Intervention de Philippe Vigier

Réunion du jeudi 17 mai 2018 à 10h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier, rapporteur :

Je tiens à vous remercier une fois de plus d'être venus nous rencontrer. Il me semble que vous avez eu le temps de vous exprimer ; je ne voudrais surtout pas que certains d'entre vous se sentent frustrés, aussi n'hésitez pas à apporter des éléments complémentaires, à condition de les exposer de la manière la plus succincte possible.

De nombreux points sont communs aux différentes interventions. Il faut prendre des mesures d'urgence, des mesures à moyen terme et des mesures à long terme. Thomas Mesnier a raison de rappeler qu'ouvrir le numerus clausus ne résoudra pas le problème à court terme. Nous devons avoir une vision globale, contrairement à celles qu'ont eues nos prédécesseurs depuis si longtemps.

Sans entrer dans un débat politique, monsieur Antony, vous accorderez que les pays où la santé est uniquement dans les mains de l'État sont souvent dans une situation catastrophique.

Nous avons un combat en partage : la défense de la maternité de l'hôpital de Châteaudun qui sera fermée ce soir. Si l'on avait dû faire confiance aux GHT, on n'en serait pas là. Les GHT sont organisés par les ARS et par des directeurs d'hôpitaux qui sont des fonctionnaires. Nous constatons que cela ne fonctionne pas.

Comme plusieurs d'entre vous l'ont dit, il faudra que public et privé travaillent ensemble, sachant que, dans le cas de la santé, le privé est une délégation de service public, comme en atteste le remboursement par la sécurité sociale. Ce n'est pas n'importe quoi ! Étant biologiste, j'appartiens à la seule profession de santé qui soit accréditée. Monsieur Antony, je vous invite à venir passer une journée dans un laboratoire accrédité et je suis sûr que vous repartirez avec une vision différente. Ce sera une surcharge administrative insupportable qui va décourager plus encore les jeunes médecins. Pourtant, je n'affirme pas qu'il ne faut pas le faire, mais il faut prendre la mesure des difficultés.

Ensuite, nous avons besoin de vous, notamment de l'UFC, pour interpeller les patients à propos de la surconsommation médicale, en particulier en ce qui concerne les antibiothérapies ou l'usage d'Internet qui conduit les patients à dire à leur médecin : « J'ai vu qu'il fallait faire une IRM, sinon on ne peut pas établir le diagnostic. » On ne dit pas au plombier comment il doit procéder quand on n'est pas du métier. Je me permets une certaine liberté de ton pour rappeler cette responsabilité collective…

Monsieur Antony, je suis attaché à cette notion d'efficience, de qualité de soins. L'accès aux soins pour tous est inscrit dans le Préambule de la Constitution de 1946 ; c'est l'un des ciments de notre démocratie.

Il me semble que nous sommes tous d'accord à propos de la télémédecine. Tout d'abord, un dispositif technique qui assure non pas 30 mégaoctets, mais au moins un gigabit pour tous les habitants est nécessaire. Il est vrai que nous sommes en retard – en le reconnaissant, je n'instruis pas un procès à ce gouvernement. Pour l'avoir vécu au quotidien depuis des années, je sais que tant qu'on n'atteint pas ce niveau d'un gigaoctet, on n'a pas une bonne résolution d'image, ce qui pose évidemment problème pour l'analyse des examens. En outre, il est nécessaire que les actes de télémédecine soient nomenclaturés, ce qui implique qu'on ne pourra pas tout faire. De nombreuses questions restent posées : où installer le centre de télémédecine ? Dans une pharmacie, dans une mairie ? Qui paye ? Qui fait l'acte ? Comment est-il rémunéré ? Avec quelle nomenclature ? Les images de radiologie sont interprétées actuellement par des médecins à Lyon ou à Bordeaux pour 11,83 euros. Je vous laisse imaginer qu'ils regardent cela avec la plus grande des précisions.

On nous avait dit que le tiers payant généralisé serait l'alpha et l'oméga, mais il n'est pratiqué que pour 20 % des actes, sauf en ce qui concerne les affections de longue durée – ce sont les chiffres de l'assurance maladie elle-même. Ainsi, la panacée n'existe pas, contrairement à ce que l'on peut croire.

Je voudrais vous demander de nous adresser un petit exercice complémentaire à propos des solutions à court terme. Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il n'existe pas une mesure miracle. Mes collègues et moi sommes très désireux de nous faire les interprètes de vos propositions sur le court terme pour aider les pouvoirs publics et en particulier la ministre de la santé à trouver comment enrayer la désertification. Nous vous serions donc reconnaissants de nous indiquer dans un document concis quatre ou cinq mesures qui vous semblent particulièrement efficaces. Nous essaierons de voir comment les articuler avec d'autres dispositions auxquelles nous aurons pensé en dialoguant avec nos différents interlocuteurs. Je crois que nous n'échapperons pas, à court terme, à une sorte de plan Marshall de la santé.

Par ailleurs, nous travaillons à la réorganisation des études. Avec Thomas Mesnier à qui a été confiée une mission importante sur l'accès aux soins, nous avons rencontré un président de la conférence des doyens extrêmement ouvert, ce qui n'était pas une caractéristique de ses prédécesseurs. Le président du Conseil national de l'Ordre a tenu récemment des propos extrêmement courageux et forts dans une double page du Journal du dimanche. Alexandre Freschi et moi-même avons demandé à le revoir. Il nous avait envoyé ses collègues membres du Bureau, mais nous n'avions pas été totalement convaincus — pour m'exprimer selon les usages parlementaires — par leur contribution.

Nous sommes entièrement d'accord pour affirmer que l'aménagement du territoire et l'accès aux soins sont intimement liés. Sachez donc que nous irons au bout de l'exercice. Nous avons besoin de vous, du travail de sensibilisation que vous faites auprès des populations. Continuez ce travail, mesdames et messieurs. Il ne faut pas laisser s'accroître la rupture dans notre pays ; on l'observe dans de nombreux domaines, mais elle est plus intolérable encore dans le domaine de la santé.

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