Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Séance en hémicycle du mercredi 2 août 2017 à 15h00
Répression d'actes illicites en matière de navigation maritime — Présentation

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'état auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous examinons le projet de loi autorisant la ratification de deux protocoles : le protocole relatif à la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et le protocole relatif au protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, plus communément appelés « protocoles SUA de 2005 ».

Pour saisir la portée de ces textes, il faut en revenir au contexte historique de leur genèse et de leur adoption, ainsi que de leur adaptation en 2005. Ces protocoles SUA de 2005 viennent en effet amender et compléter les textes fondateurs de 1988. Ces textes, qui figurent parmi les treize conventions antiterroristes des Nations unies, avaient été adoptés à la suite du détournement du paquebot Achille Lauro par des membres du Front de libération de la Palestine en octobre 1985, événement qui avait conduit à la mort d'un passager.

Le contexte qui a prévalu après les terribles attentats du 11 septembre 2001 a amené l'Organisation maritime internationale, l'OMI, à engager une réflexion pour réviser les conventions pertinentes relevant de sa responsabilité, dont la convention et le protocole de SUA, afin de prévenir et de réprimer plus efficacement les actes terroristes commis en mer.

Cette réflexion a également pris en compte les risques croissants liés à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, ainsi que la mobilisation de la communauté internationale contre cette menace, notamment dans le cadre de l'Initiative de sécurité en matière de prolifération lancée en 2003 ou en application de la résolution 1540 du Conseil de sécurité des Nations unies de 2004.

Les négociations, officiellement lancées en 2002, ont abouti à l'adoption de deux protocoles, lors d'une conférence diplomatique convoquée à Londres en octobre 2005. Signés par la France en février 2006, ces protocoles sont entrés en vigueur le 28 juillet 2010. Aujourd'hui, quarante et un États sont parties au protocole SUA de 2005 sur la sécurité de la navigation maritime, et trente-cinq le sont à celui relatif à la sécurité des plates-formes. La ratification de ces protocoles répond donc à une nécessité opérationnelle.

Quelles sont les principales évolutions introduites par les protocoles de 2005, par rapport à ceux de 1988 ? Deux grands apports peuvent être mentionnés. Il s'agit en premier lieu de l'extension du champ des infractions visées par les textes de 1988. En effet, les protocoles SUA de 2005 ajoutent certains actes à caractère terroriste, c'est-à-dire des actes qui, par leur nature ou leur contexte, visent à intimider une population ou à contraindre un État ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque.

Ils sont aussi beaucoup plus spécifiques en matière de lutte contre la prolifération en mer puisqu'ils s'étendent à toutes les infractions de prolifération par mer d'armes biologiques, chimiques ou nucléaires – BCN – et de biens à double usage BCN, commises avec ou sans motif terroriste.

Ce souci de lutter contre la prolifération résulte de l'augmentation du nombre de crises liées à ce danger ainsi que du développement de réseaux clandestins de fourniture d'équipements et de technologies proliférants, dont certains sont susceptibles d'établir des liens avec des groupes terroristes – tel est le monde dans lequel nous vivons.

Le protocole SUA de 2005 sur la sécurité de la navigation maritime étend par ailleurs son champ d'application au transport d'un fugitif impliqué dans une infraction visée par le protocole ou par certains autres traités.

Il faut préciser à cet égard que la France a veillé à ce que figure dans le protocole une clause de sauvegarde excluant des infractions les transports de biens et de matières qui ne sont pas contraires au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968.

La deuxième grande innovation est introduite par le seul protocole SUA de 2005 sur la sécurité de la navigation maritime : c'est la mise en place d'un dispositif d'intervention en haute mer. Ce dispositif autorise notamment, à l'issue d'une procédure qu'il définit, l'arraisonnement par un État de navires battant un autre pavillon que le sien et qu'il soupçonne d'être impliqués dans la commission d'une infraction visée par le protocole.

Il élargit ainsi la liste, définie par le droit international, des cas dans lesquels un État peut arraisonner un navire qui ne bat pas son pavillon. Cependant le consentement de l'État du pavillon doit être obtenu. Le protocole prévoit des procédures simplifiées qui permettent à un État d'accorder, lors du dépôt de son instrument de ratification, l'autorisation d'arraisonner ses navires, soit de manière générale sans qu'il soit besoin de demande de confirmation de la nationalité du navire, soit sur la base d'un accord tacite, à l'issue d'un silence de quatre heures à compter de l'émission de la demande de confirmation de nationalité.

Afin de conserver la plus grande liberté d'appréciation en fonction des circonstances, dans une décision relevant de sa seule souveraineté, la France n'entend effectuer aucune de ces deux notifications lors du dépôt de son instrument de ratification.

Au-delà de la dimension répressive qui caractérise la convention SUA de 1988, le dispositif d'intervention en haute mer mis en place par le protocole de 2005 permet également à un État d'intervenir de manière préventive, afin d'éviter qu'une infraction aux conséquences potentiellement graves ne survienne.

On voit bien, au regard des éléments qui précèdent, l'intérêt que présente pour la France la ratification de ces protocoles. Une telle ratification constitue en effet un pas supplémentaire dans le cadre des efforts déployés par la France pour lutter plus efficacement contre le terrorisme. Cela est vrai tant au niveau international, où la coopération avec nos partenaires étrangers s'en trouverait renforcée, qu'à l'échelle nationale, où la compétence des juridictions françaises serait établie pour les nouvelles infractions introduites par les protocoles, et ce non seulement lorsqu'un lien territorial ou personnel est établi avec l'infraction, mais également lorsque l'auteur présumé se trouve sur le territoire français et n'est pas extradé.

Considérant l'importance de ces sujets, j'ai été, comme un certain nombre d'entre vous, interpellé par le temps mis à ratifier ces protocoles, alors que deux majorités différentes se sont succédé depuis 2007.

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