Avec l'histoire du dossier médical partagé (DMP), on touche à un point délicat. Effectivement, les médecins du travail n'ont pas toujours bonne presse chez leurs consoeurs et confrères, qui pensent, à tort ou à raison, que le médecin du travail est, en quelque sorte, influencé par le fait qu'il est rémunéré par l'entreprise. Ensuite, le secret médical ne peut se partager qu'à travers le patient. Or le patient peut ne pas vouloir que le médecin du travail sache qu'il a telle ou telle maladie, parce que cela pourrait retentir sur l'évaluation de son aptitude.
Je désire revenir sur les risques psychosociaux. Il faut que nous ayons de la visibilité sur les éléments de l'organisation du travail qui s'opposent à la nature même du travail.
Je vous citerai l'exemple de l'individualisation des salariés. On ne peut pas individualiser des salariés sans détruire les liens entre les salariés et ce qui fait la richesse du travail, à savoir son caractère collectif. Pourtant, on a mis en place des évaluations individuelles. Il faudrait au moins les tempérer par des évaluations collectives, et faire en sorte que les critères de l'évaluation soient reconnus comme pertinents par les opérateurs.
Un autre exemple est celui de l'intensification du travail. La fin des temps morts, c'est la fin des échanges sur le travail. On commence peut-être toujours par discuter du foot, mais deux minutes après, on discute du travail parce que c'est ce qui nous lie.
J'ajoute que l'individualisation provoque un sentiment de culpabilité chez les salariés, qui ont tendance à retourner contre eux les difficultés inhérentes au process ou à l'organisation du travail. Ce sont eux les fautifs, tandis que le système reste protégé.