Monsieur Mesnier, vous avez soulevé la question très difficile de la période précédant les effets de l'ouverture du numerus clausus. Actuellement, il faut faire feu de tout bois ! Ainsi, nous devons utiliser la télémédecine, sans en faire un outil de remplacement du médecin absent. En effet, vous savez bien que, malheureusement, ces propositions innovantes ont aussi pour but de pallier la pénurie de professionnels. Puis, à chaque fois que l'on constate cette pénurie, on explique que cette situation met en danger les patients et on en tire argument pour fermer un service. C'est donc un cercle vicieux.
Dans cette phase intermédiaire, on peut notamment multiplier les protocoles de déplacement des professionnels dans des territoires en difficulté. Pourquoi regroupe-t-on toujours dans des grands centres ? Telle est la politique que l'on mène depuis trente ans. Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) vont encore aggraver cette tendance, car ils vont transformer les petits centres hospitaliers en annexes où l'on puisera la main-d'oeuvre nécessaire au fonctionnement des grands centres. Ce n'est pas acceptable en termes d'aménagement du territoire et de solidarité nationale. En revanche, il est possible de signer des conventions pour maintenir des services ouverts pendant deux ou trois jours chaque semaine, y compris en chirurgie. Ainsi, on a réussi à maintenir certains services en Bretagne ou à Saint-Affrique, en liaison étroite avec les CHU, qui acceptent dans certains cas de libérer pour un jour ou deux un professionnel. Or maintenir un service, c'est également maintenir tout ce qui va autour, à commencer par les autres services. Voici donc une solution intermédiaire.
Cependant, elle ne résoudra pas le débat de fond, qui porte sur un monde libéral qui n'a pas réussi à s'autoréguler et qui le fait de moins en moins. Nous devons dresser un constat d'échec – je ne le dis pas par plaisir, mais parce que c'est une réalité. Les jeunes n'en veulent plus. Si on n'institue pas une obligation sur une courte période, comme pour les fonctionnaires de l'Éducation nationale ou de la police, ou pour les cheminots, on laissera de plus en plus de territoires en déshérence. Le processus actuel est absolument désastreux : la qualité des soins dans les régions diminue, tandis que les centres sont surchargés et ne peuvent plus faire accueillir les 21 millions de personnes qui se présentent aux urgences chaque année. Vous savez bien que quand on ferme des urgences dans des hôpitaux de proximité, cela aggrave les problèmes des grands centres.