Je suis heureuse d'être parmi vous pour vous parler de 12 millions d'individus : les personnes en situation de handicap et leurs proches. Le président de la République a fait de l'action en faveur de cette importante population une des priorités du quinquennat. Cette action interministérielle prioritaire suppose la transversalité de toutes les politiques publiques.
Ma ligne directrice sera de partir des besoins individuels des personnes handicapées pour bâtir des solutions collectives visant à simplifier leur vie quotidienne, leur accès aux droits, leurs démarches, en en finissant avec le cloisonnement des politiques et des modes de financement qui sont causes de rupture de parcours et d'accompagnement et causes, aussi, d'une exclusion du droit commun contraire à la société inclusive que nous voulons construire.
Il est très important que le secrétariat d'État ait été placé auprès du Premier ministre ; c'était une demande ancienne des personnes en situation de handicap. Je m'appuierai sur le réseau des référents « handicap-accessibilité » des différents ministères, ce qui nous permettra de dérouler des feuilles de route croisées. Le secrétariat général du comité interministériel du handicap se réunira dès la fin du mois de septembre de manière que les ministres s'emparent de la feuille de route tracée pour le quinquennat. Il s'agira, je le redis, de faciliter et de simplifier la vie quotidienne des personnes concernées et, surtout, de rendre plus rapidement effectives les réponses qui leur sont faites.
Co-construction avec les associations et concertation avec les départements s'imposent. Les conseils départementaux, qui pilotent les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), sont le fer de lance et les responsables de l'application des politiques relatives au handicap.
Trois grands chantiers s'imposent à court terme. En premier lieu, la concertation autour du quatrième plan Autisme a été lancée le 6 juillet dernier à l'Élysée en présence de personnes autistes, de représentants de la société civile – associations, départements, régions –, de toutes les directions concernées et aussi de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, et Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Cela traduit notre volonté de définir une politique véritablement interministérielle.
S'il est nécessaire d'élaborer un quatrième plan, c'est que des retards demeurent dans la prise en charge de l'autisme. Ce plan est organisé en cinq axes : la prise en charge précoce de ce trouble neuro-développemental ; la poursuite de la scolarisation des enfants atteints d'autisme fondée sur la réussite des unités d'enseignement maternel que nous allons tenter de prolonger pour instaurer un parcours d'enseignement ; la prise en compte des besoins des adultes autistes dans leur vie sociale et professionnelle ; la prise en compte des parcours des familles et leur accès aux soins ; la recherche sur ce trouble, la formation des enseignants et la qualification des accompagnants.
Une méthode nouvelle sera employée : la concertation ascendante, remontant des territoires – en liaison avec les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), les rectorats, les agences régionales de santé et les conseils départementaux – vers un comité national de pilotage. Ces allers et retours permettront aux territoires de mettre en oeuvre ce qu'ils auront contribué à construire ; ce n'était pas le cas auparavant. Parce que le quatrième plan Autisme sera ouvert sur les troubles neuro-comportementaux dans leur ensemble, les dispositifs élaborés au terme de la réflexion serviront au plus grand nombre.
Le deuxième grand chantier est celui de la rentrée scolaire. Le ministre de l'Éducation nationale et moi-même avons créé un comité de pilotage. Il se réunit chaque semaine pour essayer de résoudre toutes les difficultés que rencontrent les enfants en situation de handicap – manque de places dans les dispositifs collectifs de scolarisation et problèmes d'accompagnants. Entre 40 et 45 % des élèves concernés ont besoin d'être accompagnés. Beaucoup d'enfants vont à l'école sans accompagnants, d'autres sont scolarisés dans des dispositifs collectifs, d'autres encore dans des unités d'enseignement médico-social au sein de l'école. Il ne faut donc pas se focaliser sur le seul accompagnement, mais le sujet préoccupe beaucoup les parents. L'Éducation nationale et les MDPH sont fortement mobilisées pour faire remonter en temps utile les informations sur les besoins au moment de la rentrée scolaire pour que l'on puisse répondre au plus grand nombre. Pôle emploi l'est également, pour pourvoir dans les délais utiles aux recrutements nécessaires, sous forme de contrats aidés.
Une fois passée la rentrée scolaire, nous ouvrirons le chantier de la professionnalisation, du statut, du cadre d'emploi et de la pérennisation des accompagnants. Nous héritons d'une situation qui, depuis vingt ans, n'est pas satisfaisante. Le temps est venu de rénover le dispositif et de trouver des solutions différentes pour éviter les ruptures d'accompagnement en cours d'année ou d'une année à l'autre, et éviter aussi que, faute d'accompagnants, les enfants ne puissent se rendre dans les centres de loisirs si tel est leur besoin.
Conformément à la promesse du président de la République, nous entendons également revaloriser l'allocation adulte handicapé (AAH). Destinée à un million de personnes qui, dans leur majorité, ne peuvent avoir d'emploi, elle doit leur procurer un minimum de ressources digne et respectueux de leurs besoins. Elle est aujourd'hui fixée à 810 euros mensuels, en dessous du seuil de pauvreté ; le président de la République a pris l'engagement de la porter à 900 euros. Nous nous y attelons.
Si ces trois chantiers sont prioritaires, bien d'autres sujets devront être traités, et pour commencer l'emploi : le taux de chômage des personnes handicapées est de 20 %, largement au-dessus de la moyenne. Nous nous efforcerons de travailler sur l'apprentissage, formidable levier pour les jeunes en situation de handicap et qu'il faudra développer ; la formation professionnelle : le plan prévu à ce sujet doit satisfaire les besoins des personnes en situation de handicap à due concurrence de leur proportion de la population d'actifs potentiels, soit 15 %. À ce jour, l'obligation d'emploi – 6 % de l'effectif – n'est respectée qu'à proportion de 3,5 % dans les entreprises privées. Le taux d'emploi est bien meilleur dans les entreprises publiques, où l'on frôle les 6 %, mais la hausse de ce taux a pour effet paradoxal l'appauvrissement des ressources destinées à ce dispositif, si bien que le système court à sa perte.
Il faudra, quoi qu'il en soit, moderniser le dispositif, qui est bien trop complexe. Le maître mot, à nouveau, est « simplifier ». Comme le prévoit la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap, il faut simplifier l'environnement des entreprises, qu'il s'agisse des déclarations ou des aides à projet. Il faudra aussi préférer l'incitation à la punition et utiliser pour cela l'emploi accompagné, dispositif nouveau destiné à faire tomber les barrières et les a priori pour permettre aux personnes en situation de handicap de trouver leur place dans les entreprises. Sept millions d'euros sont consacrés en 2017 à ce dispositif d'accès à l'emploi et de maintien dans l'emploi. Il vise d'une part à faire sortir, bien accompagnés, des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) les travailleurs qui le souhaitent ; d'autre part à ce que des jeunes gens qui ont appris à apprendre avec les autres en milieu ordinaire et qui n'ont peut-être pas la qualification que les entreprises attendent n'aient plus à passer par les ESAT pour avoir accès à l'emploi.
Nous entendons également favoriser l'accès aux soins. Je travaille avec la ministre des solidarités et de la santé à la formation des professionnels à l'accueil et au soin des personnes en situation de handicap et sur l'amélioration de l'accessibilité des cabinets et des centres de soins.
Nous souhaitons d'autre part améliorer l'information sur les logements adaptés, et développer l'habitat inclusif, reflet de ce que peut être la société inclusive. Il s'agit, en partant des besoins individuels spécifiques des personnes en situation de handicap, de construire pour elles un habitat collectif dans les centres-villes, de manière qu'elles puissent choisir leur vie au lieu de la subir.
En matière d'accès au transport, un effort de communication s'impose sur ce qui existe. Les nouvelles technologies le permettent, mais il reste beaucoup à faire pour donner la visibilité nécessaire aux cheminements adaptés.
Vous le savez, l'accessibilité aux établissements recevant le public a pris du retard, si bien que le délai de mise aux normes a été repoussé de trois, six ou neuf ans selon les cas. Nous devons enclencher une dynamique et, surtout, accompagner la mise en accessibilité. J'ajoute que l'accessibilité physique aux bâtiments n'est pas tout. Nous voulons aussi travailler à l'accessibilité universelle, qui concerne les personnes souffrant de déficiences visuelles et auditives comme celles qui sont atteintes de troubles des fonctions cognitives. Je mentionnerai la traduction de textes dans une version simplifiée grâce au langage Facile à lire et à comprendre (FALC) créé par l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei). Les traductions sont faites dans des ESAT, avec la pleine participation des intéressés, qui peuvent se réapproprier leur citoyenneté par la compréhension facilitée des textes réglementaires, et voter. Le chantier de l'accessibilité numérique est ouvert.
Le comité interministériel du tourisme qui se réunira demain traitera notamment du tourisme adapté au handicap. Il conviendra de mettre en avant les marques Tourisme et handicap, attribuée aux sites disposant d'infrastructures d'accès, et Destination pour tous, qui valorise les territoires proposant une offre globale aux personnes handicapées et de faire de ces deux marques des atouts pour la France dans la concurrence touristique internationale.
Les Jeux olympiques et paralympiques donneront certainement une impulsion à l'accessibilité à Paris et aux sites retenus pour les épreuves sportives et, surtout, une visibilité accrue au talent de nos athlètes paralympiques. Je me suis entretenue avec la présidente de France Télévisions de la couverture des manifestations de handisport. Un effort est nécessaire. Ainsi, c'est une équipe française qui a remporté la finale du tournoi « double messieurs » de tennis en fauteuil à Roland-Garros, mais, faute de caméras installées, l'événement n'a pas été couvert. Il est dommage que la performance de ces champions français ait été ainsi occultée.
Nous souhaitons créer un label « culture handicap » destiné à valoriser la pratique des personnes en situation de handicap dans les conservatoires et les théâtres pour favoriser leur inclusion sociale et culturelle, en nous appuyant sur le numérique.
La transformation de l'offre médico-sociale s'impose. Actuellement, on raisonne en nombre de places ; il faudra raisonner en termes de parcours possible et de services d'accompagnement. À ce jour, 90 des 106 MDPH ont entrepris une démarche de réponse accompagnée pour tous en mobilisant tous les acteurs pour apporter des solutions intelligentes de dispositif ou de renfort à ceux qui n'en ont pas. Un autre levier d'action se trouvera dans la réforme de la tarification engagée par l'équipe de projet Serafin-PH : on réfléchira en termes de financement de prestations et non plus d'établissements, ce qui apportera une grande souplesse. Enfin, nous attendons tous la mise en oeuvre d'un système d'information commun à toutes les MDPH, qui, en cartographiant les besoins et l'offre, apportera une visibilité actuellement inexistante.
Parallèlement à la réforme de la tarification, nous évaluerons les prestations de compensation du handicap ; de cette articulation dépendent les bonnes réponses.
En résumé, mon action aura pour fil rouge la simplification. Surtout, je m'attacherai à rétablir la confiance des personnes en situation de handicap et de leurs proches dans les politiques publiques, ce qui suppose notamment de faire appel à leur expertise. En les aidant à exprimer leurs attentes et leurs besoins, nous gagnerions beaucoup de temps dans les évaluations.
Telle sera ma feuille de route au long du quinquennat. (Applaudissements)