De fait, les conditions se dégradent. De plus en plus de médecins travaillent « le nez dans le guidon », avec des infirmières à encadrer. Ils n'ont plus l'occasion de visiter les entreprises et le tiers temps diminue. Or c'est en allant voir les postes, en rencontrant les gens au travail, dans leur collectif, en participant au CHSCT, etc. qu'au fil des années on peut acquérir la connaissance du travail. Il faudrait multiplier les visites périodiques, car c'est le moyen de connaître le vécu, non pas d'un salarié, mais d'un ensemble de salariés, et les questions qu'ils peuvent se poser sur le travail.
J'ai eu la chance de travailler dans le même établissement pendant à peu près vingt-cinq ans. Au bout de quelques années, je connaissais pratiquement tous les postes dans l'entreprise, ce qui m'évitait d'y retourner trop souvent, car inutilement. En revanche, je pouvais prévoir l'évolution de ces postes, parce que je les avais vus et que le collectif de travail me faisait savoir comment les salariés vivaient cette évolution. Je percevais très bien certaines transformations, et je pouvais faire des alertes – pertinentes, je crois.
De fait, la continuité est importante. Si les médecins du travail n'ont plus le temps d'aller sur place régulièrement, s'ils ont affaire à quelqu'un qui n'est pas en relation de coopération avec eux mais attend d'eux des prestations, s'ils ne peuvent pas se rendre compte des questionnements sur le travail, la connaissance du travail se perdra et le lien entre la santé et le travail disparaîtra.