Lorsque nous parlons des règles de l'art, nous parlons de la technicité. Mais je laisserai la parole à MM. Herscu et Fortier pour développer ce point.
S'agissant de votre seconde question – juge et partie –, nous mettons en avant la nécessité d'avoir des garanties d'indépendance, de neutralité.
Les autocontrôles sont une obligation – règlement européen 2017-625 – pour tous les États membres. Mais le règlement va plus loin puisqu'il leur demande d'organiser, de compléter le système d'autocontrôles par un système spécifique de surveillance des autocontrôles. Et c'est là que nous voulons intervenir pour justement faire valoir une seconde approche permettant d'échapper au risque que les enjeux deviennent uniquement commerciaux et industriels.
Nous ne sommes pas, bien évidemment, opposés aux groupes industriels privés, puisque les LDA doivent elles-mêmes remplir des missions privées, en plus de leurs missions de service public, pour survivre à la concurrence. Nous disons simplement qu'il s'agit là d'un cas de santé publique, de sécurité publique et de salubrité publique, et que nous ne pouvons donc pas agir uniquement avec des logiques purement économique, industrielle et commerciale.
De sorte que les LDA, qui investissent considérablement, doivent être accrédités pour pouvoir agir ; nos experts doivent être qualifiés pour effectuer toutes les analyses et les contrôles. Pour ce faire, il est essentiel d'avoir un regard neutre et transparent qui corresponde à un maillage territorial de proximité et aux critères qui leur sont imposés.
D'ailleurs, nous constatons que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne dispose pas des moyens humains suffisants et se désengage sur les laboratoires départementaux. Si bien que ces derniers assurent les surveillances des autocontrôles.
Se pose alors la question du financement de ces autocontrôles. Mais avant de débattre de cette question, ce que souhaite l'ADF, c'est bien évidemment que les LDA soient systématiquement saisis et deviennent l'outil de référence en matière de surveillance des autocontrôles ; cet outil devant prendre la forme d'un service d'intérêt économique général (SIEG). Nous demandons que la création de ce SIEG soit inscrite dans la loi, afin que les analyses officielles soient confiées aux LDA accrédités. Il s'agit là du contrôle des autocontrôles.
N'attendons pas d'autres lacunes. N'attendons pas que deux grands industriels s'emparent du marché et s'arrangent entre eux, lorsque certaines analyses seront douteuses. Nous ne pouvons ouvrir ces analyses à la concurrence, les enjeux étant bien plus importants que les seuls enjeux économiques purs.
Nous l'avons vu avec l'affaire Lactalis, et plus récemment avec la problématique liée aux oeufs et au reblochon. Si demain nous faisons l'objet d'une attaque terroriste et que l'eau est contaminée, alors que le marché est ouvert à la concurrence, comment pourrons-nous contrôler les analyses réalisées par des laboratoires privés ? Cette mission de contrôle doit être une mission de service public et donc confiée aux laboratoires départementaux.
Mais pour assumer cette mission, il leur faut un financement. Ce débat devra être ouvert une fois que les autocontrôles seront reconnus comme services d'intérêt économique général. Les LDA doivent se saisir – et, je le répète, c'est une demande très claire de l'ADF – de la surveillance des contrôles et des autocontrôles.
Une fois cette reconnaissance acquise, il appartiendra à l'État de gouverner de façon coordonnée une politique qui, pour l'heure, ne l'est pas et nous pose un grave problème. C'est de la santé de tous les citoyens dont il est question ici.
Avec quels financements, quels fonds ? S'il ne doit pas être exclusivement financé par l'État, ce dernier devra participer, les LDA fournissant, je le rappelle, un service d'intérêt général et un service public pour un État qui se désengage. Un financement qui devra être complété par des producteurs, qui répercuteraient le coût marginal au consommateur. Ou alors, pourquoi pas un fonds alimenté par des amendes – sur le principe des amendes de police qui servent à la sécurité routière.
En résumé, nous avons besoin d'un outil technique, neutre, transparent, qui réponde au maillage de notre territoire. La France dispose de 70 laboratoires départementaux qui emploient 4 000 personnes qui travaillent pour notre sécurité et notre santé au quotidien – les Français ne le savent pas suffisamment –, dans un contexte terroriste ; nous ne sommes en effet pas à l'abri de nouvelles attaques. Nous le savons, certains attentats, notamment par contamination, ont été déjoués récemment. Que se passera-t-il demain si l'eau est contaminée, sachant que le marché est ouvert à la concurrence depuis 2006 ? Qui assurera la surveillance des autocontrôles ? Qui tirera la sonnette d'alarme, monsieur le président ?