Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 29 mai 2018 à 9h45
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Muriel Pénicaud, ministre du Travail :

S'agissant des sanctions, nous disposerons désormais de plusieurs leviers grâce à la publication des résultats des entreprises en matière d'égalité salariale. Les écarts seront connus et publiés sur une base méthodologique commune : nous saurons donc immédiatement sur quelles entreprises cibler les inspections parmi les 300 000 entreprises de plus de 50 salariés.

Par ailleurs, les organisations syndicales seront également informées de ces résultats, ce qui alimentera le débat social interne et leur permettra d'agir.

Enfin, je connais bien le monde des entreprises et sais que la compétition va les stimuler. Le name and shame ne suffit plus, nous devons également utiliser le levier du name and claim, c'est-à-dire valoriser les entreprises vertueuses et communiquer sur les classements des meilleurs employeurs. Dans ce contexte, les entreprises les moins bien classées auront plus de difficultés pour recruter.

La pénalité que vous évoquez existe déjà et peut effectivement représenter jusqu'à 1 % de la masse salariale – ce qui est beaucoup –, mais ne s'applique que si l'entreprise ne respecte pas son obligation de moyens – avoir signé un accord et mis en oeuvre un plan en faveur de l'égalité. Parfois, le plan se résume à un power point de quelques pages… La pénalité est donc rarement appliquée.

À partir du moment où les résultats seront publics et que l'entreprise ne respectera pas ses obligations légales au bout de trois ans, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pourront la sanctionner tant sur les moyens que sur les résultats, toujours jusqu'à 1 % de la masse salariale et en fonction de l'effort fourni. Par exemple, si l'écart salarial était de 20 % à poste égal et passe en 3 ans à 5 % ou 8 %, on laissera un an de plus à l'entreprise pour atteindre l'obligation, les DIRECCTE pouvant apprécier les efforts réalisés.

Le produit de ces amendes sera versé au fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui finance le minimum vieillesse. Or, comme vous le savez, beaucoup de femmes le perçoivent. Nous ne pouvons pas changer le système de retraite, basé par principe sur un nombre d'années et un taux de cotisations, mais l'abondement du FSV est garanti.

Pour améliorer les retraites, en amont, nous devons aussi nous pencher sur les carrières des femmes. En effet, pourquoi leurs retraites sont-elles si faibles alors que les règles sont les mêmes pour tous ? Simplement parce que leurs carrières ne sont pas complètes et que leur progression en cours de carrière est moins rapide que celle des hommes. Par ailleurs, les femmes occupent souvent des métiers moins rémunérés.

Nous devons donc progresser dans la mixité des emplois, mais également lutter contre les stéréotypes et l'autocensure. Certes, le plafond de verre est une réalité managériale dans les organisations, mais il existe aussi un plafond de verre intériorisé, même au plus haut niveau des entreprises : « je vais avoir des enfants : je ne peux donc pas pas progresser dans ma carrière » ou « je n'aurais pas les compétences ». Dans mes précédentes fonctions, lorsque j'ai lancé le programme EVE en 2010 à destination des milliers de femmes travaillant dans une dizaine de groupes, j'ai été frappée par cette intériorisation de l'autocensure – qu'elle soit liée aux contraintes familiales ou à une sous-estimation des compétences…

Beaucoup de femmes ne se sentent pas légitimes quand elles arrivent dans le monde du travail sans avoir toutes les compétences ! Les hommes, eux, estiment qu'ils pourront les apprendre, qu'ils auront des réseaux, des collègues ou des collaborateurs pour les aider. Ils ont d'ailleurs raison ! Lorsque, au cours d'une conférence, j'expliquais que la plupart des femmes n'osent pas prendre un poste sans avoir 100 % des compétences, une femme répondait toujours : « non, 120 % ! », et lorsque je reprenais en précisant que les hommes, eux, considèrent qu'ils peuvent prendre un poste à 80 % de leurs compétences, un homme intervenait toujours pour dire : « non, 50 %, ça suffit ! ».

Quel est l'intérêt d'accepter un poste si l'on sait déjà tout faire ? D'ailleurs, vous êtes devenu député alors que la plupart d'entre vous avait un autre métier. Vous vous êtes lancés ! Le changement est avant tout culturel. Nous devons lutter contre ces représentations. Je mène en la matière une réflexion conjointe avec Marlène Schiappa et Jean-Michel Blanquer, car nous devons traiter cette difficulté dès l'enfance et l'école.

Vous avez raison, la parité dans les organisations syndicales a progressé depuis l'instauration de la parité sur les listes professionnelles des syndicats. Désormais, on doit y retrouver alternativement un homme et une femme. On ne peut pas être plus impératif car la liberté syndicale est reconnue par la convention de l'Organisation internationale du travail. Par ailleurs, les organisations syndicales et patronales françaises sont extrêmement mobilisées sur ce sujet.

Au sein de ces organisations, les militants de l'égalité femmes-hommes disposeront désormais d'outils grâce au projet de loi. Mais en matière syndicale, il s'agit surtout d'assurer la relève : les organisations syndicales ont du mal à attirer les jeunes générations, et notamment les femmes.

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