Ce sujet, sensible, compliqué, a donné lieu, en janvier 2018, à une magnifique publication Enjeux et actions. Vous n'êtes pas les premiers parlementaires à vous être saisis de cette question, et j'ai déjà eu l'occasion de venir à plusieurs reprises dans cette noble institution m'exprimer à ce propos. Les questions soulevées portent souvent sur la reconnaissance. Or il est important de considérer également le volet prévention. Les deux aspects doivent être liés. Nous avons ainsi fait le choix de consacrer notre document de synthèse annuel aux risques psychosociaux. Y figurent les données en termes de reconnaissance non seulement de maladies professionnelles, mais aussi d'accidents du travail. Il faut savoir que plus d'un million d'accidents du travail sont reconnus chaque année : leur nombre fait qu'ils ne sont pas codifiés aussi précisément que les maladies professionnelles. Aller dans le détail suppose donc de réaliser des analyses statistiques relativement compliquées dans nos bases. Il n'est pas possible de faire cela en routine. Nous avons procédé à ce travail spécifique sur les affections psychiques, comme nous l'avions fait précédemment pour les lombalgies, et nous sommes rendu compte qu'on les reconnaissait beaucoup comme accidents du travail, puisque cela représente plus de 10 000 cas par an. Le sujet est donc loin d'être minime, alors que l'on pensait jusqu'à présent qu'elles n'étaient reconnues qu'en MP.
Nous avons aussi examiné les secteurs concernés et les circonstances, l'objectif de l'étude étant, une fois le constat effectué, de proposer des actions. Nous nous sommes aperçus que, contrairement aux idées reçues, ce type d'affection ne concernait pas que les cadres, mais majoritairement des employés. Les cadres étant moins exposés à des accidents du travail, la part des affections psychiques est plus importante dans cette population ; en revanche, en volume, cela concerne essentiellement les employés. Il faut savoir que les risques psychosociaux ne recouvrent pas uniquement les problèmes de management interne à l'entreprise, mais sont liés, dans environ 50 % des cas, à des facteurs externes, c'est-à-dire au contact avec le public. Ceci concerne par exemple les gens qui travaillent dans les commerces – vendeurs, serveurs dans la restauration –, les transports et les soins à la personne. Le point commun à tous les secteurs ciblés par ces accidents est d'exposer les salariés à des agressions, verbales ou physiques. J'ai longtemps travaillé aux urgences : on peut tout à fait comprendre que les personnes auxquelles on a affaire soient angoissées. Mais il faut aussi comprendre, inversement, que les employés d'un service hospitalier fatiguent face à ces situations et déclarent leur stress. Ces constats nous ont ouvert de nouvelles perspectives d'action : les formations proposées aux personnels ne sont en effet pas les mêmes selon qu'il s'agit de gérer du stress en interne, auquel cas il convient d'agir sur les structures de management d'une entreprise ou d'une entité, ou de faire face aux agressions du public. Nous avons ainsi mené des actions, au sein de la sécurité sociale, avec les personnels travaillant à l'accueil des caisses d'allocations familiales (CAF), qui se trouvent face à des usagers traversant des situations de vie souvent difficiles. Il est arrivé par exemple que des personnes désespérées s'immolent devant eux. Comment gérer cela ? Nous souhaiterions proposer des actions sectorielles adaptées, dans les domaines identifiés comme étant les plus à risque.