En réalité, vous nous avez fait une loi qui touche à ces libertés fondamentales que sont la liberté d'expression, et, au-delà, la liberté d'opinion elle-même.
Depuis le début de nos débats, madame la rapporteure pour avis, vous nous expliquez que vous avez beaucoup réfléchi, beaucoup travaillé, beaucoup consulté, beaucoup étudié – j'en passe, et des meilleures. Puis, en plein milieu de la discussion, vous venez nous dire que non, pour finir, la définition est nulle, elle ne tient pas la route ; et vous entendez la changer ! Vous nous proposez alors un truc peut-être encore pire que la première version.
Voilà ce que cela donne maintenant : « toute allégation ou imputation d'un fait, inexacte ou trompeuse, constitue une fausse information ». Madame la rapporteure pour avis, inexact, c'est déjà une notion compliquée pour un magistrat. Inexact par rapport à quoi, inexact pour qui ? Inexact pour les journalistes de Libération, inexact pour les journalistes de Valeurs actuelles ? Je ne suis pas sûre qu'ils aient la même vision. Et trompeuse par rapport à quoi ?
Ce qui se dessine, c'est une vraie loi de censure des opinions. Il n'y a pas de victime : comme vous nous l'avez expliqué tout à l'heure, à la différence de la diffamation, il n'y a pas besoin de victime pour saisir le juge. N'importe quelle opinion que l'on considère comme inexacte ou trompeuse pourra être censurée, à quelques jours d'une élection. Quant à l'appel, au délai d'appel, et autres considérations que vous traitez par-dessus la jambe mais qui sont essentielles pour nous, juristes, vous ne nous en dites rien.
Tout ceci démontre, madame la ministre, que non seulement votre texte ne tient pas debout, mais qu'il est extrêmement dangereux. S'il était adopté dans un pays que vous considérez comme autoritaire, vous seriez en train de hurler à la mort !