Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le Président de la République avait annoncé, lors de sa campagne, qu'il souhaitait interdire l'usage du téléphone portable à l'école maternelle et primaire et au collège.
Revenons sur les principales raisons d'une telle proposition. Le téléphone portable est aujourd'hui dans toutes les mains, et nous sommes les premiers acteurs de cette situation. C'est un objet du quotidien. Une récente étude de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes a ainsi révélé que 93 % des 12-17 ans possèdent un téléphone mobile et que 63 % des 11-14 ans sont inscrits sur un réseau social. Si c'est un outil indispensable pour le travail des adultes, il est pour les plus jeunes un moyen de socialisation et de sécurité, puisqu'il les lie à leurs parents sur le chemin de l'école.
Toutefois, donner un smartphone à un enfant, c'est aussi lui mettre à portée de doigts des plateformes et un monde numérique dont il n'a pas forcément les clés. Les enfants sont donc confrontés très rapidement aux travers des téléphones portables et peuvent être exposés à des violences en ligne, du fait de contenus non appropriés ou du cyberharcèlement. Les risques d'addiction sont également une menace très forte. Il est désormais de notoriété publique que l'utilisation intensive du téléphone portable provoque des comportements peu compatibles avec la vie d'écolier – perte de concentration ou manque de sommeil, par exemple. Le téléphone portable est, pour les enfants, une fenêtre directement ouverte sur la violence du monde contemporain.
L'école doit être le lieu de l'apprentissage et de l'épanouissement personnel, et la concentration y est indispensable à l'activité, à la compréhension et à la mémorisation. Notre devoir primordial est de protéger les enfants des dangers d'un usage non maîtrisé des outils numériques ; mais l'école est aussi le lieu d'une expérience collective. Comment ne pas reconnaître que les écrans de nos smartphones deviennent trop souvent une barrière à la communication avec notre voisinage immédiat ? Il s'agit donc à la fois de protéger les plus jeunes générations d'un usage non maîtrisé de cet outil et de libérer les interactions humaines dans le cadre scolaire.
Faut-il alors interdire l'usage du portable à l'école, comme le fait la loi de 2010 ? Si en mai 1968 il était interdit d'interdire, cinquante ans après, en 2018, il est interdit de ne pas accompagner, de ne pas aider à s'émanciper. On ne peut pas se contenter d'une simple interdiction : il serait vain, voire contre-productif de diaboliser cet objet sans offrir un accompagnement qui pousse les élèves à en considérer les avantages comme les inconvénients.
La proposition de loi n'interdit pas un objet – cet aspect est hérité de 2010 – , mais en encadre l'utilisation. Elle encourage, d'une part, dans son article 2, à l'usage responsable des objets de communication et reconnaît, d'autre part, l'usage pédagogique qui peut en être fait. En effet, les enseignants avouent eux-mêmes utiliser les téléphones portables : n'ayant pas tous des tablettes mises à disposition par les conseillers départementaux, ils recourent à cet outil pour aller chercher ou vérifier l'information.
Le portable est ainsi devenu une aide à l'apprentissage qui sert les compétences transversales tant requises par notre monde contemporain. Comme on l'a déjà souligné, il permet d'exercer notre esprit critique, d'approfondir notre capacité à chercher et à vérifier l'information, mais aussi de communiquer avec notre entourage – proche ou situé à l'autre bout du monde. Le numérique est aussi un secteur d'avenir, avec de nombreux emplois à la clé ; bien comprendre les outils numériques et savoir s'en servir est indispensable. C'est pourquoi la proposition de loi interdit l'usage personnel du portable, mais non son usage pédagogique dans les classes, de manière encadrée. Cet encadrement doit permettre l'émancipation des jeunes générations. Elles nous regardent ; allons donc dans cette direction.