C'est très compliqué – et vous m'excuserez de sortir du sujet. À l'heure actuelle, la sécurité sociale prend un tournant assurantiel. Mais nous, nous sommes en dehors de ce système. Nous servons le principe constitutionnel de protection de la santé. Nous intervenons dans un domaine qui touche aux droits fondamentaux des travailleurs.
Vous avez posé une question sur l'indépendance des médecins. Je vous le dis franchement : les médecins du travail sont indépendants. Mais assurer cette indépendance leur demande un travail, une rigueur et un courage particuliers. Des collègues, que nous soutenons, sont poursuivis devant le Conseil de l'Ordre pour avoir simplement fait leur métier, pour avoir transmis des dossiers à des patients, et ils se trouvent dans une difficulté profonde.
En tant qu'association, nous avions demandé au ministre de la santé de modifier ce fameux article du code de la santé publique qui contient l'adverbe « notamment », ce qui permet aux employeurs, par un biais « paralégal », de porter plainte auprès du Conseil de l'Ordre. Mais le ministre nous a renvoyés dans les cordes. C'est pour cela que nous avons saisi la Cour européenne des Droits de l'Homme.
Cela ne signifie pas, et je le dis officiellement, que nous pensons que les médecins sont irréprochables et que les employeurs n'ont pas à porter plainte contre certains. Mais nous estimons que le droit commun suffit largement. En effet, nous contestons le fait que l'instruction est menée dans le cadre des institutions réglementaires, et le fait que le médecin est obligé de trahir le secret médical devant l'employeur. Il ne s'agit pas d'un litige entre un médecin et un patient, mais entre un médecin et un tiers, non partie prenante dans la relation médicale. Nous irons avec confiance devant la CEDH. Nous pensons malheureusement que la France va être condamnée et nous aimerions trouver un accommodement avant.