La réunion

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Audition, ouverte à la presse, des syndicats de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) :

- Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires : Mme Marie Pique, secrétaire générale ;

- Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)-CCRF : M. Johann Pascot, secrétaire général, et M. Yannick Wilwert, trésorier du syndicat et chargé des nouvelles technologies de l'information et de la communication ;

- Force ouvrière (FO)-CCRF : Mme Françoise Lagouanère, secrétaire générale et inspectrice experte CCRF à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) des Landes, M. Jean Boudeau, membre du bureau national et inspecteur CCRF à la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de la Vendée, et M. Gilles Anjoubault, membre du conseil syndical et chef du pôle direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) pour la Corse ;

- Solidaires CCRF & service commun des laboratoires (SCL) : M. Emmanuel Paillusson, secrétaire général, et M. Christophe Martin, secrétaire national ;

- Syndicat national des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes-Confédération générale du travail (CGT) : Mme Brigitte Bidault, secrétaire générale, Mme Thérèse Nicot, inspectrice de la DGCCRF, et M. Stéphane Rouzier, inspecteur de la DGCCRF ;

- Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) CCRF : M. Steve Mazens, inspecteur enquêteur à la DDPP-30 Nîmes, et M. Matthias Drubigny, contrôleur enquêteur à la DDPP-95 Cergy-Pontoise.

L'audition débute à onze heures trente.

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L'Assemblée nationale a constitué une commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques.

Il ne s'agit pas de faire le procès de qui que ce soit, mais de comprendre ce qui s'est passé et le rapport de M. Besson-Moreau fera des propositions afin que ce type de contamination ne se reproduise pas.

Nous avons entamé notre cycle d'auditions en entendant les représentants de l'association des familles des victimes du lait contaminé aux salmonelles (AFVLCS) afin de de connaître leurs difficultés et de recueillir leur ressenti.

La commission d'enquête a ensuite entendu les organismes de contrôle de l'État, en particulier la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Je rappelle que, depuis, elle a rencontré les associations de consommateurs, les acteurs de la grande distribution, l'Ordre des pharmaciens, différents acteurs du secteur laitier, ainsi que les organisations professionnelles agricoles.

Nous recevrons le 7 mai prochain le président de Lactalis, M. Besnier, puis nous terminerons par les ministres concernés.

Nous accueillons aujourd'hui les syndicats de la DGCCRF : Pour la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires : Mme Marie Pique, secrétaire générale ; pour la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)-CCRF : M. Johann Pascot, secrétaire général, et M. Yannick Wilwert, trésorier du syndicat et chargé des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) ; pour Force ouvrière (FO)-CCRF : Mme Françoise Lagouanère, secrétaire générale et inspectrice experte CCRF à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) des Landes, M. Jean Boudeau, membre du bureau national et inspecteur CCRF à la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de la Vendée, et M. Gilles Anjoubault, membre du conseil syndical et chef du pôle direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) pour la Corse ; pour Solidaires CCRF et service commun des laboratoires (SCL) : M. Emmanuel Paillusson, secrétaire général, et M. Christophe Martin, secrétaire national ; pour le Syndicat national des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes-Confédération générale du travail (CGT) : Mme Brigitte Bidault, secrétaire générale, Mme Thérèse Nicot, inspectrice de la DGCCRF, et M. Stéphane Rouzier, inspecteur de la DGCCRF ; pour l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) CCRF : M. Steve Mazens, inspecteur enquêteur à la DDPP-30 Nîmes, et M. Matthias Drubigny, secrétaire national UNSA-Finances.

Votre audition complétera celle de Mme Virginie Beaumeunier, directrice générale, qui nous a apporté de nombreuses informations sur le rôle de la DGCCRF, notamment dans l'affaire Lactalis. Nous avons également abordé avec elle la question des moyens dont dispose la direction. Nous souhaitons aujourd'hui avoir votre éclairage.

Je précise que cette audition est ouverte à la presse et retransmise sur le portail vidéo de l'Assemblée.

Comme il s'agit d'une commission d'enquête, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais demander à chacun d'entre vous de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure ».

Les personnes auditionnées prêtent serment.

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J'en viens à quelques questions. En matière de contrôles, qui est chargé de la surveillance des produits infantiles ? La répartition des compétences avec les agents de la direction générale de l'alimentation (DGAL) vous paraît-elle pertinente ? Quel rôle joue la DGCCRF en matière de contrôle pour assurer la sécurité, notamment sanitaire, des produits ? Comment sont organisés concrètement ces contrôles ? Savez-vous combien de contrôles ont réalisé les services de la DGCCRF depuis 2005 sur le site de Craon ? Leur nombre vous paraît-il suffisant ? Confirmez-vous que ces contrôles ne portent pas sur la présence de salmonelles dans les poudres de lait infantile ?

Pour ce qui est des retraits-rappels, comment, concrètement, les supervisez-vous quand vous êtes dans une grande surface, une pharmacie, une crèche… ? Quelles mesures prenez-vous quand vous y trouvez des produits ayant fait l'objet d'un retrait-rappel ? Pouvez-vous nous indiquer si le contrôle de la mise en oeuvre des procédures de retrait-rappel par les services de l'État est systématique ou s'il a été déclenché uniquement à la suite des alertes lancées par les consommateurs ? Pouvez-vous nous confirmer que ce n'est pas à vous qu'incombe le contrôle des retraits-rappels dans le cadre des crèches et des hôpitaux, mais aux inspecteurs de l'Agence régionale de santé (ARS) ?

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Je tiens d'emblée à vous présenter mes excuses car je vais devoir vous quitter bientôt – j'ai un rendez-vous dans un ministère – mais sachez qu'un compte rendu de cette audition sera établi ; en outre, une de mes collaboratrices restera jusqu'à la fin. J'ai en effet la lourde responsabilité d'écrire le rapport.

Je tiens à vous rassurer sur le fait que cette commission d'enquête n'est en aucun cas politique et, d'ailleurs, le président et moi-même n'appartenons pas au même parti. Je saurai me montrer impartial, je saurai écouter vos propos. N'hésitez pas à vous faire très directs, sans tabou ; vous n'avez aucune crainte à avoir et, comme l'a très bien rappelé le président, les ministres seront eux aussi assis, bientôt, à votre place et devront répondre à nos questions, qu'elles leur fassent plaisir ou non.

J'en viens à mes questions.

Quelle a été l'évolution des moyens financiers de la DGCCRF au cours des quinze dernières années ? Quel est son budget pour 2018 ?

Combien d'agents la DGCCRF compte-t-elle au total, combien sur le terrain et quelle a été l'évolution des effectifs depuis quinze ans ?

Lors de son audition, la DDCSPP de la Mayenne nous a indiqué que ses moyens étaient calculés en fonction du nombre d'habitants, ce qui est très pénalisant dans le cas de ce département. Qu'en pensez-vous ?

Répondant à vos remarques sur la diminution des moyens financiers, le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, a indiqué dans la presse que le nombre d'agents en fonction aujourd'hui était identique à celui de 2013 : 2 944 contre 2 940, soit quatre agents en plus. Qu'en pensez-vous ?

Vous avez également dénoncé dans la presse l'organisation défectueuse de la DGCCRF : pouvez-vous nous en dire plus ? En particulier, pouvez-vous nous donner des précisions sur ce que vous appelez le « démantèlement » de 2010 ? Plus généralement, l'organisation territoriale des différents services de l'État chargés de la sécurité alimentaire vous paraît-elle claire et satisfaisante ?

Pouvez-vous nous indiquer quelle est la répartition des agents sur le terrain entre départements et régions, en nombre d'agents et selon le type de tâches ? Combien de contrôles réalisez-vous en moyenne par an à ces deux échelons ? Même question pour le secteur laitier.

Pouvez-vous nous donner le nombre de procès-verbaux dressés par la DGCCRF depuis 2005 ?

Que pensez-vous du plan « Action publique 2022 » ?

Enfin, quelles mesures proposez-vous pour que les défaillances constatées dans l'affaire Lactalis ne se reproduisent plus jamais ?

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Dans quel ordre souhaitez-vous prendre la parole ?

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Emmanuel Paillusson, secrétaire général de Solidaires CCRF & service commun des laboratoires (SCL)

L'habitude est de respecter l'ordre protocolaire et c'est pourquoi j'ai levé le doigt le premier, Solidaires étant la première organisation syndicale de la DGCCRF.

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Pour vous simplifier la tâche, monsieur le président, je vous propose de vous indiquer quel est l'ordre protocolaire : Solidaires, CFDT, CGT, CFTC, UNSA et FO.

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Emmanuel Paillusson, secrétaire général de Solidaires CCRF & service commun des laboratoires (SCL)

Je tiens à vous remercier de nous recevoir – il est vrai que nous avons du mal, depuis un certain temps, à nous faire entendre, à commencer, d'ailleurs, par notre ministre qui a reçu tous les acteurs sauf les représentants du personnel.

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Le rapporteur et moi-même tenions à vous inviter puisque, en tant que représentants de l'ensemble des syndicats, vous êtes partie prenante dans cette affaire et que vos propos nous permettront d'étayer notre rapport.

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Emmanuel Paillusson, secrétaire général de Solidaires CCRF & service commun des laboratoires (SCL)

Vous nous avez interrogés sur l'évolution des effectifs de la DGCCRF : les chiffres du ministre, que vous avez rappelés, ne sont pas du tout les nôtres. Selon les documents de l'administration – nous nous référons ici au bilan social de la direction générale –, nous étions 3 656 en 2007 et 2 791 en 2018. Je tiens à souligner que vous avez voté, messieurs et mesdames les députés, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, une suppression de 45 emplois au sein de la DGCCRF, cela alors que, depuis 2013, le nombre d'équivalents temps plein (ETP) était resté globalement stable. Nous espérons non seulement que cette suppression ne se renouvellera pas mais que le Parlement prendra conscience de l'utilité de renforcer les moyens de la DGCCRF dans les années à venir.

Sur les quelque 3 000 agents de la DGCCRF – soit environ 2 800 ETP – la moitié évolue sur le terrain, dans les DDCSPP ou dans les DIRECCTE en métropole, et dans les directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIECCTE) en outre-mer. Une partie de ces personnels est sédentaire puisqu'ils ne mènent pas d'enquêtes à proprement parler mais y participent. Il est vrai que depuis l'application de la révision générale des politiques publiques (RGPP) puis celle de la réforme de l'administration territoriale de l'État (REATE), nous avons des difficultés énormes pour savoir qui fait quoi, quel est le nombre d'agents et où ils sont.

J'en viens à la DDCSPP de Mayenne. La directrice, dites-vous, a affirmé que ses effectifs étaient calculés en fonction du nombre d'habitants. Ce n'est pas exactement cela. Il s'agit en effet d'un vieux système : l'indice PROSCOP qui tient compte de la « richesse vive » des départements, c'est-à-dire, en effet, de la population, mais principalement des entreprises – c'est bien le tissu économique qui est ici déterminant. Cet indice est établi par le privé et l'administration l'achète assez régulièrement. Nous ne sommes pas convaincus, depuis la RGPP et la REATE, que l'administration en tienne toujours compte.

Pour ce qui est de l'organisation CCRF, nous déplorons depuis les années 2008-2009 que la RGPP ait démantelé ses structures départementales, régionales et nationales, si bien que le ministre ne peut plus directement donner d'ordres aux directions locales : les échelons régionaux et départementaux sont sous l'autorité des préfets, les directeurs locaux n'ayant pas de comptes à rendre directement au ministre. C'est donc le préfet le donneur d'ordre, les directeurs eux-mêmes allant d'ailleurs parfois bien au-delà de ce que ce que souhaitent faire le préfet ou le ministre. Il n'existe donc plus de chaîne de commandement verticale : les directives ne « descendent » plus automatiquement et les directions locales n'exécutent pas forcément les ordres qui viennent d'en haut. En outre, avant la RGPP et la REATE, nous travaillions en réseaux thématiques. Ce système fonctionnait très bien, l'administration était ainsi mise en valeur et les agents pouvaient confronter au niveau national leurs méthodes d'enquête. Or la RGPP et la REATE ont détruit ce dispositif et les directeurs locaux ne voient plus la nécessité de travailler au niveau national, puisque leur champ d'activité n'étant plus que départemental. C'est l'une de nos grandes difficultés. Les ministres successifs ont essayé de remettre en place ces réseaux mais d'une manière loin d'être satisfaisante et qui ne répond pas aux problèmes posés par la multitude d'enquêtes à mener.

Pour ce qui est de la répartition des agents entre régions et départements, c'est très majoritairement dans ces derniers qu'ils travaillent. Il n'a pas été tenu compte de la nouvelle géographie prévue par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), organisant le transfert d'agents des régions vers les départements.

Vous nous avez également demandé notre avis sur le plan « Action publique 2022 ». On sait bien que l'objectif du Gouvernement, clairement annoncé, est la réduction globale des coûts, la suppression d'effectifs, mais, à ce stade, nous ne disposons pas d'informations précises de la part du ministère des finances et de la DGCCRF en particulier, puisque le rapport n'a pas encore été remis par le comité ad hoc. Par ailleurs, il est question de supprimer deux missions pour les externaliser sans qu'on sache encore s'il s'agit de les confier totalement au secteur privé, donc des missions sur lesquelles nous n'interviendrions plus, ou bien si nous continuerions d'intervenir mais au deuxième ou au troisième niveau. Ces missions, schématiquement, concernent les aires de jeu et l'hygiène alimentaire.

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Christophe Martin, secrétaire national de Solidaires CCRF & service commun des laboratoires (SCL)

Vous nous avez interrogés sur la surveillance des produits infantiles. La DGCCRF a en effet compétence en la matière. Un réseau de contrôle lui est dédié et comprend des enquêteurs qui exercent leur activité dans un cadre départemental ou régional. Les produits infantiles regroupent une gamme de produits très divers. Une partie d'entre eux est fabriquée à partir de lait de vache mais aussi de céréales, de légumes.

La région Pays de la Loire produit 40 % du lait en poudre. On y trouve par conséquent de nombreuses usines qui ont beaucoup investi récemment. Or, pour toute cette région, un agent de la DGCCRF est chargé du contrôle de l'ensemble des aliments infantiles qui y sont produits, distribués et commercialisés. Cet agent, par ailleurs très expérimenté, doit, en plus, contrôler tout ce qui concerne les produits alimentaires – notamment les compléments alimentaires – ; il doit animer ce réseau sur le plan national et il pilote le contrôle régional réalisé par ses collègues.

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Vous êtes en train de nous dire qu'un seul agent est chargé de contrôler 40 % de la production nationale de lait en poudre en plus des autres tâches que vous venez d'indiquer ?

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Christophe Martin, secrétaire national de Solidaires CCRF & service commun des laboratoires (SCL)

En effet, il est chargé du contrôle de tous les compléments alimentaires, de l'animation du réseau, du pilotage d'une petite partie de l'activité alimentaire de la région et du contrôle des produits infantiles.

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J'imagine qu'il a droit à quelques vacances, cet agent…

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Christophe Martin, secrétaire national de Solidaires CCRF & service commun des laboratoires (SCL)

Je l'espère pour lui.

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Christophe Martin, secrétaire national de Solidaires CCRF & service commun des laboratoires (SCL)

C'est une très bonne question. Normalement, il n'est pas prévu de…

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Et s'il tombe malade, ce que je ne lui souhaite pas ?

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Christophe Martin, secrétaire national de Solidaires CCRF & service commun des laboratoires (SCL)

L'ensemble des agents de la DGCCRF ont suivi une formation dans une école professionnelle et ont tous compétence pour l'ensemble de ces secteurs. Ils n'ont pas forcément l'expérience du contrôle du secteur mais tous sont à même de suppléer un de leurs collègues pour une mission de contrôle.

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Christophe Martin, secrétaire national de Solidaires CCRF & service commun des laboratoires (SCL)

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Christophe Martin, secrétaire national de Solidaires CCRF & service commun des laboratoires (SCL)

Oui, c'est insuffisant, d'autant que l'agent en question a des déplacements importants à réaliser. Donc, en matière de capacité de contrôle, dans la région, nous sommes en effet un peu juste.

Ensuite, pour ce qui est de la répartition de nos compétences avec celles de la DGAL, il ne faut pas les mettre en concurrence : les missions des deux directions sont complémentaires. La DGAL s'assure, par exemple, de l'agrément d'une usine. Quand une usine est agréée, on a la certitude qu'elle est capable de produire un aliment de façon sûre du point de vue sanitaire. Reste que, si elle en est capable, cela ne signifie pas qu'elle produit des aliments de façon sécurisée. C'est donc la mission de la DGCCRF de s'assurer que les produits sont correctement fabriqués. Une grille d'analyse a été définie qui permet à la DGCCRF de déterminer si des produits sont plus à risque que d'autres. Le fait qu'un agrément soit délivré par la DGAL nous permet de diminuer la note de risque et de concentrer nos enquêtes, par exemple, sur la teneur en additifs de certains produits, sur la composition, l'étiquetage, les indications nutritionnelles… Tâche d'autant plus nécessaire que les aliments infantiles obéissent à une réglementation européenne très complexe et qui vient d'être modifiée en 2016. Cette réglementation recouvre plusieurs domaines : santé, économie…

C'est pourquoi l'articulation entre les différentes administrations est importante. Nous avons besoin de ce que fait la DGAL, et la DGAL a besoin de ce que fait la DGCCRF. Donc, je le répète, nos missions sont aussi différentes que complémentaires.

J'en viens à votre question sur la salmonelle. Ma réponse sera la même que celle de Mme Deflesselle. Selon certaines institutions, il y a très peu de risque, sur un produit sec comme le lait infantile, pour que se développent des salmonelles ; si bien qu'à partir de cette donnée scientifique, nous avons enrichi notre analyse de risque en partant de l'idée que le contrôle concernant la salmonelle n'était pas forcément le plus pertinent ici alors que bien d'autres risques plus importants sont à rechercher sur les laits infantiles – présence d'amande, de gluten dans les laits végétaux, par exemple. La CCRF a donc mené, en les hiérarchisant, des enquêtes spécifiques puisque le marché est très diversifié et très important. Il s'agissait pour nous, en particulier, de ne pas être redondant avec la DGAL.

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Je remercie la commission de nous recevoir : il est très important pour nous de donner des informations.

Avant de répondre précisément à vos questions, je souhaite expliquer quel est le rôle, l'organisation territoriale et le fonctionnement de la DGCCRF, préalable qui nous paraît nécessaire après avoir pris connaissance de plusieurs auditions réalisées par votre commission.

Depuis la REATE, il existe deux niveaux d'organisation territoriale de niveau interministériel : les agents qui, dans les régions, font partie des DIRECCTE, sous l'égide du ministère du travail ; ceux qui, dans les départements, font partie des DDCSPP, sous l'égide du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et éventuellement du ministère de la cohésion des territoires. Il n'existe pas de lien hiérarchique entre ces deux niveaux – il est très important de le préciser puisque la DGCCRF est la seule administration à être divisée en deux interministérialités différentes. Cette anomalie créée par la REATE a été constatée par plusieurs ministres de l'économie dont Emmanuel Macron et, aujourd'hui, Bruno Le Maire. Ils ont essayé de réformer cette organisation territoriale qui ne convient pas aux missions de la DGCCRF. Du reste un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) et de l'inspection générale des finances (IGF), le rapport Auvigne-Masurel, le constate également. En l'absence de chaîne de commandement claire entre le ministre et les agents qui exercent leurs fonctions dans le département, vous comprendrez que le travail de ces derniers est compliqué.

Pour ce qui est de la répartition des agents : environ 1 800 relèvent des DDPP et des DDCSPP et environ 600 dépendent des DIRECCTE. Un autre inconvénient de la double interministérialité est que, déjà en faible nombre, les agents de la DGCCRF ont dû participer à toutes les fonctions support de ces administrations – dont le nombre a quadruplé, passant de 3 % à 12 %. En effet, dans chaque structure, il faut des secrétaires, des adjoints au chef de service, des secrétaires généraux… autant de personnels en moins sur le terrain.

Vous nous avez également interrogés sur les effectifs. Pour la CFDT, cette question ne va pas seule : si vous abondez les effectifs de la DGCCRF dans les organisations actuelles, vous n'allez pas permettre aux enquêteurs de rechercher une fraude de grande ampleur mais seulement de vérifier, par exemple, l'affichage des prix chez les coiffeurs ou dans les auto-écoles. Il faut donc rétablir le réseau des agents de la DGCCRF qui existait en 2005 quand on a constaté la présence de salmonelles pour la première fois dans l'usine de Craon : la direction départementale de Mayenne avait traité l'ensemble de cette crise parce que nous disposions alors d'un réseau CCRF, d'un maillage territorial, qui le permettait.

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Les DDCSPP et les DDPP sont étanches, si je puis dire, les unes par rapport aux autres : chacune est compétente dans son département et n'a pas autorité sur les autres. De surcroît, on l'a dit, le niveau régional n'a pas autorité sur le niveau départemental. Donc personne ne peut donner d'ordre à personne.

En 2005, j'y reviens, les agents de la DGCCRF de Mayenne constatent la présence de salmonelle et demandent le retrait-rappel des produits concernés. L'information se diffuse alors au sein du réseau et, puisqu'une autorité s'exerce, tous les enquêteurs font leur travail. Aujourd'hui, il faut passer par un certain nombre de strates, d'autorités hiérarchiques qui compliquent le travail quotidien des agents.

Aussi, pour la CFDT, l'organisation territoriale est à revoir et nous souhaitons que votre commission examine ce point. En effet, le rôle de la DGCCRF est vraiment de contrôler les entreprises, de veiller au bon fonctionnement du marché – c'est pourquoi d'ailleurs nous sommes rattachés à Bercy. Le rôle de la DGAL, lui, consiste plutôt à accompagner les filières du secteur agricole. Chaque direction générale a par conséquent une mission différente, a sa raison d'être, et les agents de l'une ne font pas le même métier que les agents de l'autre.

La question a été posée de savoir s'il ne fallait pas qu'un seul chef de file par site de production, qu'il dépende de la DGAL, de la DGCCRF ou bien de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Pour répondre, je prendrai l'exemple du scandale de la viande de cheval causé par l'usine Spanghero. Si l'on avait appliqué le principe d'un chef de file par secteur, il est vraisemblable que les services vétérinaires auraient été désignés puisque le produit incriminé était d'origine animale. Or le problème n'était absolument pas sanitaire mais de tromperie, de fraude : on a fait passer de la viande de cheval pour de la viande de boeuf. Reste qu'il s'agit bien d'une crise alimentaire. Vous voyez bien que la DGCCRF et la DGAL ont chacune leur raison d'être, l'important étant que chacune connaisse sa mission. Le protocole d'accord, le plan national de contrôles officiels pluriannuel (PNCOPA), expliquent bien qui doit faire quoi en cas d'alerte. D'ailleurs, lors de l'affaire Lactalis, la DGCCRF a réagi et fait son travail. Il ne se pose donc pas, je le répète, de problème de répartition de compétences entre les deux directions générales, là n'est pas la question.

La véritable compétence de la DGCCRF, il faut le comprendre, c'est bien de contrôler des filières, la traçabilité, les factures, mais aussi de traquer des fraudes… Et c'est un métier. Mme Deflesselle, directrice adjointe de la DDCSPP de Mayenne, vous a indiqué que la DGCCRF n'avait contrôlé « que » la traçabilité des produits concernés – et c'est bien parce que la DGCCRF a contrôlé leur traçabilité que nous avons pu, après publication de l'arrêté ministériel du mois de décembre 2017, procéder au retrait-rappel : si nous nous étions contentés des déclarations de Lactalis, nous n'aurions retiré que douze lots ! Ainsi, nous avons pu en retirer beaucoup plus et pu faire en sorte que Lactalis retire de lui-même toute la production. La traçabilité, j'y insiste, est donc essentielle.

Il faut par ailleurs rappeler les conditions historiques de la création de ces deux directions générales. L'idée d'une grande police sanitaire ne nous satisfait pas puisque, vous l'aurez compris, nous exerçons deux métiers différents. Opérer, au même endroit, personnes et animaux plutôt que dans un hôpital pour les uns et dans une clinique vétérinaire pour les autres vous paraîtrait absurde ; eh bien, il est tout aussi absurde de vouloir une grande police sanitaire. Simplifier l'administration à outrance reviendrait en effet à une perte de compétences. La DGCCRF a été créée en 1985 au moment de la libéralisation des prix. Quand on y réfléchit, c'était une idée très moderne d'avoir fusionné la lutte contre la fraude et la direction des prix puisque c'est le moyen de contrôler le marché. La DGCCRF a été investie de trois missions : la veille concurrentielle des marchés, la sécurité des produits industriels et alimentaires et la protection économique du consommateur. Ces trois missions sont cohérentes les unes avec les autres. Or le fait d'avoir « partitionné » les agents, les uns dans les régions au sein des DIRECCTE et les autres dans les départements au sein des DDPP et des DDCSPP, a cassé le réseau.

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Au niveau régional, au sein des DIRECCTE, les agents s'occupent plutôt de la veille concurrentielle des marchés : relations entre fournisseurs et distributeurs, pratiques concurrentielles restrictives, pratiques anti-concurrentielles.

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Et là, il n'est pas du tout question de contrôle sanitaire ?

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Tout à fait.

Ensuite, au niveau du département, les agents sont chargés de la protection du consommateur : affichage des prix, publicité trompeuse, tromperie…

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

L'aspect sanitaire est compris dans le contrôle de la sécurité des produits alimentaires.

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Il relève donc de la seconde partie que vous venez d'évoquer.

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Oui, mais la DGCCRF ne réalise pas que des contrôles sanitaires.

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

D'ailleurs, dans l'affaire Lactalis, je ne pense pas que la société ait commercialisé des produits contaminés par des salmonelles pour le simple plaisir de rendre malades des nourrissons ; il est vraisemblable qu'elle l'a fait parce qu'elle y trouvait un intérêt économique – ne pas fermer l'usine pour la nettoyer par exemple. Il y a toujours un aspect économique dans ces affaires et c'est pourquoi les missions des deux directions générales sont complémentaires et c'est pourquoi il est important pour nous de travailler en réseau.

Le coeur de métier de la DGCCRF n'est pas le contrôle sanitaire, mais la sécurité des produits. Et si la DGCCRF intervient dans le secteur de l'alimentation infantile, c'est parce que la plupart du temps il est confronté à un problème d'étiquetage, d'allergènes qui n'auraient pas été mentionnés, de pesticides… Dans l'affaire Lactalis, le contrôle des salmonelles – mais aussi de tout ce qui concernait l'hygiène de l'usine de Craon – était vraiment de la compétence de la DGAL puisqu'elle était chargée de l'agrément de l'entreprise.

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Une fois pris l'arrêté ministériel, il a été demandé aux agents de la DGCCRF d'intervenir sur tout le territoire pour surveiller le retrait-rappel. Ainsi 2 000 contrôles ont-ils été effectués avant qu'une seconde vague ne soit lancée. Et ce sont bien ces contrôles qui ont mis en évidence le fait qu'il y avait encore des boîtes dans les magasins.

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Il a fallu que nous mettions de côté certaines missions pour agir en urgence.

Nous tenons par ailleurs à vous rappeler l'importance du service commun des laboratoires (SCL), direction sous l'autorité à la fois des douanes et de la DGCCRF. Il s'agit d'un réseau de laboratoires qui analysent les prélèvements que leur envoient les agents de la DGCCRF et des douanes. Ce réseau de laboratoires est indépendant.

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Ce réseau a-t-il à voir avec les laboratoires départementaux ?

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Non, ils n'ont rien à voir avec eux. Le SCL compte neuf laboratoires en métropole et en outre-mer. Ils travaillent sous l'autorité de Bercy et analysent, je l'ai dit, les prélèvements effectués par les agents des douanes et par ceux la DGCCRF. Ils peuvent donc, si nous le leur demandons, chercher des salmonelles.

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C'est le ministère de l'économie et des finances qui fait la demande ?

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Oui.

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Cela a-t-il été le cas pour l'affaire Lactalis ?

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

À ma connaissance, ce ne sont pas les agents de la DGCCRF mais ceux de la DGAL qui ont procédé aux prélèvements qui ont, je suppose, été envoyés aux laboratoires départementaux. Reste que cela aurait pu être fait par nos agents.

L'affaire Lactalis a montré – pour la seule alimentation infantile – qu'il y avait un siège à Laval, un responsable à Torcé, en Ille-et-Vilaine, et une usine à Craon. En outre, le retrait-rappel a concerné tout le territoire. On voit donc bien que le département n'est pas le niveau pertinent. Bien sûr les implantations départementales sont nécessaires et la CFDT ne demande pas qu'elles soient supprimées mais que le niveau régional ait autorité sur le niveau départemental.

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Si l'on ne considère que l'affaire Lactalis, le niveau national de la DGCCRF a parfaitement fonctionné : les personnels de l'unité d'alerte, des services centraux, comme le service national d'enquête, les agents CCRF de la DDCSPP…, tous ont tous fait leur travail.

En ce qui concerne les effectifs, c'est le préfet qui les demande à l'issue d'un dialogue de gestion régionale. Peut-être le préfet de la Mayenne n'a-t-il pas demandé suffisamment d'effectifs de la CCRF.

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On ne devient pas agent comme ça, j'imagine. Quelle est la formation, est-elle satisfaisante ? Trouvez-vous assez de gens compétents ?

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Il existe deux types de concours…

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Le système de recrutement est-il satisfaisant ou pas ?

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Nous recrutons tous les ans…

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Oui. Il existe, j'y ai fait allusion, deux filières : un concours économique et juridique et un concours scientifique.

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Je pensais à l'instant à ces pauvres gamins aux prises avec Parcoursup… (Sourires.)

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Pour terminer, il ne faut pas oublier la responsabilité des professionnels : si l'affaire a été aussi médiatisée, c'est aussi parce que Lactalis n'a pas retiré de lui-même les produits incriminés et parce que les distributeurs n'ont pas veillé au retrait-rappel. Il faut aussi souligner qu'à chaque crise on exige plus de contrôles, un gendarme dans chaque usine, un gendarme dans chaque magasin… Pour la CFDT, il est peut-être temps que nous réfléchissions au consentement à l'impôt et au niveau de service public que nous souhaitons pour nos concitoyens.

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Brigitte Bidault, secrétaire générale du syndicat national des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes-Confédération générale du travail (CGT)

Merci de nous avoir invités : il nous paraît en effet indispensable que la représentation nationale concoure à mettre en lumière les mécanismes de la crise de Lactalis afin, tout d'abord, qu'elle ne se reproduise pas, ensuite pour que la responsabilité des multiples acteurs soit établie à des fins d'éventuelles sanctions, enfin pour que des dispositions soient prises en vue d'assurer le droit de la sécurité alimentaire de tous.

Nous sommes très préoccupés, nous aussi, par l'avenir de notre administration. J'y reviendrai.

Nous tenons avant tout à saluer l'esprit de service public – on ne le souligne pas suffisamment – des agents qui ont dû traiter cette crise, qu'il s'agisse des agents des services vétérinaires ou des agents CCRF. Vous comprendrez que notre organisation syndicale affirme que la responsabilité des personnels de ces administrations comme de celles des salariés de l'entreprise ne saurait être engagée. Les responsabilités sont peut-être à rechercher ailleurs – je pense à l'organisation du travail dans l'entreprise, aux conditions de travail, aux droits des personnels et de leurs organisations syndicales, j'y insiste, à l'organisation et aux moyens des administrations et, plus largement, à la puissance publique, à l'efficacité des politiques et des administrations publiques de contrôle, à l'information et au droit des consommateurs.

Nous souhaitons d'autre part revenir sur l'idée de fusion des services, évoquée de manière récurrente au cours des précédentes auditions. À la suite de la RGPP, de la REATE et de la modernisation de l'action publique (MAP), la CCRF a été déstructurée, conduisant à la multiplication des donneurs d'ordres, à l'interministérialité, à des projets de mutualisation, de mise en place de l'interdépartementalité mais aussi à la rupture de la chaîne de commandement et de la nécessaire interaction entre le niveau central et les niveaux territoriaux de notre administration. De fait, la réorganisation territoriale de l'État n'a pas conduit à une fusion mais à une juxtaposition de ces administrations au sein de directions interministérielles placées sous l'autorité des préfets, l'objectif étant de trouver des synergies. Aucune n'a cependant été trouvée – pire : les coopérations et échanges existants avec d'autres administrations ont été réduits. Cela s'explique par les objectifs, les habilitations et les moyens qui diffèrent radicalement entre les deux administrations juxtaposées au sein de l'interministérialité – Mme Pique l'a très bien expliqué.

Même si nous restons prudents sur l'affaire Lactalis, dans la mesure où une autre s'était déjà produite il y a dix ans, nous nous interrogeons sur l'efficacité des nouvelles organisations et des articulations administratives mises en place entre les niveaux départemental, régional et central. Nous nous interrogeons également sur les moyens alloués à nos services – ici la question du volume et de la nature de l'emploi est posée mais pas seulement. Nous souhaitons que la DGCCRF et la DGAL soient réhabilitées en tant qu'administrations publiques de l'État, dotées chacune d'une chaîne nationale de commandement et appelées à coopérer comme elles le faisaient par le passé et non pas amenées à être diluées dans des interministérialités dont la perte d'efficacité a été démontrée, notamment par le rapport Auvigne-Masurel de l'IGF et de l'IGA, remis en 2016.

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Brigitte Bidault, secrétaire générale du syndicat national des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes-Confédération générale du travail (CGT)

Il est disponible sur notre site internet, mais nous pourrons vous l'envoyer.

Nous insistons sur le fait que la réduction drastique des effectifs a détruit une partie des capacités d'intervention et de contrôle de notre administration. La nouvelle organisation éloigne également les agents de contrôle des entreprises, en particulier des industries potentiellement à risque. Or la vocation de la CCRF est d'être présente partout où s'exerce l'activité économique – au plus près du tissu économique. La CCRF ne dispose plus que d'environ 2 800 agents. Qui plus est, le gouvernement d'Édouard Philippe a levé le gel des suppressions d'emplois décidé par Benoît Hamon quand il était ministre. La CGT réclame par conséquent un plan de recrutement pluriannuel. La loi de finances pour 2018, cela a été rappelé, a supprimé 45 effectifs à la CCRF. Avec le plan « Action publique 2022 », ce sont 50 000 suppressions de postes pour la fonction publique d'État qui sont prévues, accompagnées de baisses budgétaires – la CCRF sera donc forcément touchée.

Nous appelons votre attention sur le rapport de la mission inter-inspection remis en 2015 et qui mettait bien en évidence l'insuffisance de l'emploi, notamment dans les petits départements…

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Brigitte Bidault, secrétaire générale du syndicat national des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes-Confédération générale du travail (CGT)

Oui, nous vous le communiquerons également.

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Merci. Qu'appelez-vous « mission inter-inspection » ?

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Brigitte Bidault, secrétaire générale du syndicat national des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes-Confédération générale du travail (CGT)

Tous les corps d'inspection ont participé à la mission. Ils se sont par ailleurs interrogés sur la capacité à faire face à des situations de crise.

Le dossier Lactalis démontre tous les méfaits de cette désorganisation de nos services et de la réduction des effectifs, méfaits dus aux réformes. Ces restructurations donnent en effet des résultats pour le moins inappropriés : quarante-trois départements comptent moins de dix agents – encadrement compris, ce qui ne laisse pas grand-chose sur le terrain. Ces manques d'effectifs entraînent des décisions de mutualisation des personnels entre départements, qu'il s'agisse d'agents de contrôle ou de personnels d'encadrement – la DDCSPP de Mayenne était d'ailleurs dans ce cas de figure. L'affaire Lactalis est l'illustration de cette situation : l'agent CCRF chargé du contrôle de cet établissement est affecté à la DIRECCTE des Pays de la Loire, à Nantes, et non pas à la DDCSPP de la Mayenne, à Laval.

Les modalités de contrôle s'en trouvent changées. Éloigné du local, l'agent aura moins d'échanges avec le vétérinaire sur l'état de leurs contrôles respectifs. En outre, cette situation oblige pratiquement à prendre un rendez-vous avec l'établissement à contrôler – notre habitude, à la CCRF, est de ne pas prendre rendez-vous avec les entreprises et de procéder à nos contrôles de manière…

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Brigitte Bidault, secrétaire générale du syndicat national des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes-Confédération générale du travail (CGT)

Pas vraiment car nous les programmons.

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Brigitte Bidault, secrétaire générale du syndicat national des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes-Confédération générale du travail (CGT)

Voilà.

Étant donné l'ampleur et la complexité de toutes les réglementations, étant donné la technicité des domaines de contrôle, à quoi s'ajoute la décision de diminuer les effectifs, il ne nous est plus possible d'assurer comme il se devrait nos missions de service public, tant à l'égard des consommateurs que vis-à-vis de tous les secteurs professionnels.

Avant la déstructuration de notre administration, les enquêteurs pouvaient s'appuyer sur des réseaux techniques internes que toutes les réformes évoquées ont mis à mal. Or la CCRF intervient dans l'impulsion des politiques économiques de la France, dans le contexte européen, en protégeant l'ordre public économique. En effet, en contrariant les pratiques frauduleuses et en participant au maintien de l'égalité, gage de stabilité et de visibilité pour les entreprises, elle contribue à assainir le terrain économique. La fraude a un coût pour l'économie nationale et aussi pour l'emploi. La lutte contre la fraude est donc une nécessité. L'affaire Spanghero a ainsi eu des répercussions sur l'emploi local. C'est pourquoi on nous considère comme un service de police économique.

Le rôle de la CCRF ne peut donc pas se réduire à une connaissance théorique des marchés et doit disposer des moyens d'une vérification approfondie.

Retrouver son efficacité, c'est aussi, pour la CCRF, pouvoir recourir à un réseau de laboratoires qui soient beaucoup plus que de simples prestataires. Le SCL doit retrouver un rôle prépondérant de propositions sur les contenus, les modes de preuve et les méthodes d'analyse. Il doit donc pleinement retrouver sa place au sein du réseau.

Enfin, alors que le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance organise, pour le moins, une conception nouvelle des missions de contrôle, l'affaire Lactalis interroge le rôle des parlementaires, plus précisément la place du contrôle public comme du contrôle exercé par les entreprises elles-mêmes – les autocontrôles – dont les résultats, dès lors qu'ils laissent entrevoir des risques en matière de sécurité alimentaire et, plus largement, de santé, doivent être portés à la connaissance des administrations de contrôle. Cette interrogation doit également porter sur le formalisme de la procédure des contrôles de la première mise sur le marché (CP2M) qui, depuis trop longtemps, a éloigné le contrôle de la recherche de la fraude. L'affaire qui, aux plans international, européen et national, engage au premier chef la responsabilité de Lactalis, premier fabricant mondial de produits laitiers et acteur majeur du marché du lait infantile, montre les limites des processus d'autocontrôle des entreprises.

Pour conclure, notre syndicat sollicite la représentation nationale afin que l'affaire Lactalis ne reste pas sans suites. C'est pourquoi, pour ce qui concerne nos craintes sur l'avenir de notre administration, nous avons élaboré une plateforme revendicative aux termes de laquelle nous demandons la sortie de la CCRF de l'ensemble des processus de réorganisation de l'administration territoriale de l'État, établis sous les quinquennats de MM. Sarkozy puis Hollande. Vous l'avez compris, notre proposition consiste à restaurer la CCRF en tant qu'administration nationale publique de l'État, dotée d'une chaîne de commandement et d'un réseau déconcentré.

Nous souhaitons l'arrêt des suppressions d'emplois – encore quarante-cinq en moins cette année, je le répète, soit plusieurs directions qui disparaissent. Nous réclamons des effectifs et donc la définition d'un plan pluriannuel de recrutement – pour la CCRF et donc pour ses laboratoires.

Nous souhaitons également que cesse l'atteinte portée à l'exercice de nos missions au niveau départemental et infradépartemental, même si tous les niveaux d'intervention sont importants. Nous devons en effet agir au plus près des territoires, là où les fraudes doivent être cherchées, identifiées et contrôlées.

Nous exigeons l'arrêt de toutes les délégations de service public s'agissant de contrôles devant être réalisés par des professionnels et de manière impartiale et indépendante.

Nous exigeons de même la définition d'une politique de recherche et développement ambitieuse pour nos laboratoires, le développement d'analyses sur les produits de grande consommation, en lien avec les enjeux sanitaires et écologiques puisque nous aurons sûrement à traiter davantage encore que nous ne le faisons les problèmes liés aux nanoparticules et aux perturbateurs endocriniens.

Les agents de la CCRF s'étonnent encore et toujours d'être mis sous le feu des projecteurs quand surviennent des crises alors qu'ils sont confrontés à de plus en plus d'obstacles pour accomplir leur mission à la hauteur des attentes légitimes des citoyens et des opérateurs économiques. Les mêmes agents comprennent de moins en moins qu'en apparence on renforce leurs missions et leurs prérogatives, et qu'au lieu de leur donner les moyens de les assumer, on complexifie les procédures.

En tant que parlementaires, vous avez la responsabilité de proposer et de voter les crédits nécessaires à la protection des consommateurs. La société de confiance que souhaite imposer le Gouvernement est à notre avis chimérique. L'affaire Lactalis montre bien qu'il existe une limite à la confiance entre les opérateurs économiques tant les intérêts des uns entre en contradiction avec les intérêts des autres.

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Thérèse Nicot, inspectrice de la DGCCRF pour le syndicat national des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes-Confédération générale du travail (CGT)

Je reviens brièvement sur la répartition des compétences entre la DGAL et la DGCCRF. La première s'occupe en effet du volet sanitaire dans une démarche d'accompagnement des entreprises, qui entre en contradiction totale avec les missions de la DGCCRF qui sont des missions de recherche de fraude, notamment sur la nature, la loyauté et la composition des produits et qui nécessitent des méthodes d'enquête et sont donc, j'y insiste, incompatible avec la démarche d'accompagnement des entreprises.

La DGCCRF s'occupe des produits industriels et des prestations de service dont ne s'occupe pas la DGAL, n'y étant pas habilitée. En outre, la sécurité des produits n'implique pas seulement la sécurité sanitaire : on doit également tenir compte de problèmes liés à des surdosages d'additifs ou à la présence d'autres types de contaminants comme les métaux lourds ou les mycotoxines, problèmes sur lesquels la DGAL n'intervient pas, seule la DGCCRF s'occupant de cet aspect de sécurité des aliments.

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Steve Mazens, inspecteur enquêteur à la DDPP-30 Nîmes, Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) CCRF

Je partage l'essentiel des analyses livrées par les représentants des autres organisations syndicales. Nous pensons également qu'il y a eu, entre 2008 et 2010, un problème avec la dichotomie entre une interministérialité au niveau régional et une autre au niveau départemental ; elle a causé en effet de nombreuses difficultés à notre administration. La perte de 20 à 25 % des effectifs a été considérable pour une administration qui, somme toute, était déjà assez réduite en personnels pour contrôler tous les secteurs de l'économie, ou presque tous. Concentrons-nous néanmoins sur l'affaire Lactalis et le rôle joué par la DGCCRF.

La directrice générale a eu raison de déclarer que les agents avaient été très réactifs. Ils ont été très disponibles dès lors qu'on leur en a donné l'ordre, tombé à un moment difficile : le 26 ou 27 décembre, donc entre Noël et le jour de l'an. Les agents ont donc dû tout laisser tomber, les contrôles reposant sur un faible nombre d'entre eux et à une période où l'activité, que ce soit dans les pharmacies ou dans les grandes surfaces, est assez dense. Pour notre syndicat, ce qu'a montré l'affaire Lactalis, à travers les opérations de retrait et de rappel, c'est la nécessité d'avoir des agents au plus près du terrain dans les départements. Il a en effet fallu déployer très rapidement des contrôles dans un nombre important de commerces disséminés dans un grand nombre de communes. En nous déployant ainsi depuis l'échelon départemental, 15 à 18 % des distributeurs ont vu un agent de la DGCCRF contrôler l'effectivité des retraits-rappels, c'est-à-dire contrôler qu'il ne restait plus de produits en rayon et qu'ils avaient été retournés. Si nous nous étions déployés depuis l'échelon régional ou depuis un département sur deux, comme certains le proposent, combien de distributeurs aurions-nous pu contrôler, en tenant compte des délais de route supplémentaires induits, en tenant compte de la période hivernale et de la difficulté de circuler sur certaines routes en raison des conditions météorologiques ?

Si nous posons cette question, c'est parce que notre syndicat, qui a souvent l'impression d'être assez seul, ne cesse de dénoncer la situation suivante : la DGCCRF est devenue tellement obsédée par son souhait de sortir des DDI, souhait sans doute légitime, qu'elle est prête à saborder ses implantations départementales, ce qu'elle fait d'ailleurs presque méthodiquement depuis dix ans. Depuis dix ans, la DGCCRF a perdu de 20 à 25 % de ses effectifs mais, dans les départements, en ce qui concerne les enquêteurs qui sont sur le terrain au jour de jour, c'est en moyenne la moitié des effectifs que nous avons perdus. Dans le seul département de la Mayenne, on est passé de quatorze agents à sept ; dans mon département, on est passé de vingt-huit agents à quatorze. On voit bien, j'y insiste, que, dans les départements, on n'a pas perdu de 20 à 25 % des effectifs d'enquêteurs mais 50 %. Pourquoi ? Parce que, pour tenter d'échapper à cette interministérialité, les effectifs ont été « remontés » des départements vers les régions vers des postes souvent administratifs, qui ont peu de lien avec le travail d'enquête, et qui n'apportent que peu d'aide aux enquêteurs.

Notre syndicat estime qu'environ 40 % des agents en région n'occupent pas un poste opérationnel alors que ce sont des agents qui ont été formés pour le terrain, qui ont été formés au métier d'enquêteur et qui veulent l'exercer. Tous les rapports sur la DGCCRF, depuis dix ans, ont préconisé le redéploiement des effectifs vers l'échelon départemental ; or, depuis dix ans, on fait tout l'inverse au prétexte qu'on attend – en vain – le grand soir de la sortie des DDI.

Derrière cette vision très bureaucratique des choses, il faut bien comprendre qu'il y a tout un système qui repose sur quelques agents, dans les départements, qui assurent une grande partie des missions avec toujours moins. Ce système absurde tient par leur bonne volonté, au prix, de plus en plus, de leur santé. Je peux vous assurer que, dans les départements, nous sommes à l'agonie parce que nous fonctionnons ainsi depuis dix ans. Les enquêteurs n'en peuvent plus du manque d'effectifs, du travail qu'ils sont obligés de bâcler, de la polyvalence qu'ils sont obligés d'assurer – vous étiez surpris tout à l'heure, monsieur le président, d'apprendre qu'un enquêteur a autant de secteurs d'activité dans son portefeuille.

C'est dans ce contexte que l'affaire Lactalis a éclaté, dans cette situation délétère que les agents du département ont dû mener au mieux cette opération de retrait-rappel, ne bénéficiant la plupart du temps d'aucune aide opérationnelle de l'échelon régional.

Vous avez évoqué le plan « Action publique 2022 ». Pour nous, la DGCCRF est une administration qui a besoin de respirer pour retrouver son efficacité dans la protection des consommateurs et des petites entreprises. Elle a pour cela besoin d'effectifs sur le terrain, au plus près des consommateurs et au plus près des entreprises. Tout le reste, en particulier les pistes envisagées, qu'on peut pour certaines déceler dans le plan « Action publique 2022 », comme l'abandon des missions, le miracle des outils numériques, la régionalisation, c'est pour nous, au mieux, de la poudre aux yeux, au pire des remèdes qui vont finir par tuer le malade.

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Johann Pascot, secrétaire général de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)-CCRF

Nous vous remercions, monsieur le président, de nous avoir invités à nous exprimer devant votre commission d'enquête puisque les organisations syndicales de la DGCCRF regrettent l'absence de dialogue social. Nous saluons également l'engagement et le travail des agents qui assurent quotidiennement la protection des consommateurs.

La répartition des compétences entre la DGCCRF et la DGAL a déjà été abordée par mes collègues. Bien avant la REATE, la mission inter-sanitaire de sécurité des aliments fonctionnait très bien et certainement beaucoup mieux que les dispositifs actuels puisqu'il y avait des échanges, des « fluidifications », la DGAL faisait ce qu'elle avait à faire, la DGCCRF aussi. Du fait de mesures administratives prises au prétexte de l'efficacité, le quotidien est désormais très différent pour l'ensemble des agents mais aussi très différent selon les agents. Certains collègues travaillent main dans la main avec des collègues de la DGAL, d'autres ont été placés de force dans des bureaux isolés de leurs collègues CCRF, bref, on ne constate aucune unification sur l'ensemble du territoire.

Pour ce qui est de l'organisation des contrôles, un des points relève du programme national d'enquêtes (PNE). D'une année à l'autre, nous pouvons être amenés à travailler sur diverses thématiques. Ici aussi tout diffère d'un département à l'autre, certains directeurs décidant clairement de ne pas traiter tel ou tel domaine. Quand mes collègues évoquent une coupure de la hiérarchie entre le ministre, la directrice générale, l'échelon régional et l'échelon départemental, ils ont raison. Par endroits les effectifs sont tellement faibles que des priorités doivent être définies. Le nombre de contrôles, quant à lui, est disponible sur le site de la DGCCRF.

Je ne reviendrai pas sur l'évolution des moyens, sauf pour déplorer moi aussi une baisse monumentale des effectifs. Au-delà de l'échelon départemental, au-delà de l'échelon régional, des collègues travaillent en administration centrale – l'unité d'alerte a ainsi pleinement fonctionné ; le centre national d'appel, « info service consommation » dans le langage courant, répondant aux questionnements des professionnels et des consommateurs, dispose d'un effectif très réduit.

L'organisation est considérée par tout le monde, aussi bien les auteurs de rapports, les agents que les consommateurs et les professionnels, comme défectueuse. C'est un constat.

Contrairement à ce qu'a déclaré M. Le Maire le nombre d'agents de la DGCCRF n'est pas stable : il a baissé année après année et, cela a été rappelé, la loi de finances pour 2018 a prévu une diminution de quarante-cinq agents. Ce que M. Le Maire a en fait oublié de préciser, c'est que M. Hamon avait décidé de stabiliser les effectifs pendant un certain temps. M. Hamon avait en effet bien compris qu'au-delà de l'os, on avait atteint la moelle.

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Cela semblait indispensable dans le cadre de sa loi, puisque, sans cela, elle aurait été dépourvue, si je puis dire, de bras armé.

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Johann Pascot, secrétaire général de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)-CCRF

Mme Lagarde avait prévu une organisation à peu près satisfaisante et, le 31 décembre 2008, sans doute sous la pression des préfets, coup de théâtre : le dispositif DDCSPP et DIRECCTE a été mis en place. Le bilan est donc très insatisfaisant et comme l'ont souligné mes collègues, on a cassé le système, détruit le réseau, anéanti la réactivité. Quel qu'en soit le prix politique, il faut avoir la décence de le reconnaître.

En ce qui concerne la répartition des agents sur le terrain, la DGCCRF doit être en mesure de vous en transmettre les données. Reste que cette répartition dépend des missions et du nombre d'agents – quand vous vous trouvez dans ce que nous appelons une grosse direction, vous êtes susceptible de n'avoir qu'une mission et de ne vous concentrer que sur un secteur ; mais quand vous êtes dans une petite direction qui ne compte plus que quatre ou cinq agents, vous êtes multitâches, a fortiori dans un domaine comme le lait et dans une région où vous ne disposez que d'un seul agent.

Que démontre l'affaire Lactalis ? La défaillance des autocontrôles pour sauvegarder des intérêts purement économiques. Nous aussi sommes opposés à la délégation : le traitement doit être identique sur l'ensemble du territoire, ce qui est garanti par le statut des fonctionnaires même si, à un plus haut niveau, on l'a semble-t-il oublié.

Vous évoquiez également le recrutement. Des concours sont organisés et les reçus suivent un an de formation au sein de l'École nationale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ENCCRF), formation entrecoupée de stages pratiques au sein des DDI ou des DIRECCTE. Pour l'anecdote, un politique pensait qu'une seule école pouvait former à tous les métiers de l'administration : commissaire de police, agent de la DGCCRF…

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Johann Pascot, secrétaire général de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)-CCRF

Espérons que nous n'irons pas dans cette direction-là !

Nous réclamons depuis le début une chaîne de commandement claire – ministre, direction générale, échelon régional et échelon départemental. Il faut sortir des DDI qui ne fonctionnent pas. Il faut redimensionner les effectifs qui ne sont plus à même, matériellement, dans certains endroits, d'assumer leurs tâches. Heureusement, d'ailleurs, qu'il n'y a pas eu d'autres affaires Lactalis : comment aurions-nous fait si tout s'était passé au même moment ? Il ne faut pas oublier non plus les services communs des laboratoires qui travaillent main dans la main avec les autres services.

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Yannick Wilwert, trésorier de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)-CCRF et chargé des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC)

Mon propos sera moins « syndical ». L'affaire Lactalis concerne un problème de salmonelle relevant plutôt du biofilm, ce qui, à la base, est compliqué à trouver. Un biofilm, c'est comme si l'on mettait quelqu'un en hibernation dans une grotte qu'on fermerait par une porte. Un agent peut très bien ne pas tomber dessus lors d'un contrôle même en grattant la porte.

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Yannick Wilwert, trésorier de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)-CCRF et chargé des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC)

Oui, parce que la porte est fermée. J'ai lu qu'un institut que vous avez auditionné avait déclaré qu'il n'existait pas forcément de lien entre 2005 et aujourd'hui. Je suis un peu sceptique, sachant que tant qu'on ne le dérange pas, un biofilm subsiste. Mais les membres de cet institut sont plus spécialisés que moi et je ne veux pas les remettre en cause.

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Il n'y a eu qu'une assertion dans le sens que vous indiquez, tous les autres intervenants sont allés dans l'autre sens.

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Yannick Wilwert, trésorier de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)-CCRF et chargé des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC)

C'est l'assertion dont je parle qui ressortait sur internet.

Cela a été dit : il est peu probable qu'on trouve des salmonelles dans le lait infantile, en tout cas des salmonelles qui se développent. Après, si à chaque fois qu'on prélève un produit on doit analyser tout ce qui existe, le coût en sera monumental. C'est pourquoi l'administration établit des priorités et décide d'engager des moyens en fonction des risques existants. Pour ce qui est des retraits-rappels, l'administration n'a pas assez d'argent pour faire tous les contrôles. C'est pourquoi on procède par sondages, vérifiant dans une partie des magasins si les retraits-rappels sont faits. Dans l'affaire Lactalis, nous avons engagé beaucoup plus d'agents mais l'administration, au vu des effectifs disponibles, avec en moyenne deux alertes au moins par semaine, n'aurait jamais la possibilité de vérifier constamment les retraits-rappels dans tous les magasins.

Pour ce qui est de la qualification des agents, dans plusieurs départements comme les Ardennes, la Meuse, on a moins de deux ETP, c'est-à-dire moins de deux agents à temps plein qui vont faire des contrôles alimentaires. Cela implique qu'on définisse des priorités mais pose également un problème de spécialisation : quand, en Ile-de-France, on compte dix personnes dans un service, on peut imaginer une sorte de suppléance – un agent qui connaît un secteur d'activité peut se rendre sur le terrain avec un collègue et lui transmettre son savoir, sa connaissance des entreprises. Or dans les départements dépourvus de personnels, il est rare que deux agents puissent se rendre sur place en même temps. Aussi, comme vous le souligniez, monsieur le président, s'il arrive quelque chose à un agent connaissant bien son secteur, s'il est muté, l'agent qui le remplace doit tout découvrir, d'autant qu'il y a de forte chance pour qu'il ne soit pas formé au secteur en question.

En effet, il existe deux concours, l'un de nature économique et juridique, l'autre de nature scientifique. Le problème est qu'autant, dans les grandes directions, généralement, les agents prennent bien des postes correspondant au type de concours qu'ils viennent de passer, autant, lorsqu'il n'y a qu'un poste à pourvoir, dans certains départements, on prend la première personne qui vient, quelle que soit sa spécialité. Ainsi celui qui n'aura fait que du droit n'aura, pendant l'année qu'il aura passée sur le terrain, appris que des bases et il va se retrouver à contrôler une usine comme Lactalis avec, je le répète, des connaissances vraiment mineures, superficielles. Il faut savoir en outre qu'on ne dispense plus beaucoup de formations spécialisantes, à la CCRF. On se retrouve donc avec des agents qui, faute, donc, d'avoir été formés par l'administration, n'ayant pas de connaissances scientifiques pointues, ne vont pas « tilter » sur tel point important. Ou alors, si on leur confie vingt missions et s'ils se forment pour chacune d'entre elles, ils ne seront jamais sur le terrain – et ainsi l'administration se mord la queue.

On évoque l'éventualité de contrôles de second niveau : des missions seraient déléguées à des établissements privés qui feraient ces contrôles à la place de l'État qui superviserait de temps en temps ce qui serait fait et serait averti par les prestataires de ce qui ne va pas. Ce système a été testé dans le bio, dans le bâtiment avec Qualibat. Clairement, en écoutant les collègues, on peut constater une défaillance du procédé : certains processus ne sont pas respectés – il ne faut pas oublier que les sociétés privées qui font des contrôles ont avant tout un but est économique, il faut qu'elles fassent de l'argent et on demandera donc au contrôleur privé de finir tout un tas de tâches dans la journée, tâches qu'il n'aura donc pas le temps de mener à bien. Un tel système comporte un autre aspect vicieux : quand de nombreux prestataires font un contrôle de premier niveau, si le premier prestataire n'est pas très gentil, on s'adressera au deuxième… Sous-traiter ou laisser un contrôle de premier niveau à des sociétés extérieures n'est pas forcément la solution pour lutter contre le manque d'effectifs dans l'administration.

Le directeur et le directeur adjoint d'une DDI étant nommés par le préfet, qu'ils relèvent de la DGCCRF, de la DGAL ou d'une autre administration, ne devront pas se mettre le corps préfectoral à dos s'ils veulent faire carrière. Seulement, de nos jours, les préfets ont une vision très économique et très liée à l'emploi et, même si la croissance revient, on est toujours dans cette logique de chantage à l'emploi de la part d'un professionnel dont nous allons fermer l'usine. Le préfet ne sera donc jamais content qu'une usine ferme car on va lui faire des reproches : « Comment se fait-il que dans ce département telle usine ferme, au risque de pertes d'emplois ? » Aussi, indirectement, le préfet pourrait suggérer – ou certains cadres, par excès de zèle, pour faire carrière et ne pas se mettre le préfet à dos – que certains rapports soient édulcorés pour éviter une fermeture temporaire. Je n'ai pas le moyen de le prouver mais un faisceau de nombreux indices me laisse penser qu'à certains endroits, mieux vaut ne pas fermer une usine, à moins de créer beaucoup de problèmes. Je termine sur ce point que je vous laisse méditer.

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J'ai bien compris que vous n'avez aucune confiance en l'homme et sa perfectibilité…

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Françoise Lagouanère, secrétaire générale et inspectrice experte CCRF à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) des Landes, Force ouvrière (FO)-CCRF

Vous nous l'avez rappelé, monsieur le président, l'objectif de la présente commission d'enquête est de comprendre ce qui a dysfonctionné dans l'affaire Lactalis et d'en tirer les leçons pour qu'un tel scandale ne se reproduise plus. Or les scandales, aussi bien la fraude sanitaire que la fraude économique, les deux étant souvent liés, se sont multipliés ces dernières années sans que l'État n'en tire aucune leçon. Vous comprendrez par conséquent à quel point une commission d'enquête nous semble nécessaire et nous vous remercions vivement de nous avoir invités afin que nous nous exprimions sans tabou.

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Je vous en prie. Il n'a d'ailleurs pas été très facile de créer cette commission.

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Françoise Lagouanère, secrétaire générale et inspectrice experte CCRF à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) des Landes, Force ouvrière (FO)-CCRF

Étant entendu que la responsabilité première, dans cette affaire, est celle de l'entreprise, soumise à une obligation de sécurité des produits qu'elle met sur le marché – dans le cadre de son plan de maîtrise sanitaire, l'entreprise Lactalis est tenue de réaliser des autocontrôles –, il est légitime, nécessaire de se demander si une telle affaire aurait pu être évitée et si l'État, en l'occurrence la DGCCRF, avait – et a – les moyens de prévenir une crise. La question du rôle de l'État est essentielle : l'État doit-il se contenter de se donner les moyens de réagir face à une crise ou bien son rôle est-il de prévenir les crises ? Pour ce qui est de la DGCCRF, un choix politique a été fait depuis des années, fondé sur le dogme de la réduction de la dépense publique. Pourtant, ne tombe-t-il pas sous le sens que, face à des enjeux de sécurité, de santé publique, il est du devoir de l'État de tout mettre en oeuvre pour prévenir les crises et donc de s'imposer à lui-même une obligation de moyens ?

La DGCCRF peut encore, globalement, réagir à une crise. De manière globale car je rappelle que, dans certains départements, le nombre d'agents se compte sur les doigts d'une main. La DGCCRF a géré la crise Lactalis au mieux, avec des effectifs très réduits et une organisation territoriale très compliquée. Il faut saluer le travail remarquable des agents lorsqu'ils ont contrôlé l'effectivité de l'opération de retrait-rappel, très lourde puisqu'il a fallu l'organiser en deux vagues successives. On l'a évoqué : les agents se sont mobilisés pendant les fêtes de fin d'année.

Si elle peut, donc, réagir globalement à une crise, la DGCCRF est-elle capable de prévenir une fraude économique ou sanitaire ? Dans la configuration actuelle, poser la question, c'est y répondre. La DGCCRF, on l'a souligné, a été très fortement affectée par les suppressions d'emplois induites par la RGPP : on est passé de plus de 3 600 agents en 2008 à bien moins de 3 000 aujourd'hui. Le ministre a déclaré que ces effectifs n'avaient pas baissé, forcément dès lors qu'il les a comparés à ceux de 2013, sachant que de 2013 à 2017 avait été décidé un moratoire sur leur baisse. Or par rapport à la période antérieure à la REATE et à la RGPP, certains départements ont perdu la moitié de leurs effectifs. Je viens du département des Landes où, très rapidement, nous sommes passés de seize agents à quatorze, puis à douze avant de ne plus être que huit aujourd'hui – et encore, sans compter des départs à la retraite – dont seulement quatre sur le terrain. Quelque 40 % des implantations départementales comptent désormais moins de dix agents et nombre d'entre elles moins de cinq, ce qui est alarmant. Les agents qui s'en vont à la retraite ne sont pas remplacés et leurs compétences partent avec eux.

Pour couronner le tout, les effectifs cibles ont beau être basés sur l'indice PROSCOP, ils n'en sont pas moins totalement déconnectés de la réalité économique des départements – le syndicat FO ne cesse de le souligner – comme c'est le cas dans les Landes. Le département de la Mayenne, gros producteur laitier et dont l'économie relève du secteur agro-alimentaire, ne compte plus que six agents CCRF dont un ou deux sont affectés à ce qu'on appelle des missions support ou transversales – l'un s'occupe du contentieux pour l'ensemble de la DDCSPP – si bien qu'il ne reste pas grand monde sur le terrain.

C'est dans un tel contexte que, dans le cadre de la crise Lactalis, les contrôles CCRF ont été menés en amont : faiblesse des effectifs de la DDCSPP de la Mayenne, inadéquation, donc, entre les missions et les moyens, fonctionnement sur le mode mutualisation... En 2012, l'agent CCRF affecté au contrôle CP2M de l'usine Lactalis est parti à la retraite. Les contrôles ont donc ensuite été mutualisés et exercés par un agent spécialisé de la DDPP du Maine-et-Loire, à Angers, jusqu'en 2017. Depuis 2017, cette compétence a été transférée à un inspecteur du pôle C de la DIRECCTE de Nantes. On note donc un éloignement de la réalité économique du terrain.

La DGCCRF mène une réflexion, concernant la CP2M, en particulier sur la cotation des risques. Était-il normal qu'une usine comme celle de Lactalis soit classée en risque moyen et contrôlée seulement tous les trois ans ? Il faut également s'interroger sur les matières de contrôle et sur les critères de mutualisation régionale ou interdépartementale des contrôles CP2M, ou encore sur les modalités de l'échange d'informations entre les services. Il est en effet certain que si c'est un agent de Nantes qui réalise ces contrôles en Mayenne, l'échange d'informations avec les services vétérinaires sera sans doute un peu plus compliqué que si c'était l'agent du département en question qui faisait lui-même les contrôles. C'est, j'y insiste, évident.

Ne serait-il dès lors pas opportun de globaliser les contrôles des agents de la DGCCRF et de ceux de la DGAL, les regroupant sous une même autorité ? Ce serait une grave erreur, comme l'a expliqué Mme Pique : les réglementations sont très complexes et demandent un grand nombre de compétences mais très distinctes. Le rôle de l'État dans la prévention des crises est essentiel et nécessite selon nous quatre critères : d'abord, une répartition des compétences entre les administrations afin de savoir exactement qui fait quoi ; ensuite, une chaîne de commandement claire car il faut bien établir les responsabilités de chacun, faute de quoi, vous l'aurez remarqué, tout le monde se renvoie la balle, ce qui est anormal ; troisième critère, une capacité à exercer les compétences et les responsabilités au niveau pertinent et avec les moyens, les effectifs nécessaires ; enfin un échange régulier d'informations depuis le niveau national jusqu'au niveau local.

La DGCCRF a été démantelée par la REATE. Un tiers des effectifs se trouvent dans les DIRECCTE et deux tiers dans les DDI. Les agents CCRF ne sont donc plus placés sous l'autorité de la DGCCRF mais sous celle des préfets. Dans 30 % des départements les agents ne sont même plus placés sous l'autorité d'un chef de service CCRF mais, souvent, sous celle d'un chef de service vétérinaire. Dans certains départements, les agents CCRF sont même tenus à l'écart des informations ou des demandes d'enquête relatives à leurs propres secteurs de compétence, ce qui est particulièrement grave.

Les capacités de contrôle et de réactivité de la DGCCRF se sont par conséquent amoindries de façon alarmante. Depuis 2008, le nombre de vérifications réalisées par les agents CCRF a chuté de près de 40 %, ce qui est énorme. La pression des contrôles étant ainsi moindre, dans un contexte de recherche de profits au moindre coût, les opérateurs économiques multiplient, nous le constatons, des pratiques douteuses voire dangereuses. Les scandales se multiplient, qu'il s'agisse de fraude économique ou sanitaire : lasagnes à la viande de cheval, Dieselgate, oeufs au Fipronil, Lactalis…

Depuis des années, les ministres de l'économie successifs recherchent une solution à la quadrature du cercle : rétablir la chaîne de commandement à structure identique et nous faire retrouver notre efficacité et notre réactivité sans renforcer les effectifs. Nous avons droit à des plans B – nous en sommes à notre second – qui consistent à pallier l'inadéquation entre les missions et les moyens par des pseudo-solutions : mutualisation etc. Ces mesures conduisent systématiquement à l'échec.

La DGCCRF, on l'a dit, perd cette année encore quarante-cinq emplois et, dans le cadre du plan « Action publique 2022 », de nouvelles solutions voient le jour : la « priorisation » des missions, ce qui signifie, il ne faut pas se leurrer, qu'on en abandonne certaines ; le contrôle de second niveau avec des délégations des contrôles au privé, portant notamment sur l'hygiène alimentaire en remise directe – or quand on examine le résultat du contrôle de second niveau dans le cadre de l'affaire Lactalis, j'avoue que c'est assez effrayant. Certaines implantations départementales CCRF risquent de disparaître, éloignant encore plus les agents de contrôle du terrain et ne leur permettant plus de mener une veille permanente des pratiques – ce qui est important puisque, sans elle, les opérateurs économiques sont amenés à se relâcher et, sous la pression, sous la contrainte économique, à multiplier les dérives.

Le syndicat FO demande un nécessaire renfort d'effectifs par le biais d'un plan pluriannuel de recrutement – gouverner c'est prévoir… Et, avant qu'on ne nous sorte un troisième plan B, nous réclamons le rétablissement de la chaîne de commandement, à savoir la sortie de la DGCCRF des DDI.

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Jean Boudeau, membre du bureau national et inspecteur CCRF à la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de la Vendée, Force ouvrière (FO)-CCRF

Vous nous avez demandé si nous trouvions normal de contrôler, dans le cadre de retraits-rappels, des pharmacies, des crèches et des établissements de santé. Nous avions en la matière un protocole d'accord avec l'Agence régionale de santé (ARS). Nous avons contrôlé des produits qui n'étaient pas soumis à une autorisation de mise sur le marché et donc des produits autres que des médicaments. Certains pharmaciens se sont alarmés et j'ai moi-même été parfois mal reçu parce que nous n'étions pas des inspecteurs pharmaciens.

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C'étaient bien des produits parapharmaceutiques.

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Jean Boudeau, membre du bureau national et inspecteur CCRF à la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de la Vendée, Force ouvrière (FO)-CCRF

Voilà. Il en a été de même dans les hôpitaux.

Vous nous avez également interrogés sur le fait de savoir ce qu'était un réseau pour nous. Les réseaux de contrôle non institutionnels, officieux donc, ont été créés au milieu des années 1990 du fait de la difficulté technologique et réglementaire posée par des secteurs de produits très compliqués, à la demande des agents et de bureaux de l'administration centrale, afin de relier des « spécialistes » au niveau des départements et des régions pour échanger sur les procédures technologiques et de contrôle de certains produits. C'est ainsi que les réseaux se sont créés. Il paraît nécessaire, pour les syndicats, que les moyens budgétaires de ces réseaux soient augmentés pour travailler mieux ensemble et se réunir plus souvent.

Le premier démantèlement auquel il a été procédé fut le retrait des agents de la DGCCRF des laboratoires qui ont été rattachés à la direction générale des douanes. Nous perdons petit à petit contact avec ces agents et des analyses, des conclusions, des rapports sont difficiles à obtenir du SCL au niveau national.

Vous vous êtes étonné, monsieur le président, qu'un agent puisse couvrir autant de secteurs. On peut certes poster un gendarme à chaque feu rouge pour vérifier qu'on ne le brûle pas – il en va de même pour nous. Reste que, il y a quelque temps, régulièrement, nous étions deux sur le terrain pour remplacer des agents en vacances ou en arrêt maladie ; c'est devenu très rare voire impossible du fait de la baisse des effectifs et du fait de l'utilisation de l'informatique depuis les années 1990 – qui peut être aussi bien une aide qu'une lourdeur. Il est en outre demandé, à raison, d'être performant et donc d'avoir des indicateurs de performance reliés au niveau national. Le temps pris à renseigner ces indicateurs est parfois autant de temps pris sur une enquête.

Nous avons, comme dans de nombreuses sociétés privées et administrations, une démarche qualité avec des procédures très lourdes. Le formalisme à respecter lors des contrôles à la production CP2M, comme dans le cas de Lactalis, est très important, au point de nous « plomber », au détriment du travail de terrain – avec moins de possibilités de prélèvements dans les entreprises – et du travail de bureau – un contrôle nous demandant de nombreuses journées de bureau, ce qui n'était pas le cas autrefois. Là encore nous sommes dépendants des effectifs.

Je terminerai par une précision sur le contrôle sanitaire dans les entreprises de fabrication : tout dépend du fait qu'on contrôle des denrées d'origine animale ou des denrées d'origine végétale. Dans mon département une société de filetage découpe le poisson pour en faire des filets. Bien sûr cette entreprise est contrôlée par un collègue de la DGAL qui établit les procédures d'agrément, délivre une certification, va contrôler le parasitisme des poissons, la bactériologie, etc. Or, moi, j'y vais pour vérifier la traçabilité, que le poids des barquettes de poisson corresponde bien à celui affiché… Notre compétence n'est donc pas la même : mon collègue fait son travail et moi, de mon côté, je remplis ma mission de loyauté et de sécurité.

Par contre, dans le secteur de la bière, par exemple, j'ai dans mon département une brasserie assez importante ; or, puisqu'elle est dépourvue de denrées animales, nos collègues de la DGAL n'y vont pas. Nous sommes seuls, agents de la DGCCRF, à faire les contrôles de loyauté, d'étiquetage, de composition mais aussi d'hygiène puisque nous vérifions la procédure HACCP – acronyme de l'anglais Hazard Analysis Critical Control Point.

Donc, en effet, tout n'est pas si simple.

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Je vous remercie, au terme de presque deux heures d'audition, pour toutes vos précisions et, pour certains, d'être venus de loin.

Je retiens de vos interventions qu'il n'est pas nécessaire de créer une police sanitaire unique mais qu'en revanche il faudrait renforcer le travail en réseau. Ensuite, la décentralisation départementale a suscité l'émergence de petits hobereaux locaux et de ce fait le système ne fonctionne pas du tout. Enfin, manifestement, les réformes des deux quinquennats précédents ont conduit à un manque d'effectifs criant – on a pu parer à l'affaire Lactalis dans l'urgence, comme le font les pompiers, mais il n'aurait pas été possible, en même temps, de faire face à un autre scandale du même genre.

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Emmanuel Paillusson, secrétaire général de Solidaires CCRF & service commun des laboratoires (SCL)

Ce n'est pas tant le quinquennat précédent – qui certes n'a pas amélioré la situation –, que celui de 2007-2012 qui a été très compliqué.

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J'ai siégé à l'Assemblée pendant ces deux législatures et j'ai bien compris que, lors de la première, les choses s'étaient dégradées pour vous et que, au cours de la seconde, rien n'avait été fait pour que cela s'arrange. C'est aussi pourquoi j'étais « frondeur », mais c'est une autre histoire. (Sourires.)

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Est-il bien clair pour vous que la DIRECCTE, la DDPP, la DDCSPP…

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Vous n'avez pas besoin qu'on vous explique…

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Car c'est complexe ; c'est pourquoi je me permets de vous poser la question. Ce qui distingue une DDPP d'une DDCSPP, c'est le nombre d'habitants dans le département, à l'exception de la DDCSPP d'Ille-et-Vilaine.

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Le nombre d'habitants a très peu d'importance en l'occurrence : s'il y a 4 000 usines dans un département et trois habitants, il faudra bien contrôler ces usines.

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Dans le département de la Mayenne, il y a une faible activité économique – pas de tourisme, par exemple – mais une grosse activité agricole et c'est pourquoi on y compte soixante-dix agents vétérinaires. C'est bien à l'occasion du dialogue de gestion avec le préfet que la répartition se décide.

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Je crois qu'il s'agit là d'une question d'intelligence simple…

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

La décision est prise au niveau préfectoral, c'était ce que j'entendais préciser.

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Marie Pique, secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) DGCCRF et Laboratoires

Il y a une enveloppe régionale DGCCRF, qui est ensuite répartie au niveau préfectoral.

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J'ai déjà résumé globalement l'ensemble de vos interventions. Je constate en tout cas, au-delà de vos petites différences, une forme d'unanimité dans vos analyses. Je vous renouvelle mes remerciements.

L'audition s'achève à treize heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 11 h 30

Présents. - M. Grégory Besson-Moreau, M. Christian Hutin, M. Didier Le Gac, M. Arnaud Viala