! Tout cela crée de l'inquiétude chez les différents acteurs.
Enfin, le rattachement des CFA aux branches professionnelles ne constitue-t-il pas un danger pour les lycées professionnels ? Vous évoquez des garanties. Certes, comme les lycées d'enseignement général, les lycées professionnels restent sous la tutelle de l'État. C'est heureux ! Mais n'est-on pas en train de les fragiliser ?
Enfin, on a l'impression qu'on transfère partiellement la compétence en matière d'orientation aux régions pour compenser la fin de leur compétence en matière d'apprentissage, Mais l'orientation est la clé de la réussite scolaire et le coeur des difficultés actuelles ! Ce désengagement de l'État au profit des régions n'est pas un bon signal.
Mon intervention a trait à l'article 15 du projet de loi et plus particulièrement aux mesures concernant les jeunes sortis du système scolaire sans qualification et les personnes à la recherche d'emploi disposant d'un niveau de qualification inférieur ou égal au baccalauréat.
En tant que présidente du groupe d'études sur l'illettrisme, je souhaiterais évoquer ce sujet : environ 4 % des jeunes entre 18 et 25 ans sont en situation d'illettrisme, sans qualification et sans diplôme. Or l'apprentissage de la lecture et de l'écriture est la première des qualifications en milieu professionnel. Actuellement, les régions sont compétentes en matière de lutte contre l'illettrisme sur leur territoire, en application de l'article L. 122-2 du code de l'éducation. Les solutions mises en oeuvre sont variables d'une région en l'autre, comme d'ailleurs les pourcentages de populations touchées par ce fléau.
Ne serait-il pas opportun de mettre en oeuvre des programmes nationaux prioritaires de formation pour ces publics spécifiques et de le mentionner explicitement dans ce projet de loi ? Quels dispositifs pourrions-nous envisager pour détecter et former les jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification ? Cette question est d'autant plus urgente que, parmi ces publics, il est difficile de distinguer ceux qui savent déjà lire, écrire et compter correctement, mais qui n'ont pas de diplôme, de ceux qui sont réellement en situation d'illettrisme.
Votre rapport dresse plusieurs constats. Le premier est celui de l'abandon de l'apprentissage pendant de trop longues années par l'éducation nationale – enseignants et conseillers d'orientation –, par les parents et par les enfants, qui le considéraient malheureusement comme une voie de garage. Nous en payons aujourd'hui le prix fort : il n'est qu'à comparer le taux de chômage de nos jeunes avec celui observé en Allemagne. Votre deuxième constat concerne l'évolution des métiers, liée au numérique et à l'émergence de l'intelligence artificielle. Nos jeunes ne feront plus le même métier toute leur vie. Le troisième constat, c'est celui de l'urgence à moderniser notre enseignement, en revalorisant les filières techniques et en adaptant les apprentissages aux métiers de demain. Ce projet de loi prend-il suffisamment en compte ces évolutions ?
Madame la rapporteure, je vous remercie de ce rapport éclairant. Cent mille jeunes déscolarisés et sans diplôme en 2016 et un taux de chômage des 16-25 ans de près de 25 % – mais deux fois plus dans certains quartiers : le constat est sans appel.
L'apprentissage est une solution ; votre rapport en rappelle l'importance, mais également ses difficultés comme son image dégradée ou la précarisation des jeunes liée aux ruptures de contrat. Je voulais revenir sur ce dernier point : les ruptures de contrat entraînent trop souvent une déscolarisation et un éloignement durable de l'emploi. Le projet de loi vise à organiser davantage de passerelles et à sécuriser les contrats en donnant aux jeunes des outils pour se préparer à l'apprentissage. Comment va-t-il nous permettre de progresser en matière de sécurisation des contrats et de préparation des jeunes à l'apprentissage ?
Ma question porte sur la création des CFA sur simple déclaration d'activité. Vous le savez, cela aura pour conséquence de retirer aux régions la maîtrise de ce sujet. Par ailleurs, en faisant le choix de financer l'apprentissage au contrat, vous exposez les territoires à un risque majeur : celui de voir les CFA urbains ou formant aux métiers les plus rentables se développer au détriment des zones rurales et des métiers dont le coût de formation est plus important. Ces derniers seraient alors exclus de l'offre d'apprentissage.
Cette réforme va profondément désavantager les territoires ruraux et périurbains. Les premières victimes seront les jeunes de ces territoires, qui souffriront d'un déficit d'offres de formation de proximité. Les entreprises et les territoires ruraux et périurbains seront aussi pénalisés puisqu'on ne trouvera plus sur place la main d'oeuvre nécessaire.
Ne peut-on corriger ce biais en rétablissant un mode administré de formation et la compétence générale des régions en matière d'apprentissage, en confiant conjointement aux régions et aux branches la coconstruction d'une stratégie régionale comportant une cible pluriannuelle révisable annuellement ?
Je vous remercie de ce rapport, structuré et clair. Vous y évoquez le nécessaire renforcement des liens entre école et entreprise. Le projet de loi aborde-t-il la question de la formation initiale et continue des enseignants, des apprenants et des encadrants ? Il est fondamental de maintenir ce lien et de développer les opportunités pour que les enseignants, accompagnants ou tuteurs, puissent effectuer des stages en entreprise. Même lorsque ces opportunités existent, j'ai noté lors des auditions qu'elles n'étaient pas toujours saisies.
Comment pourrait-on dresser une liste de l'ensemble des bonnes pratiques ? L'association « Entreprendre pour apprendre » réalise un formidable travail en direction des jeunes éloignés du monde de l'entreprise. Mais d'autres initiatives existent. Comment resserrer ce lien entre l'enseignement et l'entreprise, qui permettrait de développer d'intéressantes compétences ?
Enfin, les écoles de production réalisent un travail extraordinaire avec des élèves très éloignés du monde du travail, et leurs taux d'insertion sont encore meilleurs que ceux des CFA. Que pensez-vous de ces écoles ?
Ce projet de loi confie l'apprentissage aux branches professionnelles – sur le modèle commun à l'Allemagne et au Danemark, deux pays champions de l'apprentissage. Pourquoi pas ? À ceci près que les branches sont encore en phase de réorganisation en France : elles passeront de quatre cents à deux cents en août 2019. Du fait de ce grand chamboule-tout, elles ne sont pas toutes opérationnelles : moins d'une dizaine est en réalité prête à remplir la nouvelle mission que vous leur confiez. Ne devrions-nous pas conserver la compétence générale des régions sur l'apprentissage, qui est d'autant plus pertinente si l'on raisonne au niveau des bassins d'emploi ?
Madame Piron, vous évoquez l'illettrisme. Le premier des combats, c'est que les jeunes sortent du collège en ayant acquis le socle commun, notamment la maîtrise de la langue française. Plusieurs mesures phares ont été mises en place, qui, de l'avis unanime, portent leurs fruits : ainsi le dédoublement des cours préparatoires (CP), qui constitue la première pierre de l'édifice. De même, le dispositif de la classe de préparation à l'apprentissage – dite « prépa apprentissage » – prévue par le projet de loi permettra l'acquisition et le renforcement des compétences transversales indispensables de ces élèves : les boulangers vous expliqueront, par exemple, qu'ils ne peuvent pas prendre en apprentissage des élèves incapables de calculer des proportions ou de faire des additions… Ces prépas pourront durer jusqu'à une année en CFA ou en lycée professionnel, afin que les jeunes concernés maîtrisent les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter et savoir se comporter. Sur ce dernier point, beaucoup d'acteurs entendus en audition ont pointé les difficultés comportementales de certains élèves, sources de décrochage et de rupture de contrat.
Je vous proposerai par ailleurs de faire évoluer le dispositif d'initiation aux métiers en alternance (DIMA) vers une nouvelle « prépa-métiers ». Au collège, grâce à des pédagogies de projet innovantes, il s'agira d'aider les jeunes décrocheurs à se remotiver, à retrouver du sens et à retrouver un certain niveau pour ensuite pouvoir s'orienter vers la voie professionnelle. Les compétences transversales qui y seraient acquises recouvrent évidemment la maîtrise de la langue française.
Madame Meunier, vous vous interrogez sur la réactivité des branches par rapport à l'évolution des compétences et des diplômes. C'est l'intérêt de réévaluer les formations et les diplômes tous les cinq ans. Par ailleurs, la publication des statistiques et des taux d'insertion pousseront les lycées professionnels et le ministère de l'éducation nationale à se poser des questions sur « l'insérabilité » des diplômes proposés – le fameux baccalauréat professionnel « gestion-administration » en est un bon exemple.
Dans un souci d'évolution constante des métiers, il convient de conserver l'apprentissage de compétences transversales, quelle que soit la voie de formation. Cela donnera à nos jeunes la capacité de rebondir. Cela étant, je suis persuadée que les branches sont les mieux placées pour toiletter et actualiser les diplômes.
Concernant les ruptures de contrat, monsieur Attal, il est important de mettre en avant les passerelles entre les lycées professionnels et les CFA. La bonne articulation entre voie générale et voie professionnelle – par apprentissage ou à temps plein – sera au coeur du succès de ce projet de loi. J'irai plus même plus loin : je pense que nous aurions dû profiter de la réforme du baccalauréat pour créer des majeures et des mineures intégrant la découverte du monde professionnel.
Pour ce qui est de l'accompagnement, je proposerai un amendement qui obligera les CFA à organiser cette mission. Si un jeune n'est pas mûr pour le monde de l'entreprise, s'il s'est trompé de voie, le CFA devra l'accompagner à la mission locale ou au rectorat pour lui trouver une place en lycée professionnel.
Madame Anthoine, dans cette logique, les régions doivent se recentrer sur leur mission de dynamisation du tissu économique et déployer leur savoir-faire en matière d'aménagement du territoire, afin d'améliorer leur attractivité et d'encourager les entreprises à venir sur leur territoire, ce qui attirera ensuite les CFA.
Par ailleurs, il est possible de créer des CFA « hors les murs ». J'ai visité à Lyon un CFA spécialisé dans les métiers d'art qui propose un hébergement aux jeunes, et les accueille pour leur formation théorique – notamment en histoire de l'art. Ces jeunes réalisent ensuite toute leur formation professionnelle en entreprise. Le CFA a déployé un système d'accompagnement des maîtres d'apprentissage afin de s'assurer de la qualité de la formation. Ce modèle est intéressant pour les CFA ruraux.
Monsieur Le Bohec, la formation initiale des enseignants devrait évidemment intégrer tout un module d'accompagnement des jeunes à la découverte du monde de l'entreprise, voire un peu de coaching, et même, pourquoi pas, des stages ouvriers. Je suis une ancienne enseignante mais je n'ai découvert le monde de l'entreprise que très tardivement, à l'occasion d'un stage de trois semaines en entreprise, obligatoire dans le cadre de ma formation de chef d'établissement. Jusqu'alors, je n'avais jamais mis les pieds dans une entreprise.
L'étanchéité entre les deux systèmes crée une suspicion dommageable. En effet, madame Rubin, dans la plupart des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), le salarié n'est pas maltraité et on peut s'épanouir dans le travail. C'est toute la mission de l'orientation : construire des voies choisies et porteuses pour que nos jeunes s'épanouissent dans le travail – nous y passons tout de même un tiers de notre temps !
Madame Bazin-Malgras, nous avons auditionné les OPCA. Ils s'organisent pour accompagner les branches. Effectivement, seules certaines branches sont déjà structurées. Les OPCA mettent donc en place différents dispositifs d'ingénierie pédagogique pour les aider à identifier les compétences dont les entreprises ont besoin et réalisent des études prospectives sur les métiers. Ces opérateurs ne sont pas hostiles au projet de loi et travaillent déjà dans cette logique, l'actuelle tuyauterie financière ne leur étant pas particulièrement favorable.
La commission en vient à l'examen des articles.
Article 4 : Définition des actions d'apprentissage – Préparation à l'apprentissage – Définition des formations certifiantes
La commission examine l'amendement AC41 de M. Michel Larive.
L'article 4, dont nous proposons la suppression, modifie en profondeur un certain nombre de définitions à valeur normative forte. Ces modifications vont dans le mauvais sens, car elles contribuent à appauvrir la formation professionnelle et à lui retirer toute dimension émancipatrice.
Les quatorze types d'actions de formation composant le champ de la formation professionnelle sont réduits à quatre catégories d'actions. Ces quatre catégories ne constituent pas une synthèse du champ actuel, mais l'élimination pure et simple d'actions de formations : sont entre autres expurgées du champ actuel les actions de promotion de la mixité dans les entreprises, de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes sexistes, les actions de formation relatives à l'économie et à la gestion de l'entreprise, les actions de lutte contre l'illettrisme et en faveur de l'apprentissage et de l'amélioration de la maîtrise de la langue française ou encore les actions de formation continue relatives au développement durable et à la transition énergétique. Aucune de ces quatre catégories d'actions n'est reprise dans la nouvelle définition. En simplifiant à outrance la formation professionnelle, et surtout en la réduisant aux seuls objectifs de productivité et d'adaptabilité des travailleurs, vous provoquez une importante régression.
Je vous rappelle, tout d'abord, que nous ne sommes pas saisis de l'ensemble de cet article, mais seulement de ses alinéas 28 à 40, qui seuls concernent l'apprentissage. L'article 4 vise simplement à rendre plus lisibles les actions qui constituent l'objet de la formation professionnelle en les regroupant en quatre catégories : les actions de formation, les bilans de compétences, les actions permettant de faire valider les acquis de l'expérience, et les actions d'apprentissage. Les actions que vous citez ne disparaîtront évidemment pas du champ de la formation professionnelle. La loi a pour vocation de fixer des règles, et non d'entrer dans les détails de leur exécution. C'est ce souci qui a guidé la rédaction de cet article. J'émets donc un avis défavorable
La commission rejette l'amendement.
La commission en vient à l'amendement AC18 de M. Stéphane Testé.
L'article 4 du projet de loi prévoit de dispenser aux travailleurs titulaires d'un contrat d'apprentissage ainsi qu'aux apprentis originaires de l'Union européenne en mobilité en France une formation générale associée à une formation technologique et pratique, qui complète la formation reçue en entreprise et s'articule avec elle.
Cette mesure est une excellente chose mais elle doit s'accompagner d'une réciprocité dans le pays de provenance du titulaire du contrat d'apprentissage ou de l'apprenti. Il serait en effet juste qu'un Français travailleur titulaire d'un contrat d'apprentissage ou apprenti en mobilité dans l'un de ces pays de l'Union européenne bénéficie des mêmes avantages.
Si un jeune issu d'un pays de l'Union européenne souhaite suivre une formation par apprentissage en France, il en a bien évidemment le droit ; ce droit découle de nos engagements européens. Il en va de même s'il suit cette formation dans le cadre d'une mobilité. De plus, la notion de réciprocité paraît peu opérationnelle ici au vu de la diversité des systèmes d'apprentissage au sein de l'Union européenne. J'émets donc un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AC72 de Mme Cécile Rilhac.
Cet amendement supprime les mots « de l'enseignement professionnel ou technologique » à l'alinéa 33 de l'article 4. Il ne semble en effet pas nécessaire, voire restrictif, de lister de manière exhaustive les voies permettant à un apprenti de poursuivre ses études. En effet, l'enseignement secondaire est aujourd'hui professionnel, technologique ou général et l'apprentissage permet de poursuivre des études dans toutes les voies – secondaire, supérieure, professionnelle ou non.
Dans la mesure où le projet de loi prévoit que les apprentis peuvent poursuivre des études « par la voie de l'apprentissage ou par toute autre voie », la précision que cette poursuite d'études peut se faire dans l'enseignement technologique ou professionnel ne paraît pas nécessaire. Cet amendement allège la rédaction. J'y suis donc favorable.
Non seulement cela allège la rédaction, mais cela valorise l'apprentissage. Je suis tout à fait favorable à cet amendement.
La commission adopte l'amendement.
Elle aborde ensuite l'amendement AC45 de M. Michel Larive.
Vous avez raison : la loi n'entre pas dans les détails, mais le diable s'y cache souvent… Nous souhaitons donc préciser que l'apprentissage contribue à l'acquisition de compétences et de connaissances permettant d'entretenir un rapport informé, critique et émancipé au travail. L'apprentissage met des individus au contact du travail à un âge de formation de l'esprit critique et d'éveil à la citoyenneté. La démocratie ne s'arrêtant pas aux portes des entreprises – au contraire –, il est nécessaire de compléter la formation des apprentis.
Cet amendement me paraît satisfait par l'alinéa 32, qui prévoit que les actions d'apprentissage ont pour objet de contribuer au développement des connaissances, des compétences et de la culture nécessaires à l'exercice de la citoyenneté. Par ailleurs, il convient de ne pas entrer dans une logique de liste s'agissant de cette définition des actions d'apprentissage. Il s'agit ici de poser des principes, non d'entrer dans le moindre détail du contenu des formations par apprentissage. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AC60 de Mme Sabine Rubin.
Cet amendement vise à faire entrer dans le champ de l'apprentissage la sensibilisation et l'acquisition de compétences liées à l'environnement. Les jeunes qui débutent maintenant un apprentissage seront confrontés au cours de leur vie de travailleur à un monde en mutation : le changement climatique va modifier les conditions de travail des Français.
La commission rejette l'amendement.
La Commission émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 4 modifié.
Après l'article 4
La commission examine l'amendement AC91 de la rapporteure.
Cet amendement vise tout d'abord à supprimer du code de l'éducation le dispositif d'initiation aux métiers en alternance (DIMA), dont les résultats se sont révélés décevants et dont les objectifs seront repris par les dispositifs de préparation à l'apprentissage prévus à l'article 4 du projet de loi. Il vise, en outre, à créer une nouvelle classe de troisième, dite « prépa-métiers », destinée à accueillir les élèves souhaitant s'orienter vers la voie professionnelle du lycée ou vers l'apprentissage afin qu'ils approfondissent leur connaissance des filières et des métiers et puissent formuler leurs souhaits d'orientation de manière informée. Cette classe visera à renforcer les compétences de base et devra s'appuyer sur des pédagogies innovantes, notamment des pédagogies de projet.
La création d'une nouvelle « prépa-pro » au collège est un élément réellement novateur, d'autant plus que les DIMA avaient progressivement disparu. Cela permettra de valoriser l'apprentissage et de le préparer correctement. Nous voterons cet amendement.
Effectivement, les DIMA ont été supprimés lors du dernier quinquennat ; nous les avions créées avec Gérard Cherpion à l'occasion de l'examen de la loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels, mais leur application avait souvent posé problème. En fait, leur suppression répondait avant tout à des considérations politiques : on nous avait expliqué qu'il était trop tôt pour se préparer à un métier et qu'il fallait qu'un plus grand nombre d'élèves s'oriente vers l'enseignement général. Votre réforme vise à revaloriser les voies professionnelles ; reste à savoir si tous les collèges français créeront des « prépa-métiers ».
La commission adopte l'amendement.
Article 9 : Rupture du contrat d'apprentissage
La commission examine l'amendement AC50 de Mme Marie-George Buffet.
Cet amendement vise à supprimer l'article 9, qui prive les jeunes apprentis de la protection des prud'hommes, comme je l'ai déjà évoqué dans mon intervention liminaire.
Mon avis est défavorable. La suppression de l'intervention obligatoire du conseil des prud'hommes avant la rupture d'un contrat d'apprentissage a été proposée dans le cadre de la concertation sur l'apprentissage conduite par Mme Sylvie Brunet en début d'année. À cette occasion, de nombreux acteurs ont fait valoir que les conditions de rupture des contrats constituaient aujourd'hui un frein important à l'apprentissage. De fait, ces conditions dérogent au droit commun des contrats à durée déterminée. En dehors de la période d'essai, qui dure quarante-cinq jours en entreprise, et sauf accord des deux parties, la rupture du contrat d'apprentissage ne peut être prononcée que par le conseil des prud'hommes statuant en la forme des référés. Or, malgré la réforme du référé de 2014, les délais de traitement par les prud'hommes restent trop longs et peuvent atteindre dix-huit mois. Ces retards sont pénalisants pour l'apprenti concerné car il ne peut conclure de nouveau contrat tant que la rupture n'a pas été prononcée par le juge. C'est donc un frein considérable au développement de l'apprentissage qu'il est proposé de lever par cet article. Par ailleurs, je rappelle que cet article ouvre un nouveau droit à l'apprenti en lui permettant de démissionner après le délai de quarante-cinq jours, à la seule condition qu'il ait sollicité un médiateur.
En effet, la suppression de cet article aurait pour effet d'abroger ce nouveau droit à la démission, qui constitue une avancée pour les apprentis. En outre, les prud'hommes sont saisis de moins de 1 % des ruptures de contrat d'apprentissage. Il nous paraît inopportun d'opposer un frein aussi puissant à l'apprentissage. Nous préférons supprimer l'intervention obligatoire des prud'hommes, étant entendu que les apprentis pourront toujours se tourner vers eux pour former un recours en cas de problème avec le patron.
La commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement AC53 de Mme Sabine Rubin.
Cet amendement est dans le prolongement du précédent, à ceci près qu'il ne vise qu'à supprimer les alinéas 2 à 8 de l'article. En l'état actuel du droit, le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre partie pendant les deux premiers mois du contrat. Passé ce délai, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations, la rupture de contrat est prononcée par le conseil des prud'hommes. Cette mesure, qui sauvegarde les droits des apprentis, est indispensable. Or elle serait remplacée par deux dispositions, la première facilitant le licenciement de l'apprenti sans que l'employeur soit tenu de passer par les prud'hommes, la seconde permettant au Gouvernement de définir par décret les modalités selon lesquelles l'apprenti pourrait rompre un contrat. Il nous semble inadmissible de consacrer une telle inégalité de traitement dans la loi.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AC37 de M. Philippe Berta.
Le texte conditionne la rupture du contrat, lorsqu'elle a lieu à l'initiative de l'apprenti mineur, à une co-signature du représentant légal.
Or dans diverses situations qu'ont notamment rapportées les missions locales, il n'est pas possible d'obtenir cette signature dans un délai raisonnable. Ces situations de blocage – en cas de maladie, d'absence ou encore de non-maîtrise de la langue française par le représentant légal, par exemple – ne sont certes pas majoritaires, mais elles sont fréquentes et paralysantes pour l'apprenti, sans être dues à une opposition du représentant légal à la rupture du contrat.
Cet amendement vise, sans remettre en cause l'autorité parentale puisque la possibilité du représentant légal de s'opposer à la signature d'un acte de rupture serait préservée, à lever les difficultés auxquelles sont confrontés les apprentis en cas de carence de signature de leur représentant légal.
La transmission obligatoire d'une information sur la médiation est une idée intéressante, mais cet amendement revient à introduire une procédure compliquée pour les parents qui voudraient s'opposer à la rupture de son contrat d'apprentissage par leur enfant. Il semble plus clair et plus opérationnel de prévoir une double signature de l'acte de rupture par l'apprenti mineur et par son représentant légal. Je vous propose donc de retirer cet amendement pour le retravailler en vue de la séance : à défaut, mon avis sera défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 9 sans modification.
Après l'article 9
La commission examine l'amendement AC66 de Mme Sabine Rubin.
Cet amendement vise à ce que l'entreprise s'engage à proposer aux tuteurs des formations permettant de bien accueillir les jeunes apprentis. En effet, l'accueil d'un jeune ou d'un élève en alternance est de plus en plus mal vécu par les salariés, obligés de délaisser leurs fonctions. Dans certaines entreprises dépourvues de culture de l'accueil, les tuteurs n'ont ni le temps ni les compétences pour accueillir les alternants, et cette charge de travail supplémentaire ne donne lieu à aucune valorisation financière, d'où une mauvaise expérience pour les uns et les autres. C'est pourquoi nous proposons de faciliter cet accueil et d'en améliorer la qualité.
Cet amendement a plutôt sa place à l'article 8 qui contient des dispositions relatives aux maîtres d'apprentissage. Par ailleurs, l'article L. 6223-8 du code du travail prévoit déjà que l'employeur veille à ce que le maître d'apprentissage bénéficie de formations lui permettant d'exercer correctement sa mission et de suivre l'évolution du contenu des formations dispensées à l'apprenti et des diplômes qui les valident. De plus, le ministère du travail m'a indiqué que la création d'un titre de maître d'apprentissage était prévue. Enfin, les branches seront fortement incitées à valoriser les maîtres d'apprentissage. J'émets un avis défavorable.
L'article que vous citez prévoit que l'entreprise « veille » à assurer des formations tandis que nous proposons qu'elle s'y engage : il y a une nuance…
La commission rejette l'amendement.
Article 10 : Transfert aux régions de la compétence en matière d'orientation
La commission examine les amendements identiques AC56 de M. Michel Larive et AC81 de Mme Michèle Victory.
L'amendement AC56 vise à supprimer l'article 10 afin d'empêcher la disparition des DRONISEP et le transfert de leurs compétences et des personnels titulaires aux régions.
L'ONISEP possède la plus grande base de données sur la formation en matière d'enseignement scolaire et supérieur. Véritable source d'information objective pour les parents et pour les élèves, son site est visité chaque année par 53 millions de visiteurs uniques. L'éducation nationale va donc perdre sa compétence d'information sur les formations et les métiers, ce qui risque fortement d'entacher la qualité de l'information délivrée par l'ONISEP. En effet, en matière d'information sur l'enseignement scolaire par exemple, ce sont les DRONISEP qui font remonter les données et qui alimentent l'opérateur national. Dès lors, la régionalisation ne pourra que nuire à la communication entre les services et, à terme, menacer l'activité même de l'ONISEP et l'objectivité des informations diffusées par les régions, qui seront tentées de répondre, puisque c'est de leur compétence, à des logiques économiques court-termistes et « adéquationnistes » entre les formations et les emplois, et d'orienter l'information des parents et des élèves pour répondre aux besoins exclusifs des entreprises.
Ce transfert de compétences provoquera aussi une rupture d'égalité d'accès à l'information relative à l'orientation sur le territoire – alors que nous discutons justement des banlieues – dans la mesure où l'information se limitera aux frontières d'une région au moment même où, paradoxalement, la majorité semble vouloir encourager la mobilité internationale. En outre, il y aura rupture d'égalité car rien ne garantit que toutes les régions alloueront le même budget à leur service chargé de l'orientation ni, par conséquent, qu'elles produiront des informations de même qualité pour chaque citoyen sur l'ensemble du territoire.
Se pose enfin la question des personnels contractuels des DRONISEP : quel sera leur avenir ? Pouvez-vous nous assurer qu'ils seront tous repris par les régions ?
L'amendement AC81 a le même objet. Le Gouvernement avait initialement annoncé que la responsabilité de l'orientation serait confiée aux régions. Or l'article 10 montre que cette réforme n'est pas menée jusqu'à son terme puisque seule la gestion des DRONISEP est confiée aux régions. En revanche, les oubliés de la réforme sont les 3 800 psychologues de l'éducation nationale, placés sous la responsabilité hiérarchique des directeurs des 535 CIO, au sujet desquels existent de fortes inquiétudes. Je suis conscient du scepticisme ambiant que suscitent les psychologues de l'éducation nationale, autrefois appelés conseillers d'orientation-psychologues (COPSI). Beaucoup regrettent le flou qui entoure leurs missions et affirment qu'une proportion non négligeable d'élèves, parfois jusqu'à la moitié, ne les consulte jamais. Ce n'est pourtant pas parce que leur ministère de tutelle ne les a jamais pris en considération qu'il faut les ignorer ou les écarter de la réforme de l'orientation. Le projet de loi aurait pu contenir un article visant à mobiliser et à moderniser ces services d'orientation en leur confiant tout leur rôle dans la mise en oeuvre du service public de l'orientation, plutôt que de leur donner le sentiment qu'on leur ôte certaines de leurs missions.
En 2013, j'ai rédigé avec Jean-Frédéric Poisson un rapport de contrôle et d'évaluation qui portait sur la question de l'orientation. Nous y faisions le même diagnostic que Mme la rapporteure concernant le manque de visibilité du portail de l'information et de l'orientation pour les élèves. Nous préconisions le renforcement des moyens alloués aux psychologues de l'éducation nationale dans les lycées et les collèges, de sorte qu'ils n'aient jamais plus de mille élèves à suivre et que leur travail soit facilité.
Personne ne remet en question l'équité et la qualité de l'information diffusée par la structure nationale qu'est l'ONISEP. Elle devra toujours conserver les moyens d'être alimentée par sa base. Il n'est aucunement question de tuer l'ONISEP, un établissement public que de nombreux pays nous envient pour la qualité des informations qu'il diffuse.
L'objectif est plutôt d'outiller les régions en matière d'information locale et afin qu'elles puissent exercer cette mission d'orientation. Les personnels auront le choix de rejoindre ou non la collectivité territoriale, et certains agents des DRONISEP conserveront leur mission de veille et de transmission d'informations à l'ONISEP.
Ensuite, il est prévu qu'une convention-cadre nationale soit déclinée dans toutes les régions académiques. Ainsi, l'État encadrera l'action des régions en matière d'orientation pour veiller à ce que des exigences communes soient respectées en toute équité d'une région à l'autre.
Concernant les CIO, nous voulons améliorer la qualité de l'accompagnement et la performance du parcours Avenir – en tant qu'ancienne cheffe d'établissement, je suis bien placée pour en parler –, encore trop aléatoires car elles dépendent de l'implication et du volontarisme des enseignants, du chef d'établissement, du professeur documentaliste ou du conseiller principal d'éducation et de leur capacité à nouer des partenariats et à mobiliser des entreprises ; j'y ajoute, à l'intention de M. Le Bohec, l'action des comités locaux école entreprises (CLEE). C'est l'information sur la recherche de partenariats avec les entreprises que la région pourra offrir aux établissements, dans le cadre de présentations de métiers par exemple. Il me semble donc très utile que la région ait la possibilité de mettre un pied dans les établissements scolaires pour dynamiser la connaissance qu'ils ont du monde économique.
En revanche, sur l'autre versant de l'orientation qu'est l'accompagnement, il se trouve des établissements qui ont décidé de payer des coaches extérieurs, ce qui est très inquiétant. Il faut que cette mission d'accompagnement soit mieux assurée. Si les psychologues de l'éducation nationale peuvent consacrer un peu plus de temps aux établissements, toute la communauté scolaire en sera très contente. Il ne s'agit évidemment pas de fermer les CIO. Cette mesure n'est d'ailleurs pas prévue dans le projet de loi. J'ai conscience qu'il faut prendre en charge certains publics particuliers comme les primo-arrivants. Il faut poursuivre la restructuration de la carte des CIO et accroître le temps de présence des psychologues de l'éducation nationale dans les établissements. Je suis consciente de ces questions sur lesquelles j'ai été alertée lors des auditions. En conséquence, j'émets un avis défavorable aux deux amendements.
Les dispositions de l'article 10 sont essentielles et reposent sur un nouveau partage des compétences entre l'État et les régions afin d'améliorer l'accompagnement au choix dès le collège. Le rôle important des personnels d'orientation n'est pas remis en cause, pas plus que l'exclusivité des missions d'orientation confiées aux régions. L'orientation est un enjeu majeur de toutes les réformes en cours, qu'elles concernent la réussite des étudiants ou les lycées. Il existe une différence entre la présentation de l'information et l'accompagnement. Tout se jouera en matière d'accompagnement, et nous défendrons plus tard un amendement sur ce sujet. En attendant, nous voterons contre ces amendements.
Je m'expliquerai plus en détail au sujet des CIO dans l'hémicycle, mais permettez-moi de revenir sur l'ONISEP. Alors que nous discutons de cohésion des territoires, comment peut-on se satisfaire du principe d'une convention entre l'État et les régions contenant des « exigences communes » dont on ignore encore tout ? Tout cela est flou ! Vous « pensez » que les régions pourront faire ceci ou cela, mais on ne fait pas de loi en « pensant pouvoir » ou avec des conventions dont le contenu est inconnu ! Vous brisez un outil unanimement reconnu. Quelle intention se cache derrière cette idée d'intégrer les DRONISEP aux régions ? Vos arguments ne me convainquent pas.
La commission rejette les amendements.
Elle passe à l'amendement AC70 de Mme Cécile Rilhac.
Voici justement un amendement qui porte sur l'accompagnement. L'ONISEP fournit une information de qualité, que ce soit par voie numérique ou sous format papier et l'accès des usagers aux informations diffusées a été grandement facilité.
En revanche, les plus jeunes et les personnes les plus éloignées du système scolaire peinent encore à savoir ce qu'ils souhaitent chercher et pourquoi ils cherchent telle ou telle information. Le simple don d'informations ne suffit plus : il est indispensable d'accompagner ces publics. Aux termes de l'article L. 6111-3 du code du travail, « l'État définit, au niveau national, la politique d'orientation des élèves et des étudiants dans les établissements scolaires et les établissements d'enseignement supérieur. Avec l'appui, notamment, des centres publics d'orientation scolaire et professionnelle et des services communs internes aux universités chargés de l'accueil, de l'information et de l'orientation des étudiants […], il met en oeuvre cette politique dans ces établissements scolaires et d'enseignement supérieur et délivre à cet effet l'information nécessaire sur toutes les voies de formation aux élèves et aux étudiants. » L'amendement AC70 tend à compléter ces dispositions par les mots : « ainsi que l'accompagnement utile aux élèves, étudiants ou apprentis pour trouver leur voie de formation ».
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AC93 de la rapporteure.
Cet amendement vise à prévoir que la région organise des actions d'information sur les métiers et les formations non seulement en direction des élèves, mais aussi de leurs familles, qui sont directement concernées, s'agissant des collégiens en particulier mais, plus généralement, afin qu'elles adhèrent au projet d'orientation de leur enfant.
Il est également proposé que lorsque ces actions sont réalisées dans des établissements scolaires, elles se déroulent en coordination avec les psychologues de l'éducation nationale et les enseignants volontaires formés à cet effet. Il s'agit de garantir un accompagnement individualisé des élèves afin de compléter l'information reçue sur les métiers et les formations. À cet égard, il pourrait être utile de renforcer la formation des enseignants en matière d'orientation au sein des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) et des dispositifs de formation continue.
Je ne suis pas hostile à cet amendement, mais les collèges ont déjà pris des initiatives en matière de parcours de découverte des métiers et de formation. Ces dernières années, nous avons souhaité que ces parcours commencent dès la sixième, et non plus la quatrième, afin que les élèves visitent des entreprises et des administrations dans l'environnement de leur établissement, ou découvrent des métiers qui leur sont présentés à l'école.
Il va de soi que toute initiative visant à améliorer la qualité de l'accompagnement au plus tôt et à permettre aux jeunes de découvrir les métiers et les formations est la bienvenue, mais commençons par examiner les mécanismes qui existent déjà pour éventuellement les généraliser. Mme la rapporteure a raison : tous les établissements ne font malheureusement pas preuve du même volontarisme en matière d'accompagnement et d'orientation. C'est un point sur lequel nous devons progresser.
Nous voterons pour cet amendement intéressant. Suite à la refonte des programmes liée à la refondation du collège, monsieur Juanico, les enseignants de toutes disciplines sont incités à parler des métiers en lien avec leur matière – les métiers du sport et de la santé en éducation physique et sportive, celui de cartographe en histoire-géographie et ainsi de suite. C'est une avancée importante.
J'ai le sentiment que cet amendement vise à ménager la chèvre et le chou. En matière de formation professionnelle, les régions sont largement déshabillées, et voici qu'il leur est demandé d'organiser des actions d'information sur les métiers à l'intention des élèves et des familles. Qui sera à l'initiative de ces actions ? Les chefs d'établissement ? En coordination avec les psychologues scolaires et des enseignants volontaires ? Quel sera le rôle des professeurs principaux ? Sur le fond, tout ce qui contribue à la bonne information des élèves et des familles est opportun mais, à mon sens, cet amendement n'apporte pas grand-chose.
Les régions exercent déjà une partie de la compétence de l'orientation à travers les services publics régionaux de l'orientation (SPRO).
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements identiques AC39 et AC73, l'amendement AC63 et les amendements identiques AC55 et AC90 tombent.
La commission examine l'amendement AC49 de Mme Marie-George Buffet.
Cet amendement vise à ce que l'ONISEP reste le chef de file de l'élaboration de la documentation relative à l'orientation et aux perspectives professionnelles. En effet, il est important que les apports de la région concernant les spécificités du territoire puissent s'intégrer dans le cadre de publications à caractère national. C'est pourquoi la notion de contribution nous paraît plus appropriée.
L'amendement est satisfait : le projet de loi prévoit déjà que la région élabore la documentation de portée régionale sur les enseignements et les professions avec le concours de l'ONISEP. En outre, s'agissant d'un document de portée régionale, il est logique que la région en soit chargée au premier chef. Les régions élaborent déjà des documents spécifiques sur l'apprentissage, par exemple. Mon avis est défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle passe aux amendements identiques AC16 de M. Dino Cinieri et AC75 de M. Jean-Félix Acquaviva.
L'amendement AC16 tire les conséquences du transfert aux régions des missions des DRONISEP en renforçant leur présence au conseil d'administration de l'ONISEP. Compte tenu de leur rôle accru en matière d'orientation des élèves et des étudiants et de la nécessaire coordination entre les politiques d'orientation régionales et nationale, il est en effet légitime que les représentants des régions deviennent majoritaires au sein du conseil d'administration de l'ONISEP.
L'amendement AC75 est identique. Compte tenu des nouvelles compétences des régions en matière de formation et d'orientation, il nous paraît logique de parfaire ce transfert, même s'il s'agit d'une délégation de gestion, et normal que les régions soient majoritaires au conseil d'administration de l'ONISEP.
L'ONISEP demeure un établissement public de l'État à portée nationale ; il n'y a donc pas lieu de rendre les régions majoritaires dans son conseil d'administration. En effet, l'ONISEP continuera d'assurer des missions au niveau national, en matière de production et de gestion des bases documentaires des formations notamment. De plus, le lien entre l'Office et ses délégations régionales n'est pas rompu. L'ONISEP fonctionne bien et les moyens de son bon fonctionnement continueront de lui être alloués. Il n'est donc pas opportun de renforcer la présence des régions au sein de son conseil d'administration.
Je partage l'avis de la rapporteure : on ne saurait dire d'une part que l'ONISEP doit garantir l'accès à l'information relative à l'orientation à l'ensemble des élèves et de leurs familles sur tout le territoire et, dans le même temps, souhaiter que les représentants des régions soient majoritaires au conseil d'administration. C'est à l'État de garantir le rôle de l'ONISEP.
En effet, le projet de loi vise à instaurer une complémentarité équilibrée entre l'échelon régional et l'échelon national. Il n'y a donc pas lieu de donner davantage de poids aux représentants des régions au conseil d'administration de l'ONISEP, qui continuera d'exercer des missions stratégiques sur le plan national, notamment en matière de production et de gestion de bases documentaires sur les formations diplômantes et certifiantes. Nous voterons donc contre ces amendements.
Je prends acte de l'avis de la rapporteure, mais le débat illustre le malaise et l'absence de confiance au sujet de la notion de garantie. De deux choses l'une : la stratégie nationale doit suivre une logique ascendante ou descendante. Or, parallèlement au transfert de compétences aux régions, la garantie, elle, est maintenue au niveau national au motif que les régions auraient commis un péché originel et désarticuleraient l'ensemble. L'argument me paraît assez surprenant !
La commission rejette les amendements.
Elle est saisie de l'amendement AC47 de Mme Marie-George Buffet.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement AC17 de M. Dino Cinieri.
Cet amendement vise à combler une lacune du projet de loi en précisant la date du transfert aux régions des missions des délégations régionales de l'ONISEP.
J'émets un avis défavorable. L'article 25 prévoit que les dispositions du titre premier du projet de loi sont applicables à compter du 1er janvier 2019. Cet amendement est donc satisfait.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC48 de Mme Marie-George Buffet.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AC38 de M. Philippe Berta.
L'article 10 prévoit d'expérimenter la mise à disposition des régions, pour une durée de trois ans, d'agents de l'éducation nationale. Le présent amendement vise à s'assurer que cette expérimentation s'appliquera dans l'ensemble des régions. En effet, une expérimentation à la marge ne permettrait pas d'évaluer correctement le nouveau dispositif. De plus, il paraît essentiel de donner aux régions les moyens d'exercer leurs nouvelles compétences en matière d'orientation, grâce à la mise à disposition de personnels.
Mon avis est défavorable : en l'absence de mention contraire, une expérimentation se déroule sur l'ensemble du territoire national. Cet amendement est satisfait.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 10 modifié.
Article 11 : Rénovation du régime juridique des centres de formation d'apprentis
La commission examine l'amendement AC57 de Mme Sabine Rubin.
Les missions des CFA ont été réécrites dans l'article 11 en gommant toute notion d'émancipation sociale. En l'état actuel du droit, les CFA « dispensent aux jeunes travailleurs titulaires d'un contrat d'apprentissage ainsi qu'aux apprentis originaires de l'Union européenne en mobilité en France une formation générale associée à une formation technologique et pratique, qui complète la formation reçue en entreprise et s'articule avec elle dans un objectif de progression sociale ». Le projet de loi fait disparaître cet objectif de progression sociale. Pourtant, n'êtes-vous pas des progressistes ? Nous ne sommes guère étonnés de cette disparition : à l'évidence, nous n'envisageons pas le progrès dans la même direction…
En outre, cet article affaiblit le rôle de l'inspection de l'apprentissage et le contrôle des CFA par la refonte intégrale du titre V du livre II de la sixième partie du code du travail. Nous demandons donc la suppression de l'article 11 ou, à défaut, la réintroduction dans le texte des mots « progression sociale ».
J'émets un avis défavorable. Je rappellerai les apports de cet article qui permettront de favoriser grandement le développement des formations par apprentissage.
Tout d'abord, il renforce l'information des candidats aux formations professionnelles en élargissant la liste des éléments faisant l'objet d'une publication annuelle pour chaque CFA et pour chaque lycée professionnel. Alors que ces informations étaient jusqu'ici limitées au taux d'insertion professionnelle, il prévoit d'y ajouter les taux d'obtention des diplômes ou titres professionnels et de poursuite de parcours de formation. Cette disposition sera très utile pour les jeunes intéressés par l'apprentissage et leurs familles dans le choix de leur CFA.
Ensuite, l'article 11 complète la liste des missions des CFA en y ajoutant trois missions nouvelles : faciliter l'intégration dans l'emploi des bénéficiaires d'une formation en apprentissage, assister les postulants à l'apprentissage dans leur recherche d'un employeur, et permettre aux apprentis en rupture de contrat la poursuite de leur formation pendant six mois. Cette disposition joue à l'évidence en faveur des apprentis et l'on ne peut que s'en réjouir.
Enfin, l'autorisation administrative aujourd'hui imposée aux CFA sera supprimée au bénéfice d'une simple déclaration d'activité. En conséquence, la région n'interviendrait plus pour autoriser leur création ou approuver les formations qu'ils dispensent. Cette souplesse permettra de rendre les formations par apprentissage beaucoup plus réactives aux besoins de l'économie et renforcera donc l'insertion professionnelle des apprentis.
S'agissant de l'inspection de l'apprentissage, il est faux de dire que les CFA ne seront plus contrôlés. Le contrôle pédagogique demeure et sera exercé par les corps d'inspection des ministères concernés, qui associeront des partenaires sociaux. Par ailleurs, comme aujourd'hui, un contrôle sera exercé par l'inspection du travail en matière de droit du travail, et un contrôle financier sera exercé par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC94 de la rapporteure.
Cet amendement vise à renforcer, au bénéfice des élèves et de leurs familles, la transparence des informations statistiques relatives aux formations dispensées en CFA et en lycée professionnel.
Il propose d'élargir la liste des informations rendues publiques pour chaque CFA et chaque lycée professionnel, pour y inclure la « valeur ajoutée » de chaque établissement. Cet indicateur, qui existe déjà pour les séries générales des lycées, prend en compte l'évolution entre le niveau d'entrée des élèves et le niveau de sortie. C'est ainsi que le lycée de Clichy-sous-Bois a été classé meilleur lycée de France, parce que les élèves qui y entrent en seconde ont un niveau assez faible, tandis que le taux de réussite au bac y est très élevé. Cela démontre la plus-value apportée par le lycée aux élèves.
Il est donc proposé d'appliquer cet indicateur aux CFA et aux lycées professionnels pour évaluer si le travail de recherche des NEET et d'accompagnement des jeunes éloignés est bien réalisé par les CFA.
Nous souhaitons aussi mettre en avant le taux d'interruption en cours de formation, toujours dans l'idée de savoir si les CFA accompagnent les jeunes qui décrochent, et qui rompent leur contrat, et les amènent à retourner vers un lycée professionnel ou une mission locale.
Pour les centres de formation d'apprentis, l'amendement AC94 propose également de publier le taux de rupture des contrats d'apprentissage conclus, dont nous avons remarqué le niveau élevé. Les CFA devront prêter attention à l'entreprise qu'ils choisissent, accompagner le maître d'apprentissage lorsqu'il n'a pas toutes les qualités pédagogiques requises et l'aider à être un meilleur passeur de savoir.
Nous proposons enfin de préciser que le taux d'insertion professionnelle, qu'il est prévu de rendre public pour chaque CFA et chaque lycée professionnel, est calculé sur l'ensemble du territoire national et pour le bassin d'emploi où est situé l'établissement concerné. Parfois, au niveau national, un métier ou une formation permet l'insertion, mais ce n'est pas forcément le cas au niveau régional. Il est donc prévu de se concentrer sur la capacité à insérer dans une région.
Le groupe La République en marche est favorable à cet amendement, qui va dans le sens de la protection des apprentis, au bénéfice des élèves et de leur famille. Il est important que tous ces taux soient facilement accessibles afin de garantir une formation de qualité et la protection des apprentis.
C'est effectivement un bon amendement. Je rappelle que l'un des objectifs de ce projet de loi est de redorer l'image des filières professionnelles ; j'espère qu'en publiant ces informations, nous pourrons donner du crédit à l'orientation réussie en classe de troisième.
La commission adopte l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AC82 de Mme Josette Manin.
Nous proposons de supprimer l'alinéa 10 afin de rétablir le pouvoir de l'inspection. La mission de l'inspection de l'apprentissage est double : l'inspection pédagogique des CFA et des sections d'apprentissage, et l'inspection administrative et financière de ces centres. Le texte abroge toutes les dispositions du code du travail relatives à l'inspection et au contrôle de l'apprentissage.
Le contrôle pédagogique des CFA demeure. Il sera exercé par les corps d'inspection des ministères concernés, qui associeront des partenaires sociaux. Par ailleurs, comme aujourd'hui, un contrôle sera exercé par l'inspection du travail en matière de droit du travail, et un contrôle financier sera exercé par les DIRECCTE. Autrement dit, votre amendement est satisfait. J'émets un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AC59 de M. Michel Larive.
L'éducation nationale est garante du niveau d'exigence et des modalités d'obtention des qualifications. L'autonomie des CFA constitue une niche invisible aux yeux des inspections académiques. Afin que l'unité républicaine soit renforcée, et pour harmoniser les conditions d'apprentissages des apprentis et des étudiants en formation initiale, les liens avec les lycées et les établissements de l'enseignement supérieur sont nécessaires à ces centres pour maintenir un regard permanent de l'État. Ces conventions entre CFA et établissements relevant du ministère de l'éducation nationale ou du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, permettraient également d'assurer l'accès des jeunes en apprentissage à l'ensemble des organismes mobilisés dans ces structures : CIO et planning familial, notamment. Puisqu'ils dispensent des formations diplômantes, il est cohérent qu'une institution d'État se charge d'encadrer les CFA.
Le projet de loi assimile les CFA à des organismes de formation professionnelle, ce qui aboutit à la suppression de l'autorisation administrative qui leur est aujourd'hui imposée, au bénéfice d'une simple déclaration d'activité.
En conséquence, la région n'interviendrait plus pour autoriser leur création ou approuver les formations qu'ils dispensent. Cette souplesse permettra de rendre les formations par apprentissage beaucoup plus réactives aux besoins de l'économie, et renforcera donc l'insertion professionnelle des apprentis. Il paraît indispensable de maintenir ces dispositions, qui permettront de lever les freins existant aujourd'hui au développement de l'apprentissage. J'émets un avis défavorable.
Pouvez-vous m'assurer que lorsque l'on fera un contrat d'apprentissage, on obtiendra un diplôme à la fin, ou simplement une qualification ou un certificat ? Il y a une différence entre les diplômes de l'éducation nationale et les qualifications. Obtiendra-t-on dans un CFA des diplômes ou de simples qualifications ?
L'idée est de raisonner en blocs de compétences et d'articuler des parcours de formation. Bien évidemment, ces parcours et ces blocs de compétences amènent à un diplôme. Mais pour les jeunes très éloignés de l'emploi, pour lesquels le diplôme va être difficile à acquérir, l'objectif est aussi l'insertion. Si, avec un titre de six mois, un jeune qui suit une formation de cariste peut avoir un travail dans un premier temps, cela peut être plus intéressant pour lui que de se retrouver au chômage ou de décrocher. Ensuite, nous voulons faire en sorte que ces blocs s'articulent pour que le jeune puisse revenir en formation et petit à petit, parvienne à obtenir un diplôme : c'est évidemment l'outil premier pour s'insérer.
Ces blocs de compétences nous paraissent très importants. Certains enfants, notamment les jeunes en situation de handicap, ne sont pas capables d'obtenir un diplôme, mais ils peuvent acquérir des blocs de compétences professionnelles. Il est très important de donner une valeur aux compétences qu'ils ont acquises.
Les blocs de compétences sont également très importants dans le cadre de la formation professionnelle car ils permettront à des adultes en formation professionnelle de ne valider que ce dont ils ont besoin pour se reconvertir professionnellement. Ce n'est pas du tout un non-sens, c'est un réel progrès.
Vous connaissez mon obsession pour la tranche d'âge des décrocheurs. Je voudrais rebondir sur cette question pour savoir de quelle manière défendre la solution des écoles de production, qui accueillent des jeunes à partir de quinze ans en grande difficulté, qu'ils soient en décrochage, suivis par la protection judiciaire de la jeunesse ou réfugiés, afin de leur offrir une formation diplômante réellement sur mesure.
La solution proposée est plus instable pour eux et leur situation risque de se fragiliser suite à la refonte du financement de l'apprentissage. Ces structures sont innovantes. Elles remettent à niveau un jeune qui a totalement décroché. Elles s'adressent aux jeunes de moins de 18 ans et permettent une éducation aux horaires, au respect, etc. ; qui plus est, elles s'inscrivent dans la pédagogie complète entre l'école et l'entreprise car en plus des cours classiques, les élèves sont mis en situation professionnelle réelle au sein de l'école ; des commandes sont réalisées par les patrons. À l'Institut catholique d'arts et métiers (ICAM) de Toulouse, par exemple, les jeunes en décrochage partagent les mêmes bancs que des ingénieurs, et leur réussite se propage dans les quartiers. Leurs amis demandent ensuite comment tel ou tel a fait pour entrer chez Airbus, donc cette école a vraiment la cote. Le taux de réussite aux examens y est de 90 % et le taux de placement en entreprise proche de 100 %.
Je m'inquiète pour la situation de ces écoles suite à la refonte du financement de l'apprentissage. Jusqu'à présent, certaines écoles avaient accès à la part hors quota de la taxe d'apprentissage et à des financements par les régions ou par le biais de la politique de la ville. Je souhaite donc qu'on ne les oublie pas, au prétexte qu'elles n'entrent pas complètement dans les cases. Je sais que vous connaissez très bien la problématique : comment faire pour qu'elles ne passent pas à travers les mailles du filet ?
Il existe d'autres contrats que l'apprentissage pour certains jeunes ou certaines situations spécifiques : le contrat de professionnalisation permet aussi la formation en alternance. L'apprentissage proprement dit doit délivrer des diplômes, et non des blocs de compétences.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC99 de la rapporteure.
Cet amendement de précision vise à confier aux CFA la mission d'accompagner dans leur démarche les personnes en situation de handicap souhaitant suivre une formation par apprentissage. Il ne faut pas oublier ces publics.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC95 de la rapporteure.
L'objectif de cet amendement est de confier aux CFA la mission de préparer les apprentis à leur entrée dans la vie professionnelle en les informant de leurs droits et devoirs en tant qu'apprentis et en tant que salariés, et des règles applicables en matière de santé et de sécurité en milieu professionnel.
La commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC64 de Mme Céline Calvez.
Cet amendement vient en écho à l'alinéa 25 de cet article 11, qui milite très justement pour une plus grande mixité au sein des centres de formation, afin de sensibiliser les formateurs, les maîtres d'apprentissage et les apprentis à la question de l'égalité entre les sexes. Je propose de le compléter par un 6° bis ainsi rédigé : « De même, au-delà de l'égalité entre les sexes, favoriser la diversité au sein de leurs structures en sensibilisant les formateurs, les maîtres d'apprentissage et les apprentis à l'égalité des chances et à la lutte contre toute forme de discrimination et en menant une politique d'orientation et de promotion des formations qui mette en avant les avantages de la diversité ; ». Tout le monde doit être sensibilisé à la lutte contre les discriminations et il faut garantir une bonne représentation de la population française au sein des centres de formation.
Je salue votre initiative. Toutefois, pour des raisons de rédaction, je vous propose de retirer votre amendement et de le redéposer. Il serait en effet préférable d'alléger la rédaction et d'inclure la valorisation de la diversité à l'alinéa 25, qui concerne l'égalité femmes hommes. Mon avis est défavorable.
Je préfère éviter de noyer l'ensemble de la diversité dans l'alinéa 25, pour consacrer une des problématiques les plus fortes que l'on retrouve dans les CFA et ailleurs : le déséquilibre démographique entre les femmes et les hommes. Il faut étendre la sensibilisation à l'appréciation de l'ensemble de la diversité.
La commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC96 de la rapporteure.
L'article L. 122-2 du code de l'éducation prévoit que tout élève qui, à l'issue de la scolarité obligatoire, n'a pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme national ou un titre professionnel enregistré et classé au niveau V du répertoire national des certifications professionnelles, doit poursuivre des études afin d'acquérir ce diplôme ou ce titre.
Il importe que les CFA permettent aux jeunes qui ont interrompu leur formation ou qui n'ont pu obtenir de diplôme à l'issue de leur formation de faire valoir leur droit à la formation initiale en les orientant vers les personnes et les organismes pouvant les accompagner dans la définition d'un projet de poursuite d'études. C'est le cas notamment des psychologues de l'éducation nationale et des missions locales.
La commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC58 de Mme Sabine Rubin.
L'alinéa 37 permet aux entreprises de former leur personnel « hors les murs » dans un CFA. Si vous vous félicitez de ce genre d'initiatives, cette mesure nous pose quant à nous un problème particulier.
Tout d'abord, sur le plan pédagogique, il nous semble préjudiciable pour la formation des apprentis qu'ils bénéficient d'enseignements organisés et conçus par une entreprise privée. Là où l'éducation nationale, voire les régions prodiguent une formation neutre, pluridisciplinaire et qualitative, une entreprise privée vise d'abord la rentabilité de ses enseignements. Les conséquences qualitatives se feront nécessairement ressentir.
Ensuite, cela aura des conséquences sur les qualifications des apprentis, qui se retrouveront en quelque sorte assignés à résidence auprès d'une entreprise qui les aura formés à son image. C'est à nos yeux une régression très grave que des travailleurs soient dépendants, par leur formation, d'une seule entreprise. Cela engendrera aussi d'importantes inégalités de traitement, totalement contraires à la vocation égalitaire de toute formation initiale. Cela représente un recul intolérable de la puissance publique, garante d'équité, de neutralité et d'efficacité.
Enfin, cela constituera de fait un détournement des fonds de l'apprentissage par les seules grandes entreprises qui auront les moyens de préempter un CFA pour leurs besoins propres, au détriment des petites et moyennes entreprises qui n'ont pas cette possibilité mais qui contribuent pourtant elles aussi au financement de l'apprentissage.
La possibilité, pour un CFA, de déléguer à une entreprise la mission de dispenser des enseignements normalement assurés par lui est indispensable concernant les métiers rares, par exemple celui de fondeur de cloche. Du fait de la rareté de ces métiers, aucun CFA ne pourra réunir assez d'apprentis pour constituer une classe ni offrir un plateau technique suffisamment performant et à jour. Mon avis est défavorable.
L'argumentation de la rapporteure est très claire ; nous sommes également contre cet amendement.
Je connais la formation dans les métiers d'art, il existe effectivement un brevet des métiers d'art. Et l'apprentissage plus spécifique pour les cloches ou d'autres se fait dans l'entreprise, il n'y a pas besoin d'une formation très spécifique.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC79 de M. Jean-Félix Acquaviva.
La suppression de la régulation administrative et de la gouvernance politique des CFA par les régions aura des conséquences néfastes, voire catastrophiques, pour l'appréhension des spécificités économiques des territoires, en Corse tout particulièrement.
Pour des raisons historiques, la Corse souffre d'une économie faiblement industrialisée et peu diversifiée. Le réseau économique y est constitué à 90 % de TPE, avec des branches qui ne couvrent pas un spectre suffisamment large pour permettre une projection et une réflexion complète. Les branches ne sont pas suffisamment fortes pour être assimilées à celles que l'on trouve dans d'autres territoires.
Par ailleurs, en application du statut de la Corse issu de la loi du 22 janvier 2002, notamment de ses articles 4 à 7 et 22, la collectivité de Corse travaille à l'élaboration d'une politique globale de formation et d'éducation, avec une carte de formations structurée, et associe étroitement le tissu entrepreneurial insulaire, notamment les TPE-PME.
Notre filière bois, par exemple, compte très peu d'entreprises ; on ne saurait parler de branche. Pourtant, il y a un avenir à la filière bois en Corse. Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, seulement 1 % de nos emplois sont liés au bois, contre 11 % au niveau national. Si l'on doit lancer une politique d'apprentissage en lien avec la politique d'investissement et d'aménagement du territoire, pour créer des emplois directs et concrets, il faut que le pilotage politique et une vision de long terme garante de l'intérêt de la jeunesse et des CFA soient laissés à la collectivité de Corse, au regard de ses compétences.
La suppression de l'autorisation administrative, aujourd'hui obligatoire pour ouvrir un CFA, permettra justement de dynamiser l'offre de formation par apprentissage et de mieux l'adapter aux besoins économiques locaux. De plus, la région pourra continuer d'intervenir en faveur de l'apprentissage. L'article 15 prévoit qu'elle peut contribuer au financement des CFA quand des besoins d'aménagement du territoire et de développement économique qu'elle identifie le justifient, en majorant la prise en charge des contrats d'apprentissage réalisée par les opérateurs de compétences, dans le cadre de conventions d'objectifs et de moyens, et verser des subventions en faveur de l'investissement dans les CFA. Le dispositif actuel ne va pas à l'encontre de la spécificité de la Corse. J'émets un avis défavorable.
Je constate que vous méconnaissez la loi du 22 janvier 2002, notamment ses articles 4 à 7 et 22. Je vous invite à vous y reporter, car c'est la loi républicaine. Il y a un grand écart entre cette loi, la politique de formation, et ce texte qui serait vraiment néfaste eu égard à la question spécifique de la Corse. J'ai pris l'exemple de la filière bois : ce ne sont pas quatre entreprises qui vont piloter l'apprentissage des métiers du bois alors que c'est un enjeu territorial majeur, qui fait l'objet d'aides publiques importantes de la collectivité. On ne peut pas résoudre la question en prévoyant que les régions interviennent uniquement en financement, eu égard aux compétences de formation données par la loi, et à la nécessité économique du moment.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 11 modifié.
Article 14 : Rénovation du dispositif de certification professionnelle
La commission est saisie de l'amendement AC78 de M. Jean-Félix Acquaviva.
Nous proposons d'intégrer une possibilité d'adaptation – j'espère que ce n'est pas un gros mot dans le contexte de centralisation que nous connaissons actuellement – des référentiels de diplômes et titres à finalité professionnelle aux spécificités – j'espère que ce n'est pas un deuxième gros mot – de chaque territoire régional et collectivités à statut particulier qui, excusez-nous, essaient de faire du développement économique, de l'insertion et des formations en circuit court sur leur territoire.
Cette disposition provoquerait une dispersion de l'offre de certification, déjà très morcelée. Il convient de conserver des diplômes et titres à portée nationale afin de garantir leur lisibilité par les employeurs et la fluidité du marché du travail sur le territoire national. La mobilité géographique des salariés en dépend. De plus, en renforçant le poids des branches dans la définition des titres et diplômes à finalité professionnelle, cet article permettra de renouveler plus rapidement les certifications et de mieux les adapter aux besoins des entreprises et des territoires. Il est aussi possible d'ajouter des modules complémentaires. Mon avis est défavorable.
Nous voterons contre cet amendement car la prise en compte des spécificités sectorielles ou territoriales est possible aujourd'hui. Les CFA pourront proposer des formations au plus près de leurs particularismes régionaux.
Ce qui m'ennuie, c'est de vous entendre opposer la spécificité à la mobilité. Si j'ai pris tout à l'heure l'exemple de la filière bois, c'est parce que nous nous trouvons tout à la fois avec une ressource abondante et l'impérieuse nécessité de créer des emplois directs et concrets ; il faut garantir la primauté de l'intérêt général et on ne saurait le laisser entre les mains de quelques entreprises, compte tenu de la faiblesse de leur nombre et de la densité de la branche.
Il en va de même pour cet amendement : prévoir une adaptation des référentiels de diplômes à la spécificité des territoires n'empêche pas la mobilité. Je ne vois pas en quoi l'adaptation aux spécificités interdira aux gens sur le terrain d'être mobiles. C'est de la pure idéologie, et si nous entrons dans l'idéologie pure, nous allons nous perdre, y compris à propos d'autres sujets concernant les territoires, et donner le sentiment d'une politique verticale qui oppose l'État et les territoires. Ce n'est pas ce que nous voulons.
Je crois être intervenue sur la compétence économique de la région. Si l'on veut développer la filière bois en Corse, donnons les moyens aux entreprises de venir s'y implanter, et il y aura assez d'offres d'accueil en entreprise pour créer un CFA.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC36 de M. Philippe Berta.
Ce n'est pas un amendement particulièrement progressiste ; il est plutôt totalement conservateur, puisqu'il tend à conserver le répertoire existant recensant les certifications et habilitations correspondant à des compétences professionnelles complémentaires aux certifications professionnelles. En effet, le changement de nom de l'inventaire pour le nom de « répertoire spécifique » entraînerait une confusion inutile pour les acteurs du secteur, familiers du terme « inventaire ».
Je n'ai pas de religion concernant la meilleure désignation de ce répertoire – « inventaire » ou « répertoire spécifique » me paraissent synonymes. Le terme de répertoire me paraît cependant mieux adapté au vu de la richesse de son contenu. Mais votre amendement revient à supprimer la possibilité d'établir des correspondances entre les certifications correspondant à des compétences professionnelles complémentaires et des blocs de compétences de certifications professionnelles. Or cette possibilité me paraît fondamentale pour rendre plus lisible l'offre de formation et de certification, et permettre aux personnes de faire valoir les compétences acquises à travers la formation. J'émets un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 14, sans modification.
Article 15 : Organisation institutionnelle de la formation professionnelle et de l'apprentissage
La commission est saisie de deux amendements identiques, AC27 de M. Dino Cinieri et AC86 de Mme George Pau-Langevin.
La quasi-disparition de la compétence des régions en matière d'apprentissage, outre qu'elle contrevient au mouvement continu de décentralisation de notre pays depuis trente-cinq ans, n'apparaît pas opportune. Le pilotage de la compétence elle-même, devenant en quelque sorte privatisé, ne bénéficiera plus de la régulation publique qu'assurent aujourd'hui les régions. Et de nombreux CFA – sept cents selon une étude de Régions de France – risquent, compte tenu de la réforme, de devoir fermer un grand nombre de leurs sections. Ce risque s'avère particulièrement élevé en outre-mer. Aussi, pour éviter l'échec programmé de cette réforme, mon amendement AC27 tend à rétablir la compétence générale des régions en matière d'apprentissage.
Nous souhaitons éviter la fragilisation d'un nombre important de CFA et de territoires. D'où la nouvelle rédaction des alinéas 1 à 9 proposée par notre amendement AC86.
L'objectif du projet de loi est de dynamiser l'offre de formation en mettant fin à la logique malthusienne de l'ouverture ou fermeture administratives. Au contraire, la fin de l'autorisation va permettre aux CFA de développer leur offre en allant chercher plus de jeunes et d'entreprises. La région aura toujours un rôle important en continuant à financer l'investissement et en gardant une enveloppe financière permettant d'abonder le coût contrat pour un CFA, dans une logique d'aménagement du territoire. Elle pourra également conclure avec les branches professionnelles des conventions d'objectifs et de moyens afin de développer l'offre d'apprentissage sur son territoire.
La puissance publique jouera toujours un rôle de régulation en exerçant un contrôle en matière de droit du travail, en matière financière et pédagogique. La création de France compétences, où les régions seront représentées, permettra une régulation des coûts de formation. En outre, les organismes de formation devront être tous certifiés par des organismes indépendants accrédités par le comité français d'accréditation. Enfin, le système sera rendu transparent et visible pour les familles et les jeunes en imposant aux lycées professionnels et aux CFA la publication d'indicateurs de réussite au diplôme, d'insertion dans l'emploi, et ainsi de suite. Il n'y a donc pas de privatisation. Nous cherchons simplement à rendre le système plus efficace et plus favorable au développement de l'apprentissage. L'avis est défavorable.
La commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l'amendement AC85 de Mme Michèle Victory et les amendements identiques AC23 de M. Dino Cinieri et AC83 de Mme Michèle Victory.
L'amendement AC85 propose que l'apprentissage, tant en termes d'accès que de compétence, constitue une compétence partagée des régions et des branches professionnelles. À défaut de garantir une clarification totale des compétences, autant continuer à utiliser ce que font de mieux les uns et les autres, les collectivités, l'État, et éventuellement les branches, puisque vous semblez déterminés à leur confier cette mission.
Mais confier le pilotage de l'apprentissage aux seules branches professionnelles représente un risque majeur pour deux raisons : non seulement elles ne sont pas présentes partout sur le territoire mais, jusqu'à présent, elles n'avaient jamais fait ce travail. Au-delà des inquiétudes formulées par notre collègue Dino Cinieri sur l'avenir de nombreux CFA, on aurait tort d'oublier le rôle très important des régions dans le soutien de ces centres, dont elles ont notamment financé le fonctionnement à hauteur de 1,6 milliard d'euros. Il est important qu'elles continuent à jouer ce rôle.
Mon amendement AC23 prévoit que la région, en lien avec les acteurs économiques et les partenaires sociaux, élabore une stratégie pluriannuelle des formations en alternance visant notamment à assurer une offre de formation professionnelle initiale sur l'ensemble du territoire régional, à définir la politique régionale d'investissement en faveur des CFA, en particulier dans une logique d'aménagement du territoire, et à organiser la complémentarité des formations dispensées par les lycées professionnels et les CFA. Il prévoit en outre, dans un souci de cohérence avec les responsabilités qui sont dorénavant les leurs en matière d'apprentissage, que les branches et les opérateurs de compétence prennent en compte cette stratégie régionale. Enfin, dans l'optique de la définition de la stratégie régionale, les branches et opérateurs de compétence devront transmettre à la région un bilan annuel de leurs actions.
Notre amendement AC83 est identique. Le texte prévoit que la création d'une section au sein d'un CFA ne sera plus soumise à l'accord de la région. L'ensemble des acteurs ont dénoncé ce choix en indiquant qu'il s'agissait d'une aberration en termes d'égalité territoriale. Aucune instance saisie de ces dispositions n'a émis un avis favorable, pas même le Medef.
Nous dénonçons le risque de rétrécissement sur le plan territorial qu'entraîneront inévitablement les dispositions de cet article. Nous n'avons pas d'étude d'impact précise de son application. Nous proposons donc de rétablir un pilotage public, indispensable, en prévoyant que la région élabore une stratégie pluriannuelle des formations en alternance.
La réforme sera mise en oeuvre de manière progressive. Les branches ne vont pas exercer cette responsabilité du jour au lendemain. Les branches commencent déjà à se regrouper ou à s'organiser, dans un souci de clarification des filières. Les futurs opérateurs de compétence commencent aussi à se préparer à leurs nouvelles missions. L'idée que je mets en avant depuis un certain temps, c'est la réactivité du système. Enfin, certaines régions se sont peut-être moins impliquées que d'autres. Sur le plan de l'équité, il peut être bon que le monde économique soit à la manoeuvre car dans certaines régions, l'apprentissage ne s'est pas autant développé qu'il aurait dû. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement AC85.
Puis elle rejette les amendements AC23 et AC83.
La commission est saisie de l'amendement AC21 de M. Dino Cinieri.
Les politiques d'achat de formations pour les demandeurs d'emploi ne semblent pas suffisamment efficaces : Pôle emploi intervient pour l'attribution des aides individuelles à la formation, mais pour l'achat de formations collectives, ce sont les régions qui sont compétentes. Pôle emploi peut également intervenir sur ces formations, mais dans le cadre d'une convention passée avec la région. Il y a donc lieu de s'orienter vers une unification et une rationalisation de la commande de formations. À cette fin, le présent amendement prévoit une compétence de principe de la région pour l'ensemble des formations – individuelles et collectives – tout en maintenant la possibilité d'une intervention de Pôle emploi dans le cadre d'une convention conclue avec la région.
Cet amendement concerne les politiques d'achat de formations pour les demandeurs d'emploi. Il est hors du champ de notre saisine, qui couvre les questions relatives à l'orientation, à la certification professionnelle et à l'apprentissage. Les aides individuelles à la formation sont un outil complémentaire aux achats collectifs de formation réalisés par les régions et Pôle Emploi. Elles permettent de faire bénéficier rapidement d'une formation adaptée des demandeurs d'emploi aux besoins spécifiques. Les soumettre à un conventionnement remettrait en cause l'intérêt de cet outil en introduisant des délais et de la complexité. J'émets un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques AC22 de M. Dino Cinieri et AC84 de Mme Josette Manin.
Plutôt que d'envisager, comme le prévoit le projet de loi, un exercice de reporting des régions à France compétences sur les dépenses qu'elles ont engagées en matière d'apprentissage, il apparaît plus opportun, dans la mesure où les régions sont des collectivités territoriales et non pas des services déconcentrés de l'État, de prévoir que le montant de ces dépenses, tant en fonctionnement qu'en investissement, fera l'objet d'un débat annuel en conseil régional, sur la base d'un rapport présenté par l'exécutif.
Rien n'empêche les conseils régionaux d'organiser un débat sur leurs dépenses en faveur des CFA. Celui-ci devrait d'ailleurs intervenir lors de la discussion du budget de la région par le conseil régional, et lors du contrôle de son exécution. En revanche, la transmission à France compétences de ces dépenses paraît indispensable afin de disposer d'une vue d'ensemble des financements publics engagés en faveur des CFA. Je rappelle également que les régions seront présentes au conseil d'administration de France compétences à travers un collège spécifique. J'émets un avis défavorable.
Nous ajouterons que dans le respect de l'article 72 de la Constitution, il apparaît opportun que les régions communiquent à France compétences leur montant de dépenses, afin qu'un débat s'organise dans le cadre de ses attributions au titre de l'alinéa 40 de l'article 16. Et comme l'a rappelé Mme la rapporteure pour avis, les régions seront représentées au sein de l'établissement. Nous voterons contre ces amendements.
La commission rejette les amendements.
Elle est alors saisie de l'amendement AC24 de M. Dino Cinieri.
Il convient que les régions, qui ont la capacité de contribuer au financement des formations en alternance, puissent conclure des conventions avec les bénéficiaires finaux que sont les CFA et les lycées professionnels.
Rien n'empêche les régions de conclure des conventions avec des CFA et des lycées professionnels. Il n'est pas nécessaire de mentionner cette possibilité dans la loi. Bien plus, la mentionner risquerait de limiter la possibilité, pour les régions, de conclure des conventions avec d'autres types d'établissements d'enseignement. Mon avis est défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC 25 de M. Dino Cinieri.
Il convient que les conseils régionaux puissent, dans le cadre de la définition de leur politique d'investissement en faveur de l'apprentissage, engager un dialogue de gestion avec les CFA. À cette fin, le présent amendement prévoit que, chaque année, avant le 30 juin, les CFA transmettent à la région leurs documents comptables et financiers.
Les CFA seront principalement financés par les opérateurs de compétences, à travers le financement au contrat. Il est donc logique que le dialogue de gestion s'effectue avec ces derniers plutôt qu'avec les régions. Mon avis sera donc défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AC65 de Mme Céline Calvez.
L'alinéa 38 de l'article 15 prévoit que les orientations en matière de formation professionnelle initiale et continue visent à identifier l'émergence de nouvelles filières et de nouveaux métiers dans le domaine de la transition écologique et énergétique, mais ne fait aucunement mention du numérique, ce qui constitue un manque cruel, auquel mon amendement propose de remédier.
Je ne vous contredirai pas, Madame Calvez. J'ai moi-même pointé ces mutations importantes que notre économie va devoir absorber. J'émets un avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC97 de la rapporteure pour avis.
Cet amendement propose que les CPRDFOP encouragent, dans leur partie consacrée aux jeunes, la signature de conventions entre CFA et lycées professionnels afin de faciliter le passage des jeunes entre ces deux filières, qui sont aujourd'hui trop étanches entre elles, ainsi que la mutualisation des plateaux techniques entre CFA et lycées professionnels. Il conviendra de veiller à ce que les connaissances et compétences acquises et validées par l'élève en lycée professionnel soient prises en compte par le CFA qui l'accueille, et, réciproquement, que les connaissances et compétences acquises et validées par un apprenti en CFA soient prises en compte par le lycée professionnel qui l'accueille, afin d'éviter toute redondance et toute perte de temps dans le parcours des jeunes concernés. L'objectif de cette mesure est de faciliter et d'encourager l'articulation entre les deux systèmes de formation.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC71 de Mme Cécile Rilhac.
Cet amendement vise à rendre obligatoire l'inscription, dans le CPRDFOP, d'actions de formation professionnelle à l'intention des personnes en situation de handicap afin de favoriser leur insertion en milieu ordinaire. Ces formations peuvent être proposées pour des jeunes en situation de handicap dans le cadre de la formation initiale, mais aussi dans le cadre d'une réorientation professionnelle suite à un accident de la vie ou à une maladie dégénérative.
La commission adopte l'amendement.
Elle en vient alors à l'amendement AC26 de M. Dino Cinieri.
Afin de contribuer au financement des CFA, le dispositif proposé par le Gouvernement dans le nouvel article L. 6211-3 du code du travail dispose que les régions pourront majorer la prise en charge des contrats réalisés par les opérateurs de compétences quand des besoins d'aménagement du territoire et de développement économique qu'elles identifieront le justifieront, en matière d'investissement, par le versement de subventions. L'étude d'impact du projet de loi précise que la loi de finances prévoira d'allouer aux régions, à ce titre, une dotation de 180 millions d'euros sous forme d'une attribution de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Il apparaît toutefois que le montant de ce fonds est nettement insuffisant pour assurer les missions confiées aux régions : cette enveloppe a été calculée sur la base de la moyenne des dépenses sur les années 2015 à 2017, ce qui correspond, pour les deux premières années, à des années de fin et de début de cycle électoral pour les régions, et sans tenir compte de l'impact des fusions de régions intervenues durant cette période.
L'amendement AC26 vise plus particulièrement à modifier les dates de rendu du rapport portant sur la gestion de l'apprentissage par les régions en 2018 et 2019, et visant à déterminer les coûts moyens des contrats d'apprentissage pour assurer la transition avec le nouveau dispositif. Il est ainsi proposé que le rapport soit rendu avant le 15 juillet au lieu du 1er mai, pour tenir compte de la date limite de vote des comptes administratifs fixée au 30 juin de l'année suivant celle de l'exercice considéré.
Le projet de loi prévoit une remise, au 1er mai de l'année suivante, du rapport des régions sur leur gestion de l'apprentissage en 2018 et 2019. Cela laisse aux régions un délai de quatre mois, qui me paraît tout à fait suffisant. J'émets un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle donne un avis favorable à l'adoption de l'article 15 modifié.
Après l'article 15
La commission examine l'amendement AC28 de M. Dino Cinieri.
Plutôt que de priver pratiquement la région, comme fait le projet de loi, de tout rôle en matière d'apprentissage, cet amendement vise à réaffirmer que l'apprentissage, tant en termes d'accès que de financement, constitue une compétence partagée des régions et des branches professionnelles. L'accord sur ce compromis par chacune des parties intéressées conditionne indéniablement la réussite de la réforme envisagée.
Je crois avoir suffisamment insisté sur notre volonté de dynamiser l'offre de formation à travers ce projet de loi, sur le rôle important que la région conservera par le biais de ses financements pour dynamiser l'offre sur son territoire, et sur le rôle de régulation que jouera toujours la puissance publique en exerçant un contrôle dans le domaine du droit du travail, du financement et de la pédagogie. Enfin, le système sera rendu transparent pour les familles et les jeunes. L'avis est défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 16 : Gouvernance de l'apprentissage et de la formation professionnelle
La commission examine l'amendement AC87 de Mme Michèle Victory.
L'article 16 traite de la gouvernance. Nous proposons que France compétences ne soit qu'un établissement public à caractère administratif. Après avoir donné des responsabilités aux branches professionnelles qu'elles n'auront pas les moyens d'assumer, vous procédez à une recentralisation de la gouvernance de l'apprentissage. En précisant que cet établissement est placé sous la tutelle du ministre chargé de la formation professionnelle, vous laissez le contrôle de cette agence à un ministère.
Avis défavorable. Le principe de rattachement est une pièce maîtresse du régime des établissements publics. Il est impossible de créer un établissement public sans prévoir la ou les personnes publiques auxquelles il se rattache. Il n'existe pas d'établissement public autonome : un établissement public n'a le choix ni de sa création, ni de sa disparition. Il n'est pas non plus maître de l'étendue de son champ de compétences, ni de son degré d'autonomie ; l'ensemble de ces décisions revient à la personne publique qui le crée.
Nous voterons contre cet amendement. France compétences n'a pas vocation à coordonner ou à contrôler le système d'apprentissage. Il aura simplement une fonction opérationnelle, comme le précise l'article 16. Sa composition est un gage de partenariat entre les différents acteurs de la formation professionnelle.
Vous évoquez la composition quadripartite de France compétences – État, régions, représentants des syndicats et du patronat. Mais c'est un décret qui définira le poids électoral de chaque collège et l'État sera majoritaire. On peut donc s'interroger sur le caractère paritaire de cet organisme.
La commission rejette l'amendement.
La commission en vient aux amendements identiques AC29 de M. Dino Cinieri et AC88 de Mme Josette Manin.
L'amendement AC29 vise à préciser les critères retenus pour déterminer la répartition des fonds alloués aux régions. Il est proposé de répartir ces fonds en fonction de la population, du nombre d'apprentis, de la densité de population et du nombre de CFA et de sections de formation dans chacun de ces centres.
Avis défavorable. Il me paraît préférable de laisser au décret le soin de définir les critères qui présideront au versement des fonds aux régions pour le financement des CFA. Cela permettra d'organiser la concertation avec les régions. En outre, les critères que vous proposez risquent d'avantager les régions ayant déjà beaucoup d'apprentis. Or l'objectif est à l'inverse d'assurer une péréquation entre les régions.
La commission rejette les amendements.
La commission passe à l'amendement AC30 de M. Dino Cinieri.
Le Gouvernement prévoit que les régions pourront majorer la prise en charge des contrats réalisée par les opérateurs de compétences, quand des besoins d'aménagement du territoire et de développement économique qu'elles identifieront le justifieront. Le projet de loi confie à France compétences le versement aux régions des fonds alloués pour majorer la prise en charge des contrats suivant un objectif de péréquation. En outre, l'article 17 du texte alloue à France compétences une fraction de la contribution unique à la formation professionnelle et à l'apprentissage pour assurer notamment le financement des fonds alloués aux régions. Enfin, l'étude d'impact du projet de loi précise que le fonds destiné aux régions sera doté de 250 millions d'euros. Ce montant est nettement insuffisant pour permettre aux régions d'assurer leurs missions de péréquation. En outre, ce montant doit être évolutif et en lien avec la compétence concernée. En lieu et place de France compétences, il est donc proposé de faire bénéficier directement les régions d'une fraction de la contribution unique à la formation professionnelle et à l'apprentissage, le montant initial de 390 millions d'euros évoluant ensuite chaque année en fonction de l'assiette de cette contribution.
S'il entre dans notre champ formel de saisine, cet amendement opère surtout une coordination avec des dispositions de l'article 17 que vous proposerez probablement de modifier. Quoi qu'il en soit, l'objectif de péréquation sera mieux rempli par un organisme national. J'émets un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
La commission examine l'amendement AC13 de M. Vincent Rolland.
J'y suis défavorable. C'est à l'État qu'il incombe de prendre en charge la question de l'accès des personnes handicapées à la formation professionnelle et à l'apprentissage, en lien avec l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés et le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.
La commission rejette l'amendement.
La commission en vient à l'amendement AC7 de M. Vincent Rolland.
Dans la même logique que l'amendement précédent, il est proposé que France compétences puisse faire des recommandations sur l'accessibilité et le caractère adapté des formations aux personnes handicapées.
Les amendements AC13, AC7 et AC3 sont louables, mais la mission de France compétences est avant tout opérationnelle. Il s'agit pour l'établissement public d'assurer la péréquation des contrats d'alternance, de construire le cahier des charges du conseil en évolution professionnelle, d'assurer un rôle de veille et de surveillance des coûts et des règles de prise en charge en matière de formation professionnelle. Les sujets liés au handicap auraient probablement mieux trouvé leur place à l'article 15.
La commission rejette l'amendement.
La commission passe à l'amendement AC3 de M. Vincent Rolland.
Cet amendement propose d'élargir la composition du conseil d'administration de France compétences aux associations de personnes handicapées. En effet, au regard de l'importance de l'accès à l'information et à la formation pour ce public davantage touché par le chômage, il semble indispensable de les associer à la gouvernance de cet établissement public.
La commission rejette l'amendement.
La commission en vient à l'amendement AC32 de M. Dino Cinieri.
Il s'agit de prévoir que la désignation des personnalités qualifiées interviendra sur avis conforme du conseil d'administration, afin de favoriser le consensus entre les différents collèges et d'éviter une trop forte influence d'un ou plusieurs collèges dans la nomination de ces personnalités.
Cette disposition n'est pas de niveau législatif. Par ailleurs, cet amendement revient à créer deux catégories parmi les membres du conseil d'administration de France compétences. J'y suis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
La commission examine l'amendement AC33 de M. Dino Cinieri.
Afin que la dimension véritablement quadripartite du conseil d'administration de France compétences soit garantie, cet amendement prévoit un équilibre dans la détermination du poste de président et des postes de vice-présidents entre les représentants des collèges de l'État, des régions, des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs.
La commission rejette l'amendement.
La commission passe à l'amendement AC31 de M. Dino Cinieri.
Cet amendement vise à garantir le quadripartisme – État, régions, organisations syndicales de salariés, organisations patronales – au sein de France compétences et à éviter le risque d'une mainmise de l'État sur cet organisme. À cette fin, il prévoit qu'aucun des collèges qui le composent ne pourra à lui seul être majoritaire au sein du conseil d'administration.
Il n'y a pas lieu de craindre une mainmise de l'État sur la formation professionnelle. Les régions seront représentées au conseil d'administration de France compétences par un collège spécifique. De plus, l'ensemble du projet de loi vise à mieux associer les partenaires sociaux à la gestion de la formation professionnelle. Les principes du quadripartisme seront bien respectés. J'émets un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
La commission en vient à l'amendement AC34 de M. Dino Cinieri.
Afin que France compétences soit un organisme véritablement quadripartite et pour éviter le risque d'une mainmise de l'État sur ce dernier, cet amendement prévoit que le directeur général est nommé par le ministre chargé de la formation professionnelle après avis conforme du conseil d'administration.
Nous sommes loin de l'objet de notre saisine pour avis. Par ailleurs, le projet de loi prévoit que France compétences est un établissement public de l'État. C'est donc à l'État qu'il incombe de désigner son directeur général. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle passe à l'amendement AC35 de M. Dino Cinieri.
Cet amendement prévoit que le directeur général de France compétences est nommé par le ministre chargé de la formation professionnelle, sur proposition du conseil d'administration.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 16 sans modification.
Enfin, la commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
La séance est levée à douze heures quinze.
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Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné :
– Mmes Anne Brugnera et George Pau-Langevin, rapporteures pour une mission flash sur la déscolarisation,
– et Mmes Cécile Rilhac et Valérie Bazin-Malgras, rapporteures pour une mission flash sur les directeurs d'école.
Présences en réunion
Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 9 heures 30
Présents. - M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Aude Amadou, Mme Emmanuelle Anthoine, M. Gabriel Attal, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Marine Brenier, Mme Anne Brugnera, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, Mme Fabienne Colboc, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Frédérique Dumas, Mme Nadia Essayan, M. Alexandre Freschi, M. Laurent Garcia, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Raphaël Gérard, Mme Valérie Gomez-Bassac, M. Pierre Henriet, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Brigitte Liso, Mme Josette Manin, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, Mme George Pau-Langevin, M. Guillaume Peltier, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, M. Cédric Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, M. Patrick Vignal
Excusés. - M. Lénaïck Adam, Mme Ramlati Ali, M. Bernard Brochand, M. Stéphane Claireaux, M. Grégory Galbadon, Mme Annie Genevard, Mme Brigitte Kuster, Mme Constance Le Grip, Mme Sophie Mette, Mme Cécile Muschotti, M. Franck Riester, Mme Stéphanie Rist, Mme Marie-Pierre Rixain
Assistait également à la réunion. - M. Dino Cinieri