Intervention de Florence Ducom

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 13h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Florence Ducom, responsable du département gestion des risques professionnels du groupe Randstad France :

Lorsque nous déléguons un salarié intérimaire, cela doit s'effectuer en toute sécurité. Nous mettons l'accent, comme nos collègues, sur la formation, les tests sécurité et divers autres dispositifs comparables à ceux développés par M. Boutinaud.

Je souhaiterais insister pour ma part sur les études de postes réalisées avec les entreprises utilisatrices. Nous nous rendons au sein de l'entreprise, notamment dans l'industrie, pour étudier concrètement le poste sur lequel nous allons pouvoir déléguer l'intérimaire : cette démarche revêt un aspect RH et un volet sécurité. Identifier les risques sur le poste nous permet de mieux former les intérimaires. Certains postes requièrent par ailleurs des formations règlementaires, sans lesquelles il n'est pas possible de déléguer un intérimaire. À ce titre, les études de postes sont un élément-clé de la relation de délégation et de la relation commerciale, puisque ceci nous permet éventuellement de sensibiliser nos clients à leurs propres défauts de sécurité et offre la possibilité aux entreprises utilisatrices de nous faire remonter un certain nombre d'informations.

Outre les causeries sécurité, le partage d'expérience se concrétise aussi par un rappel systématique de leurs droits et de leurs devoirs aux salariés que nous déléguons. Nous les informons notamment sur leur droit de retrait et leur devoir d'alerte, afin de les inciter à être eux-mêmes acteurs de leur propre sécurité et de la sécurité en général : nous les encourageons à nous alerter de situations qu'ils estimeraient dangereuses, avant d'activer éventuellement leur droit de retrait.

Nous avons en outre mené des actions spécifiques auprès de salariés bénéficiant de CDI intérimaires, en formant un certain nombre d'entre eux à être sauveteurs secouristes du travail, afin de devenir « ambassadeurs de la prévention ». Ceci nous permet d'inciter les intérimaires à être fidèles aux valeurs du travail en sécurité, qui doit être intégré à la ligne managériale, depuis la direction générale jusqu'aux responsables opérationnels, en passant par les salariés eux-mêmes, permanents comme intérimaires.

La formation des personnels permanents, déjà évoquée par M. Boutinaud, est également un point important pour nous. La profession a signé en mars 2017 un accord « santé et sécurité au travail » avec l'ensemble des partenaires sociaux, le précédent accord dans ce domaine remontant à 2002. La formation des permanents en a été l'un des points clés, puisque déléguer en sécurité suppose de savoir sur quels éléments être vigilant et comment mettre en oeuvre cette démarche. Toutes nos enseignes disposent – notre présence à tous en témoigne – d'une structure intégrant la prévention, avec un réseau de préventeurs, de responsables « santé et sécurité au travail ». Mais ceci n'est pas suffisant : étant donné le nombre de salariés délégués, nous nous devons de sensibiliser et de former l'ensemble de la ligne managériale à ces questions. Chez Randstad, nous avons signé dès 2016 une convention, valable à l'échelle nationale, avec la caisse régionale d'assurance maladie d'Île-de-France (CRAMIF). Ceci nous permet de disposer d'un référentiel pédagogique validé sur la formation des permanents à la sécurité, avec des formateurs dont les compétences sont agréées par la CRAMIF elle-même.

Randstad a inscrit ces valeurs de sécurité dans sa ligne managériale. Fin 2016 et début 2017, la holding a ainsi, au niveau international, demandé à toutes ses enseignes de respecter une charte de sécurité mondiale, dans l'objectif de réduire les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Nous disposons également, sur certains bassins ou secteurs d'activité, d'agences certifiées « manuel d'amélioration sécurité santé » (MASE) ou, pour le nucléaire, certifiées par le Comité français de certification des entreprises pour la formation et le suivi du personnel travaillant sous rayonnements ionisants (CEFRI). Or ces certifications prennent en compte les critères de respect de la sécurité.

Des outils d'analyse spécifiques ont par ailleurs été développés dans nos enseignes, plus précis que les outils classiques fournis au niveau national par les pouvoirs publics. Les éléments statistiques dont nous disposons nous permettent ainsi de cibler des entreprises avec lesquelles nous travaillons et de signer des conventions ou de mener des actions particulières avec elles.

Vous avez évoqué la question de l'accompagnement des salariés. Il faut savoir que notre branche dispose, outre le fonds d'action de formation dont il a été fait mention précédemment, du fonds d'action sociale du travail temporaire (FASTT), spécifique au secteur, permettant d'accompagner les salariés d'un point de vue social et administratif et leur donnant notamment accès à une ligne téléphonique d'accompagnement psychologique. Le parcours pour bénéficier d'une reconnaissance au titre d'une maladie professionnelle est en effet un véritable parcours du combattant et il est important que les salariés soient aidés dans leurs démarches. Je rappelle que la déclaration est, dans ce cas, de la responsabilité du salarié lui-même ; encore faut-il que celui-ci soit informé de la procédure à suivre, qu'il connaisse vraiment ses droits et que le médecin ait identifié la pathologie comme pouvant être d'origine professionnelle. Or il faut savoir qu'un médecin est, au cours de sa carrière, généralement confronté à peu de cas de maladies professionnelles. L'identification elle-même est donc compliquée. Lorsqu'elle est effectuée, il faut que le salarié sache comment procéder à une déclaration et comment reconstituer sa carrière. Le FASTT accompagne ces salariés dans leurs démarches administratives. Nous proposons également, par la suite, un accompagnement pour le retour à l'emploi.

Vous avez également abordé la question de la responsabilité juridique des entreprises et l'externalisation, via l'intérim, des postes dits « à risques » ou « pénibles ». Ce phénomène est une réalité. Il convient toutefois de souligner que, juridiquement, le partage de responsabilité existe vraiment : concrètement, en responsabilité civile ou pénale, l'entreprise utilisatrice peut être poursuivie lorsqu'un accident du travail ou une maladie professionnelle touche un intérimaire. Cette jurisprudence est appliquée. Le problème réside toutefois dans la responsabilité financière : statistiquement, 99 % des sinistres sont en effet payés intégralement et uniquement par les entreprises de travail temporaire. Ce dispositif n'est donc pas dissuasif pour les entreprises utilisatrices et ne les incite guère à agir en faveur de la prévention des risques. Il faut préciser que la réglementation en la matière est inchangée depuis 1992. Malgré les efforts effectués par les agences de travail temporaire, qui tendent à s'améliorer et à mettre en place des actions concrètes dans ce domaine, on constate que, si le nombre d'accidents du travail a baissé de plus d'un tiers au cours des dernières années, le nombre de maladies professionnelles baisse peu et tend à se stabiliser. Descendre sous ce seuil nécessite d'une part de poursuivre les actions engagées, d'autre part certainement d'envisager des évolutions en termes de responsabilité financière des entreprises utilisatrices.

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