Intervention de Aude Bourden

Réunion du jeudi 17 mai 2018 à 10h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Aude Bourden, conseillère nationale santé - médico-social de l'Association des paralysés de France (APF)-France Handicap :

Permettez-moi tout d'abord de vous informer que l'APF a changé de nom en avril 2018, pour devenir APF-France Handicap. Ce changement de nom est important pour nous, car nous ne représentons pas seulement les personnes paralysées, mais toutes les personnes qui présentent un handicap moteur et les troubles associés et, plus largement, des personnes atteintes par tous les types de handicap.

Je vous remercie sincèrement de nous avoir invités aujourd'hui à cette audition de la commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des Français. Nos adhérents témoignent souvent auprès de nous des difficultés qu'ils rencontrent en ce qui concerne l'accès aux soins, lequel est rendu plus difficile encore par leur handicap. Or le handicap est souvent révélateur des carences du système de santé pour l'ensemble de la situation.

En outre, il faut tenir compte des problèmes spécifiques que rencontrent les personnes en situation de handicap dans les déserts médicaux. Elles peinent à trouver un médecin traitant ; elles ont des difficultés pour consulter des médecins exerçant les spécialités évoquées précédemment, ainsi que d'autres types de professionnels de santé, tels que les orthophonistes ou les kinésithérapeutes. En outre, des pharmacies ferment faute de prescripteur dans un territoire donné. Or les personnes en situation de handicap sont très dépendantes des produits de santé pour leur vie quotidienne, de sorte que ces fermetures les pénalisent encore davantage.

Enfin, rappelons que la désertification ne touche pas seulement la médecine de ville, mais également les lieux de vie médico-sociaux. En effet, nous avons des difficultés à recruter un personnel suffisant pour accompagner correctement les personnes que nous accueillons dans nos établissements ou dans nos services.

C'est pourquoi APF-France Handicap adhère à des associations qui militent pour l'accès aux soins des usagers, telles que France Assos Santé, ou l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS). Or l'UNIOPSS a souligné les limites du nouvel indicateur de zonage qui sert à attribuer les aides à l'installation. Comme le rappelle l'intitulé de votre commission d'enquête, il s'agit bien de « lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain » ; or cet indicateur met de côté tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), alors que l'accès aux soins dans ces quartiers est problématique, comme le montre le rapport « Vivre ensemble, vivre en grand » présenté par Jean-Louis Borloo. L'UNIOPSS dénonce également le fait que le nombre d'installations ne soit pas du tout équilibré entre l'exercice libéral et l'exercice salarié. Nous pensons nous aussi qu'il faut prendre des mesures pour augmenter le nombre d'installations en exercice salarié.

Tout d'abord, nous souhaitons attirer votre attention sur le fait que la question des déserts médicaux doive faire l'objet d'une approche interministérielle, qui prenne en compte l'aménagement du territoire et plus particulièrement la question de la mobilité. Ainsi, les personnes en situation de handicap ont besoin de transports adaptés pour se rendre sur les lieux de soins. Sans cela, les mesures que l'on pourra prendre pour lutter contre les déserts médicaux resteront inefficaces. De même, l'accès au numérique dans les différents territoires doit être amélioré si l'on souhaite développer la télémédecine et la « e-santé ».

Ensuite, l'accessibilité universelle concerne non seulement les lieux de soins mais également les équipements. Or l'accessibilité des équipements n'a pas été pensée. Ainsi, sur l'ensemble du territoire français, aujourd'hui, il n'y a que quelques équipements qui permettent à une personne en fauteuil roulant de faire une mammographie en étant assise. Toute une frange de la population n'a donc pas accès à ces équipements.

En outre, il est nécessaire de développer l'accompagnement et le maintien à domicile. Aujourd'hui, un certain nombre de personnes ont besoin d'un accompagnement pour certains gestes de la vie quotidienne, de soins à domicile et d'une coordination des professionnels de santé. Or, aujourd'hui, les soins à domicile sont mal financés et mal coordonnés. Permettez-moi de vous donner un exemple : une personne lourdement handicapée, qui vit à domicile avec sa mère vieillissante, lorsque son médecin traitant est parti récemment à la retraite, a contacté plus de 20 médecins sans trouver un médecin traitant qui accepte de se rendre à domicile. À l'heure où l'on parle de « virage ambulatoire », de « virage inclusif », de maintien à domicile des personnes dépendantes, les déserts médicaux ne nous permettent pas de mettre en oeuvre ces objectifs.

Enfin, permettez-moi de vous présenter une proposition assez originale : il ne suffit pas de réguler l'installation des médecins ou de réfléchir à la répartition de l'offre de soins, il faut aussi accompagner les populations qui vivent dans les déserts médicaux. Il nous semble que les ARS devraient développer des dispositifs d'accompagnement des personnes qui ne trouvent pas de lieu de soins ou de médecin traitant. Ces dispositifs constitueraient un véritable observatoire sur un territoire donné, lequel assurerait un suivi plus régulier que les indicateurs et les études. Nous sortirions ainsi de la logique individuelle actuelle, dans laquelle ce sont les médecins qui acceptent ou refusent des patients, pour faire advenir une responsabilité collective des acteurs de la santé sur un territoire.

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