Je reviens sur les valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP). Le rôle de l'ANSES est de fixer les VLEP à partir de considérations uniquement sanitaires et de faire des propositions qui incluent des méthodes de mesure pouvant être utilisées dans les entreprises pour contrôler le respect de ces valeurs. Elles sont ensuite discutées par une commission spécialisée du COCT, puis un projet de texte est établi en concertation avec les partenaires sociaux. Ensuite, le ministère du travail fixe une valeur – contraignante ou indicative – en tenant compte de ces discussions.
Les VLEP permettent d'encadrer le taux de contamination de l'air dans un milieu de travail, mais sans prendre en compte tous les modes d'exposition ni ce qu'on appelle l'« effet cocktail » de plusieurs substances. De plus, si les entreprises – notamment les petites – ont connaissance de ces VLEP, elles les considèrent comme le but à atteindre, alors que le principe de prévention ALARA – As Low As Reasonably Achievable – consiste à réduire le risque au maximum. De ce fait, l'Agence, chargée d'établir les VLEP, a aussi voulu savoir comment elles étaient mises en oeuvre et a lancé une étude en partenariat avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) et son réseau régional, ainsi qu'avec l'INRS. L'étude vise à savoir quelle est l'application des normes, notamment dans les PME, dont on sait qu'elles ont moins de moyens de connaître la réglementation, afin de la comparer avec la situation dans des entreprises plus grandes. Sur les VLEP, ajoutons qu'il convient de faire évoluer la méthodologie pour mieux prendre en compte les effets cocktail. L'INRS a conçu un nouvel outil, MiXie France, à la disposition des employeurs pour mieux les mesurer et les prévenir.
Le règlement européen REACH s'applique à des produits. Ce peut être un outil intéressant pour « soustraire » les travailleurs à des expositions, notamment aux produits CMR. Un premier levier est celui de la classification des substances chimiques les plus dangereuses, fondée sur le repérage et la caractérisation de leurs effets cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques, qui intervient à l'initiative des pouvoirs publics. En France, c'est notre Agence qui a pour mission de proposer des étiquetages de ces produits, en priorité les CMR. Nous avons ainsi proposé récemment de classer le dioxyde de titane (TiO2) comme cancérigène probable, ce qui va donner lieu à évaluation par un comité d'experts européens, avec décision finale par la Commission sur la base de ses recommandations. Le deuxième levier est celui de l'autorisation qui, comme son nom ne l'indique pas, est une interdiction à terme des substances CMR de catégorie 1A ou 1B, c'est-à-dire à effet avéré ou probable. Les industriels qui veulent continuer à utiliser ces substances peuvent demander une autorisation pour un temps limité, éventuellement renouvelable, en prouvant qu'ils ne peuvent pas se passer de l'utiliser pendant la période demandée, mais doivent démontrer, par une évaluation des risques, que la santé des travailleurs et de la population et l'environnement n'en sont pas affectés. À terme, ils doivent produire un plan de substitution à ces substances. Ces deux leviers au niveau européen sont ensuite mis en oeuvre dans les différents pays, puisqu'il s'agit d'un règlement.