Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 29 mai 2018 à 9h45
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Muriel Pénicaud, ministre du Travail :

Monsieur Balanant, vous avez raison, tout fait système. C'est d'ailleurs l'intérêt de la Délégation aux droits des femmes, vous pouvez apporter une brique sur chaque projet de loi. Un amendement au présent projet de loi concernera le top management des entreprises. Nous ne pouvons pas légiférer sur les comités exécutifs car ils n'ont pas d'existence juridique et ont des formats variables, contrairement aux conseils d'administration, objets juridiquement identifiés. Cet amendement prévoit que l'instance de gouvernance – le conseil d'administration – des entreprises de plus de mille salariés dispose annuellement d'un rapport sur la répartition hommes-femmes des cent plus hauts responsables de l'entreprise. Si une entreprise emploie 42 % de femmes, mais que l'on n'en retrouve que 17 % chez les cadres et 12 % dans les cent premiers responsables, les différents acteurs pourront se saisir de ces statistiques. Actuellement, même quand cette différence est perceptible au sein de l'entreprise, les informations ne sont pas communiquées.

Madame Lazaar, en l'état actuel du droit, un entretien obligatoire est prévu à la reprise d'activité, notamment après un congé parental. Il serait souhaitable d'évoluer vers un entretien préalable à la reprise. Cela ne figure pas dans le projet de loi, mais je ne serais pas défavorable à un amendement qui préciserait que l'entretien se déroule quelques mois avant la reprise.

Par ailleurs, nous souhaitons faciliter cette reprise d'activité. Avant de s'arrêter, les femmes qui ont déjà travaillé disposent d'un compte personnel de formation. Elles ont donc théoriquement des droits en heures de formation. Mais il faut qu'un organisme paritaire collecteur agréé accepte ces demandes individuelles alors qu'ils travaillent plutôt sur la base d'accords avec les entreprises.

Demain, le compte personnel de formation sera alimenté en euros : ainsi, un salarié qui a travaillé disposera de 5 000 ou de 8 000 euros et pourra se former à la fin de son congé parental s'il le souhaite. Cela permettra une reprise d'activité non pas moins-disante, mais éventuellement mieux-disante. En effet, la situation est souvent complexe après un congé parental de trois ans. Le métier a changé et c'est un véritable handicap pour certains : ils reviennent sur un poste qu'ils ne maîtrisent plus et l'atterrissage est parfois difficile. Le congé parental est une bonne chose, mais il faut des correctifs pour qu'il ne constitue pas un éloignement trop définitif du marché du travail.

En ce qui concerne le handicap, nous annoncerons la semaine prochaine les mesures que nous retenons de la concertation que je mène avec Sophie Cluzel et les organisations patronales et syndicales en faveur d'un meilleur accès à l'emploi des travailleurs handicapés. Le taux de chômage des handicapés est deux fois plus élevé que celui du reste de la population, leur taux de qualification est moindre et, comme vous le disiez, pour une femme handicapée, c'est la triple peine. Il n'y a pour le moment qu'une seule accroche dans le projet de loi sur ce sujet car la concertation n'est pas encore terminée. Nous déposerons donc des amendements pour la séance publique. Plusieurs leviers existent pour progresser. Il faut saisir l'occasion car on a créé 268 000 emplois nets l'année dernière et cela va continuer. Les entreprises cherchent des compétences. Je les invite donc à élargir leurs critères de recrutement aux femmes seniors et aux personnes handicapées – auxquelles les entreprises ne prêtent pas attention actuellement. Les entreprises ne peuvent se contenter de ne recruter que des hommes blancs des beaux quartiers, âgés de 25 à 38 ans. Il y aura dans le projet de loi des mesures en la matière.

Vous avez profondément raison s'agissant des clichés. Aujourd'hui, le niveau d'études et de réussite aux diplômes est plus élevé chez les filles que chez les garçons – mais cela ne change rien aux stéréotypes. Les jeunes filles choisissent les mêmes métiers qu'avant, dans un spectre beaucoup plus restreint que les garçons – métiers qui ne sont pas les plus valorisés ni les mieux rémunérés. Les stéréotypes existent aussi pour les jeunes hommes qui seraient dévalorisés socialement s'ils allaient vers des métiers comme celui d'aide-soignant ou d'infirmier.

Je trouve votre idée de binôme très intéressante car elle concerne des thématiques et pas seulement des métiers. Avec le projet de loi, nous allons renforcer les compétences des régions en matière d'orientation. Tous les lycées et les collèges organiseront avec les régions et les professionnels différents types d'actions : des témoignages d'entreprises ou d'apprentis, des visites d'entreprise, des ateliers, du speed dating… Place à l'imagination ! Certains collèges et lycées le font déjà mais cela reste au bon vouloir du principal ou du proviseur. Or, tous les jeunes ont besoin de ce type d'actions. Beaucoup d'associations, telles que 100 000 Entrepreneurs ou Entreprendre Pour Apprendre sont prêtes à participer. Le dispositif commencera par être appliqué en seconde puis sera progressivement étendu de la quatrième à la première. Cinquante-quatre heures par an seront réservées à cet effet, soit deux semaines à temps plein. Cela permettra aux jeunes d'aller à la découverte des métiers et sera l'occasion de lutter contre les stéréotypes de genre et les stéréotypes liés aux métiers – les uns et les autres se renforçant souvent mutuellement.

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