Intervention de Anne-Laure Cattelot

Réunion du lundi 4 juin 2018 à 18h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Laure Cattelot, rapporteure spéciale pour les Infrastructures et services de transports :

En 2017, l'exécution très contrainte du programme 203 a été rendue possible par le gel de 289 millions d'euros de fonds de concours provenant des collectivités territoriales, pour l'essentiel au titre des investissements des contrats de plan État-régions (CPER). Cela signifie que l'État n'a pas adressé aux maîtres d'oeuvre les paiements pourtant versés dans ce but par les collectivités territoriales partenaires. Cette pratique est contraire au II de l'article 17 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui dispose que l'emploi des fonds de concours est conforme à l'intention de la partie versante. Madame la ministre, les paiements qui étaient dus par l'État à la fin de 2017 ont-ils été acquittés ou vont-ils l'être ? Quels seront les surcoûts liés aux pénalités ?

Cette situation regrettable illustre les difficultés plus générales de l'État à tenir ses engagements dans le cadre des CPER, et elle ne date pas de ce mandat. C'est une source de frustration majeure pour les collectivités territoriales. C'est aussi un enjeu de transparence car l'AFITF signe, chaque année, des conventions de financement des CPER sans disposer, de la part des services du ministère, d'une visibilité complète des engagements de l'État, projet par projet.

À mi-parcours des volets mobilités des CPER 2015-2020, seulement 28 % des autorisations d'engagement et 9 % des crédits de paiement ont été consommés. Le solde des engagements de l'État dépasse 5 milliards d'euros et, au rythme actuel, il ne pourra pas être honoré. Par exemple, pour les petites lignes ferroviaires classées de 7 à 9 selon le barème de l'Union internationale des chemins de fer (UIC), une intervention de l'État à hauteur de 25 % supposerait un surplus de dépenses de 100 millions d'euros par an jusqu'en 2022.

Madame la ministre, envisagez-vous une réforme de gouvernance de plus grande ampleur ? Une telle réforme pourrait justifier une différenciation plus forte entre régions, ainsi que des transferts de maîtrise d'ouvrage avec attribution de ressources correspondantes, par exemple en ajustant les parts de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) revenant aux régions.

Nous souhaitons également appeler votre attention sur la sincérité du budget au regard de l'inscription au programme 203 de dépenses pour concours fret – 131 millions d'euros – entièrement annulées en exécution en 2017 comme chaque année depuis 2013. Cette dotation est censée s'ajouter à la compensation fret, afin de couvrir l'ensemble des coûts d'utilisation du réseau ferroviaire non couverts par les péages liés au fret.

Une dotation pour concours fret a été de nouveau inscrite au budget 2018. Sera-t-elle annulée une nouvelle fois ? Si tel était le cas, pourquoi la maintenir ? Je sais votre investissement sur le sujet, avec le plan de relance du fret via le combiné rail-route et la baisse des péages.

L'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) a proposé de remplacer le dispositif actuel de compensation et de concours fret, versés à SNCF Réseau, par des aides directes aux entreprises concernées, sous réserve d'une autorisation de la Commission européenne. Avez-vous exploré cette voie ? Quelles sont vos intentions pour réformer globalement les dispositifs de soutien au fret, un mode de transport auquel vous tenez ?

Plus largement, quelle sera l'incidence de la réforme ferroviaire en cours sur les concours que l'État verse à SNCF Réseau au titre des redevances d'accès au réseau par les trains express régionaux, Intercités et fret ? Ces concours financiers ont atteint 2,2 milliards d'euros en 2017, soit 75 % des crédits du programme 203, hors fonds de concours.

Il y a un peu plus d'une année, le 20 avril 2017, l'État et SNCF Réseau souscrivaient un contrat de performance qui ne prévoyait que des hausses : des concours publics, des péages et d'une dette qui devait culminer à 61 milliards d'euros en 2026. Ce scénario a été rendu caduc par la réforme ferroviaire et la reprise annoncée de la dette de SNCF Réseau. Madame la ministre, cela ouvre-t-il une perspective de modération des concours budgétaires à SNCF Réseau et donc des marges de manoeuvre sur d'autres postes ? À quelle échéance envisagez-vous de réviser le contrat de performance ?

Outre la route et le fer, il nous faut, madame la ministre, relever un défi majeur concernant les voies navigables, auxquelles je tiens particulièrement. L'état de dégradation de certains canaux appelle la plus grande attention. Les financements de l'AFITF consentis à ce jour ne permettront pas, malgré leur augmentation, de remettre à niveau l'ensemble du patrimoine. Faudra-t-il se résoudre à fermer certains équipements dits secondaires ? Avez-vous identifié des leviers pour améliorer les ressources propres de l'établissement gestionnaire Voies navigables de France (VNF) ? Prévoit-on davantage de péréquations entre les modes de transport ?

Nous le savons, le transport de fret fluvial constitue le mode le plus sûr et le moins émetteur de CO2 à la tonne transportée. Pour améliorer la compétitivité de nos bassins industriels et atteindre nos objectifs de transition écologique, le canal Seine-Nord Europe constituera un atout de premier ordre. Comme pour les autres grands projets, les crédits ont été gelés l'an dernier. Pouvez-vous indiquer comment l'État tiendra ses engagements pour financer le projet ?

Je conclurai par le budget annexe de l'aviation civile, qui finance les activités de la direction générale de l'aviation civile (DGAC). La croissance du trafic aérien conforte les recettes issues des redevances aériennes et de la taxe d'aviation civile, ce qui accroît la capacité d'autofinancement de l'établissement. La DGAC peut ainsi continuer à investir tout en ramenant sa dette en dessous de la barre du milliard d'euros, à un niveau inférieur à 2008, ce qui était prévu dans sa trajectoire.

La croissance du trafic est cependant concentrée sur des périodes de pointe, nécessitant de modifier les cycles de travail des contrôleurs aériens et de mettre en place de nouveaux systèmes informatiques de navigation, ce qui semble prévu dans les projections. La DGAC a conclu avec ses personnels des protocoles sociaux qui prévoient des contreparties financières importantes, mais non automatiques, selon la mise en oeuvre des réformes dans une approche « donnant donnant : primes contre productivité ». Autre contrepartie : le schéma d'emplois prévoit en 2017, 2018 et 2019, le remplacement de tous les départs en retraite alors que l'aviation civile avait supprimé 10 % de ses effectifs entre 2007 et 2016. À l'aune des assises du transport aérien, pouvez-vous, madame la ministre, présenter la mise en oeuvre de ces mesures de modernisation qui ont commencé en 2017, et nous tracer quelques perspectives ?

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