Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Mme Muriel Pénicaud, ministre du Travail, sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Madame la ministre, merci d'avoir répondu favorablement à notre invitation, malgré un emploi du temps que je sais particulièrement chargé.
Nous avons adopté, la semaine dernière, le rapport de notre collègue Pierre Cabaré sur le projet. À cette occasion, il a pu insister sur les avancées que contient le texte en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.
Le projet de loi que vous portez, madame la ministre, se singularise vis-à-vis des précédents. En effet, il ne s'agit plus de proclamer uniquement de grands principes, mais de parvenir à des résultats concrets afin d'endiguer les inégalités qui ont résisté à vingt ans de conquêtes sociales, de politiques publiques et de textes législatifs. Des inégalités qui supposent de trouver de nouveaux chemins de conquête pour que le droit s'applique enfin.
Dans cet esprit, la Délégation aux droits des femmes salue les dispositifs qui se retrouvent dans le véhicule législatif dont nous nous apprêtons à discuter. Si la Délégation a souhaité se saisir du texte, c'est qu'il nous revient, collectivement, de porter le désir légitime d'autonomie et de liberté des femmes. La roue de l'émancipation ne doit pas les conduire sur le chemin de la paupérisation, et c'est donc bien la puissance publique qui se doit d'organiser les conditions d'une égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Pour cela, il convient de revoir toutes les composantes du marché de l'emploi – éducation, orientation, formation, management, conditions salariales – au travers d'un prisme sexué : comment l'histoire est-elle enseignée ? Pourquoi certaines filières scientifiques sont-elles désertées par les jeunes filles ? Y a-t-il une offre de formation à même de rééquilibrer les compétences ? Comment faire progresser la part des femmes dans les instances exécutives ? Comment prévenir la précarité au travail chez les femmes ? Autant de questions qui nécessitent une réflexion globale, comme le propose le projet de loi que vous défendez, car elles supposent de s'attaquer aux inégalités psychologiques, sociales et économiques qui subsistent entre les femmes et les hommes.
La lutte contre les inégalités professionnelles se situe également au sein de la vie privée et du couple. La progression du temps professionnel des femmes ne pourra se faire que lorsque les hommes s'empareront de leurs responsabilités domestiques. Dans ce domaine, il ne revient pas à la puissance publique d'imposer quoi que ce soit, mais bien de changer les mentalités, et ce dès le plus jeune âge. Cela étant, l'action publique peut contribuer à un nouvel équilibre, en s'appuyant, par exemple, sur des politiques d'accueil des enfants ou d'aménagement des congés parentaux.
Par ailleurs, ce principe fondamental de justice relève également du bon sens économique. Le creusement des inégalités, dont participent l'appauvrissement d'une partie de la population féminine et le délitement du lien social, est un facteur majeur de crise économique et sociale. La discrimination salariale et professionnelle est humiliante, décourageante, insupportable, anachronique et contre-productive.
Dans un pays où les femmes se voient garantir les mêmes droits que les hommes, comment l'action publique entend-elle enrayer des inégalités qui, souvent, sont déjà illégales et punies par la justice ? Plus largement, comment entend-elle purger notre société des vestiges d'une domination patriarcale ancestrale ?