Votre question comporte différents aspects. Le premier est celui de la sous-traitance du risque sur site. En tant qu'assureur, nous connaissons la relation entre un salarié et son employeur, mais ignorons où le salarié travaille. Nous savons uniquement, sur la base de la déclaration d'embauche, que tel employeur emploie tel salarié. L'employeur paie les cotisations et, en cas d'accident, voit sa responsabilité engagée. Le fait qu'il envoie ses salariés sur différents chantiers n'est absolument pas porté à notre connaissance. Ceci n'est pas tracé et relève de l'activité normale de l'entreprise. Quand bien même nous souhaiterions faire le lien entre des maladies professionnelles et une entreprise faisant appel à de nombreux sous-traitants, ceci ne nous serait pas possible, dans la mesure où nous connaissons seulement le nom des sous-traitants. Nous ne pouvons « accrocher » les maladies professionnelles qu'aux employeurs et non aux lieux de travail. Il s'agit d'une fragilité de notre système. Nous avions été beaucoup mis en cause à ce sujet ; or nous ne pouvons pas créer des informations dont nous ne disposons pas. Si nous demandions à tracer les lieux de travail des salariés, nous serions accusés de « fliquer » tout le monde. Il faut trouver un juste équilibre.
Comment avons-nous réagi face à cela ? Vous n'êtes pas sans savoir que, lorsqu'un accident du travail concerne un salarié d'une entreprise d'intérim, le risque est partagé entre l'entreprise d'intérim et l'entreprise utilisatrice. Figure ainsi, dans la déclaration d'accident du travail, le nom de l'entreprise utilisatrice, afin de pouvoir lui imputer une partie du risque, selon un partage un tiers – deux tiers. Nous avons pensé qu'il serait intéressant de faire de même dans le cadre d'une sous-traitance et que, lorsque survient un accident sur site, on puisse mentionner le numéro SIRET de l'entreprise au sein de laquelle a eu lieu l'accident. Nous avons ainsi modifié le formulaire CERFA en septembre dernier et, depuis six mois, cette procédure est mise en place. Nous faisons de l'information à ce propos et espérons que cela va permettre, avant même de passer à un problème de responsabilisation et de tarification, de documenter la réalité de certains risques. Ceci suppose toutefois que ce document soit correctement complété par les entreprises sous-traitantes, auxquelles il appartient d'effectuer les déclarations. Désormais, la possibilité leur est donnée de le faire. Une fois que nous disposerons de données et d'un recul suffisant, j'ai négocié avec les partenaires sociaux que nous examinions la situation afin d'envisager s'il y a lieu ou non de modifier la tarification en conséquence.
Le deuxième aspect de votre question concerne le fait de savoir pourquoi nous ne communiquons pas sur la situation particulière d'entreprises déterminées. Nous sommes tenus à des obligations auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et ne pouvons pas divulguer, à la presse notamment, des informations relatives à une entreprise. Nous avons accès, en tant qu'assureur public, à un certain nombre de données nominatives, afin de pouvoir indemniser les victimes et imputer aux entreprises responsables, mais ne pouvons communiquer que sur des données anonymisées, statistiques, agrégées au niveau national. Nous sommes tenus de respecter des critères de confidentialité, faute de quoi nous serions immédiatement mis en demeure par la CNIL. Il est arrivé que certaines organisations syndicales me demandent pourquoi je ne communiquais pas sur la situation de telle ou telle entreprise. La réponse est simple : je n'en ai pas le droit.