Intervention de Olivier Boutinaud

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 13h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Olivier Boutinaud, directeur de la prévention du groupe Adecco :

L'activité de travail temporaire est une activité d'intermédiation consistant pour l'essentiel à mettre à disposition d'entreprises utilisatrices du personnel et des compétences. Ce contexte est particulier, puisqu'il fait intervenir deux acteurs majeurs que sont l'employeur légal – l'entreprise de travail temporaire – et un employeur subrogé à celui-ci – l'entreprise utilisatrice.

Le paradigme sur lequel repose la stratégie mise en oeuvre chez Adecco est intimement lié à l'idée selon laquelle la sécurité est une compétence professionnelle. À partir du moment où il est question de ressources humaines et de compétences, la sécurité fait pleinement partie du sujet. Il en découle que le premier acte de prévention se confond avec le recrutement. Prévenir les risques dans l'intérim, pour ce qui concerne une agence d'emploi, revient ainsi, dans un premier temps, à essayer d'évaluer les candidats sur leur niveau général d'intégration des préoccupations de sécurité, en fonction de leur expérience sur le sujet et de leur capacité à répondre à un certain nombre de sollicitations. Pour effectuer cette évaluation, les agences disposent d'applicatifs sous forme de mises en situation de travail théoriques, présentant des risques. Ceci permet de rechercher les compétences des futurs collaborateurs en termes de sécurité sur les trois axes suivants : le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. Au terme de ce travail d'évaluation, on peut parvenir à une cotation du niveau d'intégration de la sécurité chez le candidat et entrer ensuite dans une deuxième phase consistant à travailler avec lui sur le lien à établir entre ce niveau général et la mise en emploi. Ceci concerne, au cas particulier, sa capacité à évoluer dans le poste proposé par l'entreprise utilisatrice.

Sensibiliser et évaluer ainsi les candidats supposent que les personnels de nos agences soient parfaitement formés à ces questions. Le premier pan de notre travail de préventeurs est donc d'accompagner les recruteurs, les directeurs d'agence, dans leur montée en compétences sécurité, de façon à ce qu'ils s'habituent au vocabulaire, à la dialectique du domaine et soient capables de travailler sur ces questions avec les entreprises utilisatrices, en épousant leur langage et leurs pratiques. Ceci nécessite aussi de les former à l'analyse des postes de travail et des risques associés et de les placer en capacité de vulgariser leurs observations afin de les transmettre le plus clairement possible aux candidats en agence, lorsqu'ils leur présentent les postes concernés. Il en découle une priorisation autour de la santé du candidat, puisque la connaissance du poste permet d'avoir une première information sur le niveau de suivi médical dont doit bénéficier le salarié avant l'embauche. On parle ainsi dans les nouveaux textes de « visite d'information et de prévention » et de suivi individuel renforcé. L'analyse du poste et des risques associés est un élément essentiel de la démarche.

Il est ensuite très important d'être en capacité d'informer le futur collaborateur sur ses droits et obligations. Si tous ces éléments sont réunis, une délégation pourra avoir lieu à ce stade, conformément à l'attendu. Cette démarche présente toutefois des limites, dans la mesure où l'intérimaire sera ensuite confié à une entreprise utilisatrice, assujettie à d'autres systèmes et obligations.

J'insiste sur le fait que, de 2009 à 2012, la profession a été accompagnée sur le sujet spécifique de la montée en compétence des personnels d'agences par la direction des risques professionnels (DRP) de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), par les CARSAT, dans le cadre du plan national d'action concertée, lui-même découlant de la convention d'objectifs et de gestion liant la sécurité sociale à l'État. Il existe ainsi, depuis 2009, un cahier des charges décrivant ce que doit être la formation du collaborateur d'agence sur le sujet de la prévention. La branche s'est bien évidemment investie dans ces actions, qui irriguent encore aujourd'hui nos pratiques : lorsque nous formons nos personnels, le format, le contenu et les objectifs pédagogiques des formations dispensées répondent à ce cahier des charges.

Le dispositif que je viens de vous décrire relève d'une approche « ressources humaines » (RH), dans le cadre d'une préparation à la mission. Les limites de l'exercice tiennent au fait que ceci conduit à mettre à disposition le candidat, qui devient alors salarié intérimaire, au sein d'une entreprise utilisatrice, à laquelle il revient de le former au poste de travail et à la sécurité sur ce poste. Selon les risques associés, ceci peut conduire à la mise en oeuvre de formations dites « renforcées » à la sécurité, avec une orientation effectuée en fonction des risques mis en évidence. Nous conservons toutefois le devoir de vérifier l'effectivité des conditions de travail des intérimaires que nous mettons à disposition. Ce travail est intimement lié au niveau de maturité de l'entreprise utilisatrice et à son propre système managérial de la prévention, sachant que la pierre angulaire du dispositif de sécurité, pour le salarié intérimaire, reste son encadrement de proximité et le niveau de compétences sécurité de celui-ci. Pour accompagner les entreprises utilisatrices, nous mettons en place des engagements réciproques, des plans d'action partagés. Les recruteurs sont ainsi présents dans les entreprises utilisatrices, dans des cadres très précis faisant écho à une volonté du directeur d'agence de mettre en oeuvre un suivi spécifique sur une entreprise. Un tel accompagnement suppose que l'entreprise utilisatrice soit en phase avec l'agence. Nous avons également toujours la possibilité, à partir de la mise en lumière de certains risques, de procéder à des causeries avec les salariés, à des interviews sécurité pour savoir si un candidat est toujours sur le standard attendu. Nous avons ainsi la capacité, pour bon nombre de nos comptes, d'assurer ce suivi RH tout au long de la mission.

Pour autant, ce que je viens de vous décrire n'est pas valable partout. Si l'entreprise utilisatrice n'est pas à maturité, ce dispositif peut ne pas s'appliquer ; d'où l'importance du travail amont consistant à bien évaluer le candidat et à le sensibiliser au sujet.

L'autre limite à l'exercice, que nous voyons poindre avec l'évolution de l'activité et le développement de l'intérim – particulièrement sensible en 2017 –, est celle du nouveau venu dans l'environnement de travail. En effet, dans les bassins d'emploi où les taux de chômage se sont fortement réduits et où le vivier de compétences disponibles s'est de ce fait affaibli, le travail d'évaluation est d'autant plus difficile que nous sommes fréquemment confrontés à des candidats qui n'ont pas d'expérience de la vie en industrie.

Concernant plus spécifiquement votre sujet d'étude, il faut savoir que l'industrie reste aujourd'hui le donneur d'ordres principal dans l'activité d'Adecco, avec plus de 50 % du nombre d'heures travaillées. De façon assez classique, 95 % des affections professionnelles et des problématiques auxquelles nous sommes confrontés dans ce domaine concernent les troubles musculo-squelettiques (TMS). Les autres maladies sont essentiellement des questions de surdité et des pathologies correspondant au tableau 44 des maladies professionnelles, c'est-à-dire liées à l'inhalation de poussières ou de fumées contenant des particules d'oxyde ferreux dans les activités de soudure. Nous rencontrons aussi quelques dossiers relatifs à des expositions à l'amiante qui, une fois reconnus par la sécurité sociale, sont orientés en termes de réparation vers le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) et pour lesquels le rôle du préventeur est moindre, dans la mesure où les personnes souffrant de pathologies liées à l'amiante ont bien souvent cessé toute activité dans nos entreprises depuis le début des années 1990. Ces salariés sont passés dans nos entreprises à un moment donné de leur carrière ; c'est à ce titre que nous sommes sollicités. J'écarterai donc cette problématique de l'amiante de mon propos, pour des raisons non pas sociales – cette situation restant un véritable sujet dans notre pays –, mais techniques, dans la mesure où, en termes de prévention, cette question nous échappe du fait de l'antériorité des expositions.

Concernant plus spécifiquement les TMS, la technique de prévention a été travaillée depuis de nombreuses années. Elle est pluridisciplinaire et parfaitement définie par l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail (INRS). Dans le contexte de l'intérim, elle fait appel à une collaboration étroite entre l'agence d'emploi et l'entreprise utilisatrice, avec des descriptifs précis de la façon de procéder pour réduire les TMS, en trois étapes principales : mobilisation des acteurs, évaluation du risque, mesures ergonomiques associées.

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