Nous sommes au coeur du sujet. Madame la ministre, je suis rarement d'accord avec vous, mais vous avez eu entièrement raison d'insister sur le terme « manifestement » : vous connaissez son importance pour une décision de justice.
Vous aimez la littérature, madame la ministre. Si vous lisiez un livre qui raconte cette séance, qui raconte que sous la République française, au XXIe siècle, on en est arrivé à discuter, une nuit, d'une définition si vague pour s'attaquer, non pas à la diffamation, mais à de fausses nouvelles, des rumeurs, de fausses informations, vous croiriez rêver ! Le lecteur se dirait que ce n'est pas possible, que ce n'est pas la France !
Il faudrait reprendre les grands débats parlementaires qui ont abouti aux lois sur la presse, et je n'en ai pas eu le temps. Mais je sais que, si nos anciens ont si bien, si précisément défini le délit de diffamation, c'est parce qu'ils étaient des juristes confirmés, et qu'ils savaient qu'on ne jouait pas avec le droit. Jamais ils n'auraient accepté cette discussion surréaliste et ces définitions floues.
Si elles sont floues, d'ailleurs, c'est parce que derrière il y a un motif caché, un objectif. Il n'est pas possible d'adopter une définition aussi large : on dérive ici vers le délit d'opinion, et ce sera tranché par un magistrat en quarante-huit heures, à la veille d'une échéance électorale importante. C'est pure folie ! J'invite mes collègues à oublier leur appartenance partisane et à se poser la question : ce texte est-il vraiment digne de l'Assemblée nationale ?