Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Réunion du mercredi 30 mai 2018 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Je suis parfaitement d'accord avec Mme Hennion en ce qui concerne le nécessaire droit de regard du Parlement sur les investissements étrangers. Il doit y avoir un débat parlementaire avant de s'engager vis-à-vis d'autres États. La décision d'ouverture à la concurrence m'a surprise parce qu'elle a été rendue publique quelques semaines avant l'ouverture du débat sur la PPE, alors que c'en était un sujet central. C'est, en effet, la PPE qui va définir la stratégie politique et énergétique pour les dix prochaines années, d'où ma surprise et mon agacement. Je souhaite donc un débat parlementaire autour de ce sujet et d'autres enjeux stratégiques.

M. Évrard, vous considérez, comme moi, que la concurrence ne fera pas baisser les prix. La Commission européenne estime qu'ouverture à la concurrence et baisse des prix vont automatiquement de pair, mais elle ne nous prouve pas comment le prix de l'électricité pourrait baisser demain. Je souhaiterais que l'on puisse avoir des éléments de preuve que le prix baissera avant de décider quoi que ce soit. Mais il me semble que ces éléments ne pourront pas être fournis, parce que le prix ne baissera pas. Aujourd'hui, nos prix sont inférieurs à ceux de l'Allemagne, parce que nous avons un système intégré, autour d'une entreprise quasi-publique, qui agit dans tous les domaines de production et mutualise certaines fonctions, notamment son pôle d'ingénierie reconnu dans le monde entier. Ce pôle pourrait d'ailleurs être mis en danger si EDF venait à perdre des concessions, car la maille ne serait plus suffisante pour garder cette ingénierie disponible et rentable. Je pense que le prix ne baissera pas, mais je ne demande qu'à voir les démonstrations contraires que l'on pourrait me proposer.

Sur le développement à venir de l'hydroélectricité, nous avons un certain nombre de projets, même si l'on ne construira pas autant d'ouvrages qu'il en existe aujourd'hui. Il faut s'attacher surtout à l'optimisation des ouvrages existants.

Pour répondre à une question de M. Bolo, l'ajout de tous les petits producteurs de la petite hydroélectricité ne peut pas permettre de faire diminuer la situation monopolistique d'EDF parce que ces petites productions, aussi essentielles qu'elles soient, restent marginales.

Nous constatons effectivement un consensus sur le caractère stratégique de l'hydroélectricité. Pour éviter que l'on mette fin à la paralysie actuelle liée à l'insécurité juridique, je préconise d'accorder des prolongations contre travaux pendant que se poursuivent les négociations. Trois ou quatre dossiers en France peuvent être déclenchés très rapidement. Il faut convaincre la Commission européenne de la nécessité de ces travaux d'optimisation de cet outil stratégique, indispensable à la mise en oeuvre de la transition énergétique. Cela permettra de continuer à négocier sans perdre de temps.

La CNR, comme les autres opérateurs, participe de l'aménagement du territoire, et ses investissements dans les passes à poissons en témoignent : elle ne fait pas que de la production d'énergie. De manière générale, les investissements que font les opérateurs ne sont pas liés uniquement à la production d'électricité mais aussi à l'aménagement du territoire.

Les exigences de la Commission européenne reposent uniquement sur la situation monopolistique d'EDF. Ce qui m'a frappée, lorsque je me suis rendue à Bruxelles, c'est de constater à quel point les trois directions générales impliquées dans ce dossier fonctionnent en « tuyaux d'orgue », sans se parler. La direction générale chargée de la concurrence veut à tout prix mettre fin à la position dominante d'EDF ; la direction générale chargée de l'énergie tente de construire l'Europe de l'énergie ; la direction générale chargée du marché intérieur veut faire appliquer la directive « concessions ». Ces trois directions générales ne se parlent pas, alors même que l'hydroélectricité relève d'une stratégie globale et transversale et ne peut pas être gérée de manière sectionnée comme c'est le cas. La position dominante d'EDF est aujourd'hui contestable, davantage encore qu'il y a quatre ou cinq ans, et le sera plus encore dans une dizaine d'années en raison du développement des énergies renouvelables.

Des opérateurs doivent pouvoir concourir sur de nouveaux projets, à condition qu'ils investissent : il n'y a pas d'opposition de ma part sur ce point.

Je ne prône pas la désobéissance par principe : je préfère trouver des solutions euro-compatibles. Nous avons tendance à accuser l'Europe d'être à l'origine de nombre de contraintes, mais certaines exigences sont purement françaises : ce n'est pas l'Europe qui demande que les regroupements selon des chaînes hydrauliquement liées ne soient pas appliqués. Au contraire, nos interlocuteurs à Bruxelles nous ont expliqué y être favorables. Ce n'est pas non plus l'Europe qui impose le plafonnement à deux sur trois du nombre d'ouvrages gagnables par un même opérateur au sein d'un lot. Il faut que la France assume ce combat, et c'en est un. Je suis, toutefois, prête à désobéir si nous n'arrivons pas à obtenir gain de cause autrement, bien que ce ne soit pas dans mes habitudes.

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