Monsieur le président, monsieur le ministre de l'éducation nationale, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce matin a donné lieu à des échanges animés en commission la semaine dernière, et a suscité un certain écho dans la presse et au sein de la communauté éducative.
C'est probablement parce qu'elle concerne de façon concrète tous les parents qui ont des enfants scolarisés, mais aussi, plus largement, parce qu'elle pousse chacun d'entre nous à s'interroger sur l'usage des téléphones portables dans notre vie quotidienne, sur leur omniprésence dans nos sphères professionnelle et personnelle. Les études le montrent : nous consultons nos smartphones, en moyenne, plusieurs dizaines de fois par jour, pour lire nos e-mails, nos messages, vérifier nos rendez-vous, prendre des photos. Si la question de l'utilisation des téléphones portables se pose pour nous, adultes, elle présente une acuité encore plus grande pour nos enfants, qui disposent de plus en plus jeunes de ces appareils et doivent apprendre à en maîtriser l'usage.
La présente proposition de loi vise à encadrer l'utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges, en posant le principe de son interdiction et en rappelant l'impérieuse nécessité de l'éducation. Ce texte concrétise un engagement pris par le Président de la République au cours de la campagne électorale, afin de mettre un terme aux perturbations qu'occasionnent les portables dans les écoles et d'améliorer le climat scolaire. Cette réforme a vocation à s'appliquer dès la rentrée scolaire prochaine, sous réserve, bien entendu, du déroulement des débats à l'Assemblée puis au Sénat.
Nous le savons, l'usage des téléphones portables chez les jeunes s'est généralisé : près de 90 % des douze à dix-sept ans possèdent un smartphone, soit quatre fois plus qu'il y a six ans. Les mobiles commencent à se diffuser parmi les élèves dès le primaire. La présence et l'utilisation de ces outils multifonctions dans les établissements scolaires ne sont pas sans conséquences.
Elles affectent notamment les capacités d'attention, de concentration et de mémorisation des élèves en classe. Les cours dispensés par les enseignants se trouvent en permanence concurrencés par d'autres sources d'informations et d'activités, et les élèves se dispersent. De plus, la possession de smartphones peut être à l'origine de querelles, et donner lieu à des rackets et des vols. Ils offrent un accès à des contenus violents ou pornographiques et peuvent être utilisés pour filmer ou prendre des photos des élèves, voire des enseignants, à leur insu ; en cela, ils facilitent les pratiques de cyberharcèlement, dont on connaît les effets dévastateurs pour les enfants.
Plus largement, le climat scolaire s'en trouve affecté, comme nous l'ont rapporté plusieurs personnes auditionnées dans le cadre de nos travaux, notamment des parents d'élèves, des enseignants et des chefs d'établissement. Pendant les récréations, ou entre midi et deux heures, les élèves s'enferment dans leur bulle et pianotent sur leur portable ou se rassemblent autour de téléphones pour regarder des vidéos : les relations entre les élèves sont appauvries et ils sont plus sédentaires. Plusieurs personnes entendues ont d'ailleurs souligné que, dans les établissements qui avaient décidé d'interdire l'usage du portable pendant les récréations, les ballons et les jeux étaient revenus dans les cours d'école.
Enfin, on le sait, l'usage des portables chez les enfants soulève des questions de santé publique. Certes, les effets de l'exposition aux radiofréquences sur la santé des enfants ne sont pas prouvés scientifiquement mais leur absence ne l'est pas non plus. Par ailleurs, plusieurs études établissent des liens entre un usage intensif des téléphones portables, et plus largement des écrans, avec des problèmes relationnels et émotionnels, des troubles du sommeil et de l'attention, des phénomènes de dépendance et d'addiction.
C'est à la lumière de tous ces constats que la présente proposition de loi pose le principe de l'interdiction du téléphone portable à l'école et au collège, en ménageant la possibilité d'exceptions, qui doivent être expressément définies par le règlement intérieur de chaque établissement. Depuis 2010 et la loi portant engagement national pour l'environnement, dite « Grenelle II », le code de l'éducation prévoit déjà qu'à l'école et au collège, l'usage du téléphone portable est interdit pendant les activités d'enseignement et dans les lieux prévus par le règlement intérieur.