Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce débat n'est naturellement pas de nature à remettre en cause la ratification de ces deux protocoles. Le projet de loi visant à l'autoriser a été voté à l'unanimité, je le rappelle, par la commission des affaires étrangères à laquelle j'appartiens. Notre discussion peut néanmoins servir à préciser un certain nombre d'éléments, s'agissant notamment du droit d'organiser des actions démocratiques en mer et de la réponse au terrorisme.
Ainsi que les orateurs précédents l'ont rappelé, ces deux protocoles ont été adoptés dans le cadre de l'Organisation maritime internationale. Il s'agit de lutter contre le terrorisme, d'incriminer la prolifération illégale par mer de matières et d'équipements nucléaires, bactériologiques et chimiques, d'améliorer la coopération entre les pays en prévoyant la création d'une procédure d'arraisonnement en mer.
Ces textes internationaux ne concernent que la haute mer : ainsi que M. Quentin l'a rappelé, la mer territoriale relève, de même que les plates-formes fixées sur le plateau continental, de la souveraineté de l'État côtier.
Ces textes ne menacent pas le droit d'organiser des actions démocratiques en mer – M. Lecoq a exprimé sa préoccupation à ce sujet en commission. En effet, la clause générale dite de « non-dérogation » prévoit qu'« aucune disposition n'a d'incidence sur les droits, obligations et responsabilités des États et des individus résultant du droit international, en particulier des buts et principes de la charte des Nations unies, du droit international relatif aux droits de l'homme et aux réfugiés, et du droit international humanitaire ».
En outre, le dispositif le plus sensible, la procédure d'arraisonnement, est assorti de plusieurs garanties.
D'abord, l'État qui conduit un arraisonnement doit notamment « [tenir] dûment compte de la nécessité de ne pas compromettre la sauvegarde de la vie humaine en mer » et « [veiller] à ce que toutes les personnes à bord soient traitées d'une manière qui préserve la dignité fondamentale de la personne humaine et soit conforme aux dispositions applicables du droit international, y compris celles qui ont trait aux droits de l'homme ».
Ensuite, le Gouvernement a indiqué que la France conserverait sa liberté d'appréciation au cas par cas avant d'autoriser éventuellement un autre État à arraisonner un navire battant son pavillon.
Par conséquent, la ratification des protocoles de Londres de 2005 par la France ne menace nullement le droit de mener des actions démocratiques en mer.
Ces textes sont déjà entrés en vigueur en 2010. Le protocole relatif aux navires a été ratifié par quarante et un pays, et le protocole relatif aux plates-formes par trente-cinq pays. La Suède et la Suisse, notamment, les ont ratifiés.
En ce qui concerne le terrorisme en mer, l'OMI a élaboré, en 1988, notamment après le détournement de l'Achille Lauro en 1985, la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime. Celle-ci impose aux États, d'une part, d'incriminer les actes illicites tels que la capture d'un navire, les violences et voies de fait contre les personnes à bord et l'embarquement d'équipements destinés à endommager ou à détruire le navire, d'autre part, de poursuivre en justice ou d'extrader leurs auteurs. Un protocole spécifique a été prévu pour les plates-formes pétrolières, qui présentent des vulnérabilités similaires à celles des navires.
Après les attentats du 11 septembre 2001, l'OMI a décidé de renforcer ces dispositifs avec la signature, en 2005, des deux protocoles en question, qui sont entrés en vigueur en 2010. La France les a signés en 2006, mais ne les a pas encore ratifiés.
Ces textes ne soulèvent aucune difficulté de fond. Les pouvoirs de contrôle sont accrus. Les actes terroristes commis depuis un navire ou bien contre un navire sont ciblés, de même que le risque de prolifération de matières radioactives et les risques bactériologiques, chimiques et nucléaires. La coopération entre l'État qui contrôle le navire suspect et l'État du pavillon est facilitée avec la création d'une procédure d'arraisonnement sous le contrôle de l'État du pavillon. Cela permettra à la France de contrôler les demandes des autres pays lorsqu'il s'agira d'intercepter un navire battant son pavillon.
Il n'y pas d'incompatibilité avec les règles européennes, et le droit national est largement conforme à ces textes. Néanmoins, ainsi que l'ont souligné tous les orateurs avant moi, le délai entre la signature de ces deux protocoles par la France et le dépôt du projet de loi de ratification a été particulièrement long : onze ans, sachant que ces textes sont entrés en vigueur depuis sept ans déjà.