Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, madame la rapporteure, mes chers collègues, l'exposé des motifs de la proposition de loi organique qui nous est soumise est succinct. Je me permets donc de le citer quasi intégralement : « L'actualité électorale récente a démontré l'existence de campagnes massives de diffusion de fausses informations destinées à modifier le cours normal du processus électoral par l'intermédiaire des services de communication en ligne. »
« Par son importance dans la vie démocratique de la Nation et la place particulière qu'occupe le Président de la République dans nos institutions, la campagne en vue de l'élection présidentielle est particulièrement menacée par la diffusion massive de fausses informations. Il convient donc de rendre applicable à la campagne présidentielle le dispositif de droit commun mis en place par la loi ordinaire relative à la lutte contre les fausses informations. »
C'est donc afin de protéger la démocratie, nous dit-on, en particulier son point culminant que constituerait l'élection à la présidence de la République, qu'il faudrait ponctuellement se prémunir contre les fausses informations. L'enjeu est démocratique : les fausses informations menacent la démocratie ; a contrario, seules les vraies seraient démocratiques.
La proposition de loi nous oblige à interroger le rapport de l'information à la démocratie, mais aussi – dès lors qu'il est question de fausses informations – du rapport de la vérité à la démocratie. Je vous rassure, chers collègues, je ne me lancerai pas dans une longue dissertation de philosophie – même si un peu de philosophie ne nuit jamais, bien au contraire, à la réflexion politique.
Toutefois, il me semble important, dans le cadre de l'examen d'une proposition de loi qui s'apparente à une réaction à des événements récents, de rappeler les enjeux qui sous-tendent le débat, ce qui permettra de justifier la pertinence d'un renvoi du texte en commission, pour le moins.
S'agissant des notions d'informations – vraies ou fausses – et de démocratie, nous avons constaté, au cours des derniers mois, une inflation de l'usage de l'expression fake news, lancée de façon tonitruante chaque fois qu'un contenu informatif n'allait pas dans le sens du poil des gouvernants, au premier rang desquels Donald Trump, et, en France, du Gouvernement et de la majorité. Ainsi, la façon dont notre collègue Attal a si honnêtement cité un extrait du très long texte publié par M. Mélenchon sur son blog amène à s'interroger sur la nature de l'information qu'il souhaitait transmettre à l'Assemblée nationale.
Je prendrai quelques exemples qui, eux, ne sont pas isolés de leur contexte, car il s'agit de tweets. Ces messages en 140 ou 280 caractères résument, sur tel ou tel sujet, la position de leur auteur. Ainsi, la notion de fake news a constitué l'une des accusations favorites des membres du groupe La République en marche et du Gouvernement contre les acteurs des mouvements sociaux et de la société civile – pourtant célébrée jadis – critiquant un tant soit peu la politique menée.
Par exemple, le 16 juillet 2017, tandis que les associations de militants travaillant aux côtés des femmes victimes de violences sexuelles et sexistes s'alarmaient d'une baisse probable du budget alloué à leurs subventions, Mme Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, tweetait : « Peut-être serait-il intéressant, de temps en temps, de se renseigner à la source avant de relayer des #fakenews ? ».
Il y a quelques semaines encore, dans le cadre de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, toute voix dénonçant le risque de correctionnalisation du viol sur mineur, pourtant dénoncé à la quasi-unanimité par les associations de défense des droits des femmes et des victimes ainsi que par plusieurs membres de notre assemblée, …