Cet article est en effet le point d'orgue de la politique gouvernementale dans le domaine du logement social, et il est en lien direct avec les dispositions de la loi de finances sur l'aide personnalisée au logement : après avoir diminué les recettes des bailleurs, on leur permet de se refinancer en vendant leur patrimoine.
En matière de logement, monsieur le ministre, vous faites un pari ambitieux, historique, celui de vendre 40 000 logements sociaux par an. Les chiffres sont têtus, et nous verrons dans un à cinq ans si vous avez gagné ce pari.
J'entrevois deux solutions. Soit les logements se vendent dans de bonnes conditions, soit vous devrez créer une structure afin de les acheter et de permettre aux bailleurs de toucher des recettes. Il faudra néanmoins examiner dans quelles conditions cette structure, devenue propriétaire de 40 000 nouveaux logements par an dans divers territoires, entretiendra son patrimoine, et si elle sera capable d'assurer la proximité, de répondre aux demandes et de rénover, pour mieux revendre par la suite. Elle n'est en effet pas destinée à garder ce patrimoine. Quand pourra-t-elle revendre ? Et dans quelles conditions ? Ce pari ambitieux, osé, est donc plutôt risqué.
Par ailleurs, l'article 29 ne présente pas les garde-fous suffisants pour éviter qu'un bien public passe dans les mains de sociétés privées.
Dans les beaux quartiers, où les logements en PLS sont déjà présents, ces sociétés réaliseront des plus-values élevées : elles pourront revendre très cher des logements que, parce qu'ils sont occupés, elles auront achetés à un prix modéré. Dans les quartiers défavorisés, en revanche, elle achèteront des logements à bas prix et, comme elles le font déjà aujourd'hui, elles les revendront à des sociétés qui, soit réaliseront des plus-values latentes, soit se comporteront comme des marchands de sommeil. C'est en effet ainsi que cela se passe : dans nos quartiers, lorsque des logements sont vendus à des sociétés privées, celles-ci revendent soit très vite à la découpe, soit à des marchands de sommeil.
Ainsi, soit vous réussissez votre pari, ce que nous ne croyons pas ; soit vous le perdez, et la construction de logements et de logements sociaux en France s'effondrera. Dans certains quartiers, la ghettoïsation s'aggravera, puisque des marchands de sommeil pourront acheter les logements sociaux ainsi mis en vente.
Ce pari-là, monsieur le ministre, est historique, mais il est extrêmement dangereux : si vous le gagnez, nous serons les premiers à saluer cette réussite, mais nous craignons que celle-ci ne soit pas au rendez-vous. Monsieur le ministre, vous êtes peut-être en train de créer les nouveaux ghettos de demain et de nuire à la construction de logements, en particulier sociaux, en France.
Vous nous direz que nous avons tort. Prenons rendez-vous dans deux, trois ou quatre ans. Les chiffres étant têtus, nous saurons alors combien de logements sociaux vous aurez construit à la fin de la législature, combien auront été rénovés, quelle sera la production et à qui ces logements auront été vendus. Lorsque nous ferons le bilan, vous verrez peut-être que notre crainte était justifiée.
Si votre pari est gagné, je le répète, nous serons les premiers à le reconnaître et à vous féliciter, mais s'il est perdu, j'espère que vous aurez l'honnêteté de reconnaître que nous vous avions prévenu !