Les liens entre l'exposition cancérogène et la survenue du cancer ont été scientifiquement établis. Mais on est confrontés à un problème de visibilité, à la difficulté d'établir un lien entre le diagnostic de cancer et l'exposition.
J'ai l'expérience de collègues urologues, qui attribuent les cancers de la vessie à un ancien tabagisme arrêté depuis des années, alors qu'en fait les personnes manipulent ou ont manipulé des quantités absolument phénoménales d'huiles minérales usagées. On est face à une certaine forme de méconnaissance, même si je ne mets pas en doute la compétence de mes consoeurs et confrères. Pour ma part, si quelqu'un me dit que son père a eu un cancer, je l'interroge sur le métier qu'il faisait. Et malheureusement, dans un cas sur dix, je tombe juste.
Il ne faut non plus sous-estimer le côté très impliquant du diagnostic de cancer. Les patients à qui l'on annonce un cancer sont dans la souffrance, comme leurs proches. La réflexion sur l'origine professionnelle de la pathologie ne pourra venir qu'en deuxième rang. C'est peut-être une explication du fait que l'on a une mauvaise visibilité.
Cela étant, je trouve tout de même que la puissance publique devrait faire un effort. Comment nos voisins suédois, danois ou norvégiens ont-ils fait pour avoir des registres de cancers professionnels, alors que nous sommes encore en train d'attendre les nôtres ? C'est tout de même étonnant.