Je pourrais à mon tour citer Henri Lacordaire, avec « la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Parce qu'il s'agissait d'un homme très proche des idées libérales, d'aucuns pourraient même le qualifier de progressiste. Mais il avait pourtant bien compris qu'il fallait protéger les acquis sociaux, à l'époque de la Révolution française. Or, aujourd'hui, le camp des libéraux souhaite précisément faire l'inverse : donner plus de liberté en affaiblissant le code du travail. C'est une faute et une incompréhension du monde du travail.
En examinant ce projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, le Parlement a débattu longuement du cadre dans lequel ces ordonnances viendraient modifier le code du travail. Je regrette que nous n'ayons pas consacré une seule minute au contenu même de ces ordonnances.
En matière de méthode, le groupe socialiste conteste le recours même aux ordonnances qui, je le rappelle, sont un chèque en blanc donné au Gouvernement pour réformer le code du travail. Nous passons du rôle d'acteurs à celui d'observateurs. Dans une démocratie, cela pose de sérieuses questions quant au rôle de nos institutions et à la place accordée au pouvoir législatif. S'il est vrai que les ordonnances ont permis de grands progrès sociaux par le passé, il faut rappeler qu'en l'espèce elles ne se justifient nullement par l'urgence ni par la technicité du dossier. Aussi, je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles ce projet de loi a été examiné, ni sur le supposé dialogue social, qui semble briller par son absence.
Mais laissez-moi parler du fond, si vous le permettez, car il est important que nos concitoyens connaissent les désaccords profonds qui nous distinguent. Vous souhaitez la généralisation du CDI de chantier ; nous y sommes opposés car cela conduirait à la précarisation des travailleurs. En effet, ce contrat de travail est encore moins avantageux que le CDD puisque son terme n'est pas connu et qu'il ne donnerait pas lieu au versement d'indemnités de précarité. Vous êtes favorables au référendum d'entreprise à l'initiative de l'employeur ; nous souhaitons à l'inverse renforcer le dialogue social et éviter le contournement des organisations syndicales, que vous pratiquez sans en assumer les conséquences politiques. Vous êtes favorables au barème des indemnités prud'homales ; nous y sommes opposés. Vous fixez le périmètre de référence pour les licenciements économiques au niveau national ; nous pensons que c'est une discrimination entre d'un côté les TPE et les PME, et de l'autre les grands groupes mondiaux qui ont la possibilité d'organiser les ajustements comptables leur permettant de recourir à ces licenciements. En le faisant passer d'un système de prévention à un système de réparation, vous remettez en question le compte de la prévention de la pénibilité, alors qu'il s'agit d'une des plus grandes avancées sociales des dix dernières années.