Cependant, le juge administratif n'admettant pas de manière certaine la légalité d'une interdiction générale prise par le pouvoir réglementaire et seuls les chefs d'établissements pouvant inscrire à l'ordre du jour des conseils d'administration une telle mesure sans que cela soit considéré comme impératif, l'effectivité de l'interdiction n'est pas assurée ; malheureusement, nous pouvons tous constater ce fait.
C'est donc bien la volonté de garantir l'interdiction effective de l'utilisation du téléphone portable dans toutes les écoles et tous les collèges qui justifie la présente proposition de loi. Elle permettra également de préciser un certain nombre de règles, que Mme la rapporteure, Cathy Racon-Bouzon, vient de rappeler.
Je tiens d'ailleurs à saluer le travail que celle-ci a réalisé en commission, qui a permis de préciser et de compléter l'article 1er.
La nouvelle rédaction de cet article apporte des précisions utiles concernant les lieux où cette interdiction sera effective, notamment les lieux extérieurs à l'établissement où se déroulent des activités d'enseignement, comme les gymnases lors des cours d'éducation physique et sportive.
Elle prévoit également des exceptions évidentes pour les élèves en situation de handicap ou souffrant d'un trouble de santé invalidant.
La nouvelle rédaction de l'article 1er étend par ailleurs l'interdiction de l'utilisation du téléphone portable aux « équipements terminaux de communications électroniques », c'est-à-dire les tablettes, les montres connectées et les inventions technologiques qui ne manqueront pas d'advenir, dont nous devons anticiper l'arrivée.
En outre, elle prévoit la possibilité pour les professeurs d'autoriser, à leur demande uniquement, l'utilisation de téléphones portables à des fins pédagogiques. J'observe au passage que cet usage pédagogique a connu une forme de regain, du moins dans les intentions, depuis que cette proposition de loi est envisagée – ce sera peut-être l'une de ses vertus… Les usages pédagogiques des outils numériques, lorsqu'ils sont encadrés par un professeur, sont évidemment légitimes. Conduits avec discernement, ils contribuent à l'accompagnement de chaque enfant vers une utilisation responsable, critique et respectueuse d'autrui des outils numériques.
Je souhaite enfin saluer la souplesse que permet ce texte pour la mise en oeuvre pratique de l'interdiction de l'utilisation des téléphones portables ; en qualité de ministre de l'éducation nationale, j'y suis très sensible. La rédaction actuelle de l'article 1er donne en effet la possibilité au règlement intérieur de chaque établissement de préciser les modalités de cette interdiction. Contrairement à ce que j'ai pu entendre, il n'est pas question d'imposer ces modalités, par exemple l'installation de casiers dans tous les établissements ; nombre de conseils départementaux se disent intéressés par cette option, qui pourrait présenter d'autres avantages, comme un rangement plus aisé des manuels, mais ce ne sera qu'une possibilité. Chaque établissement, en fonction de la configuration de ses locaux et de son organisation propre, pourra définir les modalités d'application de cette interdiction, en tenant le plus grand compte de ses spécificités.
L'institution scolaire – le ministère de l'éducation nationale – jouera évidemment un rôle de conseil auprès de l'ensemble des collèges de France pour les aider à prendre les mesures les plus appropriées. Le ministère publiera prochainement un vade-mecum, élaboré par les services de la DGESCO – la direction générale de l'enseignement scolaire – avec l'appui d'un groupe de travail réunissant notamment des professeurs et des chefs d'établissement, afin d'accompagner les établissements dans la mise en oeuvre concrète de cette interdiction. Ce document, qui tiendra compte de vos travaux, présentera les bonnes pratiques.
L'interdiction de l'usage du portable dans les écoles et les établissements vise à sensibiliser les élèves et les familles aux usages raisonnés des écrans. Dans le même temps, nous renforçons l'usage des outils numériques dans nos pratiques pédagogiques et nous transmettons aux élèves un socle de compétences numériques. Apprendre à utiliser les outils numériques avec discernement – c'est-à-dire encourager les bons usages et empêcher les mauvais – est bien, pour l'école, la manière la plus volontariste de relever les défis de la révolution numérique en cours.
Le présent texte est donc, vous le voyez, une proposition de loi du XXIe siècle, pour entrer dans la révolution numérique. Ce ne sera sans doute pas le seul car nous aurons beaucoup à faire dans ce domaine. C'est un signal important envoyé à la société française mais aussi au-delà de nos frontières car ce texte a suscité beaucoup d'intérêt dans d'autres pays. Il libère la parole sur ce sujet. Il ne faut pas craindre de prendre des initiatives dans ce domaine. Ce n'est pas une « technophilie » aveugle qui nous libérera, mais un goût discerné pour les technologies.
Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement, que je représente ce matin, accueille très favorablement la présente proposition de loi, que je vous invite à adopter à une très large majorité.