Effectivement, le problème du timing est important, car il y a un décalage entre le temps nécessaire aux scientifiques pour accumuler de nouvelles données et l'attente du législateur ou des évaluateurs. C'est un réel problème.
Les nouveaux outils pour modéliser la toxicité des additifs, des contaminants ou des perturbateurs endocriniens sont vraiment importants. Une réévaluation systématique des additifs mis en marché avant 2009 a été mise en oeuvre par les agences d'évaluation et doit se terminer en 2020. Outre cette réévaluation systématique, toute publication de nouveaux résultats par les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) peut conduire à entreprendre une évaluation. C'est ce qui s'est produit dans le cas du dioxyde de titane : une nouvelle publication en janvier 2017 a été à l'origine de la saisine. L'évaluation peut donc être faite à ces deux niveaux, du fait de la réévaluation systématique ou de la publication de nouveaux résultats par les EPST qui donne lieu à la saisine de l'ANSES et de l'EFSA.
Il est certain qu'il faut établir des priorités entre les différentes molécules sur lesquelles on doit travailler. En ce qui concerne le SDHI, nous ne disposons pour l'instant que de données obtenues in vitro : pour établir un nouveau danger potentiel, il faudrait disposer de données in vivo sur des modèles animaux et de données épidémiologiques. En effet, il est important de définir de manière quantitative et qualitative à quoi les consommateurs sont exposés de manière à établir des priorités entre nos travaux pour fournir de nouveaux éléments aux agences d'évaluation. La définition quantitative et qualitative de l'exposome permettra de définir les familles de molécules à étudier en priorité. En effet, comme vous l'avez dit, il existe une infinité de « cocktails » possibles, de sorte que si on adopte une approche non systématique de cet « effet cocktail », on donnera pratiquement un coup d'épée dans l'eau. Il est vraiment nécessaire de définir qualitativement et quantitativement les « cocktails » sur lesquels nous devrons concentrer les recherches.
Nous sommes donc dans une phase de transition : nous passons d'une évaluation molécule par molécule, qui a permis d'évaluer la cancérogénicité de nombreux additifs, à l'évaluation d'« effets cocktail ».