Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du jeudi 7 juin 2018 à 9h30
Encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Monsieur le ministre, l'éminent juriste que vous êtes sait que tout cela n'est, hélas, qu'un simulacre. Je suis étonné que vous acceptiez de vous y prêter. Peut-on imaginer un seul instant que la version initiale d'un texte d'une telle importance ait été improvisée ? Le résultat est une modification totale de l'article 1er et l'ajout de deux nouveaux articles : joli travail !

Madame la rapporteure, vous avez tenu à préciser que l'équilibre du texte ne changeait pas. Voilà qui nous rassure ! C'était une manière habile de dire que rien ne change – on se demande alors pourquoi il fallait changer quoi que ce soit.

Prenant enfin conscience du fait que l'interdiction du portable à l'école existait de fait dans la loi, vous avez commencé par modifier l'intitulé de votre proposition de loi, désormais « relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les écoles et les collèges ». Au moins avez-vous été lucide sur ce point.

Par l'article 1er, l'interdiction concernera l'utilisation par un élève « d'un téléphone mobile ou de tout autre équipement terminal de communications électroniques » : l'objectif est d'inclure les équipements connectés comme les tablettes, les ordinateurs ou les montres connectées, afin d'éviter un effet de substitution des appareils que les élèves apporteraient à l'école.

Afin de ne pas pénaliser des élèves dont l'état de santé requiert l'usage d'équipements connectés, par exemple des appareils permettant aux enfants diabétiques de gérer leur taux de glycémie, une dérogation a été prévue pour « les élèves présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant ». Rien à dire là-dessus, mais, là encore, tout cela relève du bon sens et ne nécessitait pas une codification dans la loi. Il s'agit là typiquement d'une loi bavarde, exactement à l'inverse de ce qu'il faudrait faire.

L'article 3 concerne la formation à l'utilisation des outils et des ressources numériques. Durant leur scolarité, les jeunes bénéficient actuellement d'« une sensibilisation aux droits et aux devoirs liés à l'usage de l'internet et des réseaux, dont la protection de la vie privée et le respect de la propriété intellectuelle » – voilà comment est rédigée la législation en vigueur. Un amendement en commission prévoit que cette « sensibilisation » se transforme en « éducation » – vous noterez la différence. Et sans doute le diable se niche-t-il chez vous dans les détails : ce qui est désormais « éducation » devra se préoccuper « de la liberté d'opinion et de la dignité de la personne humaine » et contribuer « au développement de l'esprit critique et à l'apprentissage de la citoyenneté numérique »

Nous voilà à nouveau soumis à une loi bavarde : quel est le rapport entre l'objet premier du texte et ce développement portant sur l'éducation civique axée sur internet ? Il n'y a pas de lien entre l'un et l'autre. S'il est toujours prévu d'examiner à l'automne un projet de loi sur le numérique à l'école – puisque vous l'avez annoncé, monsieur le ministre, je suppose que ce sera le cas – , pourquoi de telles dispositions dans cette proposition de loi ? Tout cela mériterait d'être traité de manière simple et cohérente lorsque nous débattrons de la place du numérique à l'école.

Plusieurs questions nous viennent donc à l'esprit.

Monsieur le ministre, vous avez confirmé que l'interdiction du portable à l'école serait mise en oeuvre à partir de la rentrée prochaine. Pouvez-vous nous indiquer le dispositif prévu pour sa mise en place, ou du moins ce que vous projetez, car il nous faut d'abord attendre le résultat de l'examen de la proposition de loi ? Dans ce texte, en effet, n'apparaît aucun encadrement ni aucune sanction en cas de non-exécution. Allez-vous donner aux enseignants et au personnel d'encadrement les moyens de son application concrète ? Quid d'un élève découvert en train de se servir en classe de son portable, de sa tablette ou de sa montre connectée ?

À un moment, vous aviez publiquement envisagé l'installation de casiers fermés à l'extérieur des classes pour que les élèves puissent déposer le matin leur téléphone ou tout autre objet connecté – vous en avez du reste reparlé voilà quelques instants. Philippe Vincent, secrétaire général adjoint du SNPDEN – le Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale – s'est demandé si un collège avait vocation à se transformer en « consigne géante » et a procédé au calcul suivant : « 5 300 collèges publics, 500 élèves en moyenne, ça fait environ 3 millions de casiers ». Un tel investissement financier serait, bien entendu, à la charge des conseils départementaux, chargés de l'entretien des collèges. Or chacun connaît la situation financière déjà préoccupante de ces collectivités, que le Gouvernement ne cesse d'étrangler.

Malgré les textes existants, 30 à 40 % des sanctions scolaires sont liées à l'usage du portable pendant les cours.

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