Je partage l'essentiel des analyses livrées par les représentants des autres organisations syndicales. Nous pensons également qu'il y a eu, entre 2008 et 2010, un problème avec la dichotomie entre une interministérialité au niveau régional et une autre au niveau départemental ; elle a causé en effet de nombreuses difficultés à notre administration. La perte de 20 à 25 % des effectifs a été considérable pour une administration qui, somme toute, était déjà assez réduite en personnels pour contrôler tous les secteurs de l'économie, ou presque tous. Concentrons-nous néanmoins sur l'affaire Lactalis et le rôle joué par la DGCCRF.
La directrice générale a eu raison de déclarer que les agents avaient été très réactifs. Ils ont été très disponibles dès lors qu'on leur en a donné l'ordre, tombé à un moment difficile : le 26 ou 27 décembre, donc entre Noël et le jour de l'an. Les agents ont donc dû tout laisser tomber, les contrôles reposant sur un faible nombre d'entre eux et à une période où l'activité, que ce soit dans les pharmacies ou dans les grandes surfaces, est assez dense. Pour notre syndicat, ce qu'a montré l'affaire Lactalis, à travers les opérations de retrait et de rappel, c'est la nécessité d'avoir des agents au plus près du terrain dans les départements. Il a en effet fallu déployer très rapidement des contrôles dans un nombre important de commerces disséminés dans un grand nombre de communes. En nous déployant ainsi depuis l'échelon départemental, 15 à 18 % des distributeurs ont vu un agent de la DGCCRF contrôler l'effectivité des retraits-rappels, c'est-à-dire contrôler qu'il ne restait plus de produits en rayon et qu'ils avaient été retournés. Si nous nous étions déployés depuis l'échelon régional ou depuis un département sur deux, comme certains le proposent, combien de distributeurs aurions-nous pu contrôler, en tenant compte des délais de route supplémentaires induits, en tenant compte de la période hivernale et de la difficulté de circuler sur certaines routes en raison des conditions météorologiques ?
Si nous posons cette question, c'est parce que notre syndicat, qui a souvent l'impression d'être assez seul, ne cesse de dénoncer la situation suivante : la DGCCRF est devenue tellement obsédée par son souhait de sortir des DDI, souhait sans doute légitime, qu'elle est prête à saborder ses implantations départementales, ce qu'elle fait d'ailleurs presque méthodiquement depuis dix ans. Depuis dix ans, la DGCCRF a perdu de 20 à 25 % de ses effectifs mais, dans les départements, en ce qui concerne les enquêteurs qui sont sur le terrain au jour de jour, c'est en moyenne la moitié des effectifs que nous avons perdus. Dans le seul département de la Mayenne, on est passé de quatorze agents à sept ; dans mon département, on est passé de vingt-huit agents à quatorze. On voit bien, j'y insiste, que, dans les départements, on n'a pas perdu de 20 à 25 % des effectifs d'enquêteurs mais 50 %. Pourquoi ? Parce que, pour tenter d'échapper à cette interministérialité, les effectifs ont été « remontés » des départements vers les régions vers des postes souvent administratifs, qui ont peu de lien avec le travail d'enquête, et qui n'apportent que peu d'aide aux enquêteurs.
Notre syndicat estime qu'environ 40 % des agents en région n'occupent pas un poste opérationnel alors que ce sont des agents qui ont été formés pour le terrain, qui ont été formés au métier d'enquêteur et qui veulent l'exercer. Tous les rapports sur la DGCCRF, depuis dix ans, ont préconisé le redéploiement des effectifs vers l'échelon départemental ; or, depuis dix ans, on fait tout l'inverse au prétexte qu'on attend – en vain – le grand soir de la sortie des DDI.
Derrière cette vision très bureaucratique des choses, il faut bien comprendre qu'il y a tout un système qui repose sur quelques agents, dans les départements, qui assurent une grande partie des missions avec toujours moins. Ce système absurde tient par leur bonne volonté, au prix, de plus en plus, de leur santé. Je peux vous assurer que, dans les départements, nous sommes à l'agonie parce que nous fonctionnons ainsi depuis dix ans. Les enquêteurs n'en peuvent plus du manque d'effectifs, du travail qu'ils sont obligés de bâcler, de la polyvalence qu'ils sont obligés d'assurer – vous étiez surpris tout à l'heure, monsieur le président, d'apprendre qu'un enquêteur a autant de secteurs d'activité dans son portefeuille.
C'est dans ce contexte que l'affaire Lactalis a éclaté, dans cette situation délétère que les agents du département ont dû mener au mieux cette opération de retrait-rappel, ne bénéficiant la plupart du temps d'aucune aide opérationnelle de l'échelon régional.
Vous avez évoqué le plan « Action publique 2022 ». Pour nous, la DGCCRF est une administration qui a besoin de respirer pour retrouver son efficacité dans la protection des consommateurs et des petites entreprises. Elle a pour cela besoin d'effectifs sur le terrain, au plus près des consommateurs et au plus près des entreprises. Tout le reste, en particulier les pistes envisagées, qu'on peut pour certaines déceler dans le plan « Action publique 2022 », comme l'abandon des missions, le miracle des outils numériques, la régionalisation, c'est pour nous, au mieux, de la poudre aux yeux, au pire des remèdes qui vont finir par tuer le malade.