Aujourd'hui, dans le cadre de nos activités, nous sommes souvent confrontés à des risques de contaminations internes, les personnes ingérant des particules radioactives dans leur organisme. Des contrôles anthropo-gammamétriques sont effectués par EDF ; sur les sites Orano, des prélèvements de selles et d'urine sont analysés pour vérifier la présence de radioactivité et quantifier la dose ingérée par la personne. Toujours, les doses sont inférieures aux doses de la catégorie du salarié, qu'il soit de catégorie A ou B.
Une fois qu'une particule est présente dans l'organisme, elle peut se fixer sur les poumons, le foie, les reins, la vessie. S'agissant de ces contaminations internes, nous aimerions qu'une déclaration d'accident du travail soit faite. La personne peut continuer à travailler et pourrait être affectée à des travaux hors zone nucléaire, le temps d'obtenir les résultats des analyses. Imaginons que l'un de nos collègues tombe malade dans quinze ans. On reprendra son dossier, on constatera qu'il a travaillé dans une industrie, qu'il était au mauvais endroit quand un incident est survenu et qu'il souffre d'une contamination interne. Peut-être pourra-t-on faire reconnaître sa pathologie en tant que maladie professionnelle. Aujourd'hui, c'est impossible car aucune déclaration d'accident du travail n'est faite.
En effet, aux termes du code du travail, l'accident du travail est reconnu si le salarié souffre d'une lésion. Dans notre profession, la lésion apparaîtra vingt ans plus tard. Nous trouvons injuste cette définition de l'accident du travail. Certains de nos collègues ont été confrontés à des situations dégradées et souffrent aujourd'hui de pathologies lourdes : des cancers traités par radiothérapie et chimiothérapie. Faire reconnaître une maladie professionnelle est un combat.
Dans le tableau n° 6 des affections provoquées par des expositions aux rayonnements ionisants, de nombreux cancers ne figurent pas. Pourtant, pour les militaires, le ministre Hervé Morin avait fait adopter un décret pour établir une présomption de causalité des cancers des personnes exposées aux essais militaires nucléaires.
Nous aimerions que l'on croise les cancers reconnus pour les victimes des essais militaires et ceux des travailleurs du nucléaire. Les travailleurs du nucléaire sont touchés par le cancer du cerveau. Lorsqu'une personne est malade, elle n'est plus prise en charge par la sécurité sociale, mais par la caisse d'assurance retraite et de santé au travail (CARSAT). La couverture est différente.
Le tableau n° 6 sur les expositions professionnelles des travailleurs extérieurs exposés à un risque de rayonnements ionisants date de 1986 et n'a jamais été réactualisé depuis. Nous sommes en 2018 ; peut-être serait-il temps de se pencher sur la question. Il conviendrait de croiser les études sur les cancers réalisées par l'IRSN et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Il ne faut pas oublier que les travailleurs du nucléaire sont confrontés à de multiples expositions, telles que l'amiante, les produits chimiques ; lorsque nous démantelons, nous portons des poids, nous utilisons du matériel vibrant. Tous ces critères ont été supprimés de la liste des critères de pénibilité alors qu'ils correspondent au quotidien de nombreux salariés. Nous trouvons cela incohérent et injuste. Si ces personnes venaient à tomber malade, ce ne serait pas à la sécurité sociale de les prendre en charge.