Je suis moi-même médecin généraliste, dans une maison de santé créée dans la Drôme en 2003. S'agissant de l'organisation de notre système de santé, je considère que le niveau régional n'est pas le bon. Il faut, et je l'avais proposé à Mme Touraine, définir un étage national qui garantit la réglementation et l'homogénéité sur le territoire, et, en complément, une organisation territoriale calquée sur le bassin de vie, adaptée à la fois aux besoins de santé de la population qui y réside et aux ressources disponibles – qui ne sont pas les mêmes si l'on a un CHU ou un simple centre hospitalier. La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 permet de s'engager dans cette voie puisqu'elle a officialisé la notion de soins primaires et créé l'échelon intermédiaire que sont les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
On sait quelle situation ont à affronter et la population, et les professionnels, et les responsables en charge de décision. Le fait que le nombre de médecins en France augmente encore, passant de 218 000 en 2015 à 280 000 en 2017 est trompeur. En réalité, du fait de différents facteurs comme le rajeunissement et la féminisation de la profession, le changement culturel qui affecte les hommes comme les femmes, le temps de travail diminue. Il n'est plus pensable qu'un médecin fasse 70 heures par semaine comme dans les générations précédentes. Donc, le temps médical effectif est en baisse, alors même que les besoins de santé ont augmenté, que l'on a reconnu des pathologies chroniques et désormais des polypathologies et que la population vieillissante tient à rester à domicile jusqu'en fin de vie si possible.
Dans ce contexte, on a parfois proposé d'établir une carte sanitaire avec obligation pour les médecins de s'installer dans les déserts médicaux. Mais ce terme lui-même n'est plus adapté. Nous faisons face en réalité à une pénurie généralisée qui affecte tout le territoire à l'exception de deux ou trois grandes villes. À Paris même, il manque mille médecins, mais la situation est masquée par l'offre pléthorique de l'Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ailleurs, il ne faut pas organiser la concurrence entre départements.
Les solutions se trouvent toutes dans le rapport que vient de publier hier le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), pour une stratégie de transformation du système de santé. Son axe général vise à réinvestir dans la proximité et les soins primaires, en particulier dans le cadre des CPTS. Sur le plan financier, cela passe par une meilleure utilisation des crédits définis par l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Il s'agirait en particulier de mieux organiser les soins ambulatoires de façon à soulager les urgences hospitalières. Il n'est pas question d'interdire aux patients d'aller aux urgences, mais de leur offrir une autre solution rapide et moins coûteuse. Si l'on parvenait à réduire de vingt à dix millions les passages aux urgences chaque année, on obtiendrait des ressources à réaffecter. D'autre part, le rapport propose aussi de mieux coordonner les moyens sur le territoire grâce à des associations communautaires qui seraient cogérées par la médecine de ville et l'hôpital. On pourrait ainsi dégager des moyens nécessaires pour assurer le maintien à domicile.