Intervention de Isabelle Myard

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 13h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Isabelle Myard, responsable juridique de Valoris Développement :

La problématique des maladies professionnelles reste assez mineure dans notre réseau : en effet, nous identifions peu de sinistres. Les cas qui nous sont signalés concernent essentiellement les TMS, en particulier les pathologies des régions périarticulaires et les problèmes de dos.

Pour autant, nous craignons que ceci ne soit pas l'exact reflet de la réalité. Nous pensons en effet que certaines maladies professionnelles ne sont pas déclarées. Ceci peut être dû notamment au fait que les salariés ne connaissent pas toujours leurs droits.

Nous faisons face également à un problème lié au fait que les salariés intérimaires travaillent de façon discontinue, changent fréquemment d'entreprise et de poste. Or il n'existe aucune traçabilité de leur parcours. L'un des sujets sur lesquels nous sommes unanimes est la nécessité de mettre en place une telle traçabilité. Vous avez eu récemment l'occasion d'auditionner les services de santé au travail, qui ont évoqué la difficulté que représentent l'absence de fichier national et l'existence simultanée de différentes façons de gérer le risque d'une région à l'autre, ce qui rend les données de santé au travail difficilement consolidables au niveau national. Lorsque nous sommes, en bout de course, le dernier employeur, nous subissons la demande du salarié, qui se retourne naturellement vers son dernier employeur pour faire reconnaître sa maladie professionnelle, y compris s'il n'a effectué chez nous que quelques jours ou quelques heures de mission. Il va de soi que, faute de traçabilité, nous éprouvons les plus grandes difficultés à reconstituer le parcours professionnel du salarié. Commence alors un véritable parcours du combattant, avec des entreprises qui ne se sentent pas réellement concernées, voire n'ont pas envie de communiquer des informations puisque la personne n'est plus leur salarié. L'accompagnement du salarié dans la reconstitution de son parcours nous conduit parfois à nous lancer dans des procédures assez fastidieuses et coûteuses pour nos agences. Nous subissons ainsi les incohérences d'un système : nous ne pouvons pas être responsables sur l'affection longue et continue, mais pouvons néanmoins, en tant que dernier employeur, voir notre responsabilité engagée.

Nous sommes, en matière de sécurité, tenus à une obligation de résultat, point sur lequel nous insistons régulièrement auprès de nos franchisés. Lorsque nous réalisons des audits, nous veillons à ce que les obligations de sécurité soient intégrées dans le fonctionnement de l'agence et que les permanents aient conscience de ces obligations lorsqu'ils effectuent des visites de postes ou accompagnent les intérimaires sur site. Ils réalisent des suivis de missions dans le courant de la première semaine et s'engagent à appeler régulièrement les salariés délégués pour savoir si la mission présentée initialement est en adéquation avec la réalité du terrain. Il nous arrive de constater qu'un salarié intérimaire non titulaire du certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (CACES) se retrouve sur un chariot élévateur, alors que les caractéristiques de poste initiales ne le prévoyaient pas. Il est très important d'effectuer ce type de vérifications, afin de s'assurer que la réalité du poste est conforme à la description qui en avait été faite lors de la commande.

Nous identifions parfois des pratiques peu avouables de la part des entreprises utilisatrices, consistant à placer en intérim des salariés usés par le travail, afin de s'exonérer du coût du risque en faisant supporter les risques à l'entreprise de travail temporaire, dans la mesure où celle-ci devient alors l'employeur de ces salariés.

Forts de ces constats, nous serions très intéressés par la mise en place d'un dispositif permettant la traçabilité du parcours des salariés. Au demeurant, ceci éviterait que des permanents doivent poser des questions sur la vie privée du salarié lors des recrutements : par exemple, certains intérimaires déclarent des accidents du travail dans nos agences alors même qu'ils avaient été précédemment licenciés pour inaptitude. Si cette information avait été portée à notre connaissance à temps, nous aurions pu envisager une adaptation du poste ou proposer un autre poste. Aujourd'hui, lorsqu'un candidat se présente chez nous, nous ignorons tout de son parcours professionnel antérieur.

Nous identifions également un autre problème majeur, qui est la difficulté à obtenir des rendez-vous pour effectuer le suivi médical de nos salariés. Il est rare que nos agences parviennent à obtenir plus de deux ou trois rendez-vous par mois. Dans ces conditions, il devient quasiment impossible d'effectuer le suivi médical individuel renforcé, obligatoire avant l'embauche sur les postes identifiés par l'entreprise utilisatrice comme présentant des risques pour la santé. Nous sommes pointés du doigt par les syndicats comme ne réalisant pas le suivi médical de nos salariés dans les temps, mais nous ne disposons concrètement d'aucun moyen nous permettant d'en assurer l'effectivité, quelle qu'en soit notre volonté, et ce malgré la réforme récemment mise en oeuvre. Les nouvelles modalités, applicables depuis le 1er janvier 2017, ne nous permettent pas d'être complètement opérationnels sur ces questions aujourd'hui. Ce problème est régulièrement évoqué par nos agences : malgré des contacts réguliers pris avec leurs services de santé au travail, leurs demandes n'aboutissent pas et elles sont confrontées à une pénurie de rendez-vous. Je puis pourtant vous assurer de l'implication de nos franchisés et de leurs permanents et de leur volonté de promouvoir la sécurité et la santé au travail des salariés intérimaires.

Un autre levier possible de discussion est l'absence de transmission du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) par les entreprises utilisatrices. L'identification des postes à risques et des risques associés est obligatoire, mais nous peinons à obtenir ces documents. Aujourd'hui, le DUERP doit être tenu à la disposition des administrations, des représentants du personnel, du médecin du travail, de l'inspecteur du travail, mais l'entreprise de travail temporaire n'en dispose que si le client veut bien le lui transmettre. Fluidifier cette transmission nous permettrait de disposer d'une vision plus exhaustive de la prévention à mettre en place et de déléguer ainsi en toute sécurité.

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