C'est l'assertion dont je parle qui ressortait sur internet.
Cela a été dit : il est peu probable qu'on trouve des salmonelles dans le lait infantile, en tout cas des salmonelles qui se développent. Après, si à chaque fois qu'on prélève un produit on doit analyser tout ce qui existe, le coût en sera monumental. C'est pourquoi l'administration établit des priorités et décide d'engager des moyens en fonction des risques existants. Pour ce qui est des retraits-rappels, l'administration n'a pas assez d'argent pour faire tous les contrôles. C'est pourquoi on procède par sondages, vérifiant dans une partie des magasins si les retraits-rappels sont faits. Dans l'affaire Lactalis, nous avons engagé beaucoup plus d'agents mais l'administration, au vu des effectifs disponibles, avec en moyenne deux alertes au moins par semaine, n'aurait jamais la possibilité de vérifier constamment les retraits-rappels dans tous les magasins.
Pour ce qui est de la qualification des agents, dans plusieurs départements comme les Ardennes, la Meuse, on a moins de deux ETP, c'est-à-dire moins de deux agents à temps plein qui vont faire des contrôles alimentaires. Cela implique qu'on définisse des priorités mais pose également un problème de spécialisation : quand, en Ile-de-France, on compte dix personnes dans un service, on peut imaginer une sorte de suppléance – un agent qui connaît un secteur d'activité peut se rendre sur le terrain avec un collègue et lui transmettre son savoir, sa connaissance des entreprises. Or dans les départements dépourvus de personnels, il est rare que deux agents puissent se rendre sur place en même temps. Aussi, comme vous le souligniez, monsieur le président, s'il arrive quelque chose à un agent connaissant bien son secteur, s'il est muté, l'agent qui le remplace doit tout découvrir, d'autant qu'il y a de forte chance pour qu'il ne soit pas formé au secteur en question.
En effet, il existe deux concours, l'un de nature économique et juridique, l'autre de nature scientifique. Le problème est qu'autant, dans les grandes directions, généralement, les agents prennent bien des postes correspondant au type de concours qu'ils viennent de passer, autant, lorsqu'il n'y a qu'un poste à pourvoir, dans certains départements, on prend la première personne qui vient, quelle que soit sa spécialité. Ainsi celui qui n'aura fait que du droit n'aura, pendant l'année qu'il aura passée sur le terrain, appris que des bases et il va se retrouver à contrôler une usine comme Lactalis avec, je le répète, des connaissances vraiment mineures, superficielles. Il faut savoir en outre qu'on ne dispense plus beaucoup de formations spécialisantes, à la CCRF. On se retrouve donc avec des agents qui, faute, donc, d'avoir été formés par l'administration, n'ayant pas de connaissances scientifiques pointues, ne vont pas « tilter » sur tel point important. Ou alors, si on leur confie vingt missions et s'ils se forment pour chacune d'entre elles, ils ne seront jamais sur le terrain – et ainsi l'administration se mord la queue.
On évoque l'éventualité de contrôles de second niveau : des missions seraient déléguées à des établissements privés qui feraient ces contrôles à la place de l'État qui superviserait de temps en temps ce qui serait fait et serait averti par les prestataires de ce qui ne va pas. Ce système a été testé dans le bio, dans le bâtiment avec Qualibat. Clairement, en écoutant les collègues, on peut constater une défaillance du procédé : certains processus ne sont pas respectés – il ne faut pas oublier que les sociétés privées qui font des contrôles ont avant tout un but est économique, il faut qu'elles fassent de l'argent et on demandera donc au contrôleur privé de finir tout un tas de tâches dans la journée, tâches qu'il n'aura donc pas le temps de mener à bien. Un tel système comporte un autre aspect vicieux : quand de nombreux prestataires font un contrôle de premier niveau, si le premier prestataire n'est pas très gentil, on s'adressera au deuxième… Sous-traiter ou laisser un contrôle de premier niveau à des sociétés extérieures n'est pas forcément la solution pour lutter contre le manque d'effectifs dans l'administration.
Le directeur et le directeur adjoint d'une DDI étant nommés par le préfet, qu'ils relèvent de la DGCCRF, de la DGAL ou d'une autre administration, ne devront pas se mettre le corps préfectoral à dos s'ils veulent faire carrière. Seulement, de nos jours, les préfets ont une vision très économique et très liée à l'emploi et, même si la croissance revient, on est toujours dans cette logique de chantage à l'emploi de la part d'un professionnel dont nous allons fermer l'usine. Le préfet ne sera donc jamais content qu'une usine ferme car on va lui faire des reproches : « Comment se fait-il que dans ce département telle usine ferme, au risque de pertes d'emplois ? » Aussi, indirectement, le préfet pourrait suggérer – ou certains cadres, par excès de zèle, pour faire carrière et ne pas se mettre le préfet à dos – que certains rapports soient édulcorés pour éviter une fermeture temporaire. Je n'ai pas le moyen de le prouver mais un faisceau de nombreux indices me laisse penser qu'à certains endroits, mieux vaut ne pas fermer une usine, à moins de créer beaucoup de problèmes. Je termine sur ce point que je vous laisse méditer.