Les « règles de l'art » sont une question compliquée, car si l'on souhaite les appliquer stricto sensu, elles sont en réalité assez contraires à l'intérêt de l'industrie, ce que nous pouvons comprendre. D'abord, cela prend du temps, c'est coûteux et les LDA ont également une mission d'accompagnement ; c'est un raisonnement industriel, mais ils ne sont pas là pour faire fermer des usines.
De sorte que, s'agissant de l'appréciation du risque, nous pouvons appliquer la loi des « 20-80 » : un maximum de points de contrôle vont être réalisés en partant du principe qu'il restera 0,01 % de risque. Mais ce très faible pourcentage va coûter à l'entreprise dix, quinze ou vingt fois le coût de l'analyse standard. C'est dans cette marge-là que la règle de l'art est très compliquée à appliquer. Ce que peut faire un laboratoire assez facilement – c'est ce que nous essayons de pratiquer, mais cela nous a fait perdre des clients –, c'est de se rapprocher le plus possible des règles de l'art, et d'aller vite dans les réponses.
Nous souhaitons moderniser les process de nos laboratoires pour que les prix puissent être compatibles avec les souhaits des industriels, et en même temps, dialoguer régulièrement avec eux de façon à pouvoir gommer le 0,01 % lorsqu'il se produit.
La pratique courante nous permet d'obtenir des résultats écrits que nous transmettons à la direction départementale des services vétérinaires (DDSV). Le papier ne refuse pas l'encre, il est possible de sortir des tonnes de résultats.
Le problème est que la cervelle, l'intelligence technique de l'ensemble du process intervient au milieu : combien de prélèvements faut-il faire ? À quels endroits ? Et quelles techniques faut-il utiliser pour aller chercher la salmonelle ou la listéria ? Telle est ma première partie de réponse.
La seconde est qu'aucun laboratoire agréé ne peut passer à côté d'une salmonelle ou d'une listéria. Trop de jeunes femmes ont avorté voilà quelques années à cause de la listéria – ce sont les rillettes qui étaient incriminées au départ. Souvenez-vous d'ailleurs que l'usine a fermé, alors que ces rillettes avaient été contaminées lors du stockage.
À la suite de l'ensemble de ces crises, humaines mais aussi médiatiques, les techniques ont tellement évolué qu'il n'est plus possible aujourd'hui de passer à côté. Mais le sujet est complexe, car nous allons trouver de la listéria à peu près à chaque analyse de produits laitiers et de dérivés de produits laitiers. Je ne vous citerai pas les grandes marques de fromage pour lesquelles nous travaillons, mais nous faisons un point process toutes les semaines avec leurs représentants ; et si l'on en trouve un peu plus que la semaine précédente, nous cherchons ce qui s'est passé. En général, l'industriel détruit ses lots ou procède à de nouveaux contrôles. Nous étudions ainsi les points de contamination et faisons évoluer le process. Mais cela coûte de l'argent au client.
Nous avons la chance d'avoir conservé quelques gros clients assez connus dans le Cotentin, premier bassin laitier européen, qui nous font confiance. Ils savent que nous sommes indépendants et que nous sommes, de fait, un peu plus chers –, et que nous proposons des services qu'une grande partie de notre concurrence ne peut proposer ; il s'agit donc bien d'un choix qui est assumé comme tel. Ce n'est peut-être pas le modèle idéal, mais il peut fonctionner.
L'industriel dispose d'un plan de maîtrise sanitaire qu'il est obligé de présenter avec des résultats. Le laboratoire, au milieu du process, peut appliquer des méthodes normées, « afnorisées », européennes, reconnues, accréditées, mais il peut aussi lui demander son accord pour développer des méthodes dites dérivées, ou validées – moins chères et plus rapides –, avec des process qui sont tracés, bien entendu, mais qui ne sont pas tout à fait du même niveau de performance que les méthodes officielles. Et c'est là que nous intervenons sur l'analyse du risque.