La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mes chers collègues, avant de commencer les questions au Gouvernement, je voudrais, au nom de tous les groupes politiques, apporter un soutien chaleureux à notre collègue Laurianne Rossi, qui a été victime d'une agression sur le marché de Bagneux, dans sa circonscription, dimanche dernier.
Applaudissements sur tous les bancs.
Je crois pouvoir dire que nous sommes unanimes à condamner ce type d'actes, à condamner la violence envers les élus, mais aussi plus généralement envers les candidats, les militants, et les simples citoyens. Ceux-ci doivent pouvoir mener leur action politique en toute sérénité.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour le groupe La France insoumise.
Monsieur le ministre de l'agriculture, aujourd'hui, le 2 août, est le « jour du dépassement » pour l'année 2017. À compter de ce jour l'humanité vit à crédit car nous avons consommé l'ensemble des ressources naturelles que la planète peut renouveler en une année. Ce jour arrive chaque année plus tôt dans le calendrier, ce qui témoigne de la dégradation continue de notre environnement.
Objectivement, monsieur le ministre, cette semaine a aussi été pour vous celle du dépassement de toute cohérence politique. Le constat de l'épuisement des ressources naturelles étant indiscutable, nous ne pouvons poursuivre dans la voie de l'agriculture intensive, dont les pratiques utilisent ces ressources au-delà du soutenable.
Je passe, pour cette fois, sur l'utilisation des pesticides et autres perturbateurs endocriniens : vous aurez aussi, avec vos collègues, à en répondre !
Alors que la production biologique, qui représente une autre voie, est en plein essor – 16 % de surface agricole en plus en 2016 – et que la demande de produits issus de l'agriculture biologique n'est pas pourvue faute de producteurs en nombre suffisant, vous avez annoncé jeudi dernier – un jeudi noir de plus – que vous n'affecterez pas aux aides à l'agriculture biologique les moyens suffisants pour les trois prochaines années !
Vous dépassez toutes les lois de la logique cartésienne : tandis que, lundi, vous vous donnez pour objectifs 50 % de nourriture bio dans les cantines d'ici cinq ans et 8 % de la surface agricole consacrée à l'agriculture biologique en 2021, vous coupez, au même moment, les moyens affectés pour soutenir ce mode de production – sans compter le fait que les aides des années 2015 et 2016 ne sont toujours pas versées !
Monsieur le ministre, vous prétendez être pragmatique, tandis que nous ne serions que des rêveurs. Mais ce sont vos déclarations qui sont illusoires !
Pouvez-vous me dire concrètement comment vous comptez faire pour éviter que les milliers de paysans qui se convertissent à l'agriculture biologique ne reviennent à l'agriculture conventionnelle ? Pouvez-vous répondre aux trente-quatre organisations qui vous ont interpellé sur cette erreur historique, parallèlement au lancement des États généraux de l'alimentation ?
Pouvez-vous expliquer aux consommateurs, inquiets pour leur santé, que vous renoncez à une production saine et locale en quantité suffisante ? Enfin, pouvez-vous justifier de ne pas engager 250 millions d'euros pour l'agriculture biologique, alors que le volume d'aides total de politique agricole commune, PAC, atteint les 9 milliards d'euros ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI ainsi que sur quelques bancs du groupe NG.
Monsieur le député, je vous remercie pour votre question, qui me permettra de rétablir les faits dans leur exactitude, dans leur vérité. D'ailleurs, vous avez déjà donné vous-même, dans votre question, des éléments de réponse. Je me suis fixé un cap : honorer la promesse du chef de l'État d'offrir 50 % de produits biologiques dans la restauration scolaire, et porter de 6 % à 8 % la surface agricole exploitée en agriculture biologique. Il s'agit de répondre à une demande sociale croissante, exprimée par les consommateurs depuis un certain nombre d'années.
Pour y parvenir, j'ai pris mes responsabilités, avec l'aval du Gouvernement, et j'ai décidé de notifier à la Commission européenne un transfert de 4,2 % des aides du premier pilier de la PAC vers le second, qui viennent s'ajouter aux 3,3 % déjà engagés.
Cette décision traduit notre volonté, ferme et définitive, de nous orienter vers l'agriculture biologique, de la soutenir, de stimuler son dynamisme. Aujourd'hui, comme vous le savez, l'agriculture biologique bénéficie des aides de l'agriculture classique, du premier et du second piliers, au même titre que l'agriculture conventionnelle. Elle bénéficie par ailleurs de mesures spécifiques pour accompagner son développement, notamment les aides à la conversion, qui sont versées pendant cinq ans aux agriculteurs pour accompagner leurs changements de pratiques.
Le transfert que je viens de vous annoncer, monsieur le député, permettra d'atteindre l'objectif dont j'ai parlé, soit 8 % de surface agricole convertie à l'agriculture biologique en 2021, contre 6 % aujourd'hui. Je souhaite par ailleurs associer étroitement à cette réflexion l'ensemble des conseils régionaux : nous débuterons avec eux, à la rentrée, une conversation pour définir nos politiques en matière de financement de l'agriculture biologique.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à Mme Aude Luquet, pour le groupe du mouvement démocrate et apparentés.
Ma question s'adresse à madame la ministre chargée des transports.
Les récents déboires de la SNCF à la gare Montparnasse, s'ils ne sont pas dus à la vétusté des équipements, n'en ont pas moins mis en lumière la dépendance inquiétante de notre réseau de transport ferroviaire, qui s'est trouvé paralysé par une panne de signalisation anecdotique dans le secteur de Vanves. Indépendamment des difficultés qu'il a causées en période de forte affluence, comment un incident aussi banal peut-il avoir des conséquences aussi importantes ?
Plus largement, madame la ministre, nous voudrions vous alerter à nouveau sur la situation des réseaux secondaires de la SNCF. Après l'ouverture récente de deux nouvelles lignes à très grande vitesse, le Président de la République a annoncé que, désormais, les moyens seraient alloués à la modernisation des lignes que nos concitoyens empruntent quotidiennement pour aller travailler. Vous le savez, ces réseaux souffrent depuis de très nombreuses années d'importants retards qui affectent leur efficience et qui ne permettent pas de remplir les missions de service public.
Un récent rapport commandé par la direction de la SNCF a mis en évidence les dysfonctionnements nombreux et répétés que tout le monde connaît. Vétusté des matériels informatiques, retards à n'en plus finir, déficience de la chaîne de management : les points noirs sont nombreux et affectent particulièrement ces réseaux très empruntés.
Le rapport proposait à la SNCF de revoir son organisation afin de privilégier une structure par lignes, en lieu et place de la structure régionale, trop lourde et inefficace.
Comment l'État, présent au conseil de surveillance du groupe SNCF, compte-t-il peser sur la direction pour garantir une meilleure prise en compte des problématiques de ces réseaux si essentiels à la cohésion territoriale ?
Madame la députée, ce sont, en effet, des dizaines de milliers de voyageurs qui ont connu des conditions de transport très difficiles dimanche dernier, jour de chassé-croisé au cours duquel la SNCF devait acheminer 1,5 million de voyageurs sur tout le territoire.
À l'origine de ce problème, se trouve un dysfonctionnement dans un poste de signalisation. Je tiens à souligner qu'il ne s'agit pas d'un incident banal, car ce dysfonctionnement pouvait poser des problèmes de sécurité – notamment des feux qui passaient au rouge ou au vert de façon aléatoire ou un mauvais aiguillage des trains. Il était donc indispensable d'arrêter la circulation des trains, ce que la SNCF a fait.
Les équipes de la SNCF, il faut le souligner, se sont mobilisées toute la journée pour permettre au maximum de voyageurs de rejoindre leur destination, y compris très tard. Il a ainsi fallu se préoccuper des personnes arrivées à trois ou quatre heures du matin à Paris Montparnasse. J'avais demandé, dès le matin, l'activation du plan Pégase, qui permet, en lien avec la préfecture de police, d'assurer un service de taxi aux voyageurs qui se retrouvaient très tard à Paris. Lors de ma visite en salle de crise, j'avais pu mesurer les difficultés que rencontrait SNCF Réseau pour réorganiser la circulation des trains et, par voie de conséquence, pour dispenser une information de qualité aux voyageurs.
J'ai demandé un rapport aux présidents de la SNCF et de SNCF Réseau sur la gestion de cet incident au cours duquel l'identification de la panne et son traitement ainsi que l'information des voyageurs n'ont pas été satisfaisants.
Je suis consciente qu'au-delà de cet incident, tous les jours des voyageurs peuvent rencontrer des difficultés dans leurs transports de la vie quotidienne. C'est tout le sens de la priorité donnée à l'entretien et à la modernisation des réseaux qui a été annoncée par le Président de la République et qui pourra être débattue lors des assises de la mobilité que je lancerai à la rentrée.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et NG.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.
Monsieur le ministre de l'agriculture, la semaine dernière, vous vous êtes engagé devant nous à tenir le calendrier de la PAC et à remédier aux retards de versement qui s'accumulent depuis bientôt deux ans, et qui plongent nos agriculteurs dans des difficultés insoutenables.
Vous avez indiqué votre priorité : initier en novembre 2017 les paiements relatifs aux mesures agroenvironnementales et climatiques ainsi qu'aux aides à l'agriculture biologique dus au titre de la campagne de 2015.
Cependant, l'audit des finances publiques, remis par la Cour des comptes au Premier ministre en juin dernier, identifie pour l'année 2017 un risque de dépassement des dépenses de 1,6 milliard d'euros pour la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.
Il semblerait qu'une insincérité budgétaire…
… se soit glissée dans la maquette de la programmation des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) dans le second pilier de la PAC.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Plusieurs centaines de millions d'euros n'auraient pas été budgétés pour honorer les engagements du précédent gouvernement, ce qui conduit à une impasse budgétaire quasi certaine pour le versement des ICHN en 2019 et 2020, à périmètre constant.
Pour sortir de cette impasse, l'État doit trouver une solution. Il est impossible d'envisager un transfert entre piliers ou de ne pas honorer le paiement des ICHN, essentielles au maintien de l'activité agricole dans ces zones défavorisées.
Applaudissements sur les bancs des groupes LC et LR ainsi que sur certains autres bancs.
Il ne saurait être question d'aller prendre dans la poche gauche pour alimenter la poche droite. N'oublions pas qu'à la suite du nouveau redécoupage des zones défavorisées, certains agriculteurs seront exclus du bénéfice de l'ICHN et n'auront donc même plus de poche droite !
Quelle est la réalité de la budgétisation de la maquette de programmation des ICHN ? Pouvez-vous nous assurer que vous prendrez les mesures nécessaires afin que nos agriculteurs ne soient pas les victimes collatérales de cette impasse budgétaire certaine ?
Mêmes mouvements.
Madame la députée, s'agissant du versement des aides de la PAC, j'ai eu l'occasion de vous rappeler la semaine dernière que nous travaillons sur un calendrier. Je veux rendre hommage ici à l'ensemble des services déconcentrés de l'État qui font un énorme travail pour que le paiement de ces aides soit au rendez-vous.
Vous m'interrogez sur le transfert des aides du premier pilier de la PAC vers le second. Vous le savez, à l'issue de la consultation que j'ai menée avec les organisations professionnelles agricoles, j'ai identifié des besoins de financement jusqu'en 2020 sur le second pilier pour le soutien à l'agriculture biologique et pour l'ICHN.
Le monde de l'élevage traverse une crise sans précédent depuis plusieurs années. C'est dans ce contexte difficile qu'ont été décidés une revalorisation et un élargissement de l'ICHN. Pour honorer les décisions légitimes prises par mon prédécesseur en faveur des éleveurs, j'ai notifié le transfert des aides du premier pilier de la PAC vers le second, qui viennent s'ajouter aux 3,3 % déjà engagés.
Les choix sont, à court terme, difficiles mais ils ne doivent pas faire perdre de vue l'ambition qui est la nôtre de tenir les états généraux de l'alimentation et de porter une réflexion globale sur le devenir de notre agriculture.
Mon action aujourd'hui est guidée par deux objectifs : d'une part, que les crédits de la PAC servent le mieux possible l'ensemble de l'agriculture française, sans opposer les modèles les uns aux autres ; d'autre part, que la France, le moment venu, soit crédible sur le plan budgétaire pour aller négocier une PAC forte et ambitieuse dans l'intérêt de la « ferme France » et des agriculteurs français.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LC.
La parole est à Mme Audrey Dufeu Schubert, pour le groupe La République en marche.
Ma question s'adresse au ministre de l'économie, M. Bruno Le Maire.
Les chantiers navals de Saint-Nazaire, acteur mondial de la construction maritime, conçoivent et construisent des paquebots et des navires militaires d'exception comme l'Harmony of the seas, le Queen-Mary 2 ou les deux Mistral.
Ces chantiers s'inscrivent dans notre histoire. Ils s'inscrivent dans notre culture industrielle locale et nationale. Je suis née à Saint-Nazaire, j'y ai grandi et je suis honorée d'être la députée de la circonscription qui abrite ce savoir-faire unique au monde.
Je sais combien les Nazairiens sont fiers de leurs bateaux.
Les Français sont attachés à l'excellence de ce bassin industriel. Les Européens connaissent aussi la capacité des chantiers navals de Saint-Nazaire, parce que cette pépite de la construction navale réalise des prouesses technologiques. C'est un vivier d'innovations, notamment dans l'offshore avec la création d'une filière industrielle tournée vers la transition énergétique.
STX, c'est 2 600 salariés et plus de 5 000 personnes employées en sous-traitance, qu'il faut aussi rassurer. L'État a fait valoir son droit de préemption sur la vente de STX. Je salue, comme la majorité de nos concitoyens, cette décision courageuse et responsable.
L'enjeu est de taille : préserver les emplois, veiller aux intérêts stratégiques de la France, maintenir les équilibres avec de futurs repreneurs et nous assurer que notre maîtrise technologique restera bien nationale.
Monsieur le ministre, pourriez-vous préciser la ligne rouge qui ne devra pas être franchie dans le cadre de la négociation en cours ? Aux côtés de nos amis italiens, seriez-vous favorable à l'entrée au capital de partenaires locaux adossés, le cas échéant, à un actionnariat salarié, voire citoyen ? Enfin, comment souhaitez-vous renforcer la coopération militaire navale franco-italienne et plus largement européenne, par le biais des chantiers de Saint-Nazaire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe REM ainsi que sur quelques bancs des groupes MODEM et LC.
Madame la députée, la semaine dernière, avec le Président de la République, avec le Premier ministre, nous avons pris la décision d'exercer le droit de préemption de l'État sur les chantiers de Saint-Nazaire et sur la société STX France.
Nous l'avons fait pour préserver les intérêts stratégiques de la nation française, pour préserver notre savoir-faire, pour préserver les emplois sur les chantiers de Saint-Nazaire. Cette décision, nous la revendiquons et nous l'assumons.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.
Maintenant, notre objectif est de construire un parc d'actionnaires qui garantisse l'activité des chantiers sur le long terme, qui garantisse l'emploi et qui garantisse, comme vous l'avez dit, un savoir-faire exceptionnel, unique en Europe, à Saint-Nazaire.
Pour cela, nous allons réfléchir à un nouveau pacte d'actionnaires. J'ai eu l'occasion d'en discuter hier avec nos amis italiens à Rome, en leur redisant que la société Fincantieri était la bienvenue dans le cadre d'un pacte équilibré sur les chantiers de Saint-Nazaire.
Et les salariés ? Bien sûr qu'ils sont les bienvenus dans ce pacte d'actionnaires, parce que si Saint-Nazaire est puissante, c'est d'abord grâce à leur savoir-faire et à leurs talents.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe FI.
Nous voulons ensuite – c'est notre objectif stratégique avec le Président de la République et le Premier ministre – bâtir un grand champion industriel naval européen dans le domaine civil et, avec la ministre des armées qui y travaille depuis plusieurs mois, dans le domaine militaire avec nos amis italiens.
C'est bien cela, l'objectif : dans un monde de plus en plus compétitif, où la construction navale demande de plus en plus de savoir-faire, de compétitivité, nous voulons avec nos amis italiens bâtir dans le domaine naval l'équivalent d'Airbus dans l'aéronautique, pour que nous ayons le plus grand champion mondial de la construction navale civile et militaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.
Ma question s'adresse au ministre de l'Intérieur.
Un rassemblement évangélique de pas moins de 6 000 caravanes et 30 000 personnes est prévu du 27 août au 3 septembre prochains. Une décision ministérielle prise dans la précipitation, sans concertation et au mépris des élus locaux, a acté son organisation à Grostenquin, en Moselle, au coeur d'un site écologique protégé, classé Natura 2000.
Le ministre de la transition écologique n'a répondu à aucune de nos sollicitations. De même, la préfecture est aujourd'hui incapable de nous apporter des garanties chiffrées sur les moyens engagés pour sécuriser l'événement.
Or, il y a deux ans déjà, un rassemblement du même type s'était déroulé au même endroit et les problèmes de sécurité, de sécurité routière et d'insalubrité avaient été nombreux, pour les participants comme pour les communes environnantes. Si le mode de vie de chacun doit être respecté, c'est aussi le cas de nos territoires et de leurs habitants.
Comble de la situation, la préfecture admet devoir délimiter une « zone de commodité » de deux hectares et fait état d'un risque de constatation de déjections humaines à l'extérieur même du site.
Monsieur le ministre, si le rassemblement avait lieu dans les jardins de la préfecture ou la cour du ministère, …
… autoriseriez-vous cela ? Pourquoi imposez-vous à nos concitoyens de la ruralité ce que vous refuseriez pour vous-même ?
Votre décision unilatérale aura des conséquences lourdes en matière écologique, en termes d'insécurité et sur le plan financier, avec au moins plusieurs centaines de milliers d'euros à la charge du contribuable.
Pourquoi mépriser encore les élus locaux et les territoires ruraux ?
Pourquoi ne pas prendre vos responsabilités à l'égard des Français en déplaçant ou en ajournant ce rassemblement ?
Par ailleurs, les rassemblements sauvages de caravanes se multiplient partout en France avec des dommages importants pour nos communes et nos acteurs socio-économiques.
J'associe notamment à mes propos mes collègues Virginie Duby-Muller et Martial Saddier confrontés à ce problème, avec une terrible acuité, en Haute-Savoie.
Monsieur le ministre, quand votre Gouvernement compte-t-il enfin agir sur le sujet ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, permettez-moi de vous dire que je comprends vos préoccupations.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Parce que, lorsqu'on organise, comme le fait deux fois par an l'Association « Vie et Lumière », un rassemblement évangélique qui, comme vous l'avez mentionné, réunit 6 000 caravanes et 30 000 personnes, cela crée un certain nombre de difficultés pour les élus locaux.
Permettez-moi de vous dire que l'ancien maire de Lyon que je suis comprend quelles peuvent être vos difficultés.
Nous avons donc décidé que l'un de ces deux rassemblements pourrait se faire sur le terrain que possède cette association dans le Loiret. Pour l'autre, nous ne ferons plus, comme par le passé, un rassemblement qui se produit tantôt sur une base militaire, tantôt sur une autre – cette année, comme vous l'avez indiqué, c'est à Grostenquin. Nous rechercherons un terrain…
… qui permette d'accueillir cet événement. Et le Premier ministre a chargé la DIHAL, Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement, d'en trouver un qui permette d'accueillir l'événement dans des conditions de tranquillité et de sécurité pour le voisinage. Je mobiliserai par ailleurs toutes les forces nécessaires pour assurer votre tranquillité.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à Mme Sandrine Le Feur, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, les Français accordent de plus en plus d'importance à leur alimentation et aux produits qu'ils consomment. Aujourd'hui, près de sept Français sur dix disent consommer régulièrement des produits bio : c'est une évolution significative depuis plus de dix ans. Dans nos communes rurales du Finistère, les enfants en consomment de plus en plus à l'école.
Cette semaine, de nombreuses fausses informations ont circulé sur l'impact des transferts, au sein de la politique agricole commune, du pilier 1 au pilier 2. Je rappelle que le pilier 1 offre une aide à l'hectare, tandis que le pilier 2 soutient les agriculteurs qui ont souhaité s'orienter vers une agriculture alternative. Certains acteurs jugent ce transfert insuffisant pour remplir les objectifs fixés, et cette annonce a provoqué de nombreuses interrogations et nourri de fortes inquiétudes. De fait, l'agriculture biologique suscite des attentes importantes des consommateurs, comme de nombreux agriculteurs qui pourront y trouver une solution d'avenir pour leur ferme.
Monsieur le ministre, lundi dernier, vous avez fixé comme cap la conversion des exploitations en bio, de quelque 6 % de la surface agricole française actuellement, à 8 % à l'horizon 2021. Plusieurs signaux positifs montrent que l'envie est là, avec notamment le lancement des états généraux de l'alimentation pour une agriculture d'avenir.
Ma question, à laquelle vous avez partiellement répondu tout à l'heure, est la suivante : ce transfert manifeste-t-il la volonté du Gouvernement de conduire une politique agricole d'avenir ? Récemment, vous avez annoncé le maintien des aides à la conversion. Quels dispositifs entendez-vous mettre en oeuvre afin de pérenniser les exploitations qui arrivent au terme de leur conversion ? Comment aiderez-vous les régions, dans le contexte économique actuel, à assurer les aides au maintien, indispensables à la survie des exploitations ?
Applaudissements sur les bancs du groupe REM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Madame la députée, votre question va me permettre, une nouvelle fois, d'apaiser les craintes et les appréhensions d'un certain nombre au sujet du développement de l'agriculture biologique. L'objectif que nous poursuivons est de financer les besoins identifiés dans le cadre du Fonds européen agricole pour le développement rural – FEADER – , notamment concernant le développement de l'agriculture biologique. Le Gouvernement a fait un choix en responsabilité en décidant de procéder à un transfert du pilier 1 vers le pilier 2 au titre du soutien que nous souhaitons porter à l'élevage, aux zones en difficulté et à l'agriculture biologique. J'ai consulté l'ensemble des organisations professionnelles avant de faire ce choix en responsabilité. Certains dispositifs, parmi ceux qui concourent à satisfaire les besoins exprimés, connaissent une dynamique de développement qui n'avait pas pu être anticipée : c'est le cas de l'agriculture biologique. Je me félicite de cette dynamique en faveur d'un mode de production vertueux, pour lequel la demande sociale ne cesse de croître. Par ce transfert, nous choisissons de la conforter et non de la réduire, comme veulent le faire croire un certain nombre.
Vous l'avez rappelé, pour l'État, la priorité est le financement des aides à la conversion. De fait, le transfert opéré permettra de respecter le scénario prévu et d'atteindre, à l'horizon de 2021, 8 % de surface biologique au lieu de 6 % actuellement. Nombre de conseils régionaux sont déjà investis dans les politiques en faveur du bio ; leur connaissance fine du terrain et leur proximité en font les acteurs naturellement les mieux à même de porter, avec l'État, des politiques ambitieuses en faveur de l'agriculture biologique.
Il existe un troisième instrument de soutien au développement de l'agriculture biologique, qui prend la forme d'un crédit d'impôt. Celui-ci devrait prendre fin en 2017, mais j'ai sollicité un arbitrage pour qu'il puisse être prolongé.
Il nous reste maintenant à optimiser l'utilisation de ces outils, et j'organiserai dès le mois de septembre une rencontre avec l'ensemble des régions.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Monsieur le Premier ministre, le 17 juillet dernier, sous votre présidence, puis celle du Président de la République, s'est tenue la première Conférence nationale des territoires. C'est une instance de dialogue, qui était attendue par toutes les associations d'élus et les collectivités, mais ce doit être aussi un lieu où règnent la confiance et la sincérité. Au nom de la sincérité, les élus locaux vous ont dit que l'effort de 13 milliards d'euros demandé aux collectivités par l'État n'était ni tenable ni juste. Nous pensions que c'était l'exigence de sincérité qui vous avait amenés, vous-même et le Président de la République, à rassurer, à dire que la méthode allait changer et que les dotations n'allaient pas baisser brutalement. Mais, ce jour-là, vous n'avez pas tout dit. En effet, le 20 juillet, trois jours après cette conférence, un décret est publié, qui annule 300 millions d'euros de crédits de paiement destinés aux collectivités locales.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vous comprendrez, monsieur le Premier ministre, que nous éprouvions de la déception en même temps qu'un sentiment de trahison.
La déception, d'abord, parce que, pendant des années, les collectivités ont accompli des efforts du point de vue de leur fonctionnement, et l'État, en contrepartie, les a mieux accompagnées en investissement, avec l'augmentation de 60 % de la dotation d'équipement des territoires ruraux – DETR – et la création du Fonds de soutien à l'investissement local. Or vous changez cette politique en réduisant les aides à l'investissement.
La trahison, ensuite, parce que ce n'est pas conforme à la parole donnée.
Comment allez-vous expliquer à une association qui intervient dans les quartiers populaires, en direction des populations les plus défavorisées, que son budget ne sera pas honoré parce que 46,5 millions ont été soustraits au budget de la politique de la ville, soit 11 % des crédits ? Comment expliquer à un maire, qui attend son arrêté de notification depuis des mois, que celui-ci ne sera pas pris et qu'il devra renoncer à son projet d'équipement, pourtant attendu par les habitants de la commune ? Comment pouvez-vous prétendre soutenir l'investissement public local tout en annulant 300 millions d'euros de crédits de paiement, qui auraient dû aller aux territoires ?
« Très bien ! » sur les bancs du groupe LR.
Vous nous dites que les projets ont du retard, mais, dans le cadre de cette procédure, ils ont deux ans pour être réalisés et, chaque année, il y a des glissements. En réalité, vous commettez une erreur. Nous avons lu dans la presse que la baisse des aides personnalisées au logement avait été jugée pour le moins sévèrement par le Président de la République. Ne pensez-vous pas que l'annulation de ces 300 millions est une décision de même nature ?
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, GDR, LR, sur quelques bancs du groupe FI ainsi que sur certains bancs.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, dans le film Le Président, Jean Gabin affirmait que dire n'importe quoi « est l'apanage de l'opposition. »
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et sur quelques bancs du groupe MODEM. – Exclamations sur les bancs des groupes NG et LR.
L'exactitude de ce jugement se vérifie aujourd'hui. De fait, ce sont 0,3 % des crédits de l'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités qui sont concernés par ce décret, monsieur le député – je dis bien 0,3 % ! Votre critique est d'autant plus savoureuse, si j'ose dire, que vous avez voté, au cours du quinquennat précédent, la baisse de 11 milliards aux collectivités locales.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Je veux souligner que nous allons faire exactement l'inverse. Si nous avons dû prendre ce décret – je l'ai dit devant les commissions des finances – , c'est parce que vous n'avez pas budgétisé les crédits qu'il fallait pour les agriculteurs ; c'est parce que vous n'avez pas budgétisé les crédits qu'il fallait pour les bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé ; c'est parce que vous n'avez pas budgétisé les crédits qu'il fallait pour protéger, cet hiver, les sans-abri, notamment en Île-de-France !
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Si vous aviez mieux géré le budget de la France, vous auriez pu constater qu'il n'était pas sincère. Nous ferons l'inverse en présentant, à la demande du Premier ministre, avec le ministre d'État Gérard Collomb, avec Jacques Mézard, l'intégralité des crédits qui seront effectivement dépensés. Je veux dire ici que tous les engagements de l'État concernant les crédits ruraux et les quartiers faisant l'objet de la politique de la ville seront tenus.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ils le seront dans ce budget comme ils le seront l'année prochaine. Telle est, monsieur le député, la différence entre vous et nous, entre la majorité, aux responsabilités, et l'opposition, qui ne donne pas les bons chiffres.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM ainsi que sur quelques bancs du groupe LC.
La parole est à M. François Cormier-Bouligeon, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme Laura Flessel, ministre des sports, et j'y associe mes collègues Hugues Renson et Olivia Gregoire, députés de Paris, Sandrine Mörch, ainsi que l'ensemble des députés de la République en marche.
Madame la ministre, la décision de Los Angeles d'accepter les Jeux de 2028 ouvre la voie à la désignation de Paris comme ville d'accueil des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. C'est une formidable nouvelle pour le sport français et pour le pays tout entier !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM, MODEM, LC et NG.
Ces Jeux du centenaire seront une manifestation de fraternité universelle autour du sport et de ses valeurs de respect, d'engagement, d'exigence et de solidarité. Ils seront cela, mais ils doivent être plus et mieux encore. Ils doivent être une vitrine de la filière française de l'économie du sport, qui représente près de 2 % du PIB et plus de 200 000 emplois non délocalisables.
Ils doivent aussi et surtout être un formidable levier pour développer le sport pour tous dans notre pays. Nous devons en effet profiter de cet horizon pour travailler dès maintenant à établir les conditions de l'égalité réelle dans la pratique sportive entre les femmes et les hommes, entre les Français les plus humbles et les plus favorisés, entre les personnes en situation de handicap et les personnes valides. Ce sujet est d'importance, car si le sport est un vecteur de bien-être individuel et de santé améliorée, sa pratique est aussi un moyen efficace pour apprendre à vivre ensemble, fabriquer du commun et renforcer en cela notre République qui en a tant besoin.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Madame la ministre, partagez-vous cette ambition ? De quels moyens disposerez-vous pour la satisfaire ?
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Monsieur le député, vous avez raison de souligner la série de bonnes nouvelles ayant émaillé l'actualité récente s'agissant de la future attribution des Jeux olympiques. Je ne voudrais pas doucher l'ambiance, mais, même si ces bonnes nouvelles se sont succédé, il convient de rester, en cette matière comme dans toutes les autres, un peu prudent. Tant que ce n'est pas fait, ce n'est pas fait !
Tous ceux qui abordent une compétition sportive, ou électorale, en pensant que le résultat est acquis à l'avance…
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je constate en tout cas que certains députés soutiennent la candidature de Paris avec enthousiasme.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Si donc, monsieur le député, nous avions à nous réjouir demain, nous le devrions à ceux qui, très tôt, ont cru en l'opportunité et aux chances de la candidature de Paris. Au premier rang de ceux-là figurent les sportifs, dont je veux souligner le rôle. Cette candidature a été initiée, portée et encouragée par le milieu sportif.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Il est important de rendre au milieu sportif ce qu'il a donné.
Cette candidature a également été portée par des élus, de tous les horizons politiques, …
… et par plusieurs présidents de la République ; je veux saluer, outre le rôle éminent joué par Mme la maire de Paris, celui, fondamental, joué par les présidents Sarkozy, Hollande et Macron.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.
Mesdames et messieurs les députés, cet esprit de rassemblement est d'autant plus simple à assumer qu'il est l'esprit même des Jeux olympiques, celui de rassembler ceux qui veulent participer à un événement qui n'est pas que sportif.
Si nous obtenons dans quelques semaines à Lima la bonne nouvelle que nous espérons, la France devra porter cette responsabilité insigne d'organiser des Jeux au coût maîtrisé, …
… à la sécurité assurée et à l'héritage durable. Ils devront montrer qui nous sommes et comment la France accueille –
Exclamations sur les bancs du groupe FI
nous avons une tradition d'organisation de grands événements sportifs ou non sportifs, qu'il faudra mettre en avant. Nous devrons organiser des Jeux joyeux et amicaux, mettant en avant l'ensemble des dimensions du sport, notamment les épreuves disputées par les athlètes en situation de handicap.
Ce défi extraordinaire exigera, le moment venu, des décisions de la part de l'État en matière d'organisation et d'aménagement. Mme la ministre des sports et moi-même, ainsi que l'ensemble du Gouvernement, aurons l'occasion de préciser, après la bonne nouvelle, l'ensemble des décisions qui devront être prises.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM ainsi que sur quelques bancs des groupes LC et LR.
Jeux olympiques de 2024
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.
Madame la ministre des sports, mes chers collègues, le maire de Los Angeles a annoncé hier sa décision de reporter la candidature olympique de sa ville à 2028.
« Médaille d'or de la répétition ! » sur les bancs du groupe FI.
Dans l'attente de la ratification d'un accord avec le Comité international olympique, le 13 septembre prochain à Lima, cette annonce ouvre grand la voie à Paris 2024.
La solidité de notre projet, l'unité de tous les acteurs, la symbolique du centenaire, tous ces atouts ont donné à notre candidature la force de l'évidence. Nous sommes prêts pour accueillir ces Jeux. C'est bien le tour de la France, c'est le moment de Paris et de la région Île-de-France. Je veux saluer ici la qualité du travail d'équipe qui a été accompli, car il est exemplaire de la façon dont nous sommes capables de nous réunir pour mener un grand projet d'intérêt général et de faire gagner la France. Je veux saluer Bernard Lapasset et Tony Estanguet, les coprésidents du comité de candidature, qui ont su fédérer les énergies.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM, MODEM, LC et LR.
Derrière le mouvement sportif olympique et paralympique, l'État, la ville de Paris, la région Île-de-France, l'ensemble des collectivités territoriales et le monde économique, social et environnemental ont partagé un esprit de conquête en dépassant les clivages.
Paris 2024, ce n'est pas simplement accueillir le plus grand événement au monde. Il s'agit de construire un projet qui contribue à transformer la société et à développer nos territoires. Nous devons porter une vision au service de la qualité de vie des habitants et de notre attractivité internationale, ce qui constituera un formidable accélérateur de politiques publiques.
C'est une responsabilité immense, dont la réussite découlera en partie de l'ambition de « la loi olympique » : non pas seulement des dispositifs pour garantir la livraison des Jeux, mais un projet pour laisser un héritage aux territoires et à la génération 2024.
Madame la ministre, pouvez-vous nous tracer les perspectives de cette future loi olympique ?
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.
Applaudissements sur tous les bancs.
Le 13 septembre prochain, nous devrions en effet passer du rêve à la réalité. Cette campagne de Paris 2024 a d'abord été celle des sportifs, comme vous l'avez souligné ; je salue leur mobilisation et leur investissement : ils ont porté ce projet et nos ambitions, et ils ont été nos ambassadeurs. Désormais, une génération d'athlètes va grandir avec 2024 en ligne de mire, avec la fierté et l'envie de réussir.
Cette victoire pour Paris sera celle de la France. Une réussite collective qui transcende les clivages et qui nous rassemble, parce que le sport a cette capacité à nous fédérer, à nous rendre fiers, à faire ressortir le meilleur de chacun de nous. Nous sommes prêts pour accueillir les Jeux et nous sommes déjà au travail.
Dans le dossier de candidature qu'elle a déposé auprès du Comité international olympique, la France a souscrit des engagements relatifs aux modalités d'accueil des Jeux olympiques et paralympiques en France, qu'il est d'usage de compléter par des dispositions législatives et réglementaires. Le futur projet de loi portera notamment sur les questions d'urbanisme, d'aménagement, de logement et sur les facilités accordées pour l'accueil des délégations olympiques. Il est prévu de le présenter dans les six mois suivant la décision d'attribution des Jeux, le 13 septembre prochain à Lima.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM, LC ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Sophie Mette, pour le groupe du mouvement démocrate et apparentés.
Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture et concerne nos agriculteurs et leurs difficultés à vivre de leur travail. Le sujet a déjà été abordé, mais vous pourrez apporter quelques précisions, monsieur le ministre.
Vous avez annoncé, la semaine dernière, un transfert à hauteur de 853 millions d'euros des montants du premier pilier vers le second. J'ai bien entendu que vous vouliez une politique agricole commune forte et ambitieuse pour les agriculteurs. Ce transfert, pourtant nécessaire au vu de l'impasse dans laquelle nous nous trouvions, a néanmoins été mal reçu par nombre de secteurs concernés : les céréaliers, tout d'abord, qui ont vécu une année noire en 2016, marquée par d'importantes précipitations et le manque de soleil qui ont retardé la croissance des céréales et favorisé l'apparition de maladies ; la filière biologique, ensuite, car ces arbitrages budgétaires pourraient constituer un frein au développement de l'agriculture biologique ; les bénéficiaires de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels, enfin, pour qui cette aide est fondamentale car elle assure le maintien de l'activité agricole dans les zones défavorisées. C'est, par exemple, le cas de nombre de territoires de la région dont je suis l'élue. Or l'élargissement considérable des zones bénéficiaires ces dernières années nous a placés dans une impasse budgétaire.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, comme, je pense, bon nombre de mes collègues, est particulièrement sensible à la question du revenu des agriculteurs, qui ont toutes les difficultés à vivre dignement de leur métier et subissent, en sus des crises structurelles, des retards dans le versement de nombreuses autres aides telles que les indemnisations pour le gel – ce fut en particulier le cas des zones viticoles cette année – ou pour la grippe aviaire, qui concernent en particulier le Sud-Ouest.
Au moment où s'ouvrent les états généraux de l'alimentation, la question du niveau de vie des agriculteurs reste prégnante...
Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM et MODEM.
Merci, chère collègue. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Madame la députée, je vous remercie de votre question.
Elle va me permettre de développer une nouvelle fois ma stratégie, la stratégie du Gouvernement en faveur de l'agriculture française.
Je ne veux pas, et vous le savez, opposer les modèles agricoles les uns aux autres, et je veux porter une PAC forte et ambitieuse, celle que nous appelons tous de nos voeux. À cette fin, et pour que nous soyons crédibles à l'échelle européenne, je dois pouvoir me prévaloir d'un déficit public porté à 3 % du PIB.
Notre décision relative au transfert du premier pilier vers le second s'inscrit bien évidemment dans cette vision d'avenir, et il est normal, dans le cadre d'une programmation budgétaire de six ans, que des ajustements soient nécessaires. Cette décision a été prise en responsabilité.
Il nous était possible de procéder à ces ajustements au 1er août pour prendre en compte les difficultés ou les dynamiques de développement de certaines productions. C'est notamment le cas de l'agriculture biologique ; nous souhaitions aussi préserver les financements de l'ICHN et de l'assurance récolte.
Viendra un second temps, madame la députée, vous l'avez souligné : les états généraux de l'alimentation. Les premiers chantiers s'ouvriront dès la fin du mois d'août, …
… et nous serons dès ce moment ensemble pour travailler, pour trouver une issue à la question du revenu agricole autour du triptyque transformateur, distributeur, producteur, afin que les agriculteurs soient payés au juste prix, qu'ils bénéficient d'une juste rémunération de leur travail.
Les agriculteurs, vous le savez, madame la députée, sont des gens qui travaillent beaucoup, se lèvent tôt, et gagnent peu. Nous voulons inverser cette tendance.
Nous comptons sur la mobilisation de chacun, de tous les acteurs du territoire pour faire en sorte que l'agriculture française soit demain au premier rang de nos fiertés.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à M. Moetai Brotherson, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre des outre-mer.
Madame la ministre, mes collègues Maina Sage, Nicole Sanquer et moi-même avons été saisis par de nombreux fonctionnaires d'État polynésiens – ils sont actuellement 250 en métropole – sur le décalage entre la théorie législative et la situation réelle que vivent ces derniers, pour certains depuis des années. Étant donné les fonctions gouvernementales que vous avez occupées sous la précédente législature et votre territoire d'origine, c'est un dossier que vous connaissez bien.
L'adoption de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer, dite loi EROM, avait suscité beaucoup d'espoir pour ceux qui, trop souvent, se voyaient exilés en métropole sans visibilité quant à leur retour en Polynésie française. Alors que ce texte avait pour objet de clarifier la loi, le flou demeure. Nous nous adressons donc à vous pour faire entendre la voix de ceux dont on refuse de faire valoir les liens d'attachement avec ce territoire malgré la loi EROM.
Comptez-vous, madame la ministre, rendre enfin le centre des intérêts matériels et moraux déterminant pour l'affectation des fonctionnaires dans un territoire ultramarin ? Pour ces Polynésiens qui ont choisi d'oeuvrer dans la fonction publique d'État et d'y progresser, l'évolution s'obtient souvent au prix d'une affectation en métropole, affectation censée être temporaire. Ce processus implique l'inclusion du droit au congé bonifié pour le Polynésien souhaitant retrouver sa famille. Il implique également la désindexation de son salaire alors qu'il doit, en tout état de cause, continuer d'assumer la charge de sa famille, dont il est séparé, et pourvoir à ses propres besoins en métropole. C'est en quelque sorte la double peine.
À la théorie législative portée par la loi EROM semblent s'opposer encore trop souvent de vieux réflexes ancrés dans les directions de l'administration d'État, qui continuent de privilégier une forme de tourisme de la fonction publique au détriment de fonctionnaires issus de la Polynésie française et déjà formés aux spécificités tant géographiques que culturelles et constitutionnelles de ce territoire.
Madame la ministre, faudra-t-il attendre, alors que les assises de l'outre-mer sont annoncées, une nouvelle loi pour l'égalité réellement réelle outre-mer pour que les choses changent ? Mauruuru, te aroha ia rahi : merci, salutations chaleureuses.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur quelques bancs du groupe LC.
Monsieur le député, je vous prie d'excuser l'absence de Mme Girardin, qui est en déplacement dans les territoires ultramarins. Il me semble néanmoins qu'en tant que ministre de la fonction publique, je suis également légitime pour répondre à votre question, qui a été discutée, bien sûr, avec Mme la ministre.
Vous avez raison, le Gouvernement est très attaché à la loi relative à l'égalité réelle outre-mer, qui a été adoptée récemment, et qui prévoit, de même que pour le handicap ou le rapprochement des époux, que les fonctionnaires ultramarins puissent retourner dans leur territoire lorsqu'un poste est vacant. C'est peut-être sur ce point que notre interprétation diverge ; mais j'entends bien votre question, et j'y apporterai peut-être une réponse après ce constat. Bien sûr, ces fonctionnaires ont un droit particulier reconnu par la loi récemment votée de retourner dans les territoires ultramarins, mais encore faut-il qu'un poste soit vacant. Il n'y a pas de droit au surnombre dans les territoires ultramarins.
Cependant, il peut y avoir ici ou là quelques difficultés pour faire valoir ce droit, comme pour le handicap ou le rapprochement des époux. C'est pourquoi, à la demande du Premier ministre, dès la fin de la semaine, je demanderai à tous les directeurs des ressources humaines de la fonction publique d'État de bien tenir compte de cette disposition législative. Je vérifierai avec vous, dès la rentrée, si tous les cas précis que vous évoquerez avec Mme Girardin auront été résolus, dans la mesure où un poste est effectivement vacant sur le territoire, en particulier en Polynésie française.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour le groupe La République en marche.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. J'y associe les députés de la majorité représentant nos compatriotes établis hors du territoire national. Monsieur le ministre, plus de deux millions de nos compatriotes dépendent actuellement des services consulaires de la République. Pour la plupart d'entre eux, il s'agit là de l'unique lien qui les unit à la nation.
Lors des campagnes menées au début de l'année, le Président de la République et tous nos collègues se sont engagés à assurer l'amélioration de ces services. Nous savons que l'administration consulaire française, et plus généralement votre ministère et ses opérateurs, modernisent leurs outils depuis plusieurs années afin de les adapter aux défis du XXIe siècle, notamment le numérique.
Néanmoins, nos compatriotes attendent plus et les chantiers restent nombreux, qu'il s'agisse des demandes de passeports, des droits de chancellerie ou de la simplicité de l'accès au vote à l'étranger. Pouvez-vous, monsieur le ministre, réaffirmer votre engagement à faciliter ces démarches ?
Les Français de l'étranger sont également nos meilleurs représentants à l'international – sans oublier vos services. Le rayonnement de la France dans chacune de nos circonscriptions passe par eux et par les nombreux établissements culturels et scolaires installés à l'étranger. Issue moi-même de la société civile, …
… encore récemment proviseur d'un lycée français en Espagne, je ne peux que témoigner devant vous de l'impact concret de ces établissements. Nous, députés des Français de l'étranger, souhaitons obtenir l'assurance que ces instituts, ces lycées et ces écoles resteront des outils d'influence. Quelles assurances le Gouvernement peut-il fournir au sujet de ces lieux du soft power français ?
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Vous avez raison de souligner l'attention et la solidarité que nous devons à nos compatriotes résidant à l'étranger, madame la députée. D'abord, le peuple français est indivisible ; en outre, ceux-ci constituent une chance de dynamisme et d'expérience à leur retour en France ainsi qu'une force et une capacité d'attractivité pour notre pays lorsqu'ils sont à l'étranger.
Ils sont une priorité du ministère des affaires étrangères. C'est la raison pour laquelle je souhaite que le secrétaire d'État Jean-Baptiste Lemoyne soit particulièrement investi dans cette mission ; il le sera, j'en suis sûr, avec beaucoup de détermination et de talent.
Vous avez évoqué deux sujets, parmi les plus importants. La modernisation des services consulaires vise à faciliter, grâce à la numérisation, les procédures administratives et les démarches que nos compatriotes installés à l'étranger sont susceptibles de mener. Beaucoup a déjà été fait, en particulier l'inscription en ligne sur le registre consulaire, ouverte depuis le 1er janvier 2017. D'autres chantiers restent à mener, en particulier la dématérialisation des procurations. Cela sera fait.
Vous avez aussi appelé mon attention sur l'enjeu de l'enseignement. Je puis vous assurer que l'aide et la contribution de mon ministère à l'AEFE – Agence pour l'enseignement français à l'étranger – seront maintenues à leur niveau actuel, ce qui garantira la permanence du service public de l'éducation dans les territoires où se trouvent les Français de l'étranger.
Je veillerai en particulier à ce que les plus modestes continuent à bénéficier des bourses au niveau où elles sont actuellement. Nous nous assurerons de la totale maîtrise des coûts lors de la prochaine rentrée scolaire prochaine afin d'éviter toute contribution supplémentaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. À ce jour, 42 % de la population réunionnaise vit sous le seuil de pauvreté. Dans ce contexte, la baisse forfaitaire de 5 euros par mois des aides au logement concernera plus de 114 000 foyers réunionnais.
Ce coup de rabot brutal et injuste, décidé par votre gouvernement, touchera directement les plus démunis et les plus précaires, d'autant plus que cette réduction forfaitaire n'est pas associée à une baisse corrélative des loyers.
D'autre part, la Réunion est le département français ayant le taux de chômage le plus élevé : 22,4 % de la population et plus de 52 % des jeunes sont sans emploi. Ces taux sont deux fois plus importants qu'en métropole. En réalité, ils sont même nettement plus élevés car les emplois aidés ont artificiellement gonflé les chiffres de création d'emplois. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin porter la voix des territoires ultramarins ? Quand allez-vous combattre cette diminution des aides au logement, extrêmement préjudiciable pour nos territoires ?
Quand allez-vous empêcher la diminution de 75 % du nombre de contrats aidés, également décidée par votre gouvernement, alors qu'en l'absence d'une vraie politique de lutte contre le chômage, ces emplois – plus de 6 000 – donnent à de nombreuses familles réunionnaises la possibilité de survivre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur les bancs des groupes GDR et FI.
Madame la députée, il est normal que le ministre de la cohésion des territoires garde un oeil attentif sur les outre-mer. J'entends bien votre propos, madame la députée, …
… mais la situation qui prévaut outre-mer, nous la connaissons ; nous héritons d'une situation, et je ne veux pas jeter l'opprobre sur ceux qui nous ont précédés.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je vous rappelle tout de même que des États généraux de l'outre-mer ont été organisés en 2009 et ont débouché sur 137 propositions dont la plupart n'ont pas été suivies d'effets !
Mêmes mouvements.
Récemment, le 28 février 2017, une loi relative à l'égalité réelle outre-mer a été promulguée.
Elle prévoit certaines dispositions dont la plupart sont utiles. Nous ferons le maximum pour les appliquer, mais ce qu'il faut faire, c'est mener une politique non pas seulement de réponse à l'urgence mais de programmation. Tel est l'objet des Assises des outre-mer qui débuteront au mois de septembre.
Exclamations sur les bancs du groupe LR et du groupe GDR.
Vous y participerez, mesdames et messieurs les députés, car elles se tiendront dans chaque territoire. La situation actuelle outre-mer, je le sais, est souvent critique et présente des problèmes d'emploi bien plus graves que dans la plupart des autres territoires.
Nous en sommes conscients et je puis vous dire que Mme la ministre des outre-mer, qui est chargée de ce dossier et connaît la situation pour être originaire de l'un de ces territoires, réalisera à l'issue des Assises des outre-mer…
… une vraie politique ambitieuse qui sera, elle, suivie d'effets !
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe La République en marche.
Ma question s'adresse au ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Depuis aujourd'hui, mercredi 2 août, l'humanité vit à crédit de ses ressources naturelles.
En seulement sept mois, nous avons émis plus de carbone que notre planète ne peut en absorber, et nous avons consommé plus de ressources naturelles que la Terre ne peut en produire en un an. Pour répondre à nos besoins de consommation, deux planètes Terre sont aujourd'hui nécessaires.
Chaque année, le « jour du dépassement » survient de plus en plus tôt. En France même, nous en voyons déjà les conséquences : sécheresses, inondations, pics de pollution, disparition d'espèces, épuisement des ressources halieutiques. Bien sûr, il s'agit d'un problème mondial, mais la France a un rôle d'entraînement très fort à jouer.
Les solutions, nous les connaissons. Nous devons développer les énergies renouvelables, aider notre agriculture à s'adapter, revoir nos politiques de mobilité, réduire la consommation énergétique de nos bâtiments, cesser de gaspiller, en général, développer le recyclage et l'économie circulaire, tout en préservant bien sûr notre modèle social.
Ce nouveau modèle de développement, en construction, répond aux enjeux environnementaux et climatiques. Il est, nous le savons, créateur d'emplois sur nos territoires. Mais tout cela ne pourra être fait que grâce à une volonté politique forte, face à ceux qui ne pensent que le court terme, et en associant tous les acteurs.
Une nouvelle étude parue lundi indique qu'il n'y a que 5 % de chances de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés, objectif fixé par l'Accord de Paris. Nous ne pouvons plus repousser sans cesse les échéances. Nous devons agir, vite. Nous sommes prêts, monsieur le ministre, à vous y aider. La France a un devoir d'exemplarité. Quelles mesures concrètes comptez-vous mettre en oeuvre…
… pour que notre pays soit à la hauteur, et prépare l'avenir plutôt qu'il ne le subisse ?
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Madame la députée, comme vous l'avez expliqué, aujourd'hui 2 août, nous avons collectivement consommé toutes les ressources renouvelables de la planète pour cette année. Si vous m'aviez posé cette question il y a trente ans, vous l'auriez fait le 25 octobre, il y a vingt ans, le 2 octobre et il y a dix ans, le 19 août. Nous devons essayer d'enrayer ce recul.
Avec cet événement, nous prenons soudainement conscience, et peut-être tardivement que, sur notre planète, l'abondance n'est pas la norme mais l'exception. C'est la rareté qui est la norme. À travers un certain nombre de politiques, pas toujours très agréables, nous nous plions à l'obligation de fixer des limites : c'est la régulation, la réglementation, et avec elles le retour aux origines de l'économie, qui n'est pas basée sur la prédation, l'exploitation et la destruction.
Pour une économie qui protège nos ressources et nous permette d'envisager l'avenir, j'ai besoin de l'aide et de l'appui de chacun. Cela passe par l'économie circulaire, vous l'avez dit, par l'efficacité énergétique – nos entreprises et nos concitoyens y trouveront des avantages – , par un mode de production agricole…
… et de consommation alimentaire qui n'entraînent pas de gâchis, protègent nos sols et permettent de les réhabiliter.
C'est cet ensemble de politiques publiques qui est nécessaire. Avec le Président de la République et le Premier ministre, je m'emploierai à coordonner cette action pour que cette échéance arrive chaque année plus tard.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC ainsi que sur les bancs des groupes FI et GDR.
La parole est à M. Denis Masséglia, pour le groupe La République en marche.
Ma question s'adresse à Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le ministre, la Libye, ravagée par dix ans de conflit, se relève. Elle se relève notamment grâce à l'action de la France, grâce à votre action et à celle du Président de la République.
La semaine dernière, à la Celle-Saint-Cloud, près de Paris, les deux principaux protagonistes du conflit libyen ont signé une déclaration historique. Mes chers collègues, des accords de ce type ne sont pas communs !
La Libye n'est qu'à quelques heures de Paris, à quelques jours de mer de Marseille. La stabilité de ce pays, c'est aussi notre sécurité. Monsieur le ministre, cette déclaration est un premier pas. Pouvez-vous détailler ses conséquences immédiates ?
Mais le chemin reste long et les problèmes sont nombreux : lutte contre Daech, migrations, trafics et autres sujets multiples qui touchent directement nos concitoyens. Ce que nous voyons encore aujourd'hui, c'est un État failli, dont le gouvernement ne contrôle que la capitale et où les milices sont partout. Les terroristes n'ont pas disparu. Évidemment, la situation n'est pas aussi dramatique qu'en Syrie, mais il ne faudrait pas qu'elle le devienne ! Comment consolider l'État en Libye ? Comment faire en sorte que les personnalités qui se sont rencontrées à la Celle-Saint-Cloud ne s'affrontent pas, une fois de retour en Libye ? Comment stabiliser durablement ce pays ?
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Monsieur le député, la Libye est un pays en chaos depuis 2014.
Sa sécurité est essentielle pour notre propre sécurité. Aujourd'hui, les clans s'affrontent, quasiment chaque jour. Daech est encore là, même si sa présence a diminué singulièrement. Comme vous l'avez dit, de ce pays s'effectuent des migrations sauvages, sans contrôle. C'est vrai, il s'agit d'un État failli.
La France est convaincue que seule une solution politique peut permettre à la Libye de retrouver son intégrité et sa sérénité. Une solution avait été trouvée avec les accords de Skhirat, signés le 17 décembre 2015, mais ils n'ont pas été appliqués. S'est ensuivie une nouvelle période de conflits majeurs.
Le Président de la République a souhaité réunir à la fois le Premier ministre Fayez el-Sarraj et le maréchal Khalifa Haftar, les deux protagonistes les plus importants, dans un espace d'opportunités qui semblait permettre une avancée. Cette avancée a eu lieu. Les deux acteurs se sont mis d'accord sur un certain nombre de principes, en particulier sur le renoncement à la force armée, sur la reconnaissance des accords de Skhirat comme base du règlement politique futur, sur la nécessité d'organiser une intégration des milices dans l'armée nationale libyenne et sur la nécessité de provoquer des élections en 2018, tout cela sous la houlette du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, Ghassan Salamé.
Cette grande avancée s'est faite en concertation avec nos amis italiens. Il reste à l'envoyé spécial de l'ONU de faire en sorte que cet accord soit élargi et mis en oeuvre pour aboutir au résultat de pacification que nous souhaitons tous.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard.
L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, de trois projets de loi autorisant l'approbation de conventions et d'accords internationaux (nos 12 et 109 ; nos 9 et 107 ; nos 10 et 108).
Ces textes n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je mets directement aux voix l'article unique de chacun d'entre eux.
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble du projet de loi.
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble du projet de loi.
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble du projet de loi.
L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant la ratification du protocole relatif à la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole relatif au protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental (nos 14, 110).
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous examinons le projet de loi autorisant la ratification de deux protocoles : le protocole relatif à la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et le protocole relatif au protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, plus communément appelés « protocoles SUA de 2005 ».
Pour saisir la portée de ces textes, il faut en revenir au contexte historique de leur genèse et de leur adoption, ainsi que de leur adaptation en 2005. Ces protocoles SUA de 2005 viennent en effet amender et compléter les textes fondateurs de 1988. Ces textes, qui figurent parmi les treize conventions antiterroristes des Nations unies, avaient été adoptés à la suite du détournement du paquebot Achille Lauro par des membres du Front de libération de la Palestine en octobre 1985, événement qui avait conduit à la mort d'un passager.
Le contexte qui a prévalu après les terribles attentats du 11 septembre 2001 a amené l'Organisation maritime internationale, l'OMI, à engager une réflexion pour réviser les conventions pertinentes relevant de sa responsabilité, dont la convention et le protocole de SUA, afin de prévenir et de réprimer plus efficacement les actes terroristes commis en mer.
Cette réflexion a également pris en compte les risques croissants liés à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, ainsi que la mobilisation de la communauté internationale contre cette menace, notamment dans le cadre de l'Initiative de sécurité en matière de prolifération lancée en 2003 ou en application de la résolution 1540 du Conseil de sécurité des Nations unies de 2004.
Les négociations, officiellement lancées en 2002, ont abouti à l'adoption de deux protocoles, lors d'une conférence diplomatique convoquée à Londres en octobre 2005. Signés par la France en février 2006, ces protocoles sont entrés en vigueur le 28 juillet 2010. Aujourd'hui, quarante et un États sont parties au protocole SUA de 2005 sur la sécurité de la navigation maritime, et trente-cinq le sont à celui relatif à la sécurité des plates-formes. La ratification de ces protocoles répond donc à une nécessité opérationnelle.
Quelles sont les principales évolutions introduites par les protocoles de 2005, par rapport à ceux de 1988 ? Deux grands apports peuvent être mentionnés. Il s'agit en premier lieu de l'extension du champ des infractions visées par les textes de 1988. En effet, les protocoles SUA de 2005 ajoutent certains actes à caractère terroriste, c'est-à-dire des actes qui, par leur nature ou leur contexte, visent à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque.
Ils sont aussi beaucoup plus spécifiques en matière de lutte contre la prolifération en mer puisqu'ils s'étendent à toutes les infractions de prolifération par mer d'armes biologiques, chimiques ou nucléaires – BCN – et de biens à double usage BCN, commises avec ou sans motif terroriste.
Ce souci de lutter contre la prolifération résulte de l'augmentation du nombre de crises liées à ce danger ainsi que du développement de réseaux clandestins de fourniture d'équipements et de technologies proliférants, dont certains sont susceptibles d'établir des liens avec des groupes terroristes – tel est le monde dans lequel nous vivons.
Le protocole SUA de 2005 sur la sécurité de la navigation maritime étend par ailleurs son champ d'application au transport d'un fugitif impliqué dans une infraction visée par le protocole ou par certains autres traités.
Il faut préciser à cet égard que la France a veillé à ce que figure dans le protocole une clause de sauvegarde excluant des infractions les transports de biens et de matières qui ne sont pas contraires au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968.
La deuxième grande innovation est introduite par le seul protocole SUA de 2005 sur la sécurité de la navigation maritime : c'est la mise en place d'un dispositif d'intervention en haute mer. Ce dispositif autorise notamment, à l'issue d'une procédure qu'il définit, l'arraisonnement par un État de navires battant un autre pavillon que le sien et qu'il soupçonne d'être impliqués dans la commission d'une infraction visée par le protocole.
Il élargit ainsi la liste, définie par le droit international, des cas dans lesquels un État peut arraisonner un navire qui ne bat pas son pavillon. Cependant le consentement de l'État du pavillon doit être obtenu. Le protocole prévoit des procédures simplifiées qui permettent à un État d'accorder, lors du dépôt de son instrument de ratification, l'autorisation d'arraisonner ses navires, soit de manière générale sans qu'il soit besoin de demande de confirmation de la nationalité du navire, soit sur la base d'un accord tacite, à l'issue d'un silence de quatre heures à compter de l'émission de la demande de confirmation de nationalité.
Afin de conserver la plus grande liberté d'appréciation en fonction des circonstances, dans une décision relevant de sa seule souveraineté, la France n'entend effectuer aucune de ces deux notifications lors du dépôt de son instrument de ratification.
Au-delà de la dimension répressive qui caractérise la convention SUA de 1988, le dispositif d'intervention en haute mer mis en place par le protocole de 2005 permet également à un État d'intervenir de manière préventive, afin d'éviter qu'une infraction aux conséquences potentiellement graves ne survienne.
On voit bien, au regard des éléments qui précèdent, l'intérêt que présente pour la France la ratification de ces protocoles. Une telle ratification constitue en effet un pas supplémentaire dans le cadre des efforts déployés par la France pour lutter plus efficacement contre le terrorisme. Cela est vrai tant au niveau international, où la coopération avec nos partenaires étrangers s'en trouverait renforcée, qu'à l'échelle nationale, où la compétence des juridictions françaises serait établie pour les nouvelles infractions introduites par les protocoles, et ce non seulement lorsqu'un lien territorial ou personnel est établi avec l'infraction, mais également lorsque l'auteur présumé se trouve sur le territoire français et n'est pas extradé.
Considérant l'importance de ces sujets, j'ai été, comme un certain nombre d'entre vous, interpellé par le temps mis à ratifier ces protocoles, alors que deux majorités différentes se sont succédé depuis 2007.
J'ai donc tenu à faire un point en matière de ratification d'accords signés par la France et à mettre en place des objectifs pour améliorer la situation.
Nous déplorons souvent en droit interne l'engorgement normatif préjudiciable résultant d'un flux législatif et réglementaire excessif. Or il s'avère que la même frénésie gagne un certain nombre d'instances internationales qui multiplient accords et avenants, au rythme de l'avancée de la mondialisation.
À l'issue de la discussion, ici puis au Sénat, des quatre protocoles en cours d'examen par votre commission, trente-deux projets de loi de ratification seront en attente de discussion au Parlement. Par ailleurs une soixantaine d'accords doivent encore faire l'objet d'un projet de loi de ratification. Nous souhaitons que le Conseil des ministres en examine une quinzaine d'ici à la fin de 2017. Ils pourront ensuite être déposés sur les bureaux des assemblées, soumis à l'examen des commissions des affaires étrangères avant d'être débattus en séance publique.
Il y a quelques années, la transposition des directives européennes posait un problème similaire en termes de délais – il y a une dizaine d'années, la France était même lanterne rouge dans ce domaine. Une politique volontariste a été mise en oeuvre pour régler ce problème et je crois que nous devons adopter la même démarche pour les accords internationaux. C'est d'ailleurs ce qui ressort des débats que vous avez eus en commission, monsieur le vice-président et monsieur le rapporteur de la commission. Une lecture très attentive de leur compte rendu m'a permis de constater que ce souci était partagé sur tous les bancs.
D'ailleurs ce n'est qu'ensemble que nous y arriverons. J'ai lu les propos déterminés de Mme la présidente de la commission des affaires étrangères, qui font écho à l'action volontariste engagée au Sénat par le président Raffarin. Le Gouvernement doit soutenir cette volonté de ses efforts.
Le Gouvernement doit se fixer l'objectif d'un délai de un an entre la signature d'un accord et la présentation d'un projet de ratification devant le conseil des ministres et son examen par la représentation nationale. Cela signifie une discussion plus rapidement conclusive au niveau interministériel et cela réclame de la discipline. Je souhaite que l'on fasse chaque année un point de l'état d'avancement du chantier devant la représentation nationale, car nous ne pouvons nous satisfaire de la situation actuelle.
En tout cas, soyez assurés que cette ambition est partagée tant au niveau politique que par les services, et que nous emploierons notre meilleure volonté et toute notre ardeur à la réaliser. Des accords signés ne doivent pas rester de simples tigres de papier, mais doivent devenir vraiment opposables afin qu'il y ait une continuité de la volonté exprimée par la signature de la France.
Il se peut enfin que ce débat ait aussi le mérite de faire apparaître d'autres convergences sur tous ces bancs. J'ai pris connaissance avec attention du rapport de M. Hutin et des débats que vous avez eus en commission, et j'y ai décelé un attachement commun à l'intérêt stratégique de nos territoires ultramarins et de notre domaine maritime – je pense notamment à vos interventions, monsieur Jacques Maire, monsieur Jean-Luc Mélenchon. Nous devons tous être très attentifs aux enjeux qui concernent ces territoires, qui font de la France une grande puissance maritime. Tous les chantiers qui ont pour cadre l'OMI nous concernent au premier chef et je suis persuadé que le Parlement, singulièrement l'Assemblée nationale, et le Gouvernement parviendront à faire du bon travail dans ce domaine.
Je remercie l'Assemblée nationale d'avoir provoqué ce débat sur ce projet de loi de ratification, qui nous permet de nous fixer des objectifs ambitieux – mais accessibles, monsieur Lecoq ! – en matière de ratification d'accords internationaux signés par notre pays, entre autres éléments. En effet la politique étrangère de la France nous réunit souvent, par-delà nos divergences d'opinion, et je m'en félicite.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
La parole est à M. Christian Hutin, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le vice-président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, il y a deux semaines, la commission a adopté à l'unanimité le projet de loi autorisant la ratification des protocoles de Londres de 2005 relatifs à la sécurité maritime. Le passage par la voie législative était nécessaire, ces protocoles visant des infractions délictuelles ou criminelles.
Comme nombre de députés ici présents le savent, en particulier le député de Dunkerque que je suis, ou celui du Havre, le transport maritime est au coeur de notre économie. Il repose sur la liberté des mers et la sécurité de la navigation en est une condition. Cela suppose des dispositifs protecteurs. En effet, en application du principe de la liberté de la haute mer, seule une règle de droit international public permet à un État d'interférer dans la navigation d'un bâtiment qui ne bat pas son pavillon.
En 1988, lors d'une conférence qui se tenait à Rome, les pays membres de l'Organisation maritime internationale, ont adopté la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, dite convention SUA, pour Suppression of Unlawful Acts, après la survenue de drames tels que le détournement, en octobre 1985, de l'Achille Lauro par le Front de libération de la Palestine.
Les États parties se sont engagés à prendre les mesures répressives appropriées, de nature pénale, contre les auteurs de tels actes. Sont notamment visés la capture d'un navire par la force, les violences et voies de fait, y compris le meurtre, contre les personnes à bord, passagers ou membres d'équipage, et l'embarquement d'équipements ou de dispositifs destinés à endommager ou à détruire le navire ou son système de navigation.
La coopération entre les États est organisée dans ce cadre. Ceux-ci sont notamment tenus de s'accorder l'entraide judiciaire. L'objectif est que l'auteur de l'infraction qui se trouve sur le territoire de l'un d'entre eux y soit jugé ou bien en soit extradé vers un pays qui a établi sa compétence selon des critères assez larges pour permettre à un État de se saisir d'une affaire dès lors que l'un de ses ressortissants en est l'une des victimes ou l'un des auteurs.
Les États doivent aussi se coordonner, y compris par l'échange de renseignements, pour prévenir la préparation sur leur territoire des infractions visées par la convention.
Il existe en outre un protocole spécifique aux plates-formes d'exploration et de production d'hydrocarbures fixées sur le plateau continental, dit « protocole SUA 1988 ». Ces plates-formes présentent des vulnérabilités similaires à celles des navires, mais ces installations relèvent du droit de l'État côtier, auquel la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 donne juridiction exclusive, y compris en matière de sécurité.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont montré qu'il était nécessaire de compléter ce dispositif pour viser spécifiquement le terrorisme. Des négociations en ce sens ont été engagées dès le mois de mars 2002, dans le cadre de l'OMI. Réunie à Londres en septembre 2005, une conférence a adopté les deux protocoles, celui relatif à la navigation maritime et celui relatif aux plates-formes, dont il est aujourd'hui demandé à notre assemblée d'autoriser la ratification.
Ces textes proposent plusieurs avancées.
En premier lieu, ils incriminent le terrorisme en s'appuyant notamment sur la définition qu'en donne la convention de 1999 pour la répression du financement du terrorisme. Ces nouveaux textes mentionnent les actes qui, par leur nature ou leur contexte, visent à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte.
Le dispositif est assez large. Sont visés non seulement les moyens classiques de la terreur, tels que l'utilisation d'explosifs, les atteintes à l'environnement par déversement de substances dangereuses ou nocives ou le détournement d'un navire de manière à provoquer la mort ou des dommages corporels ou matériels graves, mais aussi les risques de prolifération, à savoir l'utilisation de matières radioactives ou d'armes bactériologiques, chimiques ou nucléaires.
La clause de dépolitisation interdit à un pays d'arguer d'un mobile politique pour refuser d'exécuter la convention.
Ensuite, le protocole sur la navigation maritime cible la prolifération par voie de mer, c'est-à-dire le simple transport illégal par mer d'armes BCN, même en l'absence d'usage à caractère terroriste. Cette disposition n'appelle pas de réserve. Une clause de sauvegarde confirme la légalité des transports qui ne sont pas contraires au traité de 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires.
Enfin, un troisième ajout concerne la création d'une procédure d'arraisonnement. Il s'agit de permettre, sous certaines conditions et avec certaines garanties – j'y reviendrai – à un État d'arraisonner un navire qui ne bat pas son pavillon, lorsque celui-ci est soupçonné d'être impliqué dans l'une des infractions à la sécurité de la navigation maritime. Il pourra dans ce cas être autorisé à procéder à la fouille du navire, ainsi que de sa cargaison, et à soumettre à un interrogatoire les membres de son équipage, ainsi que toute personne se trouvant à bord.
La mise en oeuvre de cette procédure reste par principe subordonnée à l'autorisation de l'État du pavillon puisqu'elle met en jeu une question de souveraineté, mais deux modalités simplifiées sont prévues pour en faciliter l'exercice : d'une part, un mécanisme d'autorisation tacite après un silence de quatre heures à compter de la demande de confirmation de la nationalité du navire ; d'autre part, un mécanisme d'accord général et préalable de l'État du pavillon pour l'ensemble de ses navires en cas de suspicion de la part d'un autre État.
Ainsi qu'il est indiqué dans les documents communiqués au Parlement, la France ne fera pas usage de ces dispositions, car elle souhaite garder sa pleine autonomie de décision, en toute souveraineté.
La ratification de ces deux protocoles de 2005 visant à renforcer la sécurité maritime est donc tout à fait justifiée du point de vue de la France. Notre pays est une puissance maritime qui doit protéger ses intérêts.
Notre flotte commerciale reste assez limitée, le nombre des navires contrôlés par les armateurs français, sous tous les pavillons, représentant un peu plus de 1 % des 93 000 navires recensés dans le monde. En revanche – je salue à ce propos notre collègue de Nouvelle-Calédonie – la France dispose de la deuxième superficie maritime au monde, à raison de 11 millions de kilomètres carrés, juste après les États-Unis. Il s'agit là d'une richesse exceptionnelle.
Une large partie de ces espaces maritimes sous juridiction de la France se trouve à des points stratégiques, comme le détroit du Pas-de-Calais, mais aussi le Canal de Mozambique, entre l'Afrique et Madagascar.
Les cas – détaillés dans le rapport – du navire de plaisance le Tanit et du pétrolier Limburg, attaqués au large de la corne de l'Afrique et du Yémen, montrent aussi que nos intérêts nationaux peuvent être très directement menacés.
Par ailleurs, les protocoles de Londres sont cohérents avec les engagements internationaux et européens de la France. Ils s'articulent ainsi très bien avec le droit international grâce à la clause de non-dérogation vis-à-vis des autres corps de règles et sont aujourd'hui tout à fait compatibles avec le droit européen, lequel est assez développé en matière de lutte contre le terrorisme.
Enfin, peu d'adaptations au droit national sont à prévoir, celui-ci étant déjà conforme. Certaines déclarations et réserves sont en outre prévues pour préserver les principes du droit français en matière de menace de violences ainsi qu'en matière de recel de fugitifs. Les textes qu'il vous est demandé de ratifier ne soulèvent donc pas de difficulté.
Le seul point critique, vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, est le délai de onze ans entre la date du dépôt de projet de loi et la date de la signature des protocoles de Londres par la France.
C'est plus que l'âge de raison !
Sourires.
Vous avez parfaitement raison, monsieur le secrétaire d'État ! C'est particulièrement long.
Lors de l'examen du texte en commission des affaires étrangères, notre collègue Jean-Paul Lecoq – comme d'ailleurs Jean-Luc Mélenchon – a fait part de ses inquiétudes vis-à-vis du droit d'organisation d'actions démocratiques en mer.
Avant d'entrer dans le débat qui ne manquera pas d'avoir lieu avec M. Lecoq pour savoir si le droit international est liberticide – même lorsqu'il s'agit de protéger – dès lors que des États qui signent une convention ont des pouvoirs dont ils peuvent être bien évidemment tentés d'abuser, je crois que l'on peut d'ores et déjà le rassurer sur cette convention – bien que nos avis doivent probablement diverger s'agissant d'autres comportements d'autres États qui ne la signent pas.
D'abord, la clause générale dite de non-dérogation, à l'article 2 bis du protocole relatif à la convention SUA, prévoit qu'aucune disposition « n'a d'incidence sur les autres droits, obligations et responsabilités des États et des individus en vertu du droit international, en particulier des buts et principes de la Charte des Nations unies, du droit international relatif aux droits de l'homme et aux réfugiés et du droit international humanitaire ».
Ensuite, le dispositif le plus sensible, la procédure d'arraisonnement – dont nous avons parlé en commission – est assorti de plusieurs garanties.
D'une part, l'État qui conduit un arraisonnement doit notamment tenir compte de « la nécessité de ne pas compromettre la sauvegarde de la vie humaine en mer » et doit « veiller à ce que toutes les personnes à bord soient traitées d'une manière qui préserve la dignité fondamentale de la personne humaine et soit conforme aux dispositions applicables du droit international, y compris celles qui ont trait aux droits de l'homme ». C'est le paragraphe 10 du nouvel article 8 bis.
D'autre part, le Gouvernement a indiqué que la France conserverait sa liberté d'appréciation au cas par cas avant d'autoriser un autre État à arraisonner un navire battant pavillon français. Peut-être pourrons-nous en reparler.
Enfin, ces textes sont déjà entrés en vigueur en 2010 et ont été ratifiés par quarante et un pays pour ce qui concerne le protocole sur les navires et par trente-cinq pays pour ce qui concerne le protocole sur les plates-formes. Parmi les pays qui ont ratifié, la Suède – que l'on peut sans doute considérer comme un pays humaniste ! – mais aussi la Suisse. Aucun problème ne se posera donc jamais sur le lac Léman !
Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en guise de propos liminaire, permettez-moi de rappeler, après M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État, que c'est envoyer un signal regrettable à nos partenaires que de voter aujourd'hui un texte signé en 2005. Douze ans pour ratifier un texte relativement peu sensible, tant diplomatiquement que politiquement ou économiquement, ça fait long !
La ratification des deux protocoles relatifs aux conventions pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et des plates-formes fixes est un acte positif mais appelle plusieurs réflexions que je souhaitais partager avec vous aujourd'hui – c'est pourquoi notre groupe a demandé ce débat.
Les « actes illicites contre la sécurité de la navigation », que j'appellerai plus simplement ici de la « piraterie », présentent beaucoup de similitudes entre le développement de la piraterie au XVIIIe siècle et ce que nous connaissons aujourd'hui : l'explosion des échanges maritimes mondiaux suscite la convoitise de bien des groupes criminels, nombre d'espaces maritimes sont laissés vierge de toute souveraineté ou sont laissées à l'abandon par des États quasi-faillis, et une pauvreté humaine très préoccupante pousse certains groupes sur les mers pour récupérer de quoi subsister.
Au-delà de la ressemblance entre ces deux époques à propos de la piraterie, le XXIe siècle doit beaucoup au XVIIIe, grande phase de colonisation du monde par l'Europe qui a laissé de très profondes traces dans l'actuel ordre du monde.
Lorsque je pense à la colonisation, je pense évidemment à l'Afrique et plus encore aux situations somalienne ou nigériane, par exemple, qui concentrent à la fois les problèmes d'urgence humanitaire, de famine, de guerre civile larvée et d'émergence de groupes armés impunis sur terre et sur mer.
À ce propos, n'oublions jamais que la violence n'est qu'une conséquence désastreuse d'un grand nombre de phénomènes sociaux terribles et que, pour mettre un terme à la violence, c'est l'aide internationale et la paix qui doivent primer afin de créer une démocratie saine et non corrompue, un État, un appareil productif, une agriculture indépendante des grands lobbies, tout ce qui permet à une institution étatique de se maintenir dans la stabilité.
Ainsi, véritable conséquence de l'ordre mondial hérité des dégâts de la colonisation, l'ordre maritime mondial doit être pacifié. De ce point de vue, le texte que nous nous apprêtons à voter est important, même s'il est plus symbolique qu'utile, car nombre de dispositions ont déjà été intégrées en droit français et, pour les zones les plus dangereuses, des forces armées interviennent pour endiguer le phénomène.
Toutefois, il est nécessaire de rappeler la position du groupe GDR, selon lequel la protection des navires français contre la piraterie devrait systématiquement relever de l'action de notre marine nationale et non d'entreprises privées. L'État souverain doit assurer la sécurité de ses ressortissants où qu'ils soient, sans la sous-traiter.
Le même problème se pose concernant les moyens de surveillance de notre zone économique exclusive pour lutter contre les pillages de ressources naturelles comme la pêche illégale dont souffrent les pêcheurs normands, par exemple. La lutte contre la piraterie ne doit pas se faire avec des corsaires !
Mais alors que le droit se renforce de ce côté, il faut garder à l'esprit que les actes maritimes légitimes et militants doivent aussi avoir une place au sein d'un droit maritime international qui se renforce contre le terrorisme et la piraterie. Rien ne prévoit dans les conventions internationales ne serait-ce qu'une ligne pour ces actions militantes qui restent de ce fait dans le flou juridique, favorisant ainsi les États plutôt que les citoyens.
En 2011, alors député, je m'étais engagé pour participer à la « flottille pour la paix » visant à briser pacifiquement le blocus d'Israël contre Gaza. Partie un an après la première flottille, contre laquelle l'armée israélienne avait ouvert le feu…
… faisant 9 morts et 28 blessés parmi les militants, cette initiative a fait parler de cette situation totalement injuste qui permet à Israël – en violation complète et assumée des résolutions des Nations unies – d'empêcher les Palestiniens d'accéder à leurs eaux territoriales. Ces derniers manquent aujourd'hui tellement de tout que, selon la Croix rouge internationale, Gaza risque « un effondrement systémique ». Il faudrait encore envoyer des vivres, des médicaments et du ciment pour tout reconstruire. Mais quid de la situation internationale lorsque les bateaux de cette potentielle future flottille seront arraisonnés par la marine israélienne ? Quel statut pour les protéger ? C'est cela, le véritable point aveugle de cette convention.
Pensons aussi, par exemple, au pillage des ressources halieutiques par le Maroc dans les eaux territoriales très poissonneuses du Sahara occidental. Depuis le 21 décembre 2016, l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire C-10416P dispose que l'accord entre l'Union européenne et le Maroc prévoyant une libéralisation réciproque en matière, notamment, de produits de la pêche, ne s'applique pas au territoire du Sahara occidental. Si un bateau de militants sahraouis arraisonne un bateau de pêche marocain pour dénoncer le non-respect de cet arrêt, lequel est le pirate ?
Le problème de la notion de pirate concerne également les navires qui permettent aux migrants de se déplacer. Comment déterminer si le pilote d'un bateau illégal en direction des eaux territoriales françaises est un dangereux terroriste ou un être humain qui tente de protéger ses semblables ? Les kwassas-kwassas à Mayotte, qui « pêchent peu et amènent du Comorien », comme se plaît à le dire notre Président de la République…
… comment se placent-ils ? Est-ce que l'on peut leur reprocher, à eux, d'être des terroristes ou bien à M. Balladur qui a instauré un visa si difficile à obtenir que les ressortissants des Comores ne peuvent même plus traverser leur archipel pour se rendre à Mayotte voir de la famille ? Qui est l'agresseur ?
Greenpeace a également pu pâtir de cette ambiguïté sur la notion de piraterie lorsque, au tout début de 2013, une trentaine d'activistes de l'organisation non gouvernementale ont essayé d'escalader une plate-forme pétrolière russe dans l'arctique et ont été arrêtés et inculpés pour piraterie par la Russie. Heureusement, ce chef d'inculpation n'a pas été retenu plus longtemps, mais cette formulation permet de maintenir la pression sur eux et sur leurs méthodes militantes.
D'autres ONG ou associations protestent également en mer contre le massacre, par certaines entreprises ou des États peu scrupuleux, d'animaux marins protégés.
Terroristes pour les uns, défenseurs de l'humanité pour les autres : le concept de terrorisme n'est qu'une catégorie politique subjective qui sert à désigner un ennemi et cette convention ne contribue pas à clarifier cette notion. Dès lors, les États violents à l'égard des militants resteront impunis.
La question doit se poser de manière très sérieuse et faire l'objet d'une légitime réflexion aboutissant peut-être à ce que la France joue un rôle moteur en la matière.
Pour conclure, et même si le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera en faveur de ce texte, car il est symboliquement important que la France soit partie prenante de cette initiative internationale, il faut garder à l'esprit les failles béantes laissées par de telles conventions et inciter notre diplomatie à travailler à un avenir où le droit international maritime intégrerait la notion du militantisme en mer.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué le retard avec lequel notre commission a examiné les conventions internationales. Je souhaite vous interpeller sur l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, le CETA, qui est aussi une convention sur le commerce international. Notre assemblée a délibéré au mois de février 2017 et n'a pas autorisé son application avant que le Parlement ne l'ait ratifiée. Or, le CETA sera appliqué – certes partiellement, nous dit-on – à partir du mois de septembre alors que le texte n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour du Parlement pour être discuté. Je vous demande donc d'agir au plus vite pour que le délai entre la ratification et l'application éventuelle du CETA soit le plus court possible de manière à ce que les Français puissent savoir ce qu'est vraiment ce traité international sur le commerce et, le cas échéant, empêchent qu'il n'entre en vigueur.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le volume du transport de marchandises par mer devrait doubler d'ici à 2030. En effet, nous assistons à une augmentation du trafic maritime mondial plus rapide que celle du PIB mondial. La France dispose de la deuxième zone économique exclusive, et une large partie des espaces maritimes sous notre juridiction se trouve à des points stratégiques faisant l'objet d'un transit important.
C'est un fait : depuis longtemps, le trafic maritime mondial est confronté à des actes de piraterie en zones côtières. La mission Corymbe, qui, depuis trente ans, vise à entraîner les marines africaines, et la mission Atalante dans le golfe d'Aden ont certes permis de réduire la piraterie, mais celle-ci s'est déplacée dans le delta du Niger. La marine doit désormais assurer la protection renforcée sur les navires à passagers.
Au-delà des actes de piraterie, un nouveau danger vient perturber la sécurité de notre navigation : le terrorisme maritime. Un renforcement de la lutte contre le terrorisme maritime international s'impose donc. Notre projet de loi, autorisant la ratification des deux protocoles de Londres de 2005 modifiant la convention SUA de 1988 vise clairement à introduire, dans le droit maritime et pénal, des mesures permettant aux États de lutter plus efficacement en mer contre le terrorisme et la prolifération nucléaire, bactériologique et chimique.
Comme le rapporteur l'a rappelé, c'est à la suite d'un détournement de navire à passagers que les États ont saisi l'Organisation maritime internationale d'une demande, en vue d'une convention similaire à celle déjà en vigueur pour le transport aérien, lui aussi menacé par le terrorisme depuis la fin des années 1960.
La convention SUA a été adoptée en 1988. Concrètement, à travers cet arsenal juridique, les États sont par exemple tenus de s'accorder l'entraide judiciaire, ou encore de se coordonner, y compris par l'échange de renseignements, pour prévenir la préparation sur leur territoire des infractions visées par ladite convention.
Après le 11 septembre 2001, les deux protocoles de 2005 ont marqué des avancées de trois ordres : l'incrimination du terrorisme, de façon large ; l'extension de la convention SUA aux plates-formes ; la création, enfin, d'une procédure d'arraisonnement.
Par définition, arraisonner consiste à procéder à un contrôle, afin de vérifier la destination et la cargaison d'un navire, la nationalité ainsi que l'état sanitaire de son équipage et de ses passagers. À titre d'exemple, j'évoquerai deux affaires emblématiques entrant dans le champ de la convention SUA, et dans lesquelles les avancées introduites par les deux protocoles auraient pris toute leur mesure.
Battant pavillon français, le pétrolier Limburg a été percuté le 6 octobre 2002 dans les eaux territoriales du Yémen par une embarcation rapide de type Zodiac chargée d'explosifs, ce qui a coûté la vie à l'un des marins et blessé douze autres membres d'équipage. Une information judiciaire a été ouverte en France le 15 octobre 2002 des chefs de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive, avec cette circonstance que l'infraction a entraîné la mort d'autrui, tentative d'assassinats, infractions à la législation sur les explosifs, en relation à titre principal avec une entreprise terroriste.
D'autre part, un voilier français de plaisance, le Tanit, à bord duquel se trouvaient cinq personnes de nationalité française, dont un enfant de trois ans, a été détourné le 4 avril 2009 par plusieurs individus de nationalité somalienne, alors qu'il naviguait dans les eaux internationales au large des côtes de la Somalie. Les agresseurs, armés, se sont emparés du voilier et ont séquestré son équipage. Le 10 avril, après plusieurs jours de vaines négociations, la marine nationale a lancé une opération militaire afin de libérer les otages. Au cours de cette reprise de vive force qui a eu lieu en haute mer, un membre de l'équipage, le skipper, a été mortellement blessé. Trois des cinq agresseurs ont été capturés et deux autres ont été tués lors des échanges de tirs avec les militaires. Le 12 avril 2009, le parquet de la juridiction interrégionale spécialisée de Rennes a été saisi. Les trois agresseurs interceptés ont été transférés en France par voie aérienne et une information judiciaire a été ouverte. La cour les a condamnés à neuf ans d'emprisonnement.
Ces deux exemples illustrent les enjeux de l'organisation de la coopération en mer entre les États parties. Puisque ces deux protocoles, qui ont été adoptés à l'unanimité en commission, constituent une réponse adaptée au niveau de la menace et qu'ils ne soulèvent aucune difficulté de fond, nous souhaitons que leur ratification intervienne rapidement. En effet, nous débattons aujourd'hui d'un texte qui a été signé il y a onze ans ! Nous regrettons la longueur de ce processus, sur un sujet aussi pressant que la lutte contre le terrorisme.
En définitive, la ratification des protocoles SUA de 2005 apparaît aujourd'hui comme une priorité, dans la mesure où elle s'insère dans le cadre des efforts déployés par la France pour renforcer la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, il nous appartient cet après-midi de donner notre accord à la ratification par la France, onze ans après leur signature, des protocoles de Londres. On peut naturellement s'étonner, comme l'ont fait le secrétaire d'État et le rapporteur, qu'il ait fallu attendre aussi longtemps, alors que le transport maritime est au coeur de notre économie, avec plus de 100 millions de tonnes de marchandises transportées et un chiffre d'affaires de l'ordre de 6,5 milliards d'euros.
Est-il besoin de rappeler que le transport maritime repose sur la liberté des mers et que la sécurité de la navigation en est une condition essentielle ? Après une prise d'otages sur l'Achille Lauro en 1986, l'Organisation maritime internationale avait été saisie d'une demande venant notamment de l'Italie, en vue de la rédaction d'une convention similaire à celle déjà en vigueur pour le transport aérien.
En effet, en application du principe de la liberté de la haute mer, seule une règle de droit international public peut permettre à un État d'interférer avec la navigation d'un navire qui ne bat pas son pavillon. C'est ainsi qu'a été adoptée en 1988, lors d'une conférence à Rome, la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, dite « convention SUA » – le rapporteur a rappelé le sens de cet acronyme dans un excellent anglais.
Sourires.
Après les attentats du 11 septembre 2001, il est apparu nécessaire de compléter ce dispositif. Des négociations ont été engagées, dès le mois de mars 2002, dans le cadre de l'OMI. Une conférence spécifique, réunie à Londres en septembre 2005, a adopté les deux protocoles, celui relatif à la navigation maritime et celui relatif aux plates-formes. Il en résulte – je risque de répéter ce qui a déjà été dit, mais mieux vaut se répéter que se contredire – que le terrorisme est incriminé. Les nouveaux textes mentionnent en effet les actes qui, par leur nature ou leur contexte, visent à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte.
Le dispositif est large. Sont visés, non seulement les moyens terroristes « classiques », si l'on peut dire, tels que l'utilisation d'explosif, les atteintes à l'environnement par déversement de substances dangereuses ou nocives, ou encore le détournement d'un navire de manière à provoquer la mort ou des dommages corporels ou matériels graves, mais aussi les risques de prolifération, à savoir l'utilisation de matières radioactives ou d'armes bactériologiques, chimiques ou nucléaires. La clause dite de « dépolitisation » interdit en outre à un pays de refuser d'exécuter ses obligations.
Deuxièmement, le protocole sur la navigation maritime cible la prolifération par voie de mer, c'est-à-dire le simple transport illégal par mer d'armes BCN.
Troisièmement, il renforce la coopération entre les États, avec la création d'une procédure d'arraisonnement. Il s'agit de permettre à un État, sous certaines conditions, d'arraisonner un navire qui ne bat pas son pavillon, lorsque celui-ci est soupçonné d'être impliqué dans l'une des infractions à la sécurité de la navigation maritime. Cela peut aller jusqu'à fouiller le navire et sa cargaison et à interroger les membres de son équipage, ainsi que les personnes à bord. Cela permet aussi de répondre aux difficultés que suscitent, au large de la Méditerranée, les initiatives de certaines ONG qui recueillent des migrants ou, à l'inverse, les « identitaires » de l'autre bord, si je puis dire, qui mettent en danger des bâtiments et des personnels militaires au nom d'un certain militantisme.
Enfin, le protocole de Londres de 2005 sur les plates-formes modifie celui de 1988 de manière similaire à ce qui est prévu pour les navires. À cet égard, je rappelle que, depuis le début des années 1990, la France assure la protection des plates-formes pétrolières dans le golfe de Guinée dans le cadre de la mission Corymbe.
La mise en oeuvre de ces procédures reste, par principe, subordonnée à l'autorisation de l'État du pavillon, car c'est une question de souveraineté. Mais deux modalités simplifiées sont prévues pour en faciliter l'exercice : d'une part, un mécanisme d'autorisation tacite après un silence de quatre heures ; d'autre part, un mécanisme d'accord général et préalable de l'État du pavillon pour l'ensemble de ses navires. Or la France ne fera pas usage de ces dispositions, car elle souhaite garder sa pleine autonomie de décision, comme le lui permet son organisation de l'action de l'État en mer, avec le Secrétariat général de la mer, dont j'ai eu l'honneur d'être le premier secrétaire général de 1995 à 1997.
La ratification des deux protocoles de 2005 visant à renforcer la sécurité maritime semble donc tout à fait justifiée du point de vue de la France. Je rappelle que notre pays possède la deuxième superficie maritime au monde après les États-Unis, avec plus de 11 millions de kilomètres carrés, située à 97 % outre-mer, pour l'essentiel dans l'océan Pacifique et l'océan Indien. Dans le rapport sur la souveraineté maritime de la France que j'avais présenté avec notre collègue Paul Giacobbi au cours de la précédente législature, nous avions souligné que les domaines marins et sous-marins sous juridiction française sont encore plus vastes, grâce aux extensions du plateau continental déjà intervenues et celles à venir dans le cadre des travaux en cours devant la Commission des limites du plateau continental.
Enfin, une large partie des espaces maritimes sous juridiction française se trouve à des points stratégiques : je songe au Pas-de-Calais, mais aussi au canal du Mozambique, à proximité de notre cent unième département, Mayotte – et je me tourne vers notre collègue Jean-Paul Lecoq en disant cela.
Elle ne m'a pas échappé, et nous aurons l'occasion d'en reparler.
Il faut aussi avoir à l'esprit les actes de piraterie commis sur les navires de plaisance, comme le Tanit et le Ponant, sans oublier l'attentat sur le pétrolier français Limburg. Toutes ces attaques ont eu lieu au large de la corne de l'Afrique et du Yémen, et ces actes démontrent, s'il en est besoin, que nos intérêts peuvent être directement menacés.
Enfin, je souligne qu'à l'initiative du groupe Les Républicains, le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, déjà adopté par le Sénat, et que nous examinerons à la rentrée, prévoit dans son article 7 la création d'un PNR – Passenger Name Record – maritime, qui va renforcer, comme ces deux conventions, notre arsenal juridique en matière de lutte contre le terrorisme.
Le groupe Les Républicains votera donc ce projet de loi de ratification des protocoles de Londres, visant à renforcer notre sécurité maritime, d'autant plus que ceux-ci sont cohérents avec les engagements internationaux et européens de la France en matière de lutte contre le terrorisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce débat n'est naturellement pas de nature à remettre en cause la ratification de ces deux protocoles. Le projet de loi visant à l'autoriser a été voté à l'unanimité, je le rappelle, par la commission des affaires étrangères à laquelle j'appartiens. Notre discussion peut néanmoins servir à préciser un certain nombre d'éléments, s'agissant notamment du droit d'organiser des actions démocratiques en mer et de la réponse au terrorisme.
Ainsi que les orateurs précédents l'ont rappelé, ces deux protocoles ont été adoptés dans le cadre de l'Organisation maritime internationale. Il s'agit de lutter contre le terrorisme, d'incriminer la prolifération illégale par mer de matières et d'équipements nucléaires, bactériologiques et chimiques, d'améliorer la coopération entre les pays en prévoyant la création d'une procédure d'arraisonnement en mer.
Ces textes internationaux ne concernent que la haute mer : ainsi que M. Quentin l'a rappelé, la mer territoriale relève, de même que les plates-formes fixées sur le plateau continental, de la souveraineté de l'État côtier.
Ces textes ne menacent pas le droit d'organiser des actions démocratiques en mer – M. Lecoq a exprimé sa préoccupation à ce sujet en commission. En effet, la clause générale dite de « non-dérogation » prévoit qu'« aucune disposition n'a d'incidence sur les droits, obligations et responsabilités des États et des individus résultant du droit international, en particulier des buts et principes de la charte des Nations unies, du droit international relatif aux droits de l'homme et aux réfugiés, et du droit international humanitaire ».
En outre, le dispositif le plus sensible, la procédure d'arraisonnement, est assorti de plusieurs garanties.
D'abord, l'État qui conduit un arraisonnement doit notamment « [tenir] dûment compte de la nécessité de ne pas compromettre la sauvegarde de la vie humaine en mer » et « [veiller] à ce que toutes les personnes à bord soient traitées d'une manière qui préserve la dignité fondamentale de la personne humaine et soit conforme aux dispositions applicables du droit international, y compris celles qui ont trait aux droits de l'homme ».
Ensuite, le Gouvernement a indiqué que la France conserverait sa liberté d'appréciation au cas par cas avant d'autoriser éventuellement un autre État à arraisonner un navire battant son pavillon.
Par conséquent, la ratification des protocoles de Londres de 2005 par la France ne menace nullement le droit de mener des actions démocratiques en mer.
Ces textes sont déjà entrés en vigueur en 2010. Le protocole relatif aux navires a été ratifié par quarante et un pays, et le protocole relatif aux plates-formes par trente-cinq pays. La Suède et la Suisse, notamment, les ont ratifiés.
En ce qui concerne le terrorisme en mer, l'OMI a élaboré, en 1988, notamment après le détournement de l'Achille Lauro en 1985, la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime. Celle-ci impose aux États, d'une part, d'incriminer les actes illicites tels que la capture d'un navire, les violences et voies de fait contre les personnes à bord et l'embarquement d'équipements destinés à endommager ou à détruire le navire, d'autre part, de poursuivre en justice ou d'extrader leurs auteurs. Un protocole spécifique a été prévu pour les plates-formes pétrolières, qui présentent des vulnérabilités similaires à celles des navires.
Après les attentats du 11 septembre 2001, l'OMI a décidé de renforcer ces dispositifs avec la signature, en 2005, des deux protocoles en question, qui sont entrés en vigueur en 2010. La France les a signés en 2006, mais ne les a pas encore ratifiés.
Ces textes ne soulèvent aucune difficulté de fond. Les pouvoirs de contrôle sont accrus. Les actes terroristes commis depuis un navire ou bien contre un navire sont ciblés, de même que le risque de prolifération de matières radioactives et les risques bactériologiques, chimiques et nucléaires. La coopération entre l'État qui contrôle le navire suspect et l'État du pavillon est facilitée avec la création d'une procédure d'arraisonnement sous le contrôle de l'État du pavillon. Cela permettra à la France de contrôler les demandes des autres pays lorsqu'il s'agira d'intercepter un navire battant son pavillon.
Il n'y pas d'incompatibilité avec les règles européennes, et le droit national est largement conforme à ces textes. Néanmoins, ainsi que l'ont souligné tous les orateurs avant moi, le délai entre la signature de ces deux protocoles par la France et le dépôt du projet de loi de ratification a été particulièrement long : onze ans, sachant que ces textes sont entrés en vigueur depuis sept ans déjà.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe REM.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à associer M. Christophe Naegelen, mon collègue du groupe Les Constructifs, à cette prise de parole. Il a participé à sa préparation et à son élaboration.
Le transport maritime est au coeur de notre économie. Il est régi par un principe ancien : la liberté des mers. Le développement des échanges internationaux par voie maritime suppose néanmoins la sécurité de la navigation, mais aussi l'utilisation de la navigation commerciale à des fins pacifiques.
À ce jour, le terrorisme maritime n'a heureusement pas atteint le niveau des menaces contre le transport aérien – le 11 septembre 2001 reste dans nos mémoires à tous – , mais il a, hélas, provoqué des drames, avec le détournement de l'Achille Lauro par des membres du Front de libération de la Palestine en octobre 1985.
Cette prise d'otages en mer par des terroristes palestiniens avait été marquée par l'assassinat barbare d'un otage, Leon Klinghoffer, un paraplégique de nationalité américaine. Leon Klinghoffer avait été choisi non pas par hasard, mais parce qu'il était américain mais aussi juif. Il avait été exécuté froidement de deux balles avant d'être jeté par-dessus bord avec son fauteuil roulant.
Du FLP de l'époque au Daech aujourd'hui, c'est la même barbarie consubstantielle au terrorisme, le même antisémitisme viscéral ancré dans l'ADN du terrorisme arabo-musulman qui sont à l'oeuvre.
Après l'épisode fondateur de l'Achille Lauro, l'Organisation maritime internationale a été saisie, en 1986, d'une demande en vue d'élaborer une convention similaire à celle qui existait pour le transport aérien. En 1988, à l'issue d'une conférence tenue à Rome, a été adoptée la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, dite « convention SUA » – cela a été rappelé.
Cette convention vise un ensemble d'infractions pénales et essaie d'organiser la coopération entre États. Elle oblige notamment l'État du pavillon à veiller à ce que le capitaine du navire coopère avec les autorités des États compétents. Les États sont tenus par la règle « juger ou extrader » et doivent s'accorder l'entraide judiciaire, c'est-à-dire coopérer entre eux en matière pénale. La convention SUA prévoit aussi la coordination entre les États parties, y compris – c'est très important – par l'échange de renseignements.
Un protocole spécifique aux plates-formes d'exploration et de production d'hydrocarbures fixées sur le plateau continental, dit « protocole SUA 1988 », a aussi été adopté – cela a été également rappelé.
Après les attentats du 11 septembre 2001, de nouvelles négociations ont été engagées dans le cadre de l'OMI, dès mars 2002, afin d'actualiser et compléter le dispositif. Une conférence spécifique a été réunie en septembre 2005 à Londres. Celle-ci a adopté les deux protocoles que nous examinons aujourd'hui.
Ces textes marquent un progrès certain pour la coopération internationale antiterroriste dans le domaine maritime.
D'abord, le terrorisme est spécifiquement incriminé. Sont visés non seulement les moyens dits « classiques » du terrorisme, mais aussi les risques de prolifération, à savoir l'utilisation ou le transport illégal de matières radioactives ou d'armes bactériologiques, chimiques ou nucléaires.
Ensuite, une clause importante de dépolitisation est incluse, c'est-à-dire l'interdiction faite à un État de recourir à l'argument du mobile politique pour refuser d'exécuter ses obligations.
Enfin, il faut souligner l'amélioration de la coopération entre États avec la création d'une procédure d'arraisonnement.
Le protocole de Londres de 2005 sur les plates-formes modifie celui de 1988 de manière similaire à ce qui est prévu pour les navires.
La ratification de ces deux protocoles de 2005 est tout à fait justifiée, et même urgente, du point de vue de la France.
D'abord, notre pays, puissance maritime de premier ordre, doit protéger ses intérêts. Ainsi que l'a rappelé M. Quentin, la France possède un domaine maritime de 11 millions de kilomètres carrés, le deuxième au monde après celui des États-Unis.
Par ailleurs, plusieurs affaires survenues ces dernières années ont montré la réalité de la menace en haute mer. J'en rappelle quelques-unes.
Le 6 octobre 2002, un attentat djihadiste par « bateau-suicide » a été commis contre le pétrolier Limburg à vingt-cinq kilomètres des côtes yéménites.
Le 4 avril 2008, le navire de plaisance Le Ponant a été pris d'assaut dans le golfe d'Aden par des pirates somaliens. Les otages ont été libérés contre rançon – on s'en souvient – et une partie des pirates ont été appréhendés.
Le 4 avril 2009, le navire de plaisance Tanit a été capturé par des pirates somaliens. Il a été libéré cinq jours plus tard grâce à une intervention militaire conjointe des Français et des Allemands.
Chacun en convient : le risque n'a pas diminué ces dernières années, notre pays étant devenu une cible prioritaire pour les organisations djihadistes et terroristes.
Par ailleurs, sans entrer dans le détail des textes, les protocoles de Londres ne posent pas de difficulté en termes d'insertion dans notre ordre juridique : ils sont compatibles avec nos engagements internationaux et européens, et seules quelques adaptations à la marge de notre droit interne sont à prévoir – elles sont développées dans le rapport.
En somme, les textes dont il est demandé d'autoriser la ratification améliorent le dispositif de sécurisation des voies maritimes et des plates-formes, particulièrement face au risque terroriste, et ne soulèvent pas de difficulté. Le présent projet de loi a été voté à l'unanimité par la commission des affaires étrangères. Bien évidemment, le groupe Les Constructifs le soutiendra.
Cependant, plusieurs d'entre nous l'ont relevé, la représentation nationale ne peut être que déconcertée par le délai de douze ans entre la date de la signature des protocoles par la France et celle du dépôt du projet de loi. Je rappelle que ces protocoles sont entrés en vigueur il y a sept ans, le 28 juillet 2010, pour les pays qui les avaient ratifiés.
Ce retard traduit plusieurs défaillances. D'abord, il révèle notre difficulté et notre lenteur à anticiper et à adapter notre droit en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Il est peut-être aussi le signe de la difficulté de nos gouvernements successifs à concevoir une politique maritime digne de ce nom.
Ensuite, à mon sens, ces protocoles ne vont sans doute pas assez loin pour lutter contre le terrorisme en haute mer. Face à la menace djihadiste et à l'émergence de véritables entités terroristes proto-étatiques, il faut impérativement élargir la liste des infractions permettant d'arraisonner un navire en dehors des eaux territoriales, afin de traiter notamment deux cas.
Premier cas : des États sponsors d'entités terroristes utilisant le transport maritime pour acheminer armes et munitions à des organisations djihadistes, sunnites ou chiites. Ces États, nous les connaissons, nous les fréquentons et, souvent, nous flirtons avec eux. Le premier d'entre eux est la République islamique d'Iran.
Ainsi, en mars 2014, la marine israélienne a appréhendé un navire battant pavillon panaméen en provenance d'Iran qui transportait des roquettes à destination de Gaza, enclave contrôlée depuis 2006 par une entité djihadiste, le Hamas, inscrit sur la liste des organisations terroristes établie par l'Union européenne.
À l'heure où des territoires entiers sont contrôlés par des organisations terroristes, un dispositif à la fois efficace et proportionné doit être trouvé pour permettre d'arraisonner des navires transportant des armes et des munitions vers ces entités. Jusqu'à présent, seules des armes conventionnelles ont été en cause, mais il pourrait s'agir demain d'armes non conventionnelles, ainsi que nous l'avons vu il y a quelques jours en Australie, où ont été interpellés quatre individus qui s'apprêtaient à commettre un attentat avec, semble-t-il, des gaz non conventionnels.
Second cas : des navires suspectés de transporter des armes et du matériel de construction destinés à des groupes terroristes.
On se souvient, monsieur Lecoq, de la flottille qui a tenté de rejoindre Gaza en 2010. Cette triste affaire aurait dû être évitée ; elle aurait pu l'être si notre droit international avait été adapté. Les forces israéliennes, je le rappelle, ont alors arraisonné en haute mer le navire Mavi Marmara, sur lequel avaient embarqué non seulement du personnel humanitaire, mais aussi des militants proches d'organisations terroristes. Si la flottille était en effet chargée d'aide humanitaire, il y avait aussi, dans les cales, des armes ainsi que du matériel destiné au creusement de tunnels de contrebande et à la construction de bunkers et autres fortifications en vue d'une confrontation avec Israël.
Dans le navire à bord duquel je me trouvais, il n'y avait rien de tout cela !
Nous l'avons vu quelques années plus tard, lorsque la ville d'Ashdod a été bombardée.
L'urgence justifiait évidemment l'intervention, et même simplement le contrôle de ces bateaux. Toutefois, l'absence de base légale démontre qu'il existe une faille dans le droit international. Pourrait-on imaginer de ne pas arraisonner un navire acheminant armes et matériel de construction pour Daech et permettant au califat noir de se préparer à une confrontation armée avec nos forces ? Évidemment non !
Les protocoles que nous devons ratifier vont donc dans le bon sens, mais ils ne vont pas assez loin. Tout en préservant le principe de liberté des mers, le droit international doit s'adapter à une menace terroriste protéiforme, qui cherche constamment à exploiter les failles de nos systèmes juridiques. Les deux exemples mentionnés à l'instant montrent des pistes de travail à engager, sans attendre douze ans, cette fois-ci !
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le présent projet de loi nous offre une occasion assez particulière de nous exprimer, non pour nous contredire, mais pour compléter nos interventions respectives. Saisissons-la au bond ! C'est bien ce que je compte faire. Pour les Français, toutes les occasions de parler de la mer et de son importance dans la vie de la patrie sont à saisir. On a souligné l'importance du territoire maritime pour eux et rappelé que la France représentait le deuxième territoire maritime du monde. Je m'amuse à constater qu'en tenant compte de la France immergée et de la France émergée, notre territoire est plus grand que celui de la Chine elle-même. En outre, le territoire maritime s'est encore accru de 10 % grâce à l'identification de la continuité des plateaux continentaux. Un accroissement de 10 % du territoire national sans qu'un coup de fusil ait été tiré, c'est une première dans l'histoire ! Je crois qu'on n'en a pas fini avec ce processus, qu'il faut suivre et accompagner avec sérieux. Je suis sûr que les autorités françaises, quelles qu'elles soient, s'y attachent avec soin.
Mais, ce ne sont pas les seules raisons de ce débat. Notre réflexion doit également tenir compte du fait que, si nous sommes si puissants, nous sommes responsables. Et nous sommes la France ! La mer contient soixante-quinze fois l'énergie dont nous avons besoin sur terre. La mer est moins connue que ne l'est la surface de la lune – n'est-ce pas incroyable ? La mer contient une variété infinie d'espèces, dont 85 % sont inconnues, alors même que s'y trouve une sorte de trésor pour la connaissance, qui pourrait permettre de répondre à de nombreux défis intellectuels et scientifiques auxquels l'humanité est confrontée.
Pourtant, pendant leur histoire, les Français ont longtemps, – presque tout le temps, d'ailleurs – méconnu l'importance de la mer pour eux. Richelieu disait déjà que les larmes de nos souverains avaient souvent le goût salé de la mer qu'ils ont ignorée. Je le regrette, mais il n'y a pas que nous. Le rôle des océans dans la régulation thermique a été l'absent de la vingt et unième Conférence des parties – COP 21. Le rôle des océans dans la conservation de la biodiversité reste l'absente des réflexions scientifiques internationales, alors même que maints indicateurs nous permettent de savoir que la sixième extinction massive de la biodiversité a peut-être commencé. Enfin, le rôle des océans et des mers dans la transition écologique est mal compris.
Si nous prenons soin de la mer pour en tirer ce dont nous avons besoin, et si nous le faisons en recherchant l'harmonie dans les rapports des êtres humains avec la nature, tirant tous les enseignements de ce que notre temps nous a appris, nous aurons alors soin de la Terre. En quelque sorte, l'aval commandera l'amont. C'est pourquoi l'enjeu est si grand pour nous tous. La mer est, d'une certaine façon, la deuxième chance de la civilisation humaine, au moment où les signes qui montrent qu'elle court à la catastrophe se multiplient.
Certes, nous traitons d'une convention relative à la haute mer – j'en parlerai dans un instant – , mais nous ne devons pas nous arrêter à cela et notre responsabilité doit être évoquée dans tous ses aspects. Le texte de cette convention nous amène à réfléchir sur la piraterie, qui est évidemment un problème. Celui qui le nierait ne tiendrait pas compte des réalités de notre temps. Quatre-vingt-dix pour cent du commerce mondial passe par la mer. C'est d'ailleurs parce que ce commerce est si bon marché que nous pouvons délocaliser et relocaliser les marchandises et la production à bon compte. Le jour où le coût du transit maritime changera, vous verrez que les flux commerciaux changeront également.
Nous avons un grand intérêt à nous assurer de la liberté de passage dans les océans, mais surtout à en propager l'état d'esprit. Cette liberté ne doit pas être qu'un prétexte, ou un droit de passage à vocation prédatrice. Non ! La liberté de circulation en mer soulève dorénavant des problèmes d'un type nouveau, qu'il nous faut étudier et sur lesquels nous, Français, devons intervenir. Hélas, la fonte des glaciers libère des passages. J'observe avec tristesse qu'on discute moins de la fonte des glaciers que de la question de savoir à quel État revient le territoire ainsi libéré et qui va pouvoir y passer. Ce sont des conflits qui s'annoncent, qui mêlent les problèmes de puissance à ceux de l'accès aux ressources. La Russie, les États-Unis d'Amérique et le Danemark, entre autres, sont en compétition pour le passage par les voies du Grand Nord.
De la même manière, avant même que les territoires soient libérés, on voit se multiplier les occasions de prédation irresponsable. C'est pourquoi, pour ma part, j'avais pris le parti de soutenir les militants de Greenpeace dans une pétition cosignée avec M. Noël Mamère, lorsque ces derniers furent interceptés par les Russes, alors qu'ils avaient abordé une plate-forme. Je sais bien qu'occuper une plate-forme est un acte de piraterie au sens strict du terme, mais tout le monde reconnaît qu'il s'agissait non pas d'un acte de pillage, mais d'un acte militant. En commission, nous nous sommes tous accordés à dire qu'il était temps de bien distinguer ce qui relève de la piraterie de ce qui relève de ce qui sera appelé « les mouvements sociaux en mer ». Car, si la mer est un tel enjeu, elle devient un lieu de conflit, non seulement entre les puissances – je viens d'en parler – , mais aussi entre ceux qui ont des idées différentes sur la manière d'utiliser ce que la mer nous propose.
Si l'on doit lutter contre la piraterie, il faut le faire avec des moyens d'État. Monsieur le secrétaire d'État, je désapprouve absolument la décision prise par M. Ayrault d'autoriser les milices sur les bateaux de passage. C'est à la marine nationale d'assurer la protection des navires français et des voies de passage par le territoire maritime français.
Bien sûr, il faut lui en donner les moyens ! Mais il ne peut pas y avoir d'autre violence que la violence légitime, c'est-à-dire celle de l'État, et donc de son armée.
Nous luttons contre la prolifération de certains matériaux chimiques, bactériologiques et nucléaires. S'agissant des matériaux chimiques, je déplore que, vingt ans après la signature de l'accord de Paris, certaines grandes nations, comme les États-Unis ou la Russie, n'aient toujours pas démantelé leurs arsenaux. Il n'est donc pas étonnant qu'une certaine partie de ces arsenaux finisse par circuler et tomber dans les mains dans lesquelles nous ne voudrions pas qu'elle tombe.
De la même manière, s'agissant des déchets nucléaires, il n'est pas acceptable que l'on continue à autoriser ou à pratiquer le déversement en mer de déchets qui ont à voir avec la pollution de la radioactivité. Le rapport de l'Union européenne établissait que les déversements en mer opérés par les centrales nucléaires européennes équivalaient à un accident nucléaire majeur par an. Ce n'est pas acceptable ! Il n'est pas acceptable non plus que, lorsque des vaisseaux transportant les matériaux à jeter en mer sont arraisonnés par des militants politiques comme ceux de Greenpeace, on leur jette les tonneaux sur leurs embarcations en guise de réponse.
Nous traitons des grands fonds et du grand large. La France doit agir avec la plus grande fermeté pour que s'ouvre une discussion sur les droits juridiques applicables à ces espaces. Aujourd'hui, c'est la res nullius qui prévaut – ou presque. Comme c'est à personne, personne ne s'en soucie ni n'a le droit d'intervenir. Puisque le monde se resserre et que la population y est de plus en plus nombreuse, puisque huit des plus grandes métropoles mondiales se trouvent sur le bord de la mer et que 50 % de la population mondiale y vivent, tout ce qui concerne la mer doit relever de la régulation internationale, et c'est à l'ONU de faire des propositions. Je ne suis pas d'accord pour que vingt-cinq autorisations de prospection dans les grands fonds soient données par un comité de l'ONU dont les normes ne sont pas stabilisées et auquel nous, Français, ne participons pas assez. L'exploitation des grands fonds ne doit pas être abandonnée à la logique du far west. La loi, la régulation internationale et l'ONU doivent intervenir.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tels sont les enjeux sur lesquels je voulais insister. J'ai proposé que la commission des affaires internationales crée une mission ou établisse un rapport. Je ne pensais pas qu'on m'en trouverait indigne. Pourtant, je note qu'on n'a confié au groupe La France insoumise qu'un seul rapport sur cent trois. Mais peu importe qui fera ce rapport. La représentation nationale doit se saisir de la question des grands fonds, car c'est là que commence le respect du territoire national des Français et de leur espace maritime.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe REM.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je remercie le destin de me faire intervenir juste après M. Mélenchon. Cela me permettra de surfer sur la vague de sa passion maritime, qui est très forte et que je partage, en veillant toutefois à ne pas tomber sur le sable, si la marée redescend !
Sourires.
Ce projet de convention met face à face deux réalités : la réalité territoriale, matérielle, des États, dont les pouvoirs sont mis à rude épreuve par une autre réalité, aussi vieille que celle des États, à savoir celle de la piraterie. La piraterie a traversé les siècles et les empires – je ne remonterai pas à l'antiquité d'Homère ou de Jules César, qui en a été victime. Aujourd'hui, elle redevient une menace quotidienne en mer de Chine, dans l'océan Indien, en mer Rouge ou dans les Antilles.
Parfois, les États ont voulu codifier la piraterie, à leur bénéfice propre, dans les droits nationaux. Ce furent les corsaires, qui exerçaient une véritable mission de service public consistant à assurer la sécurité de nos côtes et la destruction des flottes ennemies.
La France en a fait largement usage et en célèbre toujours aujourd'hui certains, comme Jean Bart de Dunkerque, cher à notre rapporteur, ou Surcouf et Duguay-Trouin.
Curieusement, les pirates normands ne sont pas restés dans l'histoire. Je pense que cela tient à un excès de modestie, dont fait également preuve M. Lecoq !
Ces corsaires se comportaient mieux que les pirates, au moins en droit, car, s'ils prenaient la coque et la cargaison, ils ne prenaient pas la vie. Mais le droit national n'a pas permis de préserver cette mission de service public jusqu'à notre époque. Si, par exemple, le droit français reconnaissait un marin breton comme corsaire, ce dernier ne bénéficiait pas d'un régime de reconnaissance mutuelle avec l'Angleterre, et ce, bien avant le brexit ! Le corsaire était toujours considéré comme un pirate par nos ennemis et, donc, susceptible d'être pendu à la grand-vergue.
Il a donc fallu trouver une solution juridique consensuelle pour régler, en droit tout au moins, la question de la piraterie. Comme l'a dit M. Mélenchon, il a fallu créer le droit de la mer. La solution est apparue en deux phases. Dans un premier temps, a été signée il y a trente-cinq ans, en 1982, la fameuse convention des Nations unies de Montego Bay. Elle n'a pas encore été ratifiée par les États-Unis. Elle fut un grand pas en avant mais comporte trois limites : les États-Unis ne l'ont pas ratifiée ; les bateaux ne peuvent être arraisonnés qu'en haute mer ; les actes de piraterie ne concernent que les actes criminels à des fins privées. L'exemple dramatique de l'Achille Lauro, sur lequel je ne reviendrai pas, car Meyer Habib l'a présentée en détail, témoigne de ces carences.
Ce précédent devint un casse-tête, car l'acte de piraterie n'était pas motivé par des intérêts privés, mais répondait à des revendications politiques. En outre, il n'a pas eu lieu, comme l'exigeait la convention de Montego Bay, en haute mer, mais dans les eaux territoriales. Enfin, l'État qui a récupéré et sanctionné les ravisseurs n'était pas partie à la convention.
Je ne reviens sur la phase suivante que très rapidement – vous l'avez évoquée, c'est la convention pour la répression d'actes illicites – dite SUA – , adoptée à Rome en 1988. Elle précède notre protocole qui est encore, si j'ose le dire, une convention internationale de circonstance, puisqu'il est la conséquence directe des attentats de 2001 – les groupes de travail ont commencé à se réunir en mars 2002. Son objet est beaucoup plus large, notamment en matière d'incrimination, de transport, de trafic d'armes BCN ou d'arraisonnement. Il n'est nul besoin d'être expert en géopolitique pour comprendre à quel point cette coopération antiterroriste en mer est importante : d'une part la menace terroriste n'a jamais été aussi présente ; d'autre part les cibles maritimes n'ont jamais été aussi sensibles.
Sans faire de science-fiction, imaginez les conséquences humaines et économiques d'une explosion de l'un de ces paquebots géants que nous sommes si fiers de construire à Saint-Nazaire. Imaginez celles de l'explosion d'un méthanier amarré dans un port comme Fos-sur-Mer. Imaginez la collision provoquée entre un méthanier et un super-paquebot. Ces scénarios de cauchemar ont été imaginés et anticipés, comme le montre la mise à dimension du remorqueur de haute mer Abeille Bourbon à Brest.
Nous avons tous l'impression que ce texte arrive tard, et nous prenons bonne note de l'engagement du secrétaire d'État, que je remercie, de faire en sorte que le rythme de l'approbation parlementaire puisse être accéléré avec la tenue d'un débat obligatoirement moins d'un an après la signature du texte.
Nous avons également besoin de nous forger une opinion partagée sur la compatibilité de cette convention avec les activités et les manifestations politiques en mer. Je vous remercie, monsieur Lecoq, de nous permettre d'avoir ce débat, car sans votre intervention, il n'aurait sans doute pas eu lieu. Ce n'est pas une question théorique. De très nombreux exemples d'actions menées par diverses organisations ont conduit à des interpellations brutales.
Nous avons tous suivi les opérations en mer des écologistes. Certaines organisations, comme Sea Shepherd, ont même une conception assez radicale de l'activisme militant. Cette ONG, qui défend la cause animale, est souvent qualifiée de terroriste par les autorités américaines ou japonaises, car elle pratique l'abordage en pleine mer, réalise des sabotages, pose des mines-ventouses dans les quais ou se rend responsable de sabordages de navires.
La France n'est pas en reste du fait de sa politique nucléaire, qui a été combattue notamment par l'action de Greenpeace, que notre pays a souvent considéré comme un instrument aux mains de puissances étrangères. Notre pays s'est parfois comporté comme un pirate, et a dû en payer le prix fort au plan des conventions internationales, devant la justice comme devant l'opinion. Je pense évidemment à l'affaire du Rainbow Warrior, qui a entraîné mort d'homme ou, plus récemment et de manière moins violente, aux gymkhana et autres rodéos de zodiacs de Greenpeace qui tentaient de mesurer la radioactivité des émissions d'effluents de l'usine de la Hague : nous avons peu accepté la violation des périmètres de sécurité.
Toutefois, en dépit de ces agitations, il n'y a pas de risque d'amalgame entre ces activistes et les terroristes. Au-delà des déclarations japonaises ou américaines, les infractions se terminent généralement par des contentieux nationaux ou internationaux. Les juridictions civiles et pénales classiques prononcent des peines généralement modérées. Les tribunaux internationaux eux-mêmes considèrent de façon équilibrée le droit à la sécurité des États et le droit à la démonstration de ces activistes.
Nous pouvons toutefois nous attendre à des dérapages plus importants. Aujourd'hui même, chers collègues, un bateau est affrété par l'extrême droite européenne, au nom bénin de C-Star. Il est en Crète et s'approche de la Libye. Son objectif est d'empêcher le débarquement sur les côtes européennes des migrants venant de Libye sur leurs périssoires. De quel droit ? Sur quelles bases ? Avec quelle surveillance ? Et avec quelles conséquences en termes de vies humaines ? Monsieur le secrétaire d'État, n'attendons pas l'accident pour intervenir. C'est maintenant qu'il faut contrôler ces extrémistes.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM, GDR et FI.
Ce projet de loi ne tire donc en rien un trait sur tous les acquis que nous avons pu bâtir et accumuler au fil des conventions internationales adoptées jusqu'à aujourd'hui. Ce texte, en conservant ces garanties, vise au contraire à protéger plus et mieux : il est une étape importante pour faire de la mer non pas une res nullius, mais un espace de progrès, permettant d'allier sécurité et activités civiles autorisées.
Il représente tout naturellement un pas dans la protection de nos concitoyens dans une période de crises et de conflits majeurs, où certains groupes armés mettent à mal la sécurité de nos navires. Je vous invite donc, comme nous l'avons fait en commission, à voter en faveur de ce projet, dont les effets assureront la protection des populations et garantiront nos intérêts maritimes.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, je suis heureux que la mer réunisse autant de monde aujourd'hui sur les bancs de cette assemblée.
L'opportunité de la ratification des conventions de 2005, relatives à la répression des actes illicites contre la sécurité maritime, fait naturellement consensus au sein de cette assemblée. En effet, elle découle de la nécessaire mise à jour des textes antérieurs, à l'aune des risques que font peser des pratiques à caractère terroriste, mises en lumière à la suite des attentats du 11 septembre 2001.
S'il est vrai que la mise en conformité du droit français avec ces textes ne posera pas de difficulté, je souhaiterais cependant rappeler la nécessité d'engager rapidement la modification de la loi no 94-589 du 15 juillet 1994 relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités de l'exercice par l'État de ses pouvoirs de police en mer.
Je tiens au passage à saluer la façon exemplaire dont l'État organise son action en mer, laquelle lui permet de tenir son rang de puissance maritime et de défendre efficacement ses intérêts. La marine nationale assume 80 % de l'action de l'État en mer : il conviendra de le rappeler lors des prochains arbitrages budgétaires. Comme vous tous, mes chers collègues, je souhaite que nous nous mettions activement au travail sur les questions relatives à la mer, afin d'explorer les pistes évoquées par le Président de la République et de donner ainsi à la France une véritable stratégie maritime.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
La discussion générale a permis d'enrichir le débat de nombreux éléments : je tiens à faire part de quelques compléments et de quelques réactions.
C'est vrai que ces textes ont essentiellement trait aux actes illicites de nature terroriste. Toutefois, la piraterie interpelle au regard de l'accroissement des actes qui en relèvent dans plusieurs zones géographiques. Au-delà des protocoles qui traitent de points très dangereux, c'est naturellement la convention des Nations unies sur le droit de la mer de Montego Bay de 1982 qui s'applique. La France est très active sur ce chantier, cela a été souligné à l'occasion de l'opération Corymbe dans le golfe de Guinée. Je note que des États ont choisi de faire de la sécurisation de leurs eaux territoriales un véritable avantage comparatif sur le théâtre économique international. Je pense notamment au Togo, qui a adopté le schéma français d'action de l'État en mer. Jean-Yves Le Drian a participé l'année dernière dans ce pays à un sommet de la sécurité maritime. Cette spécialisation de ces États répond à un besoin croissant de sécurisation.
Les actions militantes qui peuvent être conduites en mer ont également été évoquées. Deux principes prévalent : la liberté de navigation et la responsabilité. Dès 2011, Alain Juppé avait évoqué les risques que certaines expéditions peuvent encourir. Même si l'arraisonnement requiert le consentement de l'État du pavillon, on sait que le fait d'arguer de situations particulières, comme la légitime défense, permet de s'affranchir de cette demande. Il faut bien garder à l'esprit ces deux piliers que sont la liberté et la responsabilité, afin que manifester ses opinions puisse se faire sans risque excessif pour les uns comme pour les autres.
M. Maire a eu raison de souligner que l'expédition du C-Star est une initiative malheureuse, puisqu'elle ne répond à aucune nécessité, alimente les tensions et complique la recherche de solutions. Bref, il y a là tous les ingrédients malheureusement utilisés par l'extrême droite. Nous serons très vigilants.
Monsieur Lecoq, vous avez évoqué le CETA, à savoir le traité entre l'Union européenne et le Canada. Son application provisoire à compter du 21 septembre ne concerne naturellement que la partie qui relève de la compétence exclusive de l'Union européenne. Le Premier ministre a d'ailleurs installé il y a quelques semaines une commission indépendante pour évaluer l'impact de cet accord en matière sanitaire et environnementale. Début septembre, cette commission devra rendre son rapport, qui sera particulièrement intéressant pour éclairer les Français et objectiver les termes du débat. Il nous reviendra ensuite de préparer un projet de loi de ratification.
Vous avez également noté que le Conseil constitutionnel s'est prononcé il y a quelques jours : le traité est pleinement conforme aux dispositions constitutionnelles.
La question des migrations des Comores vers Mayotte a également été évoqué : c'est un sujet sur lequel, je le sais, existe entre les autorités étatiques une véritable volonté de travailler ensemble. Plusieurs dizaines de millions d'euros sont consacrées à la lutte contre l'immigration clandestine. Il est possible qu'un nouveau « mix » se dessine grâce à des projets structurants, notamment pour accompagner les populations d'Anjouan, qui sont les plus concernées, vers un développement harmonieux de la zone.
Oui, la situation de Gaza est préoccupante du point de vue humanitaire. Le chemin est, semble-t-il, encore complexe pour atteindre l'unité palestinienne, qui serait pourtant nécessaire. L'avenir de cette région exige à la fois le développement de Gaza au profit de sa population et la sécurité pour Israël. Ces deux piliers doivent guider les efforts de chacun.
Je tiens à remercier les différents orateurs des groupes, qui ont montré une unité de vues sur l'importance de ces ratifications, ainsi que sur différents sujets liés aux enjeux maritimes, notamment en matière énergétique ou de biodiversité. Nul doute que nous travaillerons bien ensemble, puisque le Président de la République a souhaité la tenue, le 12 décembre, d'un grand sommet sur la question climatique. Vos contributions seront naturellement les bienvenues.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Les articles 1er et 2 sont successivement adoptés à l'unanimité.
Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote.
Je mets donc aux voix l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité.
Applaudissements.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, l'article 86 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnances toutes mesures relevant du domaine de la loi et ayant pour objet, d'une part, « la modernisation du code des juridictions financières afin d'en supprimer les dispositions devenues obsolètes, redondantes ou de les clarifier », et d'autre part, l'adaptation des règles statutaires relatives aux magistrats financiers, avec des objectifs circonscrits.
Cette ordonnance a été publiée le 13 octobre 2016 – soit moins de six mois après la promulgation de la loi, comme cette dernière le prévoyait – et est entrée en vigueur le 1er mai 2017. Le projet de loi de ratification, qui ne contenait qu'un article unique, a été examiné au conseil des ministres du 4 janvier dernier, puis à l'Assemblée nationale le 16 février et plus récemment au Sénat le 6 juillet. Il vous appartient désormais de l'adopter définitivement, à l'occasion de cette deuxième lecture.
Cette ordonnance semble certes importante en volume, mais elle n'introduit que peu de modifications de fond. En effet, elle procède principalement à une refonte légistique du code des juridictions financières, qui avait perdu de sa cohérence au fur et à mesure des ajouts successifs qui lui ont été portés, dans un contexte de prolifération législative que nous connaissons. L'ordonnance clarifie la structure du code, améliore la lisibilité générale des procédures, simplifie celles qui étaient devenues trop complexes et renforce les droits des personnes contrôlées. Elle apporte également quelques modifications relatives au statut des membres des juridictions financières, mais celles-ci restent mineures puisque la loi du 20 avril 2016 intégrait déjà directement, « en dur », de nombreuses dispositions dans ce domaine.
Enfin, l'ordonnance simplifie et modernise les procédures de la Cour de discipline budgétaire et financière, sans toucher toutefois à ses compétences, qu'il s'agisse des infractions dont elle connaît, des sanctions qu'elle prononce ou de ses justiciables. Juridiction administrative spécialisée chargée de réprimer les violations, par les gestionnaires publics, des règles de protection de nos finances publiques, cette cour est régie par des règles essentiellement issues d'une loi datant du 25 septembre 1948 ; dès lors, certaines dispositions étaient imprécises et méritaient d'être clarifiées et modernisées, tant au regard des exigences du droit interne que de celles du droit européen. En tout cas, le simple fait que ces règles datent du 25 septembre 1948 ne pouvait que nous encourager à les modifier ! Ces modifications portent sur les règles d'organisation et de procédure : elles renforcent les droits de la défense et suppriment certaines dispositions obsolètes ou susceptibles d'être déclarées non conformes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Mesdames et messieurs les députés, le Sénat a adopté, avec l'accord du Gouvernement, trois amendements permettant de corriger quelques erreurs matérielles, améliorant ainsi la qualité formelle de ce texte. Il a également introduit un article 3 qui permet de répondre à un point de droit soulevé récemment par le Conseil d'État, à savoir que seule la loi – et non le règlement – peut organiser certaines modalités selon lesquelles sont prises les décisions juridictionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes. Cet article 3, également approuvé par le Gouvernement, renforce donc la sécurité juridique des procédures des juridictions financières.
Je vous invite donc à voter ce projet de loi dans les mêmes termes que la Haute assemblée, ce qui permettra son adoption définitive.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.
La parole est à M. Guillaume Vuilletet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des lois, mes chers collègues, j'espère que l'examen de ce projet de loi permettra de prolonger l'atmosphère de consensus que nous connaissons cet après-midi – il y a quelques instants, le président Mélenchon évoquait ces moments où les paroles se complètent plus qu'elles ne se confrontent. Malheureusement, je ne suis pas sûr que le thème que nous abordons maintenant présente la même profondeur et la même beauté que le sujet précédent. Pour autant, il s'agit d'un texte d'importance, ne serait-ce que parce qu'il tire son origine de la loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Le projet de loi que nous examinons cet après-midi vise à ratifier l'ordonnance du 13 octobre 2016 modifiant la partie législative du code des juridictions financières. Il a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 16 février et par le Sénat le 6 juillet dernier.
Cette ordonnance avait été prise par le Gouvernement en application de l'article 86 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Cette loi poursuivait deux objectifs : élaborer un cadre déontologique applicable aux agents publics et mettre en oeuvre diverses dispositions statutaires du droit de la fonction publique. Afin de permettre au Parlement de débattre rapidement sur l'essentiel, un renvoi à un grand nombre d'ordonnances avait été décidé. L'article 86 avait ainsi autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour modifier les règles relatives à l'activité et au statut des magistrats des juridictions administratives ainsi que des magistrats des juridictions financières.
Pour ce qui concerne les juridictions financières, le champ de l'habilitation comprenait en particulier « la modernisation du code des juridictions financières, afin d'en supprimer les dispositions devenues obsolètes, redondantes ou de les clarifier ». C'est effectivement ce à quoi s'attachent les cinquante-trois articles de l'ordonnance, qui contiennent de fait peu de modifications de fond.
L'ordonnance est organisée autour de trois principaux thèmes : la simplification de la présentation des dispositions relatives aux missions, à l'organisation et aux procédures des juridictions financières ; la mise à jour de plusieurs dispositions relatives au statut des magistrats de ces juridictions ; la clarification des règles d'organisation et de procédure de la Cour de discipline budgétaire et financière.
L'ordonnance procède tout d'abord à une importante réorganisation du code des juridictions financières, afin d'en clarifier la présentation : des sections nouvelles sont créées et de nombreux articles sont déplacés. Cette réorganisation est l'occasion de préciser certaines missions et leur champ d'application. L'article 1er, par exemple, introduit dans le code une définition d'un contrôle de la Cour des comptes et en précise le champ d'application, tout en clarifiant la rédaction actuelle, qui datait de 1976 et qui, bien que plus proche de nous que le texte de 1948, était devenue obsolète.
L'ordonnance modernise ensuite certaines procédures et les modalités de leur exercice par les juridictions financières. Pour tenir compte de la dématérialisation croissante de l'information, l'article 11 adapte les dispositions relatives à la communication de documents à la Cour : le nouvel article L. 141-5 du code fait ainsi désormais référence à l'accès aux « données et traitements », et non plus aux seuls « documents ».
L'article 28 prend en compte l'importante extension du champ de compétence des chambres régionales et territoriales des comptes au cours de ces dernières années, avec l'entrée dans ce champ des établissements sociaux et médico-sociaux, soit un total de près de 40 milliards d'euros supplémentaires à contrôler, comme l'a indiqué le Premier président de la Cour des comptes lors de son audition. L'entretien préalable au délibéré, aujourd'hui prévu seulement dans le cadre du contrôle des collectivités locales et de leurs établissements publics, est donc désormais également effectué dans le cadre du contrôle de ces organismes.
L'ordonnance harmonise également les procédures d'enquête demandées par le Parlement. L'article 8 prévoit ainsi que, lorsque la Cour des comptes procède aux enquêtes qui lui sont demandées par les commissions des affaires sociales du Parlement, elle peut intervenir dans le domaine de compétence des chambres régionales et territoriales des comptes, ce qui était jusqu'à présent réservé aux seules saisines émanant des commissions des finances ou de commissions d'enquête.
L'ordonnance met ensuite à jour plusieurs dispositions statutaires relatives aux magistrats de la Cour des comptes. La notion de « vacance », par exemple, est remplacée par celle de « nomination » dans le régime des promotions pour les grades de conseiller maître et de conseiller référendaire. Elle aménage par ailleurs le régime de détachement des magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes pour tenir compte de l'importante réorganisation opérée en 2015, qui avait élargi le périmètre géographique de ces chambres en même temps que celui des régions et, par conséquent, réduit les possibilités de mobilité des magistrats.
Les articles 45 à 49 de l'ordonnance, enfin, apportent des clarifications relatives aux règles d'organisation et de procédure applicables à la Cour de discipline budgétaire et financière. Elles permettent notamment de tenir compte d'évolutions jurisprudentielles et de mieux prendre en considération les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : les règles d'incompatibilité et de récusation des membres de la Cour et des rapporteurs sont précisées afin de se conformer à l'exigence d'impartialité, les droits des personnes mises en cause sont renforcés et la prépondérance de la voix du président de la formation de jugement en cas de partage des voix est supprimée.
Le 28 juin 2017, la commission des lois du Sénat a adopté cinq articles additionnels à l'initiative de sa rapporteure, Mme Catherine Di Folco. Le nouvel article 2 vise à corriger des erreurs matérielles. L'article 3 a pour objet de préciser, au niveau législatif, la liste des formations délibérantes des juridictions financières exerçant des fonctions juridictionnelles. Il s'inspire en cela de l'article L. 122-1 du code des juridictions administratives, qui comprend des dispositions analogues pour le Conseil d'État. L'article 4 procède à des coordinations concernant les dispositions relatives à l'outre-mer. L'article 5 complète le code des juridictions financières afin de prévoir explicitement que les observations de la Cour des comptes qui font l'objet d'une communication au Parlement peuvent donner lieu, avant cette communication et à leur demande, à l'audition des organismes et personnes mis en cause. L'article 6, enfin, procède à une coordination de références.
En séance publique, le 6 juillet 2017, le Sénat a adopté le texte ainsi modifié par sa commission des lois.
Voilà, mes chers collègues, les principales dispositions du projet de loi. La commission des lois de notre assemblée l'a adopté sans modification et à l'unanimité la semaine dernière, préfigurant notre concorde : je vous invite donc à faire de même aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Naïma Moutchou, première oratrice inscrite.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je serai brève, car le texte que nous allons examiner a toujours réuni un large consensus, au Sénat comme à l'Assemblée, sous quelque législature que ce soit.
Le projet de loi qui nous est soumis ratifie donc l'ordonnance du 13 octobre 2016 modifiant la partie législative du code des juridictions financières. Il découle lui-même de la loi sur la déontologie et les droits et obligations des fonctionnaires, qui autorisait le Gouvernement à prendre par ordonnances plusieurs mesures législatives en rapport avec le code des juridictions financières.
Adopté sans modification en première lecture par l'Assemblée nationale en février 2017 après l'engagement d'une procédure accélérée, le texte a été très légèrement modifié par le Sénat, qui lui a ajouté cinq articles corrigeant des erreurs matérielles ou précisant certaines dispositions. Comme l'a rappelé le rapporteur, il a été adopté la semaine dernière par la commission des lois de l'Assemblée, à l'unanimité et sans réserves.
Les cinquante-trois articles de l'ordonnance poursuivent un triple objectif : simplifier la présentation des dispositions relatives aux missions, à l'organisation et aux procédures des juridictions financières que sont la Cour des comptes, les chambres régionales des comptes, les chambres territoriales des comptes et la Cour de discipline budgétaire et financière, mettre à jour certaines dispositions relatives au statut des magistrats de ces juridictions et clarifier les règles d'organisation et de procédure de la Cour de discipline budgétaire et financière.
Bien qu'important en volume, ce texte ne modifie pas le fond du code des juridictions financières. Il aboutit en réalité à une meilleure lisibilité générale des procédures, afin de les rendre plus homogènes et d'en faciliter la compréhension. Il est donc le bienvenu et nous pouvons saluer le travail très précis réalisé par nos prédécesseurs et par le Sénat sur ce sujet.
En conclusion, mes chers collègues, ce n'attend plus que d'entrer en vigueur.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme en première lecture lors de la précédente législature, voilà quelques mois, les députés Les Républicains voteront ce projet de loi relatif aux juridictions financières.
Je ne reviendrai pas, à ce stade, sur les dispositions techniques utiles qu'il comporte mais, à l'heure où nous nous apprêtons à modifier le code des juridictions financières, je voudrais vous faire part d'une conviction et d'une interrogation.
Il me semble en effet nécessaire, en premier lieu, de souligner que le législateur de 2017, que nous sommes, est pleinement conscient de ce que les juridictions financières sont des juridictions administratives – certes spécialisées, mais soumises, comme toute juridiction administrative, à la cassation du Conseil d'État, cour suprême de l'ordre juridictionnel administratif. Nous sommes, en cela, les héritiers du législateur et du constituant de la Révolution française, de l'Empire et des cinq Républiques, qui ont constamment voulu que la puissance publique ne soit pas soumise aux juridictions judiciaires.
Bien sûr, « la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration », ainsi que l'affirme l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, mais ce n'est pas devant le juge judiciaire que la puissance publique rend compte. La loi des 16 et 24 août 1790 en a énoncé à jamais le principe : « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. » Le style est un peu daté, mais le principe reste d'actualité.
Ce sont les juridictions administratives qui, seules, ont compétence pour « l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice de prérogatives de puissances publiques, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle » : c'est là un principe fondamental reconnu par les lois de la République et dégagé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 janvier 1987, complétant le principe d'indépendance des juridictions administratives qu'il avait reconnu, sept ans auparavant, en 1980.
La même logique éclaire les missions des juridictions administratives spécialisées que sont les juridictions financières, au premier rang desquelles la Cour des comptes – je parle sous le contrôle de M. de Courson – , comme juges des comptables publics.
Ainsi, l'administration a des juges, certes distincts d'elle-même et qui sont de vrais juges, mais qui ne sont pas des juges judiciaires : la juridictionnalisation du Conseil d'État et de la Cour des comptes n'est donc pas leur judiciarisation.
Les modifications que nous apporterons aujourd'hui au code des juridictions financières ne remettent nullement en cause la dualité des ordres de juridiction. Bien au contraire, nous entendons que le juge judiciaire et le juge administratif conservent, chacun dans son ordre, leur place éminente au sein de l'État de droit. Nous sommes là au coeur de la conception française de la séparation des pouvoirs, en ce que le pouvoir exécutif ne saurait être soumis à l'autorité judiciaire. Il est nécessaire de le rappeler publiquement dans l'hémicycle de cette assemblée, car les meilleurs esprits semblent s'être quelque peu échauffés cet été.
Ainsi, voilà quelques jours, l'actuel Premier président de la Cour de cassation, M. Bertrand Louvel, a cru pouvoir publier sur le site internet de cette juridiction une tribune baroque, plaidant pour l'unité de juridiction et appelant à rien de moins qu'à la disparition des juridictions administratives et à leur absorption par l'autorité judiciaire. Une telle expression publique est non seulement contra legem, mais aussi me semble-t-il, contraire à la Constitution.
Aussi sommes-nous ici pleinement fondés à rappeler – respectueusement, mais fermement – au Premier président de la Cour de cassation qu'il n'est ni législateur, ni constituant. Je n'imagine pas, du reste, qu'il songe à ressusciter les parlements de l'Ancien régime et le droit de remontrance. Dans le domaine qui est le sien, le Premier président de la Cour de cassation a pour mission d'appliquer la Constitution et les lois, et non de faire campagne contre elles.
L'examen de ce projet de loi me conduit, en second lieu, à vous faire part d'une interrogation relative à la Cour de discipline budgétaire et financière, devant laquelle les ministres ne sont en effet pas justiciables. Je ne suis pas certain que cette exception soit vraiment justifiée. Pourquoi, en effet, les ministres sont-ils dispensés de la rigueur qu'implique cette sorte d'épée de Damoclès qu'est la Cour de discipline budgétaire et financière – CDBF ? Nous devrons aborder sereinement cette question.
Je n'ai pas, à ce stade de nos débats, déposé un amendement qui n'aurait été que d'appel, mais il me semble que la commission des lois et la commission des finances pourraient examiner cette question, qui n'est pas sans lien, même si elle en est distincte, avec celle de la responsabilité pénale des ministres – laquelle relève, le cas échéant, du projet de loi constitutionnelle relatif à la Cour de justice de la République envisagé par le Président de la République.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en adoptant ce soir cette loi de ratification, nous conforterons les juridictions administratives spécialisées que sont les juridictions financières, mais nous ne devons pas nous interdire, dans les prochains mois, d'en renforcer encore l'utilité, au service de l'intérêt général.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je n'emploierai pas l'intégralité des dix minutes de temps de parole qui me sont imparties, car ce projet de loi de ratification de l'ordonnance du 13 octobre 2016, engagé sous l'ancienne législature, procède à un toilettage du code des juridictions financières qui ne devrait soulever aucune difficulté.
L'ordonnance a adapté la partie législative de ce code aux évolutions des missions des juridictions financières, et cela essentiellement sur quatre points : la simplification des dispositions relatives aux missions, à l'organisation et aux procédures de ces juridictions, la mise à jour de certaines dispositions sur le statut de leurs magistrats et la clarification des règles d'organisation et de procédure de la Cour de discipline budgétaire et financière.
Cinq points d'amélioration apportés par l'ordonnance nous semblent particulièrement opportuns.
Le premier est le renforcement des droits des personnes contrôlées dans le cadre des activités non juridictionnelles de la Cour des comptes, avec l'extension de leur droit à audition. Le deuxième est l'extension du champ de compétence des chambres régionales et territoriales aux établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'aux groupements d'intérêt public. Le troisième est la possibilité donnée à la Cour, d'intervenir dans le champ de compétence des chambres régionales et territoriales lorsque les enquêtes sont demandées par les commissions des affaires sociales du Parlement – possibilité jusqu'alors restreinte aux enquêtes menées sur demande des commissions des finances ou des commissions d'enquête. Le quatrième est l'adaptation des règles d'incompatibilité et de récusation des membres de la Cour et des rapporteurs, afin de garantir l'impartialité dans leur participation aux poursuites ou à l'instruction et au jugement. Le cinquième point est l'accès des intéressés au dossier dès leur mise en cause, qui répond aux exigences des droits de la défense.
Le groupe Mouvement des démocrates et apparentés votera donc ce projet de loi de ratification.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe REM.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des lois, ce projet de loi, qui vise à ratifier l'ordonnance du 13 octobre 2016 modifiant la partie législative du code des juridictions financières, survient dans un contexte législatif particulier, marqué par une volonté de modernisation, de clarification et de simplification dont l'objectif, au fond, est toujours le même : rétablir la confiance dans la vie publique.
Sans revenir sur les deux projets de loi pour la confiance dans la vie politique actuellement examinés par notre assemblée, nous ne pouvons que saluer la cohérence et la continuité de ce texte qui – à l'inverse des deux autres que je viens de citer – a trait à la déontologie, aux droits et aux obligations des fonctionnaires. La fonction publique est évidemment un acteur majeur de la vie publique, sur lequel nous ne pouvons faire l'impasse lorsqu'il s'agit de rétablir la confiance avec nos concitoyens. C'est pourquoi ce projet de loi, ainsi que l'ordonnance qu'il vise à ratifier, sont particulièrement bienvenus.
Tout d'abord, car ils modernisent les règles et les procédures relatives aux missions et à l'organisation des juridictions financières. Le code des juridictions financières sera ainsi simplifié et clarifié, les dispositions les plus pertinentes seront restructurées, tandis que celles devenues inutiles seront supprimées. À ce propos, nous saluons le Gouvernement pour s'être récemment assigné pour objectif de compenser toute nouvelle norme par la suppression – ou du moins la simplification – de deux autres normes.
L'ordonnance prévoit par ailleurs une modification du statut des membres des juridictions financières, qu'il s'agisse des magistrats, des conseillers maîtres, référendaires et experts, ou encore des rapporteurs extérieurs. Les différents niveaux des juridictions financières sont eux aussi concernés, de la Cour des comptes aux chambres régionales et territoriales.
La Cour de discipline budgétaire et financière n'est pas en reste, puisque les dispositions relatives à son organisation et aux procédures applicables devant elle – qui, je le rappelle, datent pour la plupart de 1948 – sont modernisées afin de répondre aux exigences fixées par la nouvelle jurisprudence et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Enfin, nous approuvons naturellement l'extension des outils du contrôle budgétaire réalisé par le Parlement en rapport avec la Cour des comptes, laquelle prévoit que toutes les commissions parlementaires compétentes puissent formuler une demande d'enquête.
Plusieurs questions restent néanmoins en suspens. Je pense notamment à la suppression de la Cour de justice de la République, annoncée par le Président de la République. Je pense aussi aux compétences de la Cour de discipline budgétaire et financière, qu'il conviendrait d'étendre afin qu'elle puisse mettre en jeu la responsabilité des ministres ayant ordonné des dépenses irrégulièrement.
Certes, les ministres en exercice peuvent difficilement être des justiciables comme les autres, mais ils ne peuvent bénéficier d'une immunité de fait dès lors qu'en tant qu'ordonnateurs, ils auraient commis de graves erreurs financières et comptables. C'est une question importante, sur laquelle l'exécutif et le Parlement devraient rapidement se pencher.
Au fond, ce texte, même s'il apparaît particulièrement technique et concerne un périmètre limité, reste important dans la mesure où il participe à la modernisation, à la clarification et à la simplification de la vie publique. C'est pourquoi le groupe Les Constructifs votera pour l'adoption de ce projet de loi et donc pour la ratification de l'ordonnance.
Applaudissements sur les bancs du groupe LC et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission des lois, le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 13 octobre 2016, qui modifie la partie législative du code des juridictions financières, a été adopté en première lecture par notre assemblée le 16 février 2017, sur le rapport de notre ancienne collègue Anne-Yvonne Le Dain. Cette ordonnance a été prise – cela a été rappelé – sur le fondement de l'article 86 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Les cinquante-trois articles de cette ordonnance modifient l'ensemble des livres du code des juridictions financières : ils concernent ainsi la Cour des comptes, les chambres régionales et territoriales des comptes, mais aussi la Cour de discipline budgétaire et financière. Avant d'en venir à la ratification de cette ordonnance, je voudrais rappeler que la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, adoptée par la précédente majorité, comporte d'autres dispositions relatives aux juridictions financières.
Sur le plan déontologique, les articles 15 à 19 de cette loi renforcent les dispositifs de prévention des conflits d'intérêts au sein des juridictions financières. Ils consacrent ainsi l'existence d'une charte de déontologie et d'un collège de déontologie, notamment compétent pour rendre des avis sur toutes les questions déontologiques concernant personnellement l'un des magistrats ou des personnels de la Cour des comptes ou des chambres régionales ou territoriales des comptes. Dans la même logique, les magistrats financiers doivent désormais remettre une déclaration d'intérêts à leur président de chambre, au procureur général ou au premier président de la Cour des comptes. La remise de ce document peut donner lieu à un entretien déontologique pour prévenir tout éventuel conflit d'intérêts et pour inviter, s'il y a lieu, à mettre fin à une situation de conflit d'intérêts.
La loi sur la déontologie des fonctionnaires prévoyait en outre que le premier président, le procureur général et les présidents de chambre de la Cour des comptes, ainsi que les présidents des chambres régionales et territoriales des comptes et les procureurs financiers adressent une déclaration de situation patrimoniale au président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Malheureusement, aucun acte réglementaire n'a pu être pris en application de cette mesure en raison de la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 2016 relative aux magistrats judiciaires.
Cette même loi permet enfin aux chambres régionales et territoriales des comptes de recruter, sous forme de détachement ou de mise à disposition, des représentants de l'État et des directeurs départementaux ou régionaux d'une administration étatique ayant exercé dans leur ressort.
Pour en revenir à la ratification de cette ordonnance, nous constatons que le Gouvernement a respecté le délai d'habilitation de six mois pour prendre l'ordonnance, ainsi que le délai imparti pour déposer un projet de loi de ratification, soit trois mois.
Sur le fond, l'ordonnance du 13 octobre 2016 ne modifie qu'à la marge les procédures applicables devant la Cour des comptes et devant les chambres régionales et territoriales des comptes. Elle aura – j'y reviendrai – un impact plus important sur la Cour de discipline budgétaire et financière. À moyen terme, d'autres textes législatifs seront sans doute nécessaires pour que les juridictions financières puissent faire face à de nouveaux défis comme la gestion de la pyramide des âges des magistrats et leur mobilité à l'extérieur du corps, ou la certification des comptes de certaines collectivités territoriales.
Si ce texte a été adopté sans modification et sans grande passion en première lecture par notre assemblée, nos collègues du Sénat, eux, se sont interrogés sur le périmètre de l'habilitation. Celle-ci, prévue à l'article 86 de la loi sur la déontologie des fonctionnaires, portait en priorité sur le statut des magistrats financiers et « la modernisation du code des juridictions financières, afin d'en supprimer les dispositions devenues obsolètes, redondantes, ou de les clarifier. » L'étude d'impact évoquait quant à elle un simple « toilettage » de la partie législative du code.
Lors des débats parlementaires, l'adaptation des procédures mises en oeuvre devant la Cour de discipline budgétaire et financière n'avait jamais été évoquée, alors même qu'il s'agit d'un sujet en soi. Nos collègues sénateurs se sont donc étonnés – à juste titre – que les procédures applicables devant cette cour soient substantiellement modifiées par l'ordonnance. Ils ont toutefois estimé – et notre commission des lois a fait de même – que cela ne constituait pas un obstacle à la ratification de ladite ordonnance.
Au-delà de ces interrogations, il faut aussi souligner les efforts consentis par le Gouvernement pour clarifier le code des juridictions financières et pour mieux le structurer. Ainsi, par exemple, les dispositions concernant le contrôle des entreprises publiques ont été réécrites de manière condensée, non redondante et plus claire, et l'article L. 133-1 du code des juridictions financières, dans sa nouvelle rédaction, fait reposer la compétence de ces juridictions sur des critères prouvant l'appartenance à la sphère publique de l'organisme et non plus, comme dans l'ancienne rédaction, sur une liste d'entreprises devenue obsolète.
Cette volonté de clarification est importante non seulement pour les magistrats, mais également pour les personnes physiques ou morales faisant l'objet d'une procédure devant les juridictions financières.
Comme l'a rappelé M. le rapporteur, le Sénat a par ailleurs apporté quelques modifications. Les sénateurs ont ainsi précisé, au niveau législatif, la liste des formations délibérantes des juridictions financières exerçant des fonctions juridictionnelles. Cette disposition, qui s'inspire du code de justice administrative, précise, à titre d'exemple, que les décisions en matière juridictionnelle de la Cour des comptes sont rendues soit par chambre ou section de chambre, soit toutes chambres réunies statuant en formation plénière ou en formation restreinte.
Ils ont en outre complété l'article L. 143-0-2 du code des juridictions financières, pour prévoir explicitement que les observations de la Cour des comptes qui font l'objet d'une communication au Parlement peuvent donner lieu, avant cette communication et à leur demande, à l'audition des organismes et personnes mis en cause.
Comme l'a rappelé notre rapporteur il y a instant, nous avons reconnu en commission l'opportunité de ces modifications et nous les avons acceptées.
Au nom des députés du groupe Nouvelle Gauche, je voudrais conclure par deux mots. Premièrement, comme en commission, les membres de notre groupe sont évidemment favorables à la ratification de cette ordonnance. Deuxièmement, je tiens à rappeler l'importance de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui a habilité le Gouvernement à prendre cette ordonnance. Ce texte, défendu avec ténacité et persévérance pendant des mois – pour ne pas dire des années – par notre ancienne collègue Françoise Descamps-Crosnier, est une avancée aussi importante que consensuelle : cela a été rappelé à plusieurs reprises au cours des débats qui ont eu lieu ces derniers jours.
Cette loi du 20 avril 2016 permet au service public de moderniser ses pratiques et d'être reconnu. Elle dessine un cadre et donne aussi du sens à l'action des fonctionnaires. Sa qualité a été souvent saluée lors de nos débats sur la loi de restauration de la confiance dans la vie publique : ce n'est là que justice pour le travail accompli par notre ancienne collègue Françoise Descamps-Crosnier.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG et sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Je serai bref, puisque tout ce qu'il y avait à dire sur ce texte, ou presque, a déjà été dit. Pour commencer, je voudrais remercier Mme la présidente de la commission des lois pour m'avoir permis d'être co-rapporteur sur l'application de ce texte.
Je ne vois pas bien, pour l'instant, en quoi cela consiste, mais je suis sûr que je finirai par le découvrir.
Sourires.
Toujours est-il que nous avons travaillé de concert, madame la présidente de la commission, et surtout mené une brillante audition d'un représentant du secrétariat général du Gouvernement.
Ce texte est extrêmement technique. Il comprend peu, en définitive, de mesures de fond. Il s'agit essentiellement d'un toilettage, ce qui est – à mon avis – une bonne chose. Il touche aussi à l'obligation de transmettre une déclaration de patrimoine et une déclaration d'intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. On voit ici le lien avec le projet de loi pour la confiance dans la vie publique. Il m'a semblé que les amendements du Sénat pouvaient nous permettre d'aller plus loin dans cette voie, mais cela n'a pas été le cas ; toutefois je sais que Mme la présidente de la commission des lois continuera de travailler sur ces questions dans le cadre d'une mission d'information. J'espère que celle-ci commencera assez rapidement ses travaux sur ce sujet, afin que nous puissions prolonger les dispositions dont j'ai parlé.
Je voudrais revenir sur la question de la Cour de discipline budgétaire et financière. Tout d'abord, je souligne à mon tour que les ministres ne sont pas, à l'heure actuelle, justiciables de cette Cour, et je pense qu'il faudra en temps utile revenir sur ce point. À la suite du Sénat, je vous ferai remarquer en outre que le texte précis de l'habilitation ne mentionne pas la Cour de discipline budgétaire et financière, non plus que les débats parlementaires sur cet article. Pourtant l'ordonnance comprend des mesures relatives à cette juridiction. Comme je l'ai dit en commission, en somme, « l'occasion a fait le larron » : je pense que cette formule est assez juste.
Je me permets néanmoins d'attirer votre attention sur ce fait : lorsque les dispositions autorisant le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi sont floues, alors celui-ci peut introduire dans l'ordonnance des choses qui n'y étaient pas prévues. Dans le cas d'espèce, il n'y a pas – selon la formule consacrée – de « loup ». Les dispositions en cause vont plutôt dans le bon sens, ce qui fait que personne n'y a trouvé à redire, comme l'indique le rapport de la commission des lois du Sénat. J'en prends acte, mais je tenais à vous signaler ce point.
Je tiens à vous signaler un deuxième problème. Désormais, les commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat peuvent aussi faire appel à la Cour des comptes pour réaliser des enquêtes portant sur les structures soumises à son contrôle où à celui des chambres régionales des comptes. Cela étend, d'une certaine manière, le périmètre des enquêtes de cette institution. Nous sommes ainsi conduits à nous poser la question des moyens alloués à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes. Certes, le contrôle qu'elles assurent ne pourra jamais, par définition, être exhaustif, compte tenu de la masse de documents à contrôler. Néanmoins ce problème se pose, et il nous faudra en discuter, peut-être au moment de l'examen du projet de loi de finances pour l'année 2018.
Enfin, je voudrais pour conclure vous raconter une anecdote, à laquelle m'ont fait penser les dispositions de cette ordonnance concernant la dématérialisation des échanges avec la Cour des comptes. Cela m'a fait sourire, car dans le cadre de mes précédentes fonctions, j'ai eu affaire à des auditeurs de la Cour des comptes à propos d'un point bien particulier, à savoir les dépenses des centres de rétention administrative, qui sont incluses dans les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». La Cour des comptes mène des contrôles sur place et sur pièces ; dans ce cadre, ces auditeurs m'avaient demandé certains éléments.
De mon côté, je travaillais alors sur la plateforme Chorus. Pour ceux qui ne le savent pas, Chorus est le nom du logiciel – assez rébarbatif – de comptabilité de l'État. J'ai donc répondu aux auditeurs que s'ils le souhaitaient, je pouvais leur envoyer des extractions depuis ce logiciel dans des tableaux informatiques lisibles par les logiciels Excel ou LibreOffice. À quoi ils m'ont rétorqué : « Mais vous n'avez pas les papiers ? » J'ai dû leur expliquer que non, puisque toute la comptabilité de l'État est dématérialisée et passe par le logiciel Chorus.
Les dispositions de cette ordonnance concernant la dématérialisation sont donc une bonne chose, si elles permettent à ceux qui travaillent à la Cour des comptes et dans les chambres régionales des comptes de comprendre comment les administrations fonctionnent en 2017 !
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, il nous est proposé – une fois n'est pas coutume – de ratifier une ordonnance prise sous la législature précédente. Le gouvernement précédent a fait un usage abondant de cette procédure, qui a été employée pour plus de 500 textes. L'exécutif semble de nouveau vouloir céder à cette facilité, puisque l'actualité législative est emplie d'une bonne quarantaine de projets de loi de même nature, à commencer par la réforme du code du travail.
Nous assistons ainsi à une banalisation inquiétante du recours aux ordonnances. Le phénomène n'est certes pas nouveau – il date d'une dizaine d'années. Un rapport sénatorial avait établi en 2013 que le nombre d'ordonnances prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution avait été, en une décennie, multiplié par 2,3 par rapport aux vingt années précédentes.
Cette évolution met en évidence le déséquilibre croissant des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif ainsi que la perte de souveraineté du Parlement. Elle accompagne un processus plus inquiétant encore de dépossession du pouvoir du peuple, au profit d'une bureaucratie qui entend gouverner seule et servir, avant toute chose, l'oligarchie financière.
J'attire l'attention de nos collègues sur ce point, car nous voyons grandir sous nos yeux une forme d'exercice du pouvoir de plus en plus indifférente aux vertus et principes démocratiques.
Cette remarque étant faite, le texte de l'ordonnance qui nous est soumis ne constitue pas en lui-même un objet de controverse. Il s'inscrit dans le prolongement de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui avait pour ambition de contribuer à restaurer la confiance des citoyens dans la puissance publique par le biais de dispositions nouvelles tendant à consolider et développer la culture déontologique au sein de la fonction publique.
Nous pouvons également voir dans ce projet de loi une annexe au débat qui s'est tenu la semaine dernière sur la confiance dans la vie publique, puisque l'ordonnance traite notamment du régime disciplinaire des magistrats de la Cour des comptes, de leur indépendance et des règles qui leur sont applicables en matière d'incompatibilités ou de suspension des fonctions.
L'ordonnance nous intéresse aussi en notre qualité de parlementaires, puisqu'elle modifie quelque peu les relations entre la Cour et le Parlement. Le texte prévoit ainsi que lorsque la Cour des comptes procède à des enquêtes à la demande des commissions des affaires sociales du Parlement, elle peut intervenir dans le domaine de compétence des chambres régionales et territoriales des comptes – cette faculté était jusqu'à présent réservée aux saisines émanant des commissions des finances ou des commissions d'enquête.
Outre le travail de mise à jour et de clarification qu'elle effectue, l'ordonnance précise les règles d'incompatibilité et de récusation des membres de la Cour et des rapporteurs afin de se conformer à l'exigence d'impartialité. Ne pourront ainsi exercer des fonctions de rapporteur ou être membres de la formation de jugement les personnes qui, dans l'affaire soumise à la Cour, auraient soit fait un acte de poursuite ou d'instruction, soit participé au délibéré de la Cour ou de la chambre régionale ou territoriale à l'origine de la saisine.
Si le texte comporte des avancées, nous nous devons d'exprimer quelques regrets.
Le Conseil constitutionnel a censuré l'obligation de déclaration de situation patrimoniale pour les magistrats administratifs, financiers ou judiciaires. Cette décision, intervenue l'an dernier, nous contraint à imaginer un nouveau dispositif et à porter l'exigence d'une plus grande transparence sur le patrimoine des magistrats des juridictions financières.
Les avancées en matière de diversification du recrutement nous paraissent insuffisamment ambitieuses pour ouvrir véritablement les juridictions financières. Ces juridictions ont pourtant vu, au cours des quinze dernières années, leurs attributions s'élargir et leur métier évoluer. Au jugement des comptes et au contrôle de la gestion se sont ajoutées par exemple l'évaluation des politiques publiques et les demandes d'enquête formulées par le Parlement. L'exercice de ces missions appelle un grand pluralisme des points de vue et des approches. Ce pluralisme fait aujourd'hui cruellement défaut, au détriment de l'évaluation éclairée de l'action publique.
Nous constatons depuis quelques années que la Cour des comptes tend à outrepasser son rôle. Elle est passée au fil du temps du rôle d'auxiliaire de la démocratie, aussi incontournable qu'indispensable, à celui de gardien de l'orthodoxie budgétaire et des orientations dictées par la Commission européenne. Elle garde ainsi l'oeil rivé sur le déficit budgétaire et s'accroche à l'objectif de 3 % pour mieux justifier la fuite en avant dans la rigueur et l'austérité qui casse le moteur de la croissance.
Nous en avons encore eu l'illustration avec le dernier audit des finances publiques. Ce rapport, pour l'essentiel, accrédite l'idée que l'État vivrait au-dessus de ses moyens ; le propos se focalise presque uniquement sur les dépenses publiques, sans aborder les failles de dispositifs tels que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, qui représente une dépense fiscale de plus de 20 milliards d'euros, sans effet mesurable sur la croissance et l'emploi.
Pourquoi la Cour des comptes n'emploie-t-elle pas son énergie à dénoncer ce gaspillage d'argent public et se contente-t-elle simplement de demander que les évaluations se poursuivent, alors que cette niche fiscale représente un coût pharaonique ?
Pourquoi la Cour des comptes est-elle aussi univoque et ne s'interroge-t-elle pas plus avant sur les conséquences économiques et sociales des politiques de restriction budgétaire qu'elle préconise ?
De notre point de vue, ni la Cour des comptes, ni les chambres régionales et territoriales des comptes ne doivent outrepasser leur fonction. Elles doivent s'en tenir à l'examen des politiques publiques et juger si elles ont été conduites selon les règles du droit et si elles ont été efficaces par rapport aux objectifs qui leur étaient assignés – ce qu'elle sait d'ailleurs faire avec beaucoup de rigueur.
La Cour des comptes n'a pas à s'immiscer dans le débat politique, dans le pays ou dans une collectivité territoriale, sur les choix fondamentaux, choix qui doivent rester de la pleine compétence de celles et ceux qui ont reçu pour cela l'onction du suffrage universel et qui se doivent de respecter les règles de bonne gestion fixées par la loi.
Si nous tenons, malgré tout, à conserver à la Cour ses missions actuelles, il faut faire droit à un plus grand pluralisme en son sein et la rétablir dans un rôle de conseiller portant des analyses moins univoques et riches de la diversité des points de vue qui émaillent le débat économique et budgétaire. Nous en sommes encore loin…
Nonobstant ces quelques remarques, nous voterons bien sûr en faveur du présent texte. Mauruuru, te aroha ia rahi.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Je ne répondrai pas à toutes les questions, notamment celles qui s'adressent directement à la Cour des comptes – il ne m'appartient pas de me prononcer – , mais je souscris aux remarques sur la nécessaire dématérialisation. J'ai noté que le dernier orateur allait jusqu'à dématérialiser son discours. On va loin dans cette assemblée ! Peut-être un jour se posera-t-on la question de la dématérialisation des liasses d'amendements qui circulent lors de ses travaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Au-delà de ce clin d'oeil d'un ancien député qui a siégé sur ces bancs et qui était noyé sous les amendements, j'ai relevé, dans l'intervention d'Olivier Dussopt, la référence au travail d'Anne-Yvonne Le Dain et de Françoise Descamps-Crosnier, dont je connais l'engagement et l'attachement à la modernisation.
Quant aux interventions de MM. Bernalicis et Larrivé, leur proposition légitime d'étendre la compétence de la Cour de discipline budgétaire et financière trouvera certainement sa place dans le débat que le Président de la République a souhaité ouvrir avec le Parlement et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat sur la suppression de la Cour de justice de la République pour les ministres.
Mesdames, messieurs, je vous remercie de vos propos et de votre engagement.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.
Les articles 2 à 6 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.
Les articles 2, 3, 4, 5 et 6 sont successivement adoptés.
Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote.
Je mets donc aux voix l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité.
Applaudissements.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi pour la confiance dans la vie politique ;
Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi organique pour la confiance dans la vie politique.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly