Intervention de Philippe Vigier

Réunion du jeudi 17 mai 2018 à 10h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier, rapporteur :

Je souhaite d'abord remercier chacun d'entre vous d'être venu nous communiquer avec passion votre vision de la santé. Vous avez bien compris que cette commission d'enquête parlementaire rassemble des femmes et des hommes de toutes sensibilités politiques autour de cette question absolument cruciale.

M. le Premier ministre, dans un discours important à Cahors, a présenté quatre pistes pour améliorer l'accès aux soins, non seulement en milieu rural mais aussi en milieu urbain. Madame Bourden, vous évoquiez à juste titre le rapport Borloo : il est vrai qu'aujourd'hui, il n'y a plus un territoire qui échappe à ce drame.

Premièrement, des courriers ont été adressés par la ministre de la santé aux directeurs des ARS pour engager les professionnels de santé à s'organiser différemment, en particulier pour demander à ce que les praticiens des groupements hospitaliers de territoire aillent faire des consultations avancées dans les hôpitaux de proximité. On commence donc à endiguer la désertification. Ces démarches témoignent d'une volonté de lier la santé à la politique d'aménagement du territoire, lien dont vous avez rappelé la nécessité. Édouard Philippe est allé jusqu'à affirmer que la santé était un enjeu d'aménagement du territoire dont il fallait que tous se saisissent, aussi bien les usagers que les professionnels et les élus locaux. Avez-vous déjà quelques éléments d'appréciation des premiers résultats de ces démarches ?

Deuxièmement, en ce qui concerne le conventionnement sélectif, j'ai entendu ce qu'affirment les représentants de l'UFC-Que Choisir, à savoir qu'il faut limiter l'installation en secteur 2. Ne pensez-vous pas qu'il faut y joindre un corollaire, consistant à revaloriser le montant des consultations, comme je l'ai demandé il y a quelques années dans une proposition de loi ? En effet, le temps médical est amputé de 25 % à 35 % par des tâches administratives tandis que le montant des consultations, qui a un peu augmenté récemment, reste bloqué à 25 euros environ. N'est-ce pas ce qui explique que les médecins sont de plus en plus nombreux à s'installer en secteur 2, comme nous le constatons en particulier depuis trois ans ? Vous savez que le montant de la consultation chez certains généralistes peut monter jusqu'à 50 euros en fonction du type de public. Une revalorisation complète des grilles ne permettrait-elle pas d'améliorer l'attractivité de la profession de médecin généraliste ?

Troisièmement, des politiques de régulation ont été mises en place en ce qui concerne les autres professionnels de santé que les médecins. Quelle vision en avez-vous ? D'après vous, ces mesures de régulations sont-elles efficaces ? Avez-vous des inquiétudes ?

On assiste depuis deux ans à une accélération des fermetures des maternités, de centres d'appels d'urgence, ainsi que je le constate tous les jours dans ma propre région. Monsieur Antony, la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités dispose-t-elle d'un document synthétique qui dresse l'état des lieux ? Je vous rejoins lorsque vous évoquez un moratoire : on ne peut pas, d'un côté, accélérer ces fermetures, et, de l'autre, expliquer que la santé est au coeur de l'aménagement du territoire, ce dont témoignaient les propos sincères et pertinents d'Édouard Philippe. Or il est vrai que nous sommes en phase d'accélération, en même temps que nous développons les soins ambulatoires.

Enfin, je partage votre appel à l'ouverture du numerus clausus. Permettez-moi d'ajouter un point à votre argumentaire déjà très solide : le nombre d'heures pendant lesquelles le médecin est disponible est inférieur de 20 % à ce qu'il était en 1985 — sans parler de ce qu'il était en 1970. Là encore, nous devons prendre en compte cette évolution de la société, sans la critiquer. Quelles que soient nos sensibilités et nos parcours, nous devons constater que les médecins généralistes ne travaillent plus 80 heures par semaine comme ils le faisaient par le passé. C'est un fait acté. Je ne leur jette pas la pierre : pourquoi constitueraient-ils une catégorie à part dans la société ? Ils ont droit eux aussi à s'épanouir hors du travail, dans la vie de famille, par exemple.

Nous vous serions donc reconnaissants de nous apporter des éléments complémentaires à partir de ces quelques pistes. Mes collègues vous interrogeront ensuite et nous nous efforcerons de faire converger vos propositions.

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