Celles et ceux de nos collègues qui auront trouvé la motion de rejet préalable du président Mélenchon sombre ou triste ne l'ont soit pas écoutée, soit pas correctement entendue. C'est tout le contraire ! C'est l'enthousiasme d'une vision à long terme, qui impose de voir sous un autre prisme que celui de l'employabilité immédiate la formation professionnelle, d'autant plus quand on sait ce qui nous attend. Le premier des défis que nous aurons toutes et tous à relever – la question climatique – impose de voir la qualification à long terme et non pas sous le prisme de l'employabilité à court terme, comme c'est le cas dans ce projet de loi.
Madame la ministre, votre projet de loi était annoncé comme le volet « sécurité » de la flexisécurité que vous louez tant, là où les ordonnances travail du début de la législature représentaient le volet « flexibilité ». Or, sous couvert d'une prétendue sécurité, vous opérez de nouveaux reculs et renforcez la libéralisation, y compris de la formation et de l'apprentissage. De sécurité, dans ce projet de loi, il n'y a pas ou si peu. Vous poursuivez, en réalité, une logique de libéralisation qui défend une vision court-termiste et individualisée du rapport à la formation, dans une logique d'employabilité. Ce n'est ni dans l'intérêt des salariés, ni dans celui du pays et des grands défis que nous aurons à relever.
Lors de nos auditions – nous en avons également mené de notre côté – , la plupart des acteurs de la formation nous ont dit qu'ils avaient vu beaucoup de grands plans de formation et qu'ils en verraient sans doute encore beaucoup, mais que, tant que nous ne nous occuperions pas du principal problème, dont le président Mélenchon a montré qu'il était celui de la pénurie d'emplois pérennes dans notre pays, nous ne pourrions pas régler la question. Mais nous comprenons sans mal votre manoeuvre habile : la personne en formation disparaissant un temps des statistiques du chômage et celui-ci augmentant depuis votre arrivée, parce que vous avez besoin, madame la ministre, de prouver que les ordonnances travail sont efficaces, vous faites baisser le chômage en mettant les gens en formation. Mais la question de l'activité pérenne reste intégralement posée, sans que vous ne la traitiez jamais.
En termes d'emplois non pourvus, le rapport est d'un pour quarante-quatre chômeurs. Et si l'on enlève les emplois retirés des offres, soit parce que l'employeur a renoncé à embaucher, soit parce qu'il n'a pas trouvé le salarié aux qualifications adaptées, le rapport est en définitive d'un emploi non pourvu pour trois cents chômeurs. Le coeur du problème est donc bien la relance de l'activité, que ne prend assurément pas en compte le projet de loi. Aujourd'hui, environ huit contrats sur dix sont des contrats courts. C'est donc bien par la précarité de l'emploi que vous répondez au chômage de masse, quand nous proposons un retour à l'emploi par la relance de l'activité.
Par ailleurs, plusieurs points de ce projet de loi nous pousseront à réagir pendant cette semaine de débats : l'indemnisation très conditionnelle des démissionnaires et des indépendants, très loin des promesses d'Emmanuel Macron ; la libéralisation du travail détaché, alors qu'il a été une nouvelle fois démontré que le dumping social pourrait allègrement continuer tant que les cotisations sociales resteront payées dans le pays d'origine ; l'article qui favorise les allers-retours entre public et privé et la pratique du pantouflage, quand l'actualité aurait pu laisser penser que ce n'était pas le bon moment. En définitive, ce projet de loi passe à bien des égards à côté des objectifs qu'il prétend servir, comme la liberté de choisir son avenir professionnel, mais poursuit une libéralisation qu'il pousse jusque dans la monétisation de la formation, en permettant aux organismes privés d'anticiper ce qu'ils pourront faire prochainement, bien loin de ce qu'il conviendrait.