Les pathologies émergentes posent un vrai problème, en particulier les pathologies émergentes à temps différé. Vous avez bien compris que les situations de pathologie professionnelle différée sont très difficiles à caractériser. En l'occurrence, les médecins du travail apprécient l'aptitude ou la déficience du travailleur sur le moment, alors que les médecins traitants ou les médecins de soins spécialisés prennent en charge sur le long terme la maladie une fois qu'elle s'est déclarée. Faire le lien avec le médecin du travail passé et l'observation du travail passé est compliqué. Cette question du temps différé, pour la santé au travail, est un problème qui est lié à la mission d'observation du travailleur, non seulement dans son entreprise, mais dans la durée. Et dans ce cas, l'établissement du lien, c'est-à-dire la traçabilité, pose un vrai problème.
L'utilisation des produits phytosanitaires pose un problème environnemental, mais elle pose d'abord un problème aux travailleurs. La question des maladies de Parkinson, de même que celle des hémopathies malignes, n'a pas été éliminée par la question des cancers dus aux glyphosates. Même cette étude qui, de fait, élimine globalement les cancers, laisse la porte ouverte à la question – notamment – des hémopathies malignes. C'est vraiment un problème.
La question des nanoparticules est également redoutable, dans la mesure où celles-ci se dissimulent dans des produits connus. La traçabilité et la surveillance sont alors essentielles. Chaque entreprise doit assurer cette traçabilité à ses salariés, pour qu'ils puissent en faire état, non seulement devant leur médecin du travail, mais ensuite devant tous les médecins, spécialistes et généralistes.
Cela étant, on ne peut pas dire que les maladies psychiques sont des maladies émergentes. Simplement, on commence à les prendre en compte et à les comprendre différemment. Et si la reconnaissance du burn-out est importante, la connaissance des modes de décompensation du burn-out l'est tout autant. Il faut que les gens comprennent ce qui leur arrive, si l'on veut pouvoir faire de la prévention spécifique.
Un groupe de la DARES a travaillé sur la compréhension des risques psychosociaux dans l'entreprise et de la décompensation de chaque individu, dont la forme varie en fonction de sa personnalité acquise au cours des premières années. Ainsi, certains vont décompenser par la dépression, d'autres par un comportement anxieux, d'autres par une suractivité, d'autres par des passages à l'acte, d'autres par des dissociations psychotiques. Le risque psychosocial peut entraîner toutes ces formes de décompensation. C'est pour cela qu'il faut vraiment comprendre la spécificité de la décompensation. L'indication de burn-out ne suffit pas.
L'exemple de la bipolarité est intéressant, puisqu'il permet de voir comment une entreprise peut demander à un travailleur de se surinvestir. J'ai observé un ingénieur-chercheur qui, dans ses périodes d'hyperactivité, se surinvestissait douze heures par jour dans l'entreprise – sans compter ce qu'il pouvait faire en famille. L'entreprise était très contente et fermait les yeux sur cette hyperactivité. Et bien sûr, quand il s'est effondré, on l'a laissé tomber. Il a fallu deux décompensations pour se rendre compte qu'il ne suffisait pas de dire qu'il était bipolaire, mais qu'il fallait comprendre comment sa bipolarité était favorisée par les conditions de travail, par ces exigences et, à terme, par une absence de reconnaissance. Il y a vraiment beaucoup de travail à faire de ce côté-là.
En 1990, on a parlé de stress ; en 2000, de harcèlement moral ; en 2005, de risque suicidaire. Et maintenant, on parle de burn-out. Mais il faut dépasser ces termes et décoder ce qui se passe, pour aider les salariés à comprendre ce qu'il y a derrière leur décompensation, comment ils se sont confrontés aux risques et à l'organisation du travail dans laquelle ils ont succombé.