Intervention de Louis-Georges Soler

Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 9h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Louis-Georges Soler, directeur de recherche dans l'unité alimentation et sciences sociales (ALISS) :

Je veux bien répondre à une question que vous n'avez pas posée. Étant donné que la thématique générale est l'alimentation industrielle, j'imaginais que nous parlerions davantage de la qualité nutritionnelle de celle-ci et de son évolution. Je voudrais donc vous exposer quelques résultats observés par l'OQALI créé il y a une dizaine d'années pour observer l'évolution des caractères de ces produits. Tout un travail a été mené en partenariat avec l'ANSES pour mesurer la dynamique de l'évolution de la teneur en sel, en sucre, en matières grasses, en acides gras saturés de l'offre alimentaire. Essayons de résumer en quelques mots les observations réalisées au cours des sept dernières années. Permettez-moi d'apporter d'abord une précision : dans le domaine des scénarios, de la modélisation et de la simulation, de nombreuses publications établissent que les gains potentiels, en termes d'exposition au sucre ou au sel, par exemple, qui pourraient être permis par la reformulation des produits alimentaires, c'est-à-dire par l'action sur l'offre alimentaire, sont significatifs. Autrement dit, l'action sur l'offre alimentaire pourrait avoir des effets significatifs sur la consommation de sel, de sucre ou autre des consommateurs finaux et donc engendrer potentiellement des gains en termes de santé. Les gains que l'on pourrait obtenir en agissant sur l'offre sont peut-être plus forts que ce qu'on peut obtenir par une modification réaliste à court terme des comportements de consommation. Dans le domaine de l'alimentation, il y a donc bien un enjeu véritable du côté de l'offre.

Depuis une dizaine d'années maintenant, des dispositifs ont été mis en place, comme les chartes d'engagements volontaires de progrès nutritionnel, les chartes PNNS, ou les chartes PNA. Il y a donc eu des essais pour essayer d'inciter l'industrie, de manière générale, à reformuler les produits et donc à réduire les teneurs en sel ou en sucre.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Prenons un peu de recul sur les sept dernières années. Le bilan est contrasté. Si on observe l'ensemble des familles de produits que l'on caractérise comme alimentation industrielle transformée, dans environ 20 % de ces familles – je vous donne ce chiffre à la louche –, on note des variations significatives de la teneur moyenne en sel, en acides gras saturés, et éventuellement en sucre. Certaines de ces variations sont même très significatives : ainsi, dans les chips qui sont sur le marché, on observe une réduction de plus de 60 % de la teneur en acides gras saturés, liée au fait que les industriels ont remplacé l'huile de palme par d'autres huiles qui en contiennent moins, et une réduction de la teneur en sel de l'ordre de 10 % à 15 %. Les autres évolutions n'atteignent sans doute pas cette ampleur, mais on constate tout de même des réductions significatives de la teneur en sel de la charcuterie ou d'autres catégories de produits. On observe donc des changements pour certaines marques, certaines familles de produits ou certains secteurs industriels.

Je pense que les démarches qui ont été mises en place à travers les chartes, par exemple, ont créé un contexte qui s'est révélé être relativement incitatif, même si on peut regretter, par exemple, le fait qu'on ne constate de changements que pour 20 % des familles de produits.

L'enjeu aujourd'hui, selon moi, est justement de trouver comment généraliser ce processus. En effet, l'impact au niveau des consommateurs finaux de ces variations de la teneur en sel, par exemple, reste très faible. Ainsi, nous avons estimé avec des collègues de l'ANSES que les modifications de reformulation observées se traduisent par une réduction de moins de 1 % de la consommation en sel des consommateurs finaux. Le bilan est donc contrasté, car on observe bien des évolutions mais l'impact sur les consommateurs reste faible. L'enjeu majeur de l'action publique des prochaines années est donc bien de trouver comment généraliser cette dynamique de manière à avoir un effet plus fort sur la santé des consommateurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.